Au sujet d’un jeune caribou et d’esprits anciens
Le site culturel Many Caches est un trésor au cœur du Parc national Tuktut Nogait.
Dans l'Arctique, l'air sec clair fait en sorte que parfois des montagnes et des glaciers distants semblent très proches. Quelque chose de semblable se produit sur les sites archéologiques de l’Arctique : le passé semble vivement proche
Pour les Inuvialuits (le peuple de l’ouest de l'Arctique du Canada), le site connu sous le nom de Many Caches est justement un tel endroit. Pour les Inuvialuits, l’ancien camp de chasse fait partie d'un passé vivant qui doit être documenté et protégé.
Les archéologues de Parcs Canada Sharon Thomson et Stacey Taylor comprennent également le pouvoir de Many Caches. Elles se souviennent d’un jour passé là en compagnie de Normand Kudlak Jr., un surveillant inuvialuit local de la faune.
Un brouillard épais a pris la place pendant que l'équipe travaillait. Après avoir placé une offrande de tabac sur le lieu, elles sont retournées au camp. Juste alors, un caribou femelle est sorti du brouillard à moins de cinq mètres de distance, puis a disparu dans la brume.
« C’était très évocateur des générations passées et de leurs relations avec les animaux qui les soutiennent », dit Mme Thomson. Madame Taylor ajoute, « C’était incroyablement émouvant. »
La place du jeune caribou
Le Parc national Tuktut Nogait abrite les terrains de mise bas de la harde de caribous de Bluenose West (« Tuktut Nogait » signifie « jeune caribou » dans la langue des Inuvialuits).
Le premier objectif de la création du parc était de protéger le caribou, un animal vital pour le mode de vie des Inuvialuits.
Mais protéger ce mode de vie signifie également protéger le patrimoine culturel qui l’accompagne.
À cette fin, le Conseil de gestion Tuktut Nogait – qui comprend des personnes nommées par les Inuvialuits, les Sahtugot’ines (people de Déline) et le gouvernement – ont demandé aux archéologues de Parcs Canada d'enregistrer les caractéristiques de Many Caches. Le but était de préparer une stratégie de surveillance et de protection du site.
Stacey Taylor, Norman Kudlak et Sharon Thomson sur le site à Many Caches
Mme Thomson et Mme Taylor ont commencé à travailler à Many Caches en juillet 2017, enregistrant le site au moyen de photographies, de notes de terrain et de dessins.
« C'est très renversant », dit Mme Taylor, une archéologue du patrimoine anishinaabe qui travaille principalement en Ontario.
« Je n'ai jamais vu un site aussi vaste – et sans arbres pour l'éclipser. »
Many Caches tire son nom de douzaines de structures de pierre situées sur le site qui étaient utilisées par les habitants pour cacher de la viande de caribou.
Le site contient également des supports pour kayaks, des caches de chasse, des anneaux de tente et des artefacts de bois et d'os.
C'est un endroit parfait pour un camp de chasse, puisque le site surplombe un passage de caribous sur la rivière Hornaday.
Une archéologue décrit Many Caches
« Many Caches se révèle lentement.
Lorsque vous approchez le site le long d'une crête de calcaire élevée, votre attention est saisie par la rivière Hornaday apparaissant au bas. Un jour ensoleillé, les couleurs saturées de l'eau bleue étincelante contre la plaine verte veloutée sont magnifiques.
Sur la crête, le paysage arctique semble brisé uniquement par des piles de pierres basses ou le saule occasionnel surgissant d'un creux protégé. Mais alors, vous réalisez que les piles de pierres sont des caches – de grosses structures d’entreposage voutées, habilement fixées ensemble au moyen de plaques de calcaire.
Lorsque vous avancez vers le centre du site, vous commencez à voir les caches partout […] »
Les scientifiques travaillent toujours à établir l'âge du site. Deux fragments d'os de caribou trouvés ont été datés par le radiocarbone comme ayant 250 ans et 400 ans.
Mme Thomson dit que le site semble avoir été utilisé de façon répétitive pendant une très longue période. Il a probablement été utilisé par la population côtière qui venait à l’intérieur durant l'été et l’automne pour chasser le caribou et pour pêcher, retournant à la côte en hiver.
« Nous ne sommes pas des chasseurs, et nous ne connaissons donc pas toutes les nuances du comportement animal »
M. Kudlak, en provenance de la collectivité avoisinante de Paulatuk, a partagé ses connaissances des plantes locales et des pratiques de chasse des Inuvialuits.
« Il était très intéressant d'obtenir la perception des choses de Normand », dit Mme Thomson. « Nous ne sommes pas des chasseurs, et nous ne connaissons donc pas toutes les nuances du comportement animal. »
Camper sous le soleil de minuit à Many Caches
Elle donne l'exemple d'un aménagement de pierre qui a suscité l’intérêt des archéologues : pourrait-il s’agir d’une cache de chasse?
M. Kudlak le croyait – et s’est placé derrière la cache pour démontrer comment les chasseurs auraient pu l’utiliser pour surveiller la faune.
Les scientifiques étaient encouragés par le soutien et l'intérêt des Inuvialuits locaux, en particulier des aînés. « Vous ressentez un fort sentiment de la fierté et du respect des peuples pour ce que leurs ancêtres ont fait », dit Mme Thomson.
Pour Mme Taylor, la visite du site a été un point saillant de sa carrière. Elle a écrit que le fait de découvrir des artefacts est comme « serrer la main des ancêtres ». À Many Caches, les ancêtres semblent être là, dans l’ombre mais réels, se livrant aux activités quotidiennes de leur vie.
« En tant qu'archéologue, j'apprécie grandement l'importance de maintenir un lien avec le passé. Le fait de marcher parmi les esprits à Tuktut Nogait a réaffirmé cette conviction. »
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