Incidence du dendroctone du pin ponderosa
Incidence du dendroctone du pin ponderosa sur la dynamique des peuplements et des combustibles dans le parc national Kootenay
RÉSUMÉ
Le dendroctone du pin ponderosa (Dendroctonus ponderosae Hopk., le « dendroctone ») et le feu sont les principaux agents de perturbation naturelle dans les écosystèmes de pins tordus latifoliés de l’Ouest de l’Amérique du Nord. Un projet triennal de recherche, financé par le Forest Innovation Investment British Columbia (FII), a été lancé en 2001 par des chercheurs qui se spécialisent dans l’étude du feu et des scolytes au Centre de foresterie du Pacifique, à Victoria, en Colombie-Britannique. Ce projet visait à déterminer l’incidence du dendroctone sur la dynamique des peuplements et des écosystèmes dans toutes sortes de zones biogéoclimatiques, de peuplements et de régimes d’inflammabilité en Colombie-Britannique et en Alberta. En 2003, le gouvernement du Canada a versé des fonds supplémentaires dans le cadre du Programme sur le dendroctone du pin, un projet géré par le Service canadien des forêts, de Ressources naturelles Canada, afin de permettre la réalisation des travaux de recherche dans le parc national Kootenay. M. Terry Shore (Service canadien des forêts, Centre de foresterie du Pacifique) a délimité, en 1993, des placettes semi permanentes dans six peuplements dans le but d’y évaluer l’incidence de la flambée de dendroctones sur les conditions stationnelles. Cinq des peuplements choisis ont été repérés, et le personnel du Centre de foresterie y a effectué de nouvelles mesures en octobre 2003. Cet exercice a offert une occasion unique d’examiner les effets du dendroctone sur les écosystèmes du parc.
Sauf pour les trois dernières années et les deux feux survenus en 1917 et en 1926 dans la vallée de la Kootenay/Sinclair, une très petite superficie de terres seulement a été la proie des flammes durant la période allant de 1928 à 2002. En 2001 et en 2003, les feux ont brûlé un total d’environ 19 000 hectares, même si aucun de ces brûlis ne faisait partie du secteur touché par la flambée de dendroctones des années 90. Le Relevé des insectes et des maladies des arbres, tenu par le Service canadien des forêts, montre que les fortes pullulations de dendroctones se sont produites dans les années 1890, 1930 et 1980-1990. D’après une étude sur l’histoire du feu réalisée en 1988, les peuplements du lac Dog tirent leur origine des feux de renouvellement survenus entre 1750 et 1850. Les chercheurs ont estimé l’âge des pins tordus en ajoutant dix ans à l’âge établi à la hauteur de prélèvement de la carotte, soit 1,37 m (à hauteur d’homme). Dans les cinq peuplements, les pins tordus avaient en moyenne 108 ans; certains avaient entre 110 et 120 ans, tandis que d’autres, entre 65 et 75 ans. Ces derniers se sont probablement établis à la suite de la flambée de dendroctones survenue dans les années 30. Quelques vieux arbres avaient 200 ans, ce qui indique qu’ils se sont probablement établis à la suite des feux déclenchés entre 1750 et 1850. D’autres essences, comme le Douglas taxifolié, l’épinette blanche, l’aulne rouge et le peuplier faux-tremble, poussent aux côtés des pins tordus dans le couvert forestier. Une carte illustrant l’origine des peuplements, préparée par Alan Masters dans le cadre de sa thèse de maîtrise à l’Université de Calgary, révèle que les arbres des placettes du chemin Settler datent de 1917 et que ceux au lac Dog sont répartis en deux groupes : le premier, au sud, remonte à 1800, et le second, à 1820.
Étant donné qu’elle a pour effet d’éclaircir la forêt par le haut, la mortalité provoquée par le dendroctone influe sur la dynamique des forêts. Les variations de volume et de densité qu’entraîne une flambée de dendroctones, établies selon le diamètre du tronc, ont révélé que la mortalité provoquée par le dendroctone a surtout touché les pins tordus de fort diamètre. Aucun arbre de moins de 12,5 cm de dbh n’a été tué par le dendroctone en 1993. Ce scolyte est responsable de la mort de 69 % de tous les arbres tués. La flambée de dendroctones, qui a pris fin en 1993, a réduit de 43 % le volume de pins tordus dans le peuplement par rapport à ce qu’il était avant la flambée, et de 29 % le nombre de tiges vivantes. Comme le pin tordu ne représentait que 51 % du volume et 46,8 % des arbres du peuplement, l’incidence globale à l’échelle du peuplement est de beaucoup inférieure à ce qu’elle aurait été dans un peuplement pur de pins tordus latifoliés. La mortalité provoquée par le dendroctone a réduit de 21,9 % le volume du peuplement et de 13 % le nombre de tiges vivantes, toutes essences confondues. Une variation considérable de l’incidence du dendroctone sur le volume des peuplements et sur la densité des arbres a été constatée parmi les divers peuplements en raison des différences qu’ils présentent sur le plan de la structure.
En tout, 23,7 % des arbres qui étaient sur pied en 1993 étaient tombés en 2003. La plupart des arbres gisants ont été tués durant l’épidémie de dendroctones (75,5 %), mais une proportion importante de ces arbres étaient en vie une fois l’épidémie enrayée (24,5 %), ce qui révèle que d’autres arbres sont morts par le dendroctone entre 1993 et 2003. L’augmentation des taux de croissance chez les arbres qui ont survécu a donné lieu à un volume vivant qui est passé de 209 m3/ha en 1993 à 228 m3/ha en 2003. De 1993 à 2003, le volume d’arbres morts sur pied (chicots) avait diminué de 35 % si l’on tient compte de la chute des arbres morts. Ce résultat révèle que, en 2003, il y a un nombre considérable d’arbres morts sur pied qui ont été tués avant 1993.
De 1993 à 2003, la densité des pins tordus latifoliés vivants a diminué de 31 % (de 219 à 151 tiges par hectare) sous l’effet de la chute des chicots et de l’accroissement du nombre d’arbres tués par le dendroctone ou par d’autres sources. La densité des arbres vivants, toutes espèces confondues, a diminué de 16 % de 1993 à 2003 (de 657 à 554 tiges par hectare). C’est le pin tordu latifolié qui dominait dans la forêt avant la flambée de dendroctones, représentant 47 % des tiges vivantes; en 1993, ce pourcentage était passé à 33 %. En 2003, en raison de l’accroissement du taux de mortalité de 1993 à 2003, le pin tordu latifolié ne représentait plus que 27 % des tiges vivantes.
Quand il y a, dans le couvert forestier, des essences non hôtes, la mortalité provoquée par le dendroctone chez le pin tordu latifolié peut faire progresser la succession de la forêt de sorte à ce qu’elle contienne des essences qui vivent plus longtemps et qui tolèrent mieux l’ombre, comme l’épinette, le Douglas taxifolié et le sapin subalpin. Ce sont des espèces dont les cônes s’ouvrent pour libérer leurs semences, qui germent ensuite sur le sol forestier vierge et qui, grâce à l’éclairage partiel qui passe dans les trouées du couvert forestier, peuvent s’établir et pousser, pour atteindre plus tard le couvert. Les conifères non hôtes qui poussent aux côtés des pins tordus latifoliés du couvert forestier principal se composaient principalement d’épinettes blanches, de Douglas taxifoliés et de peupliers faux-tremble. Chez toutes les essences, la densité des arbres vivants avant la flambée de dendroctones s’élevait à 833 tiges par hectare pour passer à 554 tiges par hectare en 2003. En 1993, l’épinette blanche, le Douglas taxifolié et le tremble représentaient 32 %, 12 % et 6,7 % respectivement de la densité du peuplement. En 2003, ces pourcentages passaient à 50 %, 14 % et 8,5 %.
Nous n’avons pu évaluer les changements survenus de 1993 à 2003 au chapitre de la densité des gaulis et des semis et de la proportion des diverses espèces, étant donné qu’aucun échantillon n’avait été prélevé à l’origine pour mesurer le taux de régénération. L’analyse détaillée des tiges qui consiste à procéder à un échantillonnage destructeur pour dégager les taux de régénération précédents ne convenait pas si l’on voulait assurer l’intégrité des placettes d’échantillonnage permanentes. En 2003, la densité des arbres de la taille d’une perche (plus de 1,5 m de haut mais moins de 7,5 cm à hauteur d’homme) représentait en moyenne 592 tiges par hectare. L’épinette correspondait à plus de la moitié des espèces pour cette classe (311 tiges par hectare), et le tremble et le Douglas taxifolié, au reste (129 et 125 tiges par hectare, respectivement). Très peu de pins tordus latifoliés de la taille d’une perche étaient présents dans les placettes qui ont été remesurées (14 tiges par hectare). Les quelques autres tiges recensées par hectare étaient des aulnes, des bouleaux, des sapins subalpins et des mélèzes. La densité des semis (moins de 1,5 m de haut) s’établissait en moyenne à 1 106 tiges par hectare. L’épinette (536 tiges par hectare) et le Douglas taxifolié (510 tiges par hectare) représentaient la vaste majorité des semis, qui contenaient aussi, en petite quantité, des pins tordus latifoliés (46 tiges par hectare) et des sapins subalpins (13 tiges par hectare). Il n’y avait que très peu d’arbres en régénération qui mesuraient moins de 10 cm de haut (moins de 60 tiges par hectare, tous des épinettes et des Douglas taxifoliés). Le nombre peu élevé de semis de pins tordus latifoliés peut être attribuable à la dominance des cônes fermés, les feux de renouvellement de peuplements étant les types de feux perturbateurs les plus courants. Il se peut que la régénération du pin tordu latifolié ne se fasse pas dans le sous-étage en raison de l’absence d’un lit de semence convenable non perturbé par un feu de grande envergure.
En 2003, la charge de combustible ligneux de surface s’établissait en moyenne à 3,5 tonnes par hectare et à 44 tonnes par hectare pour les combustibles fins (≤7 cm de diamètre) et grossiers (>7cm de diamètre), respectivement. La charge de combustible ligneux grossier comprenait 35 % du volume d’arbres morts sur pied enregistré en 1993 sous l’effet de l’attrition des chicots survenue entre 1993 et 2003. Si l’on avait mesuré la charge de combustible ligneux grossier en 1993, les chiffres auraient été beaucoup plus bas que les estimations de 2003 étant donné que la flambée de dendroctones précédente avait eu lieu dans les années 1930 jusqu’au début des années 1940 (selon les données du Relevé des insectes et des maladies des arbres, Service canadien des forêts, Centre de foresterie du Pacifique, Victoria, Colombie-Britannique), et la plupart des arbres morts gisants de ces décennies ne seraient pas restés sur le sol forestier en raison de l’effet de 40 à 50 ans de décomposition. La séparation des couronnes d’arbres vivants par les arbres mots et les trouées créées par les arbres morts gisants ont pour effet de réduire le potentiel d’embrasement des cimes, même si l’accroissement de la charge de combustible de surface attribuable aux arbres gisants pourrait accroître l’intensité du feu, augmentant du coup le risque d’embrasement des autres arbres vivants. Aucun feu échappé de grande envergure n’a brûlé dans les secteurs touchés par le dendroctone durant la flambée de 1993.
Auteurs : Brad Hawkes, Chris Stockdale, Terry Shore, George Dalrymple, Leo Unger et Steve Taylor
Service canadien des forêts, Centre de foresterie du Pacifique, Victoria (Colombie-Britannique)
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