Brûlage dirigé Eskerine : Phénix de la prairie
Parc national des Lacs-Waterton
Tout comme le phénix de la mythologie renaissait de ses cendres, les herbes de la prairie de Waterton naissent des cendres d'un feu allumé par les employés de Parcs Canada au printemps 2006. Pourquoi les employés du parc allument-ils des feux intentionnellement?
Pour répondre à cette question, il faut comparer les photos du passé et du présent. Elles montrent en effet que depuis 100 ans, un quart de la prairie du parc a été remplacé par des arbustes et des arbres. Avant 1900, des feux se produisaient dans la prairie tous les cinq à dix ans. La fétuque scabre, qui domine ici la prairie, s'est adaptée aux longs étés secs et aux feux fréquents en développant des systèmes radiculaires profonds. Les feux transformaient en cendres les matières végétales mortes et sèches, favorisant ainsi la croissance de nouvelles herbes et fleurs et prévenant celle des arbustes et des arbres en les détruisant ou en les émondant.
Ces avantages ont disparu pendant les nombreuses décennies au cours desquelles les feux ont été réprimés. Les employés du parc utilisent maintenant les brûlages dirigés pour rétablir la végétation de la prairie. Le fait de brûler les herbes et les branches mortes réduit également le risque de feux non maîtrisés qui peuvent menacer les gens et les installations dans le parc et les ranchs avoisinants. Le premier feu dirigé a été allumé en 1989 et a été suivi par divers petits feux lorsque les conditions étaient propices.
© Parcs Canada
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Le temps joue un rôle extrêmement important car il détermine non seulement le moment d'allumer un feu, mais également la façon de contrôler celui-ci. Des années peuvent passer avant que les conditions voulues soient réunies : temps, moment opportun et préparatifs. Par exemple, un léger vent est nécessaire pour faire avancer le feu dans la direction désirée, mais le vent ne peut pas être assez fort pour que le feu puisse traverser les coupe-feu. De plus, l'humidité relative est constamment surveillée car elle détermine la vitesse à laquelle le feu se propage.
Au début du printemps 2006, à la fin de la fonte des neiges, avant que les peupliers faux-trembles ne déroulent leurs feuilles et que la fétuque ne lance ses premières pousses vertes et pendant une accalmie des vents légendaires de Waterton, les gardes de parc ont finalement pu allumer le plus grand feu dirigé du parc sur 1 600 hectares de prairie entre la promenade de l'entrée, la promenade Red Rock et Bellevue Ridge.
Comme pour tous les brûlages dirigés, les préparatifs avaient commencé des années auparavant par un plan qui définit les aires prioritaires à brûler, les avantages et les risques, ainsi que les conditions météorologiques et les ressources nécessaires, les questions de sécurité, la gestion de la fumée et les communications.
Pendant que les gardes de parc attendaient que toutes les conditions soient réunies, les préparatifs allaient bon train. Pour s'assurer que le feu reste dans les limites prescrites, des coupe-feu ont été établis d'avance. Ceux-ci doivent être assez larges pour arrêter et bloquer le feu si les conditions changent de façon importante pendant le brûlage. Dans ce cas, on utiliserait la promenade de l'entrée, la promenade Red Rock, la rivière Waterton, de petits étangs et des bancs de neige pour contenir l'incendie. Les gardes ont créé des coupe-feu supplémentaires en allumant à des endroits stratégiques de petits feux pour brûler des aires le long du périmètre sous le vent du brûlage. Ces coupe-feu permettraient aussi aux gardes de diriger le feu loin de l'infrastructure située près du lieu du brûlage dirigé, soit dans ce cas plusieurs résidences du personnel, une ligne d'alimentation électrique et l'enclos de bisons.
© Parcs Canada
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Le 3 avril, les conditions voulues étaient réunies et les employés du parc se sont mis à l'ouvrage. Les conditions et les prévisions météorologiques locales convenaient au brûlage. L'hélicoptère est arrivé. Les employés du parc ont reçu un briefing et les rôles ont été définis. Les médias étaient sur les lieux pour parler de l'événement. La fumée était également une considération importante dans la planification et l'exécution du brûlage. Les collectivités et les propriétaires des environs ont été avisés d'avance et des mesures de contrôle ont été prises au cas où la fumée ou les flammes menacent la circulation sur les routes avoisinantes.
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La première étape consistait à élargir certains coupe-feu existants et à faire brûler de nouveaux coupe-feu le long des promenades. On a envoyé du matériel de lutte contre les incendies et des pompiers à un point clé du côté ouest du lieu du brûlage, près de la promenade Red Rock, afin d'établir des coupe-feu pour empêcher l'incendie de se propager dans la vallée Blakiston.
À bord d'un hélicoptère, le commandant du lieu de l'incident a coordonné l'allumage au sol et dans les airs. Une fois tous les coupe-feu et tous les pompiers en place, des dispositifs d'allumage à retardement ressemblant à des balles de ping-pong ont été lâchés depuis l'hélicoptère. De minuscules traînées de fumée ont été suivies par des flammes et le feu s'est propagé. Les petits feux ont fusionné et pris de l'ampleur et sont devenus par moments un haut mur de flammes.
© Parcs Canada
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En raison de la sécheresse de leurs aiguilles, les conifères se sont enflammés rapidement, tandis que les bosquets de peupliers faux-trembles, encore pleins de neige, ont résisté aux flammes. Les branches, les herbes et les arbustes morts ont été consumés mais la plupart des arbres ont survécu.
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© Parks Canada / Cyndi Smith
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Des centaines de wapitis se sont réunis et reniflaient l'air nerveusement. Au bout du compte, une femelle dominante a pris la tête de la harde et on a pu observer un long ruban de wapitis qui fuyaient les lieux et traversaient la promenade de l'entrée pour se réfugier dans le cône Blakiston.
Le feu a brûlé rapidement et intensément, recyclant ainsi les herbes accumulées en cendres riches en nutriments. Il s'est éteint en quelques heures et a brûlé environ 1 400 des 1 600 hectares prévus. De fortes pluies le lendemain ont aidé à éteindre le feu et les jours suivants ont été plus doux et ensoleillés.
Le noir a été remplacé en quelques semaines par des pousses vertes. Les wapitis sont revenus pour s'en régaler. Exception faite de quelques Douglas taxifoliés et d'arbustes de genièvre morts, de peupliers faux-trembles roussis et d'une absence remarquable d'herbes sèches, le feu avait laissé peu de traces. Les oiseaux chanteurs sont revenus, dont un plus grand nombre de rougegorges familiers et de merles-bleus, les fleurs sont apparues et les petits mammifères ont recommencé à chercher de la nourriture.
© Parcs Canada
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Feu d'esker et mont Vimy
© Parcs Canada
Les employés du parc continueront d'allumer des feux dirigés au cours des années à venir afin de renouveler certaines aires et de réduire le danger que présentent les feux irréprimés qui pourraient dépasser les limites du parc national des Lacs-Waterton.
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