Les poissons du parc national Banff
Avant le XXe siècle, il n’y avait pas de poisson dans la plupart des lacs des parcs nationaux des montagnes. Lors d’une étude réalisée dans les parcs nationaux Jasper, Banff et Yoho ainsi que dans les parcs nationaux des Lacs-Waterton, du Mont-Revelstoke et des Glaciers, des chercheurs ont découvert que plus de 95 % des 1 464 lacs recensés étaient dépourvus de poisson avant leur ensemencement au XXe siècle. Seuls quelques lacs soutenaient des populations naturelles, et il s’agissait de communautés simples d’une à quatre espèces de poissons, selon la superficie, l’altitude et l’exposition du lac.
Histoire de l’ensemencement
Par une journée chaude en 1925, le camion d’une écloserie qui transportait 45 000 alevins de truites brunes est tombé en panne sur la Transcanadienne, juste à l’est de Banff. Craignant que sa cargaison ne périsse dans son camion, le chauffeur a opté pour ce qui lui semblait être la meilleure solution : il a relâché les jeunes truites dans un cours d’eau avoisinant. Les truites brunes ont suivi le courant jusqu’à la rivière Bow, et c’est là que vivent leurs descendants depuis.
Même s’il s’agissait probablement de l’introduction la moins planifiée, ce n’était pas la première tentative d’ensemencement des eaux du parc national Banff. Dès le tournant du siècle, des employés du Canadien Pacifique avaient déjà introduit des ombles de fontaine et des truites arc-en-ciel dans la rivière Bow. Les anecdotes entourant l’abondance du poisson dans les eaux du parc attiraient les touristes, qui affluaient dans des trains bondés. Il a fallu ensemencer des cours d’eau pour apaiser l’appétit vorace des pêcheurs – et des pêcheuses – du parc. En 1906, l’une de ces femmes se vantait même de pouvoir empiler dans son panier de pêche 13 truites d’une demi-livre à deux livres en l’espace d’une heure.
Une telle abondance ne pouvait toutefois pas durer. Les eaux froides et souvent limoneuses des montagnes ne peuvent pas soutenir de grandes quantités de poissons. Bon nombre des espèces exotiques introduites n’ont pas survécu. Par contre, d’autres s’en sont très bien sorties dans leur nouveau milieu, au point de créer une situation alarmante : les populations de poissons indigènes, incapables de livrer concurrence aux espèces introduites pour la nourriture et les frayères, ont commencé à péricliter.
On ne peut pas défaire ce qui a déjà été fait, mais on peut en tirer des leçons. De nos jours, les eaux du parc ne sont plus ensemencées en poissons non indigènes. Comme elles ne peuvent pas soutenir naturellement d’importantes populations de poissons, les pêcheurs sont invités à remettre leurs prises à l’eau. Plus il y aura de poissons qui réussissent à « se sauver » aujourd’hui, plus il y en aura pour les années à venir.
Effets de l’ensemencement sur les eaux du parc
Les programmes de gestion des pêches instaurés dans le parc national Banff par le passé visaient à fournir de bonnes possibilités de pêche. Pour atteindre cet objectif, les gestionnaires de l’époque ont introduit d’énormes quantités de poissons d’élevage dans pratiquement tous les plans d’eau accessibles du parc. Ces eaux renfermaient de nombreux stocks génétiques rares de poissons et d’autres organismes. Les espèces introduites étaient considérées comme des poissons de sport supérieurs ou des compléments inoffensifs aux stocks indigènes. Les gestionnaires des pêches avaient la quasi-certitude que les poissons introduits prospéreraient dans le vaste éventail de conditions réunies dans l’habitat du parc.
Si les espèces introduites se multiplient et favorisent une pêche récréative active, les espèces indigènes, elles, connaissent un déclin inquiétant. La situation de la truite fardée versant de l’ouest et de l’omble à tête plate, deux espèces indigènes du parc, est préoccupante. Le naseux des rapides de Banff, qui n’était présent nulle part ailleurs que dans le parc national Banff, a été inscrit sur la liste des espèces disparues par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).
L’introduction de poissons dans des lacs qui en étaient auparavant dépourvus a également modifié la structure des communautés locales. Depuis le début du XXe siècle, près de 40 millions de poissons ont été introduits dans le bassin hydrographique de la Bow, qui se trouve dans le parc national Banff. L’ensemencement des eaux du parc a cessé en 1988. Bien que de nombreuses tentatives d’introduction se soient soldées par un échec, on constate aujourd’hui qu’une espèce de crevette, la truite fardée de Yellowstone, l’omble de fontaine, la truite arc-en-ciel et la truite brune sont les espèces prédominantes dans les nombreux lacs et ruisseaux où ils ont été introduits.
Le lac Minnewanka a été ensemencé de 1901 à 1972. Il est estimé que plus de 17 millions d’œufs et d’alevins de touladis, de saumons de l’Atlantique, de ciscos, d’ombles de fontaine, de truites fardées, de truites moulacs, d’achigans à petite bouche, de grands corégones et de truites arc-en-ciel ont été introduits dans les eaux de ce lac. Des études sont en cours pour déterminer les effets à long terme de l’ensemencement et de la pêche à la ligne sur la santé globale de nos écosystèmes aquatiques.
Observation des poissons
Un autre moyen de profiter des poissons dans le parc national Banff consiste simplement à les observer. Bien sûr, il faut savoir où chercher. Si vous faites de la randonnée près du point de décharge ou d’entrée d’un lac alpin en juin, vous apercevrez peut-être des truites fardées en train de frayer. En pagayant sur la rivière Bow, il se peut que vous voyiez un omble à tête plate au repos au fond de l’eau ou un banc de ménominis de montagnes qui cherche de la nourriture tout en se laissant entraîner par le courant.
Si vous avez du cœur au ventre, vous pourriez même faire trempette pour voir les poissons de plus près. Des plongeurs prétendent avoir aperçu un touladi géant dans les profondeurs boueuses du lac Minnewanka – un poisson qui pourrait rivaliser avec le spécimen record de 43 livres capturé dans ces eaux en 1889! Sans surprise, ce poisson réussit toujours à se sauver.
L’observation des poissons représente la manière « écologique » de découvrir le monde qui grouille sous la surface de l’eau. Vous pouvez observer des poissons en train de nager, de se nourrir et de s’accoupler sans empiéter sur leur espace vital. Servez-vous de jumelles pour voir ces péripéties à une échelle amplifiée. Portez des lunettes de soleil polarisées pour réduire l’éblouissement causé par l’eau et pour voir au-delà de la surface.
Tout comme les autres animaux sauvages, les poissons sont plus faciles à observer au petit matin et en soirée, lorsqu’ils sont généralement plus actifs et plus visibles – l’eau est plus calme, et l’éclat, moins aveuglant. Le printemps et l’automne sont d’excellentes périodes pour l’observation du frai. Restez à l’écart des berges et des rives pour éviter de faire de l’ombre et de créer des vibrations, qui pourraient surprendre et stresser les poissons. Ne lancez jamais d’objets dans l’eau pour attirer leur attention.
Lieux et périodes à privilégier pour l’observation des poissons :
- Marais Cave & Basin : Observez des poissons tropicaux introduits à la plateforme d’observation des poissons.
- Étang de castors, à l’extrémité ouest du troisième lac Vermilion : En octobre, cherchez des ombles de fontaine qui frayent dans les eaux peu profondes près de la route.
- Lac Johnson : Empruntez le sentier du côté nord du lac jusqu’au pont du cours d’eau qui se jette dans la baie Muskrat. Au printemps, il y a des truites arc-en-ciel qui frayent dans les eaux peu profondes; à l’automne, c’est au tour des ombles de fontaine.
- Ruisseau Forty Mile : Cherchez les corégones qui frayent près du sentier Fenland en automne.
Espèces de poissons présentes dans le parc national Banff
ind. : Espèce indigène
intr. : Espèce introduite
i.i. : Introduction infructueuse
Chabots
- Chabot à tête plate – Cottus ricei (ind.)
Truites
- Cisco - Coregonus artedi (intr.)
- Grand corégone – Coregonus clupeaformis (intr.)
- Truite fardée – Oncorhynchus clarki (intr./ind.)
- Truite arc-en-ciel – Oncorhynchus mykiss (intr.)
- Truite dorée – Oncorhynchus aguabonita (i.i.)
- Ménomini de montagnes - Prosopium williamsoni (ind.)
- Truite brune – Salmo trutta (intr.)
- Omble à tête plate – Salvelinus confluentus (ind.)
- Omble de fontaine – Salvelinus fontinalis (intr.)
- Touladi – Salvelinus namycush (intr./ind.)
- Saumon de l’Atlantique – Salmo salar (i.i.)
- Omble chevalier – Salvelinus alpinus (i.i.)
Ménés
- Cyprin doré/poisson rouge – Carassius auratus (intr.)
- Méné de lac – Couesius plumbeus (ind.)
- Ventre rouge du nord – Phoxinus eos (ind.)
- Ventre citron – Phoxinus neogaeus (ind.)
- Tête-de-boule – Pimphales promelas (ind.)
- Naseux des rapides – Rhinichthys cataractae (ind.)
- Naseux des rapides de Banff – Rhinichthys cataractae smithi (ind.) – espèce disparue
- Mulet perlé – Margariscus margarita (ind.)
Meuniers
- Meunier rouge – Catostomus catostomus (ind.)
- Meunier noir – Catostomus commersoni (ind.)
- Meunier des montagnes – Catostomus platyrhynchus (ind.)
Omiscos
- Omisco – Percopsis omiscomaycus (ind.)
Morues
- Lotte - Lota lota (ind.)
Ovovivipares
- Gambusie – Gambusia affinis (intr.)
Molliénésie à voilure – Poecilia latipinna (intr.)
Guppie – Poecilia reticulata (i.i.)
Porte-épée – Xiphophorus helleri (i.i.)
Épinoches
- Épinoche à cinq épines – Culaea inconstans (ind.)
Cichlidés
- Cichlide à deux taches – Hemichromis bimaculatus (intr.)
- Cichlidé à bandes – Cichlasoma nigrofasciatum (i.i.)
- Scalaire – Pterophyllum scalare (i.i.)
Omble à tête plate
L’omble à tête plate était autrefois la truite indigène la plus répandue dans les parcs des montagnes. Il a toutefois récemment disparu d’une grande partie de son aire de répartition. Ce déclin est attribuable à la détérioration de son habitat, à la surpêche et à l’introduction d’espèces de poissons qui l’ont délogé. Pour protéger les populations d’ombles à tête plate qui restent, les parcs nationaux des montagnes ont fixé à zéro la limite de prise et de possession de cette espèce. Ces restrictions s’inscrivent dans un programme exécuté conjointement avec le gouvernement de l’Alberta pour gérer et rétablir l’omble à tête plate.
Situation : Espèce préoccupante (Loi sur les espèces en péril)
Identification
L’omble à tête plate appartient à la même famille que l’omble de fontaine et le touladi. Comme il ressemble beaucoup à l’omble de fontaine, les deux espèces sont souvent confondues. En tant que pêcheur à la ligne, il vous incombe de ne pas avoir d’omble à tête plate en votre possession. En cas de doute, remettez le poisson à l’eau immédiatement.
« Pas de noir? Au revoir! »- La nageoire dorsale de l’omble à tête plate est dépourvue de taches noires.
- L’omble à tête plate n’a pas de lignes noires qui suivent la ligne blanche sur les nageoires pelviennes, la nageoire pectorale et la nageoire anale.
Liens connexes
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