Écosystèmes et habitats
Parc national et lieu historique national Kejimkujik
Sur cette page
Habitats d'eau douce
Lacs et rivières
La partie intérieure de Kejimkujik regroupe 46 lacs et étangs et plus de 30 rivières et cours d’eau, dont la plupart font partie du bassin de la rivière Mersey qui prend sa source au nord du parc. Il s’agit d’ailleurs d’un des plus grands bassins en Nouvelle-Écosse. Les lacs et les rivières aux eaux tranquilles de Kejimkujik se sont créés principalement pendant la dernière glaciation et représentent à peu près 15 % de la superficie du parc. Les lacs du parc contiennent une eau naturellement faible en minéraux qui présente une sensibilité élevée à l’acidité. La plupart de ces lacs contiennent des eaux sombres, peu profondes, acides et chaudes durant l’été. Ils sont reliés à des rivières intermédiaires, à des étendues d’eau stagnante et à des cours d'eau.
La flore de la plaine côtière de l'Atlantique comprend l’hydrocotyle à ombelle, une espèce menacée. La couleuvre mince du Nord, une espèce menacée, et la tortue mouchetée, une espèce en voie de disparition, ont élu domicile le long des rivages d’eau douce de Kejimkujik. Plusieurs espèces de poisson vivant en eaux chaudes comme la perchaude, le baret et la barbotte se retrouvent partout dans la région, alors que l'omble de fontaine (truite), qui préfère des eaux plus froides, recherche les remontées d'eau froide du printemps et les lacs profonds en été pour échapper aux températures plus élevées. De leur côté, les huards nichent sur les rives de la plupart des lacs les plus grands.
Les eaux sombres
Environ 12 % de la surface de Kejimkujik est constituée d'eau douce. Les eaux sombres de ces lacs et rivières révèlent une histoire hors de l’ordinaire. La plupart des cours d'eau sont alimentés par les eaux de ruissellement. Cette eau ruisselle sur de l'ardoise, du quartzite et du granite, des pierres dures et résistantes faisant partie de la géologie de Kejimkujik. En conséquence, les cours d'eau de Kejimkujik contiennent très peu de minéraux naturels. Avec si peu de substances nutritives à offrir, l’aptitude des eaux de Kejimkujik à soutenir la vie est donc extrêmement faible.
Habitats forestiers
La forêt mixte acadienne
Le parc Kejimkujik est situé dans la zone de la forêt acadienne, un amalgame des feuillus typiquement méridionaux et de conifères boréaux aussi nommés « résineux ». Les coupes de bois ont modifié ces forêts de façon spectaculaire au cours des 200 dernières années. Les agriculteurs ont littéralement nettoyé les feuillus des collines et l’industrie forestière s’est occupée des géants que sont les épinettes rouges et les pins blancs pour en faire de la pâte à papier.
En 1974, la création du parc national Kejimkujik a mis un terme à une longue et intense période d'exploitation forestière en protégeant les forêts contre les coupes industrielles. De nos jours, 75 % des forêts de Kejimkujik se compose d’arbres jeunes formant une mixité entre feuillus et conifères. Les pins blancs matures qui ont échappé au feu et à la hache surplombent cette jeune forêt. Des érables rouges, des peupliers à grandes dents, des bouleaux blancs et des chênes rouges se dressent devant un environnement au feuillage persistant.
Certains secteurs de l’ancienne forêt sont toujours debout à Kejimkujik. Ces secteurs ont un cachet particulier en raison de leur majesté et de leur rareté puisque seulement un pour cent de toutes les forêts de la Nouvelle-Écosse est âgé de plus de 100 ans. Comme la plupart des anciennes forêts ont été perdues en raison d’une exploitation intensive, Kejimkujik reste l'un des rares endroits où les gens peuvent profiter de ces forêts. Ces forêts anciennes constituent un habitat important que Kejimkujik protège.
Forêts de pruches matures
Les forêts de Kejimkujik sont peuplées par des résineux dans une proportion d’environ 20 %; une fraction de ces résineux se compose d’imposantes pruches du Canada, des rescapées de l’ancienne forêt. Les zones peuplées de pruches créent une atmosphère calme dans une forêt ouverte. Les pruches se sont imposées des centaines d’années avant que les autres arbres ne prennent racine, il y a plus de trois siècles. Bien que certains experts considèrent ces arbres vieux et surannés, ces forêts anciennes gardent une valeur importante.
La pruche possède des aiguilles duveteuses créant un couvert par couche. Ce couvert laisse peu de place au passage des rayons de soleil et le sol reste à l'ombre. Comme cette ombre n’est pas propice au développement des plantes, il y a peu de végétation au sol à l'exception des mousses épaisses et d’hépatiques. Ces forêts fraîches et ombragées favorisent tout de même l’éclosion d'orchidées délicates et rares comme la corallorhize maculée et la goodyérie panachée.
Les pousses de pruche développent des racines peu profondes qui s’acclimatent bien aux sols humides. Comme les pousses peuvent survivre à l’ombre et que ces arbres ont une longue vie, les pruches ont fini par dominer la forêt.
Au sol, les champignons recyclent les éléments nutritifs qui tombent des aiguilles, des brindilles et des branches, alors que d’autres variétés se développent en talles sur les troncs d'arbre. Lorsque de vieux arbres tombent au sol, les nutriments qu’ils apportent assurent la croissance des graines de pruche et de fougères, provoquant du même coup une plus grande diversité écologique de la faune, des lichens et des champignons.
Même la cime des pruches sert d'abri à la faune du parc. L'autour des palombes, un faucon des bois puissant et rapide, préfère bâtir son nid dans les secteurs peuplés par les pruches. L'épais couvert supérieur de ces arbres procure en outre un lieu de nidification tout désigné pour la paruline à gorge orange et l’abondance d’insectes qui s’y trouve représente une source d’alimentation parfaite pour cet oiseau facilement identifiable à sa gorge orangée.
Une promenade sur le Sentier de la pruche et des feuillus vous permettra de découvrir la beauté de ces géants et les merveilles que recèlent ces forêts.
Forêts d’arbres feuillus matures
Les forêts de feuillus matures de Kejimkujik se trouvent au sommet de collines d'origine glaciaire qui proposent un sol profond et bien drainé. Ces forêts sont vieilles de plusieurs centaines d'années. Bien qu'elles constituent moins d’un pour cent de Kejimkujik, vous pouvez les admirer facilement à partir du sentier Point Peter et du portage Big Hardwood (Portage E).
Vous pourrez admirer les impressionnants bouleaux jaunes et les érables à sucre qui forment le couvert supérieur de la forêt. L’érable de Pennsylvanie, plus petit, survit quant à lui dans l'ombre des géants. Il constitue une nourriture de choix pour les cerfs. Les regroupements de feuillus laissent passer plus de lumière que les regroupements de pruches, ce qui permet une plus grande diversité de la végétation au sol, notamment une pousse de fougères en grande quantité.
Des hêtres en bonne santé faisaient autrefois partie intégrante de ces forêts. Ils ont toutefois été décimés par une maladie fongique et un insecte venu d’Europe il y a déjà un siècle. Les hêtres portant des blessures ou d'autres qui ont une apparence rabougrie sont légion en Nouvelle-Écosse. Toutefois, les hêtres matures qui sont sains et dont l’écorce est restée lisse sont plus rares.
Les forêts de feuillus matures procurent une croissance luxuriante de lichens et produisent des graines ou des noix en abondance. Les arbres offrent en outre de nombreuses cavités qui procurent de bons habitats pour les oiseaux et les petits mammifères comme le petit polatouche.
Milieux humides
Les milieux humides influencent énormément la chimie de l'eau, les niveaux et la couleur des écosystèmes d'eau douce. Ils offrent en outre un habitat pour de nombreuses espèces animales ou végétales du parc Kejimkujik qui sont en péril comme la tortue mouchetée, la couleuvre mince du Nord et la flore de la plaine côtière Atlantique.
Les tourbières
Les tourbières sont les milieux humides les plus répandus en Nouvelle-Écosse et ils représentent un type d’habitat représentatif de Kejimkujik. Les tourbières se développent dans des environnements à faible drainage et elles remplissent les lacs anciens. Pour découvrir les tourbières de Kejimkujik, vous pouvez faire une randonnée sur le Sentier du lac Snake. Vous pouvez aussi pagayer dans la baie de Jeremy ou sur différents cours d’eau, notamment le ruisseau Still. Le développement des tourbières prend des centaines d’années. Ces milieux sont saturés d'eau et sont surmontés des tapis spongieux de mousse de sphaigne. Cette mousse se développe et meurt et comme le matériel végétal pourrit très lentement, il forme des couches de mousse morte; il s’agit de la tourbe comme telle et cette tourbe peut se développer sur plusieurs mètres de profondeur. Les eaux sombres si caractéristiques de Kejimkujik prennent leur couleur brune des acides tanniques générés par cette tourbe.
Certaines espèces poussent à hauteur d’arbuste dans les parties plus sèches des tourbières. C’est le cas pour la cassandre caliculée, la kalmia à feuilles étroites et le rhododendron du Canada. Toutes ces espèces sont en mesure de tolérer des taux d’acidité plus élevés dans l’environnement. En outre, les essences d'arbre les plus tolérantes à l'humidité, comme le mélèze, l'érable rouge et l'épinette noire, peuvent survivre sur les buttes entourant les tourbières.
Certaines plantes se sont adaptées à des conditions de plus en plus pauvres en éléments nutritifs. La sarracénie pourpre et le drosera parviennent à piéger des insectes et les digèrent pour se donner un supplément alimentaire. Les orchidées squattent le terreau des champignons afin d’y récupérer suffisamment de nutriments pour produire leurs délicates fleurs. Les tourbières que nous considérons souvent comme de simples marais détrempés et épineux et comme des sources d’obstacles sont en fait les zones de nidification privilégiées de certains oiseaux, notamment la paruline à couronne rousse (fauvette), le bruant des marais (pinson), et la paruline masquée (fauvette). Les tourbières prennent la couleur pourpre des rhododendrons au printemps et restent magnifiques jusqu’aux canneberges de l’automne.
Les plaines inondables
Les zones plates et humides situées en bordure des rivières et d'autres cours d'eau sont connues comme les « plaines inondables ». En Nouvelle-Écosse, les plaines inondables ressemblent souvent à des prairies herbeuses et luxuriantes durant la saison d'été. Au parc Kejimkujik, le sentier traversant le ruisseau Rogers offre l'une des meilleures vues sur ces plaines inondables.
Les plaines inondables et les eaux qui leur sont adjacentes forment un écosystème complexe et dynamique. Lorsque l'eau des rivières sort de son lit en raison de pluies saisonnières ou du ruissellement printanier, les terres les recueillent et les conservent. Non seulement ces eaux apportent-elles des végétaux et le limon regorgeant d’éléments nutritifs, mais le mouillage permet aux plaines de libérer ses propres nutriments : les nutriments récupérés de la dernière inondation et ceux résultant de la dégradation rapide des matières organiques accumulées depuis la dernière inondation. C’est cette combinaison unique – hauts niveaux de nutriment, humidité élevée et perturbations physiques périodiques – qui fait des plaines inondables un habitat accueillant pour la flore et la faune, y compris pour des espèces rares.
Lorsque le niveau d’humidité augmente dans les plaines inondables, les arbres ayant une tolérance à cette humidité – les érables ou aulnes par exemple – et les autres types de végétation forestière parviennent à s’implanter. On peut donc trouver dans les plaines inondables de Kejimkujik des plantes comme l’iris versicolore, l’herbe à la puce et la reine-des-prés. Plusieurs espèces animales dépendent directement des plaines inondables. C’est notamment le cas pour la libellule, la salamandre, la tortue, le hibou, la chauve-souris, le castor et le cerf de Virginie. Les cimes des arbres viennent également soutenir une riche vie animale en abritant nombre d'insectes et plusieurs espèces d’oiseaux. Des parulines, des viréos et des moucherelles ont notamment été observés dans les forêts des plaines inondables.
Kejimkujik Bord de mer
Le Bord de mer protège une partie, petite mais représentative, du littoral de la Nouvelle Écosse. Les régions côtières de la province sont plus densément peuplées que les terres intérieures. Les milieux sauvages qui y sont présents sont extrêmement précieux.
Les parcs nationaux canadiens font partie d'un réseau voué à refléter toutes les régions naturelles du pays. Kejimkujik est un parc intérieur représentatif de la région naturelle du bas-plateau de la côte atlantique. Kejimkujik Bord de mer a été ajouté au parc en 1988 pour représenter les caractéristiques côtières de cette région.
Les landes
Lorsque vous vous approchez de l'océan, quittant l’abri de la forêt, les landes côtières s'étalent devant vous. La végétation y dépasse rarement la hauteur d'un adulte. Les vents froids et salins soufflant de l'océan arrêtent net la croissance des plantes, d'où leur aspect rabougri et tordu.
Les landes se forment le long de la côte de la Nouvelle-Écosse là où les rigueurs du climat se conjuguent à celles des conditions du sol. Le sol pauvre et mince laissé par la glaciation forme une croûte imperméable riche en fer, que les racines des plantes ont du mal à pénétrer. Les effets du feu sur la lande sont peut-être à l’origine de la destruction d’une bonne partie de l'humus. Qui plus est, les tentatives de l'homme pour cultiver la terre et y faire paître des moutons ont aussi beaucoup appauvri le sol.
Malgré tout, les landes sont un habitat diversifié et fascinant. Elles sont en réalité une forêt acadienne en miniature. On y trouve des pins blancs et des érables rouges. Ici, les épinettes noires, les sapins baumiers et les bouleaux gris ne sont pas plus hauts que les multiples arbustes également présents, comme les bleuetiers, les kalmias à feuilles étroites, les raisins d'ours, les houx verticillés et les gaylussaquiers à fruits bacciformes. Beaucoup de ces arbustes donnent énormément de baies à la fin de l'été. Les oiseaux, et quelquefois les ours noirs, viennent profiter de ce délicieux festin. Sous les troncs rabougris, tordus et impénétrables des arbres et des arbustes se cache un tapis végétal luxuriant d'osmonde cannelle, de thé des bois, de quatre-temps et de mousse. Cet endroit est aussi un havre pour de nombreux petits animaux tels les lièvres d'Amérique, les écureuils roux et plusieurs petits rongeurs qui recherchent la protection offerte par cette dense végétation. Les oiseaux comme la paruline à gorge jaune, le bruant des prés et la paruline à couronne rousse y voltigent d'une branche à l'autre. Ces petites créatures se déplacent facilement dans l'enchevêtrement d'arbustes et d'arbres nains typiques des landes.
Plus près de l'océan, les landes sont de plus en plus dénudées. Ici, les arbustes laissent la place à la camarine noire, à la cladonie des rennes et au genévrier commun, qui poussent jusqu'au bord de la plage.
Les landes très basses offrent un abri aux crapauds, serpents, campagnols et musaraignes. La salamandre cendrée aime bien, elle aussi, vivre dans ce milieu humide. Autrefois, les landes basses présentaient des conditions de vie idéales pour les orignaux et les caribous. Mais l’orignal de la Nouvelle Écosse continentale est maintenant considéré comme une espèce menacée. Quant au caribou des bois, il a disparu de la province vers 1905.
Les tourbières
Dans les tourbières, les arbustes ligneux disparaissent pratiquement et la vcgétation atteint à peine les genoux. Une tourbière se caractérise habituellement par un couvert humide et moussu présentant un aspect plutôt uniforme vu de loin. Mais en y regardant de plus près, on peut y distinguer un mélange varié de plantes, de couleurs et de textures. La tourbière est dominée par la sphaigne, à laquelle elle doit son aspect tourbeux, sa saturation en eau et sa forte acidité. Y poussent aussi d'autres végétaux comme le kalmia à feuilles d'andromède, le gaylussaquier buissonnant de Bigelow, la smilacine trifoliée, l'habénaire à gorge frangée, le rhododendron du Canada et le myrique baumier. Toutes ces plantes prospérent dans les conditions particulières de cet habitat, dans lesquelles beaucoup d’autres espèces végétales ne sauraient croître.
À Kejimkujik Bord de mer, de gros rochers s’élèvent des tourbières. Ces rochers, ou blocs erratiques, nous rappellent qu’il n’y a pas si longtemps que la dernière période glaciaire a touché la Nouvelle-Écosse. Bon nombre des tourbières du bord de mer n’étaient à l’origine que de petits étangs formés lors de la fonte des derniers glaciers le long de la côte, il y a environ 13 000 ans. Frais et humide, ce milieu était propice à la croissance de la sphaigne. La mousse a rempli peu à peu tous les étangs pour former des tourbières.
Les tourbières sont peuplées de plantes inhabituelles. La sarracénie pourpre, l’utriculaire cornue et le rossolis d’Angleterre complètent d’insectes la maigre ration que leur donne le sol tourbeux et stérile. En juin et en juillet, des orchidées comme les pogonies, les calopogons et les aréthuses déploient leurs pétales pour former de jolies fleurs. Des grappes duveteuses de linaigrette du Canada flottent comme des nuages au-dessus de la sphaigne. Certains arbres semblent survivre ici : les bouleaux gris, les épinettes noires, les sapins baumiers et même parfois les pins blancs s’adaptent à ces conditions. Face aux vents dominants, les troncs sont dénudés et dépourvus de branches, la croissance se faisant surtout en direction du vent, sur des branches latérales et basses. En raison de leur croissance très lente, des troncs de quelques centimètres de diamètre peuvent compter jusqu’à une centaine d’anneaux de croissance très fins.
Très peu d’animaux vivent dans les tourbières, mais beaucoup habitent alentour de celles-ci et en tirent parti. On peut y voir des bruants chanteurs et des bruants des marais. Les cerfs de Virginie, à la recherche de nourriture, sillonnent la tourbière par temps calme, mais quand les tempêtes de l’Atlantique Nord s’abattent sur la terre, ils quittent la tourbière pour trouver un refuge plus sûr dans les forêts avoisinantes ou dans les îlots d’épinettes.
Les îlots forestiers
Si vous regardez au-delà des landes et des tourbières, des îlots d’arbres se dressent au loin. Ces sapins baumiers et épinettes blanches rabougris et tordus poussent près du bord de l’océan, résistant même à l’embrun salé. On trouve ici des zones de sol profond et bien drainé qui sont plus favorables à la croissance des arbres que la mousse stérile et gorgée d’eau des tourbières. De plus, là où le sol descend en pente raide vers des baies abritées situées sous les vents dominants, les arbres poussent plus haut.
Les étangs
Kejimkujik Bord de mer compte plusieurs petits étangs, dont beaucoup se trouvent le long du rivage ou à l’extrémité de promontoires. Souvent, seul un tas de gravier et de galets les sépare de l’océan Atlantique. Aucune eau douce ne ruisselle jusqu’aux étangs, si ce n’est de l’eau de pluie qui suinte des bassins marécageux entourant chacun d’eux. La salinité de l’eau peut varier considérablement d’un étang à l’autre et d’une saison à l’autre. Certains étangs s’assèchent l’été. Leur eau est très foncée et elle contient des quantités élevées de matières organiques dissoutes, comme des acides tanniques. Même si aucun véritable ruisseau ne s’en écoule ou ne s’y jette, on peut souvent voir l’eau foncée des étangs suinter dans le gravier du rivage du côté des bermes de galets donnant sur la mer. Il s’agit d’une eau très acide, dont le pH varie de 3,9 à 4,9. Ces milieux sont donc peu propices à la vie aquatique.
Les algues chevelues vertes et les rubaniers peuvent couvrir le fond des étangs saumâtres. Des poissons comme les épinoches et les choquemorts vivent très bien dans une eau dont la salinité varie. Dans la vase qui entoure le bord des étangs, on peut distinguer les traces des grands hérons venus pêcher là. Les canards noirs élèvent leurs petits dans ces plans d’eau et les goélands viennent s’y reposer, y chercher de la nourriture ou s’y abriter des tempêtes océaniques.
L’intérieur des terres présente quelques étangs d’eau douce inaccessibles. On peut y trouver, loin de l’influence directe de la mer, des amphibiens communs en Nouvelle-Écosse. Ici des grenouilles vertes, des grenouilles léopards et des rainettes crucifères migrent de l’intérieur et vivent même parfois dans ces eaux acides et foncées. En règle générale, on trouve peu de grenouilles et d’autres amphibiens à Kejimkujik Bord de mer, en raison des conditions et du climat frais qui y règnent.
Les caps
Les caps de Kejimkujik Bord de mer s’élancent directement dans l’énergie indomptée de l’océan Atlantique. Ici, des crêtes rocheuses lisses surgissent de la tourmente des vagues. Les embruns s’élèvent dans l’air et viennent parfois saler vos lèvres. La marée basse découvrent les bandes de fucus qui enjuponnent les rochers, preuves que l’océan a conquis ce territoire. Si vous explorez ces affleurements, soyez prudents! Des vagues sournoises peuvent atteindre le bord et tout rafler sur leur passage. Elles ont déjà emporté le sol et la forêt qui recouvraient jadis ces rochers, mettant au jour l’histoire géologique de temps anciens.
Les galets
Une grande partie du littoral est composée de galets de granit dont la dimension varie de 10 à 30 cm. Ces roches sont rondes et lisses. Façonné par la mer, le granit s’est transformé en galets polis et d’une rondeur quasi parfaite. Puis, avec une force brute, la mer a rejeté ces pierres sur la terre. Plusieurs plages ont formé en hauteur d’impressionnants bancs escarpés de galets nommés gradins de plage ou bermes. Ceux-ci s’élèvent à plusieurs mètres au-dessus de la hauteur moyenne des marées hautes, et seules les vagues des grosses tempêtes arrivent à les franchir. Chaque vague de tempête rejette sur le haut des gradins de plage des tonnes de roches, qui se répandent vers l’intérieur, recouvrant les landes et les épinettes rabougries et remplissant même les étangs.
Même si comme bien des gens vous trouvez ces galets de granit symétriques admirables, résistez à la tentation d’en rapporter à la maison comme souvenir. Laissez la plage telle que vous l’avez trouvée pour le prochain visiteur!
À la marée montante, la mer abandonne beaucoup de débris sur la plage de galets. Au travers des vestiges qu’on y trouve, la ligne d’estran riche et diversifiée relate toute l’évolution des casiers à homards, depuis les vieux modèles à cerceaux et lattes de bois jusqu'aux casiers modernes en métal, en passant par les casiers carrés à lattes de bois. La multitude de bois flottés livre aussi des reliques de l’industrie de la pêche, des souches et des bûches. À l’abri des vagues, les galets sont plus stables et laissent les lichens et plantes comme le mertensia maritime, la gesse maritime et le genévrier commun les coloniser. Les myriques baumiers et les canneberges s’y établissent aussi et se fondent avec les landes continentales.
Bon nombre de petits étangs côtiers sont séparés de l’océan par les gradins de plage. Comme ces digues naturelles sont des barrières très dynamiques et poreuses, les conditions dans ces étangs sont très précaires.
Les îles
De gros rochers émergent de l’eau au loin. Ils forment des sites de nidification et de rassemblement pour les goélands, les guillemots à miroir, les pétrels, les sternes et les fous de Bassan. Vous y verrez également des cormorans, ailes déployées, se faire sécher au soleil entre deux plongeons. Tout au long de l’année, des eiders se rassemblent aussi sur ces îlots. Les rochers préférés des oiseaux se distinguent des autres par le blanc des excréments dont ils sont couverts.
De leur côté, les phoques communs et leurs plus gros congénères les phoques gris privilégient les rochers qui présentent des plateformes faciles d’accès, sur lesquelles ils peuvent se hisser hors de l’eau. Les phoques passent toute l’année près de ces rochers. Même l’hiver, ils prennent des bains de soleil; mais ils préfèrent quand même l’eau plus chaude. Au printemps, les femelles donnent naissance à leurs petits dans la sécurité relative de ces petites îles. L’été venu, les phoques partagent leur temps entre la pêche, le repos et le jeu sur les rochers. Il est rare de voir des baleines à Kejimkujik Bord de mer.
Les anses
Dans l’Atlantique Nord, les eaux du grand large sont parfois trop exposées aux éléments pour attirer beaucoup d’espèces sauvages, qui préfèrent les anses Boyds et MacLeods et les abords de Port Joli, de Harbour Rocks et de Port Mouton. Les eaux plus chaudes et plus calmes des anses sont plus favorables aux poissons et contiennent plus de plantes marines. Des centaines d’oiseaux marins, dont les eiders à duvet, les macreuses à front blanc, les cormorans, les canards noirs, les bernaches du Canada et les sarcelles d’hiver se tiennent en vastes groupes à la surface de l’eau, où ils font le bouchon au grès des vagues. Les eaux plus abritées favorisent la croissance des plantes marines et, plus particulièrement du varech, qui abrite des bancs de jeunes poissons, sert de nourriture aux brouteurs comme les littorines et offre un environnement hospitalier à de nombreuses autres espèces.
La vie abonde dans les eaux froides de l’Atlantique Nord. La zone intertidale, aussi appelée estran, est importante à double titre, d’abord comme habitat pour de nombreuses espèces et aussi comme zone d’échange de nutriants entre la terre et la mer. Dans le haut de cette zone, on trouve d’impressionnants amoncellements d’algues pouvant atteindre un mètre de hauteur. Les goélands, corbeaux et ours charognards fouillent ces algues pour y dénicher des larves. Quand la marée montante submerge les plantes en décomposition, un nutriant soluble dans l’eau se dégage et fertilise les eaux littorales.
Sous la laisse de haute mer, où les rochers sont souvent submergés, poussent l’ascophylle noueuse, le fucus vésiculeux et le varech. Ces algues offrent un abri aux pouces-pieds, littorines, oursins, nasses et crabes verts.
La vie ici est dictée par les afflux d’eau fraîche, claire et riche en nutriants, qu’apporte la marée deux fois par jour.
Les plages
Vous trouverez à Kejimkujik Bord de mer un des panoramas les plus spectaculaires de la Nouvelle-Écosse. En suivant le sentier Harbour Rocks, vous découvrirez les courbes majestueuses de la plage de la rivière St. Catherine’s. Son sable blanc est aveuglant sous le soleil, et s’il est sec, il « parle » quand vous marchez dessus, en raison de la forme unique de ses grains quartzeux. C’est là une des plus grandes plages protégées de la Nouvelle-Écosse.
Les plages sont formées par l’action des courants et des vagues qui déposent du sable fin dans les anses abritées du bord de mer. Le sable provient du granit qui borde la côte et qui renferme de grandes quantités de quartz, un minéral très dur et de couleur claire. Les rayons du soleil se reflètent sur le sable blanc du plancher océanique, ce qui donne à la mer cette incroyable couleur turquoise. Des parcelles foncées apparaissent aussi; elles correspondent aux parties du plancher océanique qui sont couvertes de roches. Les zones rocheuses sont tapissées d’algues.
À certains endroits, le sable blanc présente des bandes pourpres inhabituelles. Ce sable pourpre est en réalité constitué de très fines particules de grenat, un minéral riche en magnésium qui provient de l’érosion des roches avoisinantes. Comme ces particules sont très fines et moins denses que celles qui composent le reste de la plage, les vagues peuvent les transporter vers le haut de celle-ci. C’est ensuite au tour du vent de soulever ces particules et de les déposer à la base des ammophiles ou autres « pièges à vent ».
Sur les plages sablonneuses, juste au-dessus de la zone des marées hautes, s’élèvent les dunes créées par le vent. Les plages sont constamment transformées par la force du vent et de la mer. Elles peuvent changer de façon spectaculaire au cours d’une même saison. Ainsi, les tempêtes hivernales peuvent emporter les dunes, y créer des brèches ou même les déplacer. L’ammophile est la plante dominante des dunes. Elle retient le sable grâce à un réseau de racines très dense. La base des dunes est une aire de nidification essentielle pour le pluvier siffleur.
À l’intérieur des terres, les vieilles dunes sont plus stables grâce à leur tapis d’ammophiles, de roses, de myriques de Pennsylvanie, d’herbe à puce et même, à l’occasion, d’épinettes blanches. La gesse maritime, la smilacine étoilée et la verge d’or toujours verte poussent également à cet endroit. Peu d’animaux vivent en permanence dans les dunes, mais on y voit des traces du passage des cerfs et des ratons laveurs.
Au début de l’été, les oiseaux les plus courants sur les plages sablonneuses sont les chevaliers grivelés; les bécasseaux semipalmés, bécasseaux minuscules, bécasseaux sanderling, chevaliers semipalmés et pluviers semipalmés y viennent par volées plus tard dans la saison. Ces oiseaux de rivage vont et viennent entre les vagues qui déferlent sur la plage, saisissant au passage de la nourriture, comme des puces de mer ou talitres. Les sternes pierregarins font leur nid à l’extrémité de la plage de la rivière St. Catherine’s. Beaucoup de ces oiseaux sont des migrateurs qui font escale sur les plages de Kejimkujik Bord de mer avant de s’envoler vers d’autres cieux, reliant ainsi directement nos plages aux régions côtières du sud des États-Unis, des Antilles et même de l’Antarctique.
Ces plages sont idéales pour le pluvier siffleur en raison des coquillages et des galets qui les jonchent et qui sont utilisés par cet oiseau pour camoufler son nid peu profond, creusé dans les dépressions du sable. En raison de la présence des pluviers et du rôle important des ammophiles, qui sont vulnérables à la circulation pédestre, dans le maintien du sable sur les dunes, celles-ci sont des endroits très spéciaux. Évitez de marcher sur les dunes et respectez les panneaux interdisant l’accès à la plage.
Les lagunes
Les plages comme celles de la rivière St. Catherine’s et de Little Port Joli créent derrière leur barrière de sable une étendue d’eau protégée, nommée lagune, où eau salée et eau douce se mélangent. Les eaux de marée s’y précipitent par une ouverture étroite créée par le cordon littoral, inondant le platin et les petites îles avoisinantes d’un afflux d’eau salée fraîche et froide. Dans les lagunes, marée haute et marée basse se succèdent environ toutes les six heures. La fine vase qui s’accumule est riche en nutriants et absorbe beaucoup de chaleur à marée basse. Sur la vase poussent des algues délicates, qui lorsqu’elles sont cuites par le soleil ressemblent à du carton blanchi. Beaucoup d’espèces d’insectes et de crustacés cherchent à s’abriter des cuisants rayons sous ces tapis d’algues. La zostère offre une riche pâture aux nombreux oiseaux de rivage, canards et oies. Les aigles, balbuzards pêcheurs et hérons pêchent régulièrement dans les eaux peu profondes des lagunes. Celles ci sont également d’importantes nourriceries pour plusieurs espèces de poissons, dont le choquemort et l’épinoche. On y trouve un grand nombre d’organismes marins comme les myes, les littorines et les macomas. Les ratons laveurs viennent se régaler de ces coquillages au bord de la lagune, que longent les marais salés, avec leurs spartines et leurs joncs.
Liens connexes
- Date de modification :