Conserver la population de loups de l’Est dans le parc national de la Mauricie
Jadis, l’habitat du loup de l’Est (Canis sp. cf. lycaon) s’étendait sur tout l’est de l’Amérique du Nord. Cependant, en raison de la colonisation, des nombreux efforts d’extermination et de peurs non fondées, son habitat et sa population ont chuté. Le loup de l’Est ne se retrouve plus qu’ en Ontario et au Québec. Depuis 2001, il est classé sur la liste des espèces en péril au Canada. Pour freiner son déclin au parc national de la Mauricie, les employés ont vite compris qu’il ne suffisait pas seulement de l’étudier, il fallait aussi impliquer et consulter les humains.
Les sciences sociales appelées en renfort
Le loup de l’Est occupe une place importante dans l’écosystème du parc national de la Mauricie. Il se nourrit de proies comme le castor, le cerf de Virginie et l’orignal et aide ainsi à maintenir les populations de ces espèces à des niveaux viables. Cette prédation contribue à préserver la diversité et la richesse de la végétation dans le parc de même que l’intégrité écologique de l’ensemble de l’écosystème forestier.
Une vaste recherche scientifique a été réalisée pour mieux connaître l’écologie et la situation de cette espèce dans le parc. De fait, la protection des deux meutes de loups qui fréquentent le parc n’est pas assurée. Le territoire d’une meute varie entre 500 et 700 km 2. Les deux meutes occupent ainsi des territoires qui excèdent les 536 km2 protégés par le parc. Lors de leurs déplacements, les loups sont vulnérables aux accidents routiers, ainsi qu’à la chasse et au piégeage qui s’effectuent sur les terres adjacentes.
Un programme d’interprétation et de communication a été développé pour sensibiliser le public à l’importance de la protection de la population de loups du parc. Pour adapter efficacement le message à chacun des publics cibles, les responsables du parc ont sollicité des spécialistes en sciences sociales de Parcs Canada. Ces spécialistes ont évalué les dimensions humaines et sociales à l’égard de la conservation du loup.
Écouter avant de consulter
Dès le début, Marie-Andrée Leith, analyste principale en sciences sociales, s’est perçue comme une intermédiaire entre les communautés et le parc. Elle ne s’est pas contentée de développer sa méthodologie en vase clos. En assistant à des ateliers locaux, elle a écouté les participants provenant de groupes dont les activités affectent directement l’espèce. « Parler du loup avec les communautés, c’est délicat. Le loup est un sujet sensible, il ne laisse personne indifférent » dit-elle. En tenant compte des enjeux et des diverses perceptions et intérêts, des questionnaires ont été développés et validés avec les responsables du parc et les représentants des communautés. Ensuite, une vaste consultation a été lancée auprès des chasseurs, des trappeurs, des résidents de la région ainsi que des visiteurs du parc pour étudier leurs attitudes, perceptions, connaissances et comportements vis-à-vis le loup.
Outres les groupes locaux, plusieurs autres partenaires ont participé et collaboré au projet, par exemple, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec et l’Université Memorial. La méthodologie utilisée s’est basée sur le travail du groupe de recherche sur les grands carnivores en Europe de la Commission de la survie des espèces de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN).
Le loup, un grand méconnu ...
La consultation a révélé entre autres que le nombre de loups dans le parc était surestimé. « Avant l’activité, je ne désirais pas protéger le loup, parce que je ne croyais pas qu'il était en danger. Je croyais qu'il y avait environ 300 loups dans la région. Maintenant, je pense que c’est important que Parcs Canada continue ses efforts pour le protéger, ça fait partie de son mandat » (propos recueillis auprès d’un répondant).
En réalité, le parc ne compte qu’une vingtaine de loups (deux meutes de 5-10 loups). En plus d’acquérir de nouvelles connaissances lors de la consultation, la majorité des participants (75 %) a même reconnu l’importance de protéger les populations de loup dans la région.
Cette recherche participative a permis d’engager activement divers groupes dans la protection d’une espèce. En les faisant participer à toutes les étapes, les groupes se sont approprié le projet et ses résultats. Ils désirent désormais être informés des développements concernant la gestion du loup. Cette démarche novatrice a produit des résultats encourageants pour les gestionnaires du parc et a suscité l’intérêt de d’autres parcs à travers le pays.
…mais qui gagne à être connu!
Pour que les programmes de conservation soient des réussites, les gestionnaires doivent bien comprendre les perceptions, les valeurs et les comportements de leur clientèle et leur transmettre l’information adéquate.
À la lumière des résultats de la consultation, les spécialistes en éducation peuvent davantage cibler les messages en fonction des différents auditoires. C’est aussi un modèle inspirant pour développer d’autres messages de sensibilisation.
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