Les Iroquoiens de la région de Québec

Lieu historique national Cartier-Brébeuf

Les habitants de la province de Canada appartiennent sans aucun doute à l'univers culturel iroquoien dont ils sont, en quelque sorte, les gardiens de la porte orientale. Ils partagent les traits qui caractérisent tous les Iroquoiens. Cependant, leur situation géographique particulière les distingue de leurs cousins sur quelques aspects importants.

Une adoption tardive de l'horticulture

Les descriptions de Jacques Cartier sont très éloquentes à propos de l'existence de la culture du maïs, des haricots et des courges chez les Iroquoiens de la région de Québec. Pourtant, le climat de cette région permet une maigre moyenne de 135 jours consécutifs sans gel, ce qui est près de la limite des possibilités de la culture du maïs. Les gens de la région de Québec pratiquaient donc une horticulture qui laissait peu de marge de manœuvre lors de conditions météorologiques difficiles.

Un dessin de deux femmes amérindiennes préparant le maïs devant un champ. Culture du maïs par des Iroquoiens de la période pré-contact
© Videanthrop inc., Montréal

En Iroquoisie, l'adoption de l'horticulture s'est amorcée vers le 7e siècle de notre ère, chez les groupes du sud-ouest de l'Ontario. Elle s'est graduellement répandue vers l'est au cours des siècles subséquents. Par exemple, dans la région de Montréal, cette transition vers un mode de subsistance basé sur la production alimentaire s'effectue peu après l'an 1000 de notre ère. Les Iroquoiens de la région de Québec sont vraisemblablement les derniers Iroquoiens à prendre ce virage. Les plus anciens vestiges archéologiques de maïs dans cette région proviennent du site de la place Royale dans la Basse-Ville de Québec et d'un autre site du cap Tourmente, les deux cas étant datés du 13e siècle.

Les Iroquoiens de la région de Québec ont incorporé tardivement l'horticulture à leur mode de subsistance, peut-être en raison des contraintes climatiques de leur position nordique. Il semble que leur préférence pour les produits de la chasse ait duré plus longtemps que dans le reste de l'Iroquoisie et on peut imaginer qu'à l'époque de Jacques Cartier, la transition vers une économie productrice n'était pas achevée.

Un cas d'adaptation maritime chez les Iroquoiens

Une famille amérindienne fait cuire le poisson sur un feu de camp. Pratique de la pêche par des Iroquoiens du Saint-Laurent, vers 1300
© Videanthrop inc., Montréal

Même après l'adoption de l'horticulture, les Iroquoiens de la région de Québec continuent d'accorder une grande importance à une économie prédatrice. De plus, étant situés géographiquement à l'endroit où le fleuve Saint-Laurent amorce sa transformation graduelle vers la mer, les Iroquoiens de la région de Québec vont naturellement puiser une bonne part de leurs ressources dans les riches écosystèmes de l'estuaire. Ils y chassent les mammifères marins, spécialement le phoque du Groenland et le phoque commun, mais également les petites baleines comme le béluga et, possiblement, le marsouin. En plus, ils y pêchent des poissons comme le maquereau et l'esturgeon de mer. Enfin, ils y récoltent des coquillages, en l'occurrence des myes communes.

Lors de ses voyages, Cartier rencontre des Iroquoiens loin en dehors de leur pays d'origine et ces derniers font preuve d'une grande familiarité avec les régions de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent. L'archéologie confirme très bien ce fait et une bonne vingtaine de sites iroquoiens ont été trouvés jusqu'à ce jour dans l'estuaire du Saint-Laurent, en dehors de la limite orientale de la province de Canada. Ce sont généralement des camps de chasse. La plupart d'entre eux se regroupent dans deux ensembles situés de part et d'autre du Saint-Laurent, dans la région de l'embouchure du Saguenay. Un premier regroupement s'étale le long de la Haute-Côte-Nord entre Tadoussac et Les Escoumins, alors que le second se concentre sur l'île Verte et l'île aux Basques. Plus à l'est, dans la région du golfe, quelques occurrences sporadiques de sites iroquoiens parsèment le littoral de la Moyenne et de la Basse-Côte-Nord jusque dans le détroit de Belle-Isle. Du côté sud, aucune présence iroquoienne n'a été trouvée jusqu'à maintenant à l'est du Bic, vers la Gaspésie.

La mobilité des Iroquoiens de la région de Québec

L'idée d'une adaptation maritime se vérifie aussi quand on examine la nature des déplacements entrepris par les Iroquoiens de la province de Canada. Ces derniers couvrent régulièrement la distance entre les alentours de la ville actuelle de Québec et l'embouchure du Saguenay, ce qui fait un aller d'environ 200 km. On sait également qu'ils se rendent beaucoup plus loin sur la Côte-Nord ou encore au bout de la péninsule gaspésienne, où ils croisent Cartier en 1534. C'est une distance d'environ 700 km, aller seulement !

Plusieurs amérindiens ramant dans un canot sur une rivière. Déplacement en groupe des Iroquoiens
© Videanthrop inc., Montréal

Mais ce qui étonne le plus, c'est que les Stadaconéens se déplacent en grand nombre et en groupes familiaux. Quand Cartier les rencontre pour la première fois, en juillet 1534 à Gaspé, ils sont plus de 200 dans une quarantaine de canots. Selon les chiffres rapportés par le pilote malouin, ils sont donc environ cinq par canot, sans compter l'espace nécessaire pour transporter les vivres. De toute évidence, il ne s'agit pas d'une excursion de chasse ou de guerre par un groupe de quelques jeunes hommes, mais plutôt d'un type de mobilité qui s'adresse à tout un segment d'une population. On ne peut pas le qualifier de nomadisme, car l'autre partie de la population habite des villages semi-permanents dans la région de Québec, où elle s'occupe, entre autres choses, d'horticulture. Cela ressemble plutôt à une sorte de transhumance, c'est-à-dire un mouvement entre deux pôles, où une partie autonome d'une population se dirige, le temps d'une saison particulière, à l'extérieur des villages.

Dans le cas des Iroquoiens de la province de Canada, ils sèment leurs champs de maïs dès que la chaleur du début de l'été le permet. Puis, ils font leurs bagages avec les provisions qui n'ont pas été consommées au cours de l'hiver précédent. Par familles entières, ils partent en canot vers l'estuaire, et même plus loin, pour renouer avec leurs habitudes ancestrales de chasse au phoque et de pêche marine. Ils n'ont jamais voulu renoncer à ces habitudes, bien qu'ils aient intégré, depuis quelques siècles, la production horticole à leur subsistance. À la fin de la saison estivale, ils reviennent au Canada. Ils procèdent alors à la récolte du maïs, des courges, des haricots et ils se préparent à passer l'hiver au cours duquel les hommes organisent des expéditions de chasse à l'intérieur des terres. Puis, le cycle recommence.

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