Goûter dînatoire à l’époque victorienne

À quel point était-il difficile de planifier un goûter victorien ?

L’époque victorienne était caractérisée par des règles d’étiquette élaborées pour presque tous les aspects de la vie publique. Comment Mme King s’y retrouvait-elle dans ces règles pour planifier un goûter dînatoire de Noël ? Nous allons travailler sur le processus de planification d’un goûter dînatoire à l’époque victorienne, en nous penchant sur les différentes règles qui auraient influencé l’organisation de Mme King.

Qu’est-ce qu’un goûter ?

Pour les Victoriens de la haute société, le thé de l’après-midi était un repas léger servi entre le dîner, à midi, et le souper, à 20 heures. Le thé organisé dans l’après-midi comprenait des pâtisseries comme des biscuits, des bonbons et des gâteaux, ainsi que des sandwiches, des fruits et des noix.

Par rapport à un dîner, un goûter dînatoire était moins formel et plus facile à gérer. Lors d’un thé, tous les aliments pouvaient être disposés sur la table en même temps, au lieu de servir des plats. De plus, un goûter dînatoire pouvait accueillir plus d’invités qu’un souper. L’organisation d’un thé représentait tout de même du travail et beaucoup de décisions devaient être prises concernant le décor, le menu et les activités à faire, sans oublier les devoirs d’une hôtesse le jour même.

Qui inviteriez-vous à prendre le thé de l’après-midi?

Cela dépend de la raison pour laquelle le thé était organisé. Un goûter était avant tout une rencontre sociale. L’organisation d’un thé pouvait se limiter à la visite de quelques amis pendant un après-midi, ou consister à inviter toutes les personnes de votre cercle social. Pendant la période des Fêtes, un grand thé pouvait être l’occasion de remplir toutes ses obligations sociales en un après-midi. Mme King était une hôtesse renommée à Berlin, il n’était donc pas surprenant qu’elle invite tout son cercle social à un grand thé des Fêtes!

La manière de remettre les invitations à un goûter était laissée à la discrétion de l’hôtesse. Une invitation pouvait simplement consister à informer ses amis de l’événement, ou à envoyer des invitations écrites. Certaines hôtesses écrivaient l’heure et la date du thé au dos de leur carte de visite, qu’elles laissaient lors de leurs visites à leurs amis.

La nourriture

Bien qu’il s’agisse d’un thé, c’est la nourriture qui fait la réputation d’un goûter. Les plats servis lors du thé de l’après-midi étaient censés être délicats et faciles à manger avec les doigts. Il était courant de voir des sandwiches salés et des pâtisseries sucrées comme des gâteaux et des bonbons. Certains livres de cuisine de l’époque proposent de servir des sandwiches aux crevettes ou aux anchois et insistent sur l’utilisation des meilleurs ingrédients pour vous aider à impressionner vos invités. Le choix du goûter à servir se résume à ce qui est disponible et à ce qu’une hôtesse, ou une domestique, peut préparer.

Pendant les Fêtes, on pouvait déguster divers plats des Fêtes servis avec le thé habituel. Mme King devait probablement agencer sa table avec un mélange de pâtisseries écossaises et allemandes, reflétant l’héritage écossais de la famille et la communauté allemande de Berlin, aujourd’hui Kitchener.

Le pain et le beurre ou les sandwiches au concombre étaient un élément de base du thé de l’après-midi, mais pas à cause de leur saveur. Ces sandwiches étaient signe de prestige! Les deux sandwiches ont peu de valeur nutritive. Les manger était donc un signe que vous n’aviez probablement pas un métier physique – vous exerciez peut-être la profession de médecin ou d’avocat, plutôt que d’agriculteur ou d’ouvrier.

Les activités

Outre le fait de manger et de boire, il y avait souvent une activité ou un jeu lors d’un goûter. Les activités pouvaient varier. Une publication de l’époque relate un goûter où l’hôtesse a fait dessiner à ses invités des caricatures des trois invités présents. Les meilleurs portraits ont été récompensés par de petits prix, et l’artiste le moins talentueux a reçu une gomme à effacer.

La danse était fréquente lors des goûters. Nous savons que le salon du roi pouvait être aménagé pour la danse. Mme King préparait donc probablement des carnets de danse lors d’un thé!

Mettre la table

Mettre une belle table était essentiel pour organiser un thé. À l’époque victorienne, on accordait beaucoup d’importance à l’hospitalité et à l’exposition de sa richesse – même lorsqu’on n’était pas riche. Quand on organisait un thé, on utilisait sa plus belle porcelaine et ses plus jolis plats de service pour impressionner ses invités. Il n’était pas rare de voir une table dressée avec un mélange de porcelaines de différents services; l’hôtesse pouvait ainsi montrer qu’elle ne possédait pas uniquement un mais plusieurs services de porcelaine.

De nombreux journaux de l’époque soulignent que les nappes, les serviettes de table et les linges devaient être de bon goût et mettre en valeur la porcelaine. Les journaux suggèrent également de placer un grand morceau de feutre ou de flanelle entre la table et la nappe, pour ajouter du volume et obtenir « le meilleur effet de drapé ». Cette astuce est recommandée lorsque l’on utilise des nappes moins chères, pour donner l’impression d’une meilleure qualité.

Quelle tenue une dame portait-elle à un thé?

En tant qu’hôtesse, il convenait de montrer ce que l’on possédait de mieux, y compris en matière de vêtements! À la fin du XIXe siècle, les robes pour aller prendre le thé étaient incroyablement populaires. Un journal indique que « la robe la plus à la mode [...] pour recevoir est la robe pour le thé ». Une robe pour le thé est une robe légère et fluide qui n’est pas aussi formelle qu’une robe de soirée, mais suffisamment formelle pour être portée en compagnie. Ces robes avaient aussi l’avantage d’être plus amples, ce qui signifie que les dames n’avaient pas nécessairement besoin de porter un corset. Cependant, les robes pour le thé pouvaient aussi être très élaborées et très chères. En tant qu’hôtesse, on pouvait choisir de porter une robe ou une jupe et un chemisier plus ajustés, ce qui est également une tenue à la mode en 1891.

En tant qu’invitée, il convenait également de porter ses plus beaux vêtements. Tout comme leur hôtesse, les invitées voulaient donner une impression de richesse. Un grand thé pouvait être une bonne occasion de porter une nouvelle robe ou un nouveau chapeau.

Qu’en était-il pour les messieurs?

Tout comme aujourd’hui, les vêtements des hommes étaient moins élaborés que ceux des femmes. À moins qu’il ne s’agisse d’un thé très formel, les messieurs portaient un complet. Le complet est un prédécesseur du costume moderne trois pièces. Ces costumes étaient souvent disponibles en prêt-à-porter, et dans divers modèles. Les hommes pouvaient utiliser des cravates et des gilets pour ajouter de la couleur.

Les cols de chemise étaient souvent amovibles. Cela permettait de les laver plus facilement et de les amidonner séparément de la chemise. On pouvait également les jeter lorsqu’ils étaient usés. Les cols amovibles permettaient aux chemises de durer plusieurs années.

Comment boire correctement une tasse de thé

Pour vous rendre à un thé, vous deviez savoir boire correctement une tasse de thé. Voici ce que préconisent les règles de l’étiquette :

• Il faut tenir la tasse de thé avec le pouce et un ou deux autres doigts. Il n’est pas nécessaire de lever le petit doigt.
  
• En position assise, lorsque vous ne buvez pas votre thé, placez votre tasse sur la soucoupe. En position debout, vous pouvez tenir la soucoupe. Vous ne devez pas tenir le fond de votre tasse dans votre main.
  
• Lorsque vous buvez, vous devez regarder votre tasse de thé, jamais par-dessus.
  
• Lorsque vous mélangez, ne heurtez pas le bord de la tasse avec votre cuillère. Lorsque vous ne l’utilisez pas, votre cuillère doit reposer sur la soucoupe, selon un angle de 15 degrés derrière la tasse de thé et à droite de l’anse. Vous ne devez jamais boire votre thé avec la cuillère dans la tasse.
  

Le moment adéquat pour ajouter du lait au thé fait l’objet d’un débat. Traditionnellement, on mettait le lait dans la tasse avant le thé pour éviter que le vernis des tasses ne craquèle. Ce problème ne se pose cependant pas avec les tasses de thé modernes.

Étiquette pour manger

Tout comme il existe des règles d’étiquette pour boire le thé, il y en a aussi pour manger. Voici ce que préconisent les règles de l’étiquette :

• Vous devez déplier votre serviette et la poser sur vos genoux. Si vous quittez votre siège, placez la serviette sur votre chaise. N’essuyez jamais votre visage avec une serviette en tissu, surtout si vous portez du rouge à lèvres. Le rouge à lèvres peut tacher une serviette.
  
• Consommez les aliments par petites bouchées. Le thé est une circonstance sociale; il convient de participer de son mieux à la conversation.
  
• Vous pouvez manger avec les doigts, mais préférez des fourchettes pour les aliments plus salissants. Une dame doit enlever ses gants avant de manger.
  
• La consommation de certains aliments, comme les scones, est régie par des règles propres. Les scones doivent être ouverts avec un couteau. Une fois que ce couteau a été utilisé, il doit être placé sur un porte-couteau, à côté de votre assiette. Les scones étant normalement servis avec de la confiture ou de la crème, utilisez la cuillère de service pour déposer la garniture dans votre assiette. Utilisez votre cuillère pour étaler la confiture ou la crème sur votre scone; n’utilisez jamais la cuillère de service.
  

Que faisait une hôtesse lors d’un thé?

Bien que les coutumes varient, l’une des principales tâches consistait à accueillir ses invités à leur arrivée. L’hôtesse accueillait habituellement ses invités à la porte. Elle serrait la main de chaque invité à l’entrée et échangeait des salutations. Si le thé était organisé en l’honneur de quelqu’un, l’invité d’honneur se tenait avec l’hôtesse pour qu’elle puisse effectuer les présentations auprès de ses autres invités.

Une hôtesse devait en outre s’assurer du confort de tous ses invités. Bien qu’elle serve rarement le thé elle-même, l’hôtesse veillait à ce que les boissons et la nourriture soient disponibles et renouvelées selon les besoins.

Enfin, elle assurait le déroulement des activités ou des jeux qu’elle avait prévus et socialisait! C’était là tout l’intérêt d’organiser un thé. L’hôtesse souhaitait avoir l’occasion de demander les dernières nouvelles à ses amis.