L'eau, les oiseaux et les insectes

Parc national des Glaciers

Quand je me promène ou que je fais du ski le long d'un cours d'eau au débit rapide, j'entends parfois le chant d'appel du cincle d'Amérique. C'est un oiseau d'un gris ardoise qui a la taille d'un rouge-gorge. On peut l'apercevoir à longueur d'année près des ruisseaux qui sillonnent les parcs nationaux du Mont-Revelstoke et des Glaciers et les environs. John Muir disait de son chant que c'était " la musique des cours d'eau raffinée et empreinte de spiritualité ". Par rapport à son chant d'appel, on entend beaucoup moins souvent le chant qu'il émet après avoir mangé, mais il mérite qu'on prenne le temps de l'écouter. L'attente pourrait être longue, mais les cours d'eau en région montagneuse sont des endroits particulièrement agréables, lorsqu'il fait très chaud, pour s'arrêter et attendre le chant d'un oiseau.

En attendant que chantent les cincles, vous pourriez avoir droit à un spectacle divertissant. Car, pour défendre son territoire sur des tronçons de riche habitat le long des ruisseaux ou pour gagner le coeur de sa dulcinée, le cincle d'Amérique s'adonne à d'amusantes cabrioles avec ses voisins de même espèce.

Le cincle d'Amérique tient son nom de son tic le plus apparent, qui consiste en un mouvement répétitif de haut en bas, comme si l'oiseau faisait sans cesse la révérence, et qui, croit-on, l'aiderait à repérer sa proie depuis un rocher sur le bord de l'eau. Pour se nourrir, il plonge dans des cours d'eau au débit rapide que je n'aurais même pas la capacité ni le courage de traverser. Il cherche des insectes aquatiques, tels que la phrygane et la perle, et dans une moindre mesure des oeufs de poisson. Ces mets délicats dont raffole le cincle d'Amérique se trouvent uniquement dans des eaux non polluées et bien oxygénées. C'est pourquoi la présence de cincles constitue un indicateur fiable et rapide de la santé de l'écosystème marin.

Cependant, qu'une eau soit assez bonne pour le cincle ne signifie pas pour autant qu'elle soit bonne à boire. En montagne, le plus propre des cours d'eau peut transporter de nombreux microorganismes différents (la Giardia, la campylobactérie et le cryptosporidium, entre autres) qui peuvent nuire à la santé de l'être humain. Dans les villes, les systèmes de traitement des eaux, qui coûtent des millions de dollars, éliminent ce genre de parasites. Mais dans les secteurs isolés des parcs, il faut adopter une autre approche.

Rivière Illecillewaet
La rivière Illecillewaet et ces tributaires comprend un habitat très bon pour les cincles d'Amérique
© Parcs Canada

Au terrain de camping d'Illecillewaet, nous avons mis en place un système de traitement qui effectue la filtration de l'eau à petite échelle; ce système répond aux normes du gouvernement fédéral en matière d'eau potable et n'utilise qu'un minimum de chlore. La filtration constitue le meilleur moyen d'éliminer les gros agents pathogènes tels que la Giardia et le cryptosporidium. Le chlore n'est requis qu'en quantité négligeable pour protéger les canalisations de distribution des virus ou des bactéries. En utilisant moins de chlore, nous favorisons une meilleure digestion des déchets par les bactéries qui se trouvent dans les fosses sceptiques; nous voulons empêcher que le chlore pollue les cours d'eau que nous cherchons à protéger.

Les personnes qui fréquentent l'arrière-pays ne doivent pas s'attendre à y trouver des installations de traitement des eaux. Heureusement, les sentiers de randonnée dans nos parcs se trouvent presque toujours en amont des sources humaines de contaminants de l'eau. Par contre, les animaux sauvages peuvent également transporter des parasites tels que la Giardia et le cryptosporidium; il peut donc arriver que certains cours d'eau de l'arrière-pays soient contaminés. Au printemps, à la fonte des neiges, on observe généralement un niveau élevé d'organismes coliformes dans l'eau, puisqu'il se produit un phénomène naturel de rinçage dans le sol.

La région de la chaîne Columbia compte toutefois certains éléments positifs pour ce qui est de la qualité de l'eau dans l'arrière-pays. En effet, il n'y a pas de grandes concentrations d'animaux sauvages, et aucun secteur n'est fortement fréquenté par les visiteurs. En outre, la dilution de l'eau est excellente en raison des précipitations abondantes que reçoit la région chaque année. Les tests que nous effectuons pour déterminer la qualité de l'eau avant qu'elle ne soit traitée donnent de bons résultats 99 % du temps.

Bien qu'il existe de nombreuses souches de la Giardia, seules certaines d'entre elles peuvent nuire à la santé de l'être humain. De plus, le niveau de vulnérabilité de l'organisme à ce genre de parasites varie d'une personne à l'autre. Dans une certaine mesure, notre corps s'adapte à la faune qui se trouve dans notre eau. Les visiteurs sont souvent davantage susceptibles d'avoir des problèmes intestinaux causés par l'eau potable. C'est ce qui se produit lorsque nous voyageons à l'étranger.

Certes, la consommation d'eau sauvage comporte certains risques, bien que minimes. Mais si vous ne buvez pas suffisamment pendant que vous faites des efforts par une journée chaude, vous aurez certainement des problèmes. En effet, la déshydratation cause des maux de tête, des crampes ou des coups de chaleur.

Si cela vous inquiète de boire l'eau directement des cours d'eau de l'arrière-pays, voici ce que vous pouvez faire pour mettre toutes les chances de votre côté. Emportez de l'eau de la maison; quand vous aurez fini de la boire, vous aurez dépassé la plupart des sources de contamination. Lorsque vous remplissez votre bouteille dans un ruisseau, évitez de recueillir des particules. Choisissez les sources d'eau en haute altitude, telles que les champs de glace ou les glaciers. L'eau provenant de la fonte des glaciers contient parfois de fines particules de roche; il est conseillé de la laisser reposer durant la nuit. Pour que votre eau soit encore plus sûre, faites-la bouillir, traitez-la à l'aide de tablettes de chlore ou de cristaux d'iode ou filtrez-la.

Afin de maintenir la qualité de l'eau dans l'arrière-pays, vous devez éliminer vos excréments et le papier hygiénique en les plaçant dans un trou peu profond, à au moins 100 mètres de toute source d'eau. Pour le camping de groupe, il est préférable de creuser une seule fosse qui sera utilisée par tous, plutôt que de creuser plusieurs trous n'importe où. Il faut recouvrir le trou de terre avant de quitter les lieux. Dans les endroits où les feux de camp sont permis, laissez un sac près de la fosse et jetez-y le papier hygiénique; vous pourrez le brûler avant de partir.

Donc, la prochaine fois que j'attends patiemment d'entendre le chant du cincle d'Amérique, je boirai à même le cours d'eau, mais pas avant d'avoir réfléchi à ce qui se trouve en amont.

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