L'histoire du moulin à vent
Lieu historique national de la Bataille-du-Moulin-à-Vent
La bataille du Moulin-à-Vent, en 1838, a été un épisode sanglant de la lutte complexe opposant le « Pacte de famille » et les « Réformistes » pour le contrôle de la colonie britannique du Haut-Canada. Les membres du Pacte de famille, qui dirigeaient la machine de l'État et occupaient la plupart des postes gouvernementaux lucratifs, se considéraient comme les leaders naturels de la colonie, un peu à la manière de l'aristocratie britannique. Les réformistes, qui comptaient dans leurs rangs des professionnels, des marchands, des hommes d'affaires et des fermiers, avaient l'impression d'être privés de la part de pouvoir qui leur revenait tant il est vrai que le Pacte de famille ignorait leurs préoccupations.
William Lyon Mackenzie était l'un des Réformistes les mieux connus. Bien que son extrémisme fît sourciller la plupart des leaders réformistes, Mackenzie allait devenir le porte-parole de la réforme dans les années 1820 et 1830, grâce à son journal, le Colonial Advocate. N'ayant pas réussi à obtenir la moindre concession du Pacte de famille, Mackenzie adopta en fin de compte des positions encore plus radicales et alla même jusqu'à se prononcer en faveur d'un gouvernement républicain pour la colonie, ce qui lui valut d'être chassé des rangs des Réformistes.
Le point tournant du conflit dans le Haut-Canada fut l'élection des députés à l'Assemblée législative en 1836. Avec l'appui du lieutenant gouverneur, sir Francis Bond Head, les partisans du Pacte de famille n'eurent aucun mal à transformer la campagne en un test de loyauté envers la Couronne. La victoire du Pacte de famille et la défaite des Réformistes convainquirent Mackenzie et ses partisans radicaux que le temps était venu de fomenter une rébellion armée. Tout était donc prêt pour les événements de 1837 – 1838, qui ont mis en péril la survie du Haut-Canada en tant que colonie britannique.
© C.W. Jefferys, Musée du portrait du Canada
En dépit de ses qualités d'écrivain et d'orateur, Mackenzie n'était pas doué pour la politique. Il avait promis à ses partisans qu'une fois l'étendard de l'insurrection levé, des milliers de personnes se joindraient à eux. Il avait mal pris le pouls de la colonie : insatisfaction générale ne voulait pas dire appui à la rébellion. L'appel à la rébellion lancé par Mackenzie au début de décembre 1837 ne reçut pas l'appui anticipé et les autorités eurent tôt fait de mâter les rebelles.
Mackenzie et ses partisans s'enfuirent dans l'État de New York et leur évasion mit bien davantage la colonie en péril que leur tentative de rébellion. Beaucoup d'Américains, surtout dans les États du Nord, étaient convaincus que les colons canadiens étaient opprimés et qu'ils souhaitaient se débarrasser du joug britannique pour créer une république à l'image de la leur. Dès leur arrivée en sol américain, les radicaux catalysèrent ce sentiment anti-britannique et leur présence donna lieu à la naissance d'une organisation secrète dont les membres, portant le nom de Chasseurs, étaient actifs tout le long de la frontière, du Maine à l'Ohio. On estime que dans le seul État de New York, il y eut 283 loges de Chasseurs réunissant plus de 20 000 membres.
Les radicaux et leurs nouveaux alliés américains commencèrent à lancer des raids de l'autre côté de la frontière au début de 1838. En mai, un groupe de Chasseurs dirigé par le soi-disant « amiral de la marine patriotique », Bill Johnson, captura le vapeur britannique Sir Robert Peel tandis que celui-ci, qui remontait le Saint-Laurent à partir de Prescott, faisait escale pour charger du bois. Suite à cet événement, le commandant en chef des deux Canada, sir John Colborne, ordonna la réparation du fort Wellington, à Prescott, qui datait de la guerre de 1812, ainsi que la construction d'un nouveau blockhaus de bonne taille. Les travaux au fort débutèrent à la fin de l'été de 1838 et ils étaient assez avancés au moment de la bataille du Moulin-à-Vent pour permettre au fort Wellington de jouer le rôle qu'on en attendait.
Histoire
La bataille du Moulin-à-VentLe débarquement près du moulin à vent
Les jours suivants
Après la bataille
La bataille du Moulin-à-Vent
© Rene Schoemaker
En aval de Prescott, mais visible à partir de cette ville, se dresse encore de nos jours le moulin à vent aux épais murs de moellons qui fut au cœur de la bataille du Moulin-à-Vent, en novembre 1838. Haut de soixante pieds, il était situé au beau milieu du hameau de Newport qui comptait une dizaine de bâtiments, au sommet d'une pente abrupte s'élevant à trente pieds au-dessus du niveau du fleuve.
Quelques semaines à peine avant le débarquement à la pointe du Moulin-à-Vent, les dirigeants des Chasseurs de la partie nord de l'État de New York avaient pris la décision majeure d'envahir le Haut-Canada, choisissant d'attaquer la ville de Prescott. Leurs préparatifs complexes incluaient le rassemblement des hommes et des armes ainsi que leur transport jusqu'à la ville américaine d'Ogdensburg, en face de Prescott. Toutes ces activités devaient se dérouler dans le plus grand secret, car le gouvernement américain voyait d'un mauvais Sil une attaque américaine contre le Canada alors que les États-Unis et la Grande-Bretagne étaient en paix. En définitive, cependant, il fut impossible de garder le secret, car des espions s'étaient infiltrés parmi les Chasseurs et avaient pu communiquer aux autorités britanniques le lieu et l'heure de l'attaque contre Prescott.
Le débarquement près du moulin à vent
© Archives de l'Ontario
La tentative initiale d'invasion avait été un fiasco. Les événements qui se déroulèrent par la suite à la pointe du Moulin-à-Vent furent à la fois tragiques et sanglants. Les envahisseurs, au nombre de 250 environ, s'attendaient à ce que des renforts viennent grossir leurs rangs. Ils étaient bien équipés de fusils et de pièces d'artillerie, et ils avaient assez de munitions pour se battre quatre ou cinq jours. Le chef qu'ils venaient d'élire, Nils von Schoultz, semblait être le leader idéal pour une telle entreprise. La pointe elle-même constituait une solide position défensive et le moulin à vent offrait une vue plongeante sur la campagne environnante. Les troupes britanniques ne pouvaient en aucun cas les prendre par surprise. Les circonstances semblaient donc jouer en leur.
Les jours suivants
© Toronto Reference Library
Le mardi 13 novembre : Les autorités britanniques réagirent vivement à la nouvelle de l'invasion, réunissant à Prescott une petite troupe composée de miliciens locaux et de soldats bénéficiant du soutien des vapeurs qui patrouillaient le fleuve, prêts à faire feu sur le moulin à vent. Tôt le matin du mardi, les vapeurs ouvrirent le feu, mais il devint bientôt évident qu'ils ne pourraient pas causer de dommages sérieux à la structure. Vers 9 heures, les troupes britanniques, fortes de près de 600 hommes, se mirent en mouvement. Von Schoultz ordonna à ses hommes de rejoindre leurs positions et d'ouvrir le feu dès que les Britanniques seraient à portée de tir.
Si les Britanniques escomptaient une victoire facile, les Chasseurs eurent tôt fait de les détromper. Le combat dura cinq heures, au bout desquelles les Britanniques battirent en retraite, laissant aux Chasseurs le contrôle du moulin à vent. Un rapport subséquent fait état de 13 tués et de 78 blessés chez les Britanniques, et de 18 tués, 20 blessés et 26 prisonniers chez les Chasseurs.
Les mercredi et jeudi 14 et 15 novembre : Les Chasseurs avaient réussi à repousser l'attaque des Britanniques, mais leur situation était précaire. Ils avaient subi de lourdes pertes. Leurs munitions et leurs vivres étaient presque épuisés. Les renforts qu'ils attendaient d'Ogdensburg ne se matérialisaient pas. Et, pour comble, ils ne recevaient pas le soutien escompté des Canadiens mécontents. Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'est attendre le retour des troupes britanniques.
Le vendredi 16 novembre : Le moulin à vent permettait aux Chasseurs d'observer les Britanniques tandis qu'ils se préparaient en vue d'une deuxième attaque. Ce qu'ils avaient sous les yeux n'était sans doute pas de nature à les réjouir : plus d'hommes et des vapeurs plus nombreux et mieux armés se mettant en place pour l'attaque finale.
Celle-ci débuta à 15 heures 30, lorsque l'artillerie britannique entreprit de pilonner le moulin à vent. À ce moment, tandis que le ciel s'obscurcissait, les Britanniques, au nombre de mille, se mirent en route pour en finir avec les Chasseurs.
La bataille fut courte. Certains Chasseurs se rendirent rapidement, mais beaucoup opposèrent une forte résistance. Leurs efforts furent cependant futiles. À 18 heures, le combat était terminé, les Chasseurs survivants ayant déposé les armes ou pris la fuite sous le couvert de l'obscurité.
Après la bataille
L'invasion des Chasseurs fut une aventure lancée par un groupe d'hommes en quête de sensations fortes, motivés par l'idéal républicain, pour qui libérer les colonies canadiennes du joug britannique semblait un objectif louable. Ils apprirent trop tard que la plupart des Canadiens ne partageaient pas leur point de vue. Sur les 250 hommes débarqués à la pointe du Moulin-à-Vent le 12 novembre, 50 furent inhumés dans des fosses communes creusées à proximité. D'autres parvinrent à s'échapper et à retourner chez eux, de l'autre côté du fleuve, mais beaucoup furent capturés et emmenés à Kingston pour y être jugés.
Les procès et l'exécution des sentences prirent plusieurs mois. Quarante prisonniers furent acquittés et onze furent exécutés, dont Nils von Schoultz. Soixante furent condamnés et transférés dans une colonie pénale britannique, en Australie. Quatre-vingt-six autres furent condamnés, mais obtinrent ensuite leur pardon et furent autorisés à rentrer dans leur foyer.
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