Des canons silencieux

Lieu historique national des Forts-de-Lévis

Départ de la garnison britannique de Québec, 1871 Caricature illustrant le départ de la garnison britannique en 1871
© Recollections of Canada / W.O. Carlisle et C.B. Martindale / 1873

La construction des forts détachés commence au moment où les canons fratricides américains se taisent. Peu à peu, la menace de représailles armées contre le Canada s'estompe. Pour mettre un terme à ses rapports controversés avec les Américains, Londres utilise son arme la plus efficace : la diplomatie. En 1871, ses négociateurs signent le traité de Washington. Sur la scène européenne, les rivalités s'apaisent grâce à la médiation des Anglais.

La stratégie de défense de la pointe Lévy consistant à repousser une invasion par le sud perd ainsi sa pertinence. Dorénavant, la Grande-Bretagne laisse au gouvernement canadien le soin d'assurer la protection de son territoire. Dans le cadre de la stratégie militaire héritée de l'empire, Québec cède le pas à Halifax. Les troupes britanniques quittent définitivement la région de Québec, le 11 novembre 1871.

Soldats de la batterie B durant le camp de milice, en 1897 Soldats de la batterie B durant le camp de milice, en 1897
© Archives nationales du Québec / Philippe Gingras / P585, P162

Dans ce contexte, aucun des trois forts construits à grands frais n'abritera de garnison. L'efficacité de ces fortifications n'a donc jamais été mise à l'épreuve. Les forts tombent alors sous le contrôle de l'école d'artillerie (batterie B) de l'armée canadienne, dont les quartiers généraux se trouvent à la Citadelle de Québec.

Puisque le Canada n'a plus à craindre ses voisins du sud et que l'armée canadienne est affectée par des coupures budgétaires, aucun des forts ne dispose d'armement avant 1878. Cette année-là, la Grande-Bretagne s'inquiète de l'expansionnisme russe vers la Turquie et l'Inde, menace directe sur toutes ses colonies. Contre de telles attaques de cuirassés, le Canada se voit mal pourvu en armement et en installations modernes.

Canon rayé de type Armstrong Canon rayé de type Armstrong

La menace russe ne se matérialise pas, mais elle oblige le gouvernement canadien à reconsidérer sa stratégie défensive en fonction de la possibilité de menaces navales provenant d'outre-mer. Ce climat de tension fait craindre des raids et des bombardements navals sur les ports canadiens. En réaction à l'alerte russe, chaque fort reçoit une pièce d'artillerie rayée d'environ 17 cm, se chargeant par la culasse. Le canon Armstrong sera la seule pièce d'artillerie jamais montée sur le terre-plein du fort Numéro-Un. Ce canon rayé pouvait tirer un obus de quelque 40 kg à une distance de 5 km.

D'entrepôt à lieu historique national
Fort-Numéro-Un, avant la restauration Le fort Numéro-Un, avant la restauration
© Travaux Publics 

D'après un témoignage, le Fort- Numéro-Un aurait servi d'entrepôt de munitions et de lieu de casernement pour les militaires en attente de transport pour l'Europe au cours de la Première Guerre mondiale. Durant l'entre-deux-guerres et la Deuxième Guerre mondiale, le fort aurait continué à servir d'entrepôt.

En dépit de sa faible utilisation, le fort présente un intérêt historique indéniable. Partie intégrante du complexe défensif de Québec, il témoigne de l'évolution des techniques de fortifications, de la transition dans l'art militaire entre le classique et le moderne, entre le rempart continu et le fort détaché.

Sur le plan architectural, il faut admirer la qualité et la beauté de l'œuvre. Les passages souterrains, les caponnières avec voûtes en brique et l'escalier de la caponnière de gorge reposant sur des corbeaux ne constituent que quelques-uns des traits d'architecture susceptibles d'intéresser le visiteur.

Sous l'initiative de M. Paul Théberge, un groupe de bénévoles, Les Compagnons du vieux fort, déploie beaucoup d'efforts pour la sauvegarde du lieu durant les années 1960. En 1972, soit un siècle après la construction de la fortification, Parcs Canada entreprend d'importants travaux de stabilisation et de restauration. C'est ainsi que depuis 1982, le site ouvre ses portes, chaque été.

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