Maintenir l'équilibre de la forêt : Plan de gestion de la population surabondante d'orignaux 2023 - 2027

Parc national Forillon

Table des matières

Liste des tableaux

Liste des figures

Note d’approbation

Découlant directement des inventaires et autres investigations réalisés entre 2009 et 2023, ce nouveau plan de gestion de l’orignal vise à faire le point sur l’état de la population d’orignaux ainsi que sur l’état de l’intégrité écologique de l’écosystème forestier du parc national Forillon, puis à recommander des mesures à mettre en œuvre au besoin, au cours des cinq prochaines années (2023 à 2027). Les actions proposées consistent principalement à poursuivre les efforts d’acquisition de connaissances, d’établissement de partenariats de gestion et de suivi de la population d’orignaux. Les mesures énoncées contiennent également la mise en œuvre (si nécessaire) d’un programme de contrôle de cette population jugée surabondante. À l’instar du précédent plan de gestion (Plan de gestion de l’orignal 2013-2017), celui-ci guidera et aidera les gestionnaires du parc dans leur volonté de relever le défi lié aux impacts potentiels de la surabondance d’orignaux à l’intérieur de leur territoire.

Approuvé par :
Élisabeth Lacoursière, directrice
Parc national Forillon
Unité de gestion de la Gaspésie
Parcs Canada

Auteurs

Pierre Etcheverry, Ph.D.
Coordonnateur de projets en conservation, Parcs Canada
Daniel Sigouin, M.Sc.
Écologiste, Chef d’équipe, Parcs Canada
Mathieu Côté, Ph.D.
Gestionnaire, Conservation des ressources, Parcs Canada

Collaboration

Claude Samson, Ph.D.
Écologiste, surveillance de l’intégrité écologique, Parcs Canada

Révision

Claude Samson, Ph.D.
Écologiste, surveillance de l’intégrité écologique, Parcs Canada
Jean-Pierre Tremblay, Ph.D.
Professeur titulaire, Université Laval
Antoine Plouffe-Leboeuf, M.Sc.
Écologiste, Parcs Canada
Marie-Ève Murray
Agente, relations publiques et communications, Parcs Canada
Angelle Rodrigue
Conseillère, politiques et programmes autochtones, Parcs Canada
Michel Queenton
Gestionnaire, Relations externes
Martin Dorais, B.Sc.
Biologiste, Dir. gestion de la faune de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs

Photographies

Norbert Denis
Parcs Canada

Référence à citer

Etcheverry, P., D. Sigouin, M. Côté. 2023. Plan de gestion de l’orignal 2023-2027, Parc national Forillon. Agence Parcs Canada, Service de la conservation des ressources, Parc national Forillon. 80 p.

Pour toute question ou précision supplémentaire, contacter Pierre Etcheverry à l’adresse suivante : pierre.etcheverry@pc.gc.ca


Sommaire exécutif

La réalisation d’un inventaire d’orignal au parc national Forillon en 2009 a permis de constater que la densité de la population était relativement élevée et en croissance, et qu’elle était donc susceptible à long terme d’affecter négativement l’intégrité écologique des écosystèmes forestiers du parc. Dans ce contexte, un premier plan de gestion de l’orignal a été élaboré pour la période de 2013 à 2017 inclusivement. Il recommandait d’étudier les orignaux ainsi que leurs impacts sur l’écologie des forêts du parc pour mieux comprendre la dynamique de leur population et mesurer les effets de leur prise alimentaire sur les communautés végétales. Il recommandait aussi de former un groupe de travail dont le mandat serait de statuer sur le caractère surabondant de cette population et d’identifier les mesures à mettre en œuvre pour gérer la situation, puis d’élaborer un plan de communication sur les enjeux que représente la gestion de l’orignal pour un parc national.

En 2017, à la suite de l’application de ces recommandations, force était de constater que la population d’orignaux du parc national Forillon s’était encore considérablement accrue pour atteindre une densité jamais égalée dans l’histoire du parc (35 orignaux /10 km2) et qu’elle commençait à avoir sur l’écosystème forestier des impacts négatifs caractéristiques d’une situation de surabondance. Devant ce constat et compte tenu des obligations de Parcs Canada en matière d’intégrité écologique, la poursuite du travail d’acquisition de connaissances et l’élaboration d’un nouveau plan de gestion s’imposaient pour déterminer et mettre en œuvre la meilleure stratégie permettant d’y faire face.

En nous appuyant sur ces recommandations, sur les résultats obtenus, sur des données complémentaires recueillies entre 2017 et 2023 ainsi que sur l’expérience des autres parcs de l’est du Canada qui ont connu une situation similaire, nous avons :
  • analysé les caractéristiques, les causes et les conséquences potentielles des variations démographiques de la population d’orignaux du parc national Forillon observées depuis le début des suivis de la population en 1973 et l’avons officiellement déclarée surabondante;
  • pris acte des responsabilités de gestion qui découlaient de cette décision;
  • évalué les avantages et les inconvénients d’une douzaine de mesures de gestion qui seraient à notre disposition pour gérer cette situation;
  • communiqué et consulté le public sur ces mesures de gestion afin de mieux éclairer notre prise de décision;
  • choisi d’effectuer une chasse de conservation comme moyen de contrôler cette population surabondante le cas échéant.

Pour être mise en œuvre de façon responsable, efficace et sécuritaire, cette mesure de gestion doit être accompagnée d’initiatives connexes et ses modalités doivent être clairement définies avant d’être déployée sur le terrain. Les détails des initiatives et des modalités ont fait l’objet de recommandations regroupées en six grands axes :

  1. Cibles à atteindre en matière d’intégrité écologique : La mise en œuvre de mesures de contrôle de la population surabondante d’orignaux doit contribuer à l’effort de surveillance écologique menée par le parc national Forillon pour atteindre ses objectifs de manière à ce que l’état d’intégrité écologique de l’écosystème forestier redevienne « BON » (voir plus bas pour la signification du terme « BON »). Pour cela, il est important d’abaisser progressivement la densité de cette population et de la faire tendre vers un optimum oscillant autour de 10 orignaux/10 km2. De plus, il est également important de continuer à mener les investigations scientifiques qui permettent de suivre l’effet du contrôle des orignaux sur les communautés végétales forestières.
  2. Opérationnalisation des mesures de gestion retenues : Le contrôle, s’il doit être mis en œuvre, doit prendre la forme d’une chasse de conservation encadrée par Parcs Canada et respectant sa règlementation. Idéalement, sa mise en œuvre devrait aussi être accompagnée d’un ajustement des modalités de chasse en périphérie du parc national Forillon de manière à ce que la gestion de l’orignal se fasse de façon cohérente à l’échelle régionale.
  3. Suivis scientifiques et gestion adaptative : L’objectif de prélèvement doit être défini sur des bases scientifiques et son intensité doit être ajustable selon la nécessité de maintenir l’écosystème forestier en santé. Dans un laps de temps raisonnable, il doit permettre de ramener la population d’orignaux à des niveaux d’abondance cohérents avec l’intégrité écologique du parc et la maintenir relativement stable par la suite. Les investigations scientifiques amorcées doivent être poursuivies et de nouvelles investigations complémentaires doivent être menées de manière à continuer de gérer la situation sur des bases de connaissances solides et à ajuster la prise des décisions aux résultats obtenus.
  4. Impacts environnementaux : Les initiatives prévues dans le présent plan de gestion permettront de suivre la population d'orignaux et, le cas échéant, de commencer à contrôler son abondance pour préserver l’intégrité écologique de l’écosystème forestier du parc national Forillon. Cependant, elles misent aussi dans la mesure du possible sur les retombées sociales et économiques à l’échelle régionale. Ces initiatives sont donc susceptibles d'avoir des effets sur certaines composantes de l’écosystème et d’entrainer des retombées locales. Par conséquent, il est souhaitable d’analyser les impacts sur l’environnement de manière à prévoir des mesures d’atténuation ou des ajustements si nécessaire.
  5. Sécurité publique : Face à l'abondance d'orignaux dans le parc, l'Unité de gestion de la Gaspésie désire mettre en application les initiatives prévues dans le présent plan de gestion de l'orignal, au minimum pour les cinq prochaines années. À cause de leur nature et de leur étendue dans l'espace et dans le temps, ces initiatives comportent des risques (p. ex. : accidents liés aux transports, utilisation d’armes à feu) avec lesquels les usagers du parc national Forillon devront composer. Toutefois, Parcs Canada agira de façon proactive pour s’assurer de leur sécurité. Un plan de sécurité sera donc élaboré en conséquence.
  6. Communications et consultations : Les mesures qui vont être déployées pour gérer l’abondance d’orignaux restent des éléments cruciaux justifiant l’adoption d'une stratégie de communication efficace. De fait, la poursuite et le renforcement des initiatives de communications et de consultations déjà entreprises doivent faire partie intégrante de l'approche d'opérationnalisation du présent plan de gestion pour que l'ensemble de la démarche soit bien comprise et bien acceptée.

Au cours des prochaines années, la gestion de la population d’orignaux au parc national Forillon continuera vraisemblablement de représenter un défi de taille pour les gestionnaires du parc. Il sera important d’acquérir les connaissances nécessaires pour prendre des décisions, d’appliquer les principes de la gestion adaptative et surtout d’impliquer la Nation Micmac de Gespeg, les différents partenaires et les communautés locales dans la gestion et la compréhension d’un enjeu dont les répercussions pourraient être sans précédent dans l’évolution des écosystèmes forestiers qui sont sous la juridiction de Parcs Canada.


Introduction

Comptant parmi les plus grands ongulés herbivores de notre planète, l’orignal (Alces sp.) est aussi le plus grand cervidé vivant actuellement sur Terre. Son aire de répartition est circumpolaire, il habite principalement les forêts boréales, les forêts mixtes et les forêts tempérées feuillues de l'hémisphère Nord avec une préférence pour les climats subarctiques. Son régime alimentaire est composé de végétation terrestre et aquatique et, lorsqu’il est présent en grande densité, ses besoins énergétiques lui confèrent la capacité d’altérer sévèrement la végétation au point de pouvoir modifier la dynamique forestière des écosystèmes qu’il fréquente (Peek 2007, Parks Canada Agency 2010bc).

Au cours des deux dernières décennies, la population d’orignaux (Alces americanus) du parc national Forillon a connu une croissance exponentielle l’amenant à atteindre des densités susceptibles de menacer l’intégrité écologique du parc (voir plus bas). Compte tenu de ses responsabilités en matière de protection et de conservation des milieux naturels, Parcs Canada s’est alors vu dans l’obligation de planifier et de mettre en œuvre une façon de gérer cette situation. C’est dans ce contexte qu’en 2013, le service de conservation des ressources du parc national Forillon a élaboré un premier plan de gestion de l’orignal (Sigouin et al. 2013) dont le but principal était essentiellement de dresser un « état des lieux ».

Le présent document fait suite au travail entamé lors de l’application du premier plan de gestion, il constitue donc un second plan en la matière. Son but est de s’appuyer sur les résultats du précédent plan de manière à déterminer et à mettre en œuvre la meilleure stratégie possible pour faire face à une potentielle surabondance d’orignal dans le parc national Forillon. Plus spécifiquement, en s’appuyant sur ces résultats, mais également sur la littérature scientifique, sur des données complémentaires recueillies jusqu’en 2023 ainsi que sur l’expérience des autres parcs nationaux de l’est du Canada qui ont connu une situation similaire, les objectifs sont :

  • d’analyser les caractéristiques, les causes et les conséquences potentielles des variations démographiques de la population d’orignaux du parc national Forillon observées au cours des dernières décennies;
  • de statuer sur le caractère surabondant de cette population;
  • d’évaluer les avantages et les inconvénients de différentes mesures de gestion qui sont à notre disposition pour gérer cette situation;
  • de communiquer et de consulter le public sur ces mesures de gestion afin de prendre des décisions éclairées et acceptables socialement;
  • d’émettre des recommandations visant la mise en œuvre de façon responsable, efficace et sécuritaire de la ou des mesures de gestion qui seront retenues.

Pour atteindre nos objectifs, nous avons subdivisé ce second plan de gestion de l’orignal en six chapitres. Le premier d’entre eux présentera les enjeux écologiques liés à la surabondance d’une espèce comme l’orignal dans un parc national. Le contexte légal et les directives applicables à la gestion de ce type de situation ainsi que les relations avec différents groupes d’intérêt y seront également présentés. Dans un deuxième chapitre, les grandes lignes ainsi que les résultats du premier plan de gestion de l’orignal seront décrits puis discutés. Le troisième chapitre permettra de statuer quant à l’intégrité écologique du parc national Forillon et au caractère surabondant de la population d’orignaux du parc. Le quatrième chapitre fera état des expériences déjà menées dans l’est du Canada dans des situations similaires, il fera ressortir les points cruciaux des expériences vécues y compris par Parcs Canada. Une description de diverses mesures de gestion possibles ainsi qu’une analyse complète de leurs avantages et inconvénients et des consultations publiques menées sur le sujet, feront l’objet du cinquième chapitre. À l’issue de ce dernier, le choix de l’option ou des options qui s’avèreront les plus prometteuses à adopter pour faire face à la situation de l’orignal au parc national Forillon seront discutées. Enfin, le sixième et dernier chapitre regroupera l’ensemble des recommandations qui découlent de la volonté de Parcs Canada de mettre en œuvre ses options avec succès au cours des prochaines années.


Mise en contexte

Contexte et enjeux écologiques

Évolution des populations d’orignaux dans l’est du Canada

Situation générale dans les provinces de l’est

Les populations d’orignaux de l’est du Canada connaissent depuis quelques décennies des conditions environnementales particulièrement favorables (transformation de leurs habitats, diminution voire disparition locale du loup, leur prédateur principal) qui, par endroit, leur permettent d’accroitre leur abondance même dans les zones exploitées par la chasse. À l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard d’où il a totalement disparu et de la portion continentale de la Nouvelle-Écosse où il est très rare, l’orignal est présent en grandes quantités au Québec, dans le nord du Nouveau-Brunswick et à l’île du Cap-Breton (Nouvelle-Écosse) ainsi qu’à Terre-Neuve.

Au Québec, les conditions environnementales particulièrement favorables sont couplées à des stratégies de gestion forestière et faunique qui contribuent au maintien de hautes densités d’orignaux, surtout au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, et ce, malgré la présence d’une forte pression de chasse. Le niveau de densité dans ces régions se situe actuellement entre 11 et 32 orignaux/10 km2 selon les secteurs (Dorais 2017, Dorais et Lavergne 2017, Roussel-Garneau et Larocque 2020).

Au Nouveau-Brunswick, les quelques données issues des rapports de récolte par la chasse indiquent qu’au cours des dernières années, la population d’orignaux semble diminuer dans le sud de la province alors qu’elle demeure stable (ou en légère croissance) mais élevée dans la plupart des régions du nord. Et c’est particulièrement le cas dans le nord-ouest de la province (ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick 2017) où elle atteint des densités semblables à celles que l’on observe en Gaspésie (Luc Gagnon, biologiste régional, Ressources naturelles Nouveau-Brunswick, comm. pers.), soit entre 10 et 25 orignaux/10 km2 selon les secteurs.

En Nouvelle-Écosse, deuxième province la plus densément peuplée par l’homme au Canada, l'orignal est devenu rare sur tout le territoire; le statut de la population néo-écossaise est, à l’heure actuelle, encore précaire dans toute la province à l’exception de sa partie nord-est sur l’Île du Cap-Breton. Sur cette île, l’orignal a disparu dès 1924, à la suite de la chasse et de la destruction de son habitat. L’espèce a cependant été réintroduite dans le parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton à la fin des années 1940. Cette réintroduction fut un succès de sorte qu’il est maintenant très abondant dans le parc en plus d’avoir recolonisé toute l’île. En 1995, la densité de sa population a été estimée à près de 50 orignaux/10 km2 dans le nord du Cap-Breton (Parks Canada Agency 2010a). Le dernier inventaire effectué indiquait 19 orignaux/10 km2 (Parks Canada Agency 2015).

C’est à Terre-Neuve que la croissance de la population d’orignaux fut la plus forte de toutes celles de l’est du Canada. Toute la population actuelle provient d’un groupe de seulement six orignaux introduits sur l’île entre 1878 et 1904 (Pimlott 1953). À la suite de l’extermination du loup en 1932, l’orignal est parvenu à coloniser l’ensemble de l’île de Terre-Neuve (Pimlott 1959) et, grâce aux coupes forestières et aux épidémies d’insectes des années 1970 et 1980 qui ont grandement amélioré les conditions d’alimentation, la population s’est mise à augmenter rapidement jusqu’à atteindre un pic d’environ 140 000 individus au cours des années 1990, pour des densités qui pouvaient dépasser les 70 orignaux/10 km2 par endroit. Aujourd’hui, ces densités ont diminué de 25 à 30 % pour se situer aux environs de 50 orignaux/10 km2 (Butt 2017).

De façon générale, quelle que soit la province et à l’exception de quelques territoires de chasse, les densités les plus élevées se trouvent surtout dans les territoires à vocation de conservation, comme les parcs nationaux.

Situation dans les parcs nationaux de l’est

Dans les parcs nationaux de l’est du Canada, les densités élevées d’orignaux observées au cours des dernières décennies, s’expliquent par le fait que les populations ne sont pas (ou très peu) régulées par la prédation ni par la chasse puisqu’elle est interdite dans les parcs (Taylor et Knight 2009; Parks Canada Agency 2010c; CBHNP 2015). En même temps, bien que la coupe forestière y soit également interdite et que les incendies de forêt y soient bien contrôlés, les habitats ont pu y être perturbés par les épidémies d’insectes, principalement la tordeuse des bourgeons de l’épinette (Choristoneura fumiferana). Ayant sévi dans les années 1970-80, ces épidémies ont contribué à rajeunir les peuplements forestiers, fournissant aux orignaux une abondante source de nourriture (Taylor et Knight 2009; Parks Canada Agency 2010c; CBHNP 2015). De fait, jusqu’à présent dans les parcs, les orignaux vivent en toute quiétude, sans problème pour s’alimenter. Par contre, lorsqu’ils deviennent surabondants, l’intégrité des écosystèmes forestiers pourrait être menacée et une cascade d’effets sur la biodiversité forestière pourrait se produire, ce qui va à l’encontre de la mission même des parcs.

De ce point de vue, les cas les mieux documentés sont ceux des situations vécues dans les parcs nationaux fédéraux des provinces de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. En effet, le dernier rapport sur l'état du parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton (Île-du-Cap-Breton, Nouvelle-Écosse) mentionne que l’écosystème forestier était dégradé, qu’il présentait de graves problèmes de régénération (résultant notamment en la création de prairies dans certains secteurs du parc; Bridgland 2009), et que cette dégradation était attribuable au très grand nombre d’orignaux présents sur le territoire (Harvey et al. 2010). Dans ce parc, la population d’orignaux réintroduite est restée faible jusque dans les années 1970 (66 individus, Bridgland et al. 2007), puis elle a explosé pour atteindre plus de 2 000 individus au milieu des années 2000 (densités variant de 30 à 100 orignaux/10 km2 ; CBHNP 2015). Par la suite, elle est revenue à des niveaux plus faibles en 2015 (environ 20 orignaux/10 km2), ce qui demeure toutefois relativement élevé (CBHNP 2015).

À Terre-Neuve, les premiers orignaux ont été observés dans le secteur du Gros-Morne sur la côte ouest de l’île dès 1925. Ils sont devenus de plus en plus « communs » jusque dans les années 1970 puis, à la suite de l’établissement du parc national en 1973 et des effets des épidémies d’insectes des années 1970 et 80, la population s’est accrue fortement. Sur le territoire du parc, un pic de 7 800 individus a été atteint en 1998 (McLaren et al. 2009, Connor et al. 2000). En 2009, un inventaire partiel a déterminé que dans les basses terres du parc, la population s’élevait à une densité de 59 orignaux/10 km2 (Taylor et Knight 2009), soit près de trois fois la densité retrouvée sur le territoire provincial où la chasse est autorisée. Dans certains blocs d’inventaire, alors que les orignaux étaient regroupés en ravages, des densités atteignant jusqu’à 150 orignaux/10 km2 ont été mesurées. Après plusieurs années de suivi, il a été démontré que de telles quantités d’animaux ont été capables de convertir plus de 65 km2 de forêts en prairies. Depuis 2011, d’importantes mesures de réduction de la population ont été mises en œuvre, ramenant les densités aux environs de 21 individus/10 km2. En conséquence, de nombreuses observations indiquent que la forêt est actuellement en train de se régénérer (Tom Knight, responsable de la santé des forêts du parc national du Gros-Morne, comm. pers.).

Dans le secteur du parc national Terra-Nova (toujours à Terre-Neuve mais sur sa côte est), les premiers orignaux ont été observés en 1930 et la population du parc a atteint son maximum en 1997 avec 650 individus (soit environ 19 individus/10 km2). Cependant, la seule partie de ce parc qui est couverte d’un habitat de qualité pour l’orignal ne représente que 10 % de la superficie totale du territoire, le reste est constitué de sols rocheux, de tourbières ouvertes et de peuplements purs d'épinettes noires, de sorte que la densité réelle d'orignaux dans les habitats disponibles pour eux soit beaucoup plus élevée. Comme pour Gros-Morne, cet accroissement serait principalement dû aux épidémies d’insectes et à l’interdiction de chasse. La population a toutefois connu un déclin depuis et ne comptait plus qu’environ 250 individus en 2010. Au contraire de la population de Gros-Morne, les orignaux de Terra-Nova semblent être affectés par un manque de nourriture causé par les effets du surbroutement; une dégradation de la condition physique des individus a également été notée. Malgré ce déclin, la population a longtemps été considérée au-dessus de la capacité support du parc, car la productivité des femelles y était relativement faible (7,6 veaux/100 femelles; Parks Canada Agency 2010c). Actuellement, la population est estimée à environ 140 individus (John Gosse and Laura Siegwart Collier, Parks Canada Agency, comm. pers.), soit une densité d’environ 4 individus/10 km2 ce qui est encore très élevé par rapport à la quantité d’habitats de bonne qualité disponible dans le parc.

La croissance des populations d’orignaux et son potentiel impact sur les écosystèmes ne sont pas uniques aux parcs nationaux de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, une évolution similaire a également été observée dans le grand écosystème gaspésien ainsi qu’au parc national Forillon.

Situation dans le grand écosystème du parc national Forillon et dans le parc lui-même

Le concept du grand écosystème a été développé dans le but de tenir compte de l’influence du mode de gestion des territoires périphériques sur le maintien de l’intégrité écologique d’un parc national (Hébert 2009). Il s’agit essentiellement d’un paysage englobant une aire protégée entourée d’un territoire périphérique dont les limites sont généralement déterminées en fonction d’un enjeu de conservation particulier (Woodley et al. 1998). Pour les besoins de la gestion de l’orignal au parc national Forillon, le grand écosystème a été défini par la zone de chasse no 1, établie par la province de Québec pour gérer la chasse sportive en Gaspésie.

Zone de chasse no 1

Figure 1. Zone de chasse no 1 — la version textuelle suit.
Figure 1. Zone de chasse no 1
Source : Ministère des ressources naturelles et de la Faune du Québec, 2007.

La Figure 1 montre une carte de l’ensemble de la péninsule gaspésienne. Cette carte indique les limites de la zone de chasse no 1. Cette zone s’étend de Mont-Joli à Gaspé.

Dans ce grand écosystème, les stratégies de gestion de l’orignal mises en œuvre dès 1994 par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du Québec, et les stratégies de gestion forestière du ministère des Ressources naturelles du Québec de l’époque se sont montrées très efficaces et se sont traduites par un accroissement constant de la population d’orignaux. En une vingtaine d’années, l’orignal est passé de 1 individu/10 km2 en 1992 à entre 10 et 20 individus/10 km2 en Gaspésie et même à plus de 40 individus/10 km2 dans certains secteurs comme les réserves fauniques de Matane et de Dunière (Lamoureux et al. 2007), avant d’être ramené aux environ de 10 individus/10 km2 dans les 10 dernières années (sauf dans les réserves fauniques où il est maintenu autour de 30 individus/10 km2, Dorais 2017, Dorais et Lavergne 2017, Roussel-Garneau et Larocque 2020). L’orignal étant un gros gibier très prisé en Gaspésie (Lamontagne et Lefort 2004), il est très chassé aux abords du parc national Forillon et, depuis le début des années 2000, on a noté une augmentation marquée du nombre d’orignaux récoltés à moins de cinq km des limites du parc (Figure 1).

Nombre d’orignaux récoltés à moins de 5 km des limites du parc national Forillon (1980 et 2020)

Figure 2. Nombre d’orignaux récoltés à moins de 5 km des limites du parc national Forillon (1980 et 2020) — la version textuelle suit.
Figure 2. Nombre d’orignaux récoltés à moins de 5 km des limites du parc national Forillon (1980 et 2020)
Source : Ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs du Québec.

La Figure 2 montre un graphique du nombre d’orignaux récoltés aux limites du parc entre 1980 et 2020. Ce nombre était inférieur à 10 animaux entre 1980 et 2003. Ensuite, le nombre a atteint environ 50 individus à partir de 2018.

Dans le parc national Forillon, des inventaires aériens réalisés lors des premières années après la création du parc (1970) ont montré que la population d’orignaux semblait être constituée d’environ une cinquantaine d’individus (soit environ 2 orignaux/10 km2, Figure 2). Des inventaires réalisés de 1982 à 1997 ont, pour leur part, démontré que la population s’était accrue progressivement pour atteindre environ 135 individus, soit 5,5 orignaux/10 km2 (Comeau et al. 2006). Par la suite, un inventaire réalisé en 2009 a permis de constater que la population avait accéléré grandement sa croissance et atteignait alors environ 440 individus, soit une densité de presque 18 orignaux/10 km2 (Lahaise et al. 2010). Cette tendance s’est confirmée en 2017, alors qu’un autre inventaire a montré que la population avait encore doublé (35 orignaux/10 km2). Toutefois, les observations faites durant les plus récents inventaires aériens (2020 et 2023 : environ 22 orignaux/10 km2) montrent que la croissance à long terme pourrait être moins prononcée que ne le laissait présager les inventaires de 2017 et qu’une décroissance pourrait même avoir débuté.

Évolution de la population d'orignaux au parc national Forillon (1973 – 2023, inventaires aériens)

Figure 3. Évolution de la population d'orignaux au parc national Forillon (1973 – 2023, inventaires aériens) — la version textuelle suit.
Figure 3. Évolution de la population d'orignaux au parc national Forillon (1973 – 2023, inventaires aériens)

La Figure 3 montre un graphique du nombre d’orignaux à l’intérieur des limites du parc entre 1973 et 2023. Ce nombre oscillait entre 50 et 150 animaux entre 1973 et 1998, pour atteindre environ 830 animaux en 2017. En 2023, la population est d’environ 520 individus.

La surabondance et ses enjeux pour le parc national Forillon

Causes de la surabondance d’orignaux

Si les orignaux ont pu atteindre de tels niveaux d’abondance dans le parc national Forillon, c’est essentiellement à cause de l’absence de mécanisme de régulation de leur population (prédation, chasse, manque de nourriture, maladie et parasite). En effet, lorsqu’il fut question de créer le parc national Forillon, il n’y avait déjà plus de loup (Canis lupus, prédateur majeur pour l’orignal) au sud du fleuve Saint-Laurent depuis de nombreuses décennies (depuis le début du 20e siècle; Jolicoeur 2003). De plus, dès l’ouverture du parc national Forillon (en 1970), la chasse fut interdite et les deux décennies qui suivirent furent marquées par l’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette qui a rajeuni les peuplements forestiers, les rendant plus productifs en nourriture. Enfin, aucune maladie ni aucun parasite n’ont été documenté et n’aurait sévi de façon suffisamment intense pour enrayer la croissance de la population.

Absence d’un prédateur majeur

Le loup est le principal prédateur naturel de l’orignal dans l’est de l’Amérique du Nord (Ballard et Van Ballenberghe 1997). Le rôle et l’importance de la prédation par le loup comme facteur de régulation chez l’orignal ont fait l’objet de débats dans la littérature scientifique, mais il est commun de voir une corrélation entre l’abondance du loup et celle de l’orignal, et une réduction du taux de survie des orignaux adultes lorsque le loup est présent (Ballard et Van Ballenberghe 1997, Franzmann 2000). Mis à part le cas particulier de l’Isle Royale (Michigan), les territoires où on a observé une densité élevée d’orignaux en Amérique du Nord sont généralement caractérisés par une absence de prédateurs, et en particulier par une absence de loups (Karns 1997).

Même s’il n’est pas cité comme un prédateur potentiel de l’orignal dans la littérature, des cas de prédation par le coyote (Canis latrans) sont parfois rapportés. Un tel cas a d’ailleurs été observé à l’hiver 2014 dans le parc national Forillon. Malgré ceci et dans l’état des connaissances actuelles, il est toutefois peu probable que cette espèce ait une influence significative sur l’abondance des populations d’orignaux en général, comme sur celle du parc national Forillon en particulier.

La photo montre une femelle orignal morte, couchée au bord d’un chemin à l’intérieur du parc national Forillon. Il s’agit d’un cas peu commun de prédation par le coyote, observé à l'hiver 2014 après d’abondantes chutes de neige.
Cas peu commun de prédation par le coyote, observé à l'hiver 2014 après d’abondantes chutes de neige au parc national Forillon.

Le rôle de la prédation par l’ours noir (Ursus americanus) dans la régulation de l’orignal est moins bien connu que pour le loup, mais on sait que ce dernier s’attaque principalement aux nouveau-nés, et ce, surtout au cours des 4 à 6 premières semaines de leur vie (Ballard et Van Ballenberghe 1997 et 2007, Schwartz et Franzmann 1991, Bowyer et al. 2003), ce qui limite sa capacité d’influencer l’abondance de la majorité des populations d’orignaux. Les ours sont des prédateurs opportunistes et leur rôle en tant que prédateur varierait en fonction de la disponibilité des autres sources de nourriture de sorte qu’il est peu probable que l’ours participe de manière significative à la régulation de la plupart des populations d’ongulés (Zager et Beecham 2006). Dans certaines circonstances toutefois, la prédation par l’ours noir peut contribuer à maintenir des populations d’ongulés à des niveaux de densité relativement faibles. Ainsi, jusqu’à 90 % des nouveau-nés de certaines populations d’orignaux et de wapitis peuvent être victimes de la prédation, et jusqu’à 50 % des cas de mortalité peuvent être causés par l’ours noir, en particulier lorsque la densité de l’ours dépasse 2 ours/10 km2 (Zager et Beecham 2006). Or, la densité de la population d’ours au parc national Forillon a été estimée entre 2,3 et 5,4 ours/10 km2 entre la fin des années 1990 et 2020 (Lablanc et Huot 2000, Pettigrew 2017, Parcs Canada 2023b). Il est donc possible que la prédation par l’ours noir ait contribué à maintenir la population d’orignaux au niveau de densité observée entre le début des années 1970 et la fin des années 1990, mais c’est peu probable et ça n’a manifestement pas empêché la croissance démographique de l’orignal observée entre 1997 et 2017.

Le fait que la chasse soit interdite à l’intérieur des limites du parc national Forillon aide également à l’accroissement d’abondance des orignaux. De façon générale, les territoires où les densités d’orignaux sont élevées sont exempts de prédateurs et peu ou pas exploités par la chasse (Karns 1997).

Abondance de nourriture

En règle générale, les orignaux prospèrent dans les jeunes forêts provenant de perturbations (Timmermann et McNicol 1988). Les plus fortes densités sont observées dans les forêts mixtes (Brassard et al. 1974, Joyal 1987, Crête 1988), et dans les peuplements perturbés par les feux, les épidémies d’insectes, les coupes forestières et les chablis (Krefting 1974, Peek et al. 1976, Timmermann et McNicol 1988, Loranger et al. 1991), car ces peuplements fournissent de nombreux arbustes à feuilles caduques qui constituent une abondante source de nourriture de qualité pour l'orignal (Timmermann et McNicol 1988, Crête, 1989, Forbes et Theberge 1993).

À l’intérieur du parc national Forillon, les écosystèmes sont essentiellement constitués de forêts boréales mixtes. La coupe forestière y est interdite et les incendies y sont bien contrôlés depuis près d’une centaine d’années. À partir de 1925, les mesures de suppression actives et les campagnes de sensibilisation de la population aux dangers des feux sont devenues de plus en plus efficaces, de sorte qu’il n’y ait pas eu de grand feu depuis la fin des années 1940 et que plus aucun incendie naturel n’ait été observé sur le territoire du parc national Forillon depuis 1974 (Agence Parcs Canada, 2008). Cependant, 25 à 30 % du territoire (soit environ 6 300 ha, Del Degan et al. 1995a) ont été perturbés lors de la dernière épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette des années 1970-80, ainsi que par quelques épisodes de chablis de faible ampleur. Ces perturbations ont contribué à rajeunir les peuplements forestiers et donc à fournir aux orignaux une abondante source de nourriture en plus de celle qui était présente ailleurs dans le parc.

Conséquences de la surabondance d’orignaux

Perte potentielle d’intégrité écologique

Diverses études menées dans le monde entier établissent clairement que les fortes densités d'ongulés peuvent modifier radicalement la régénération des forêts, mais également la composition, la densité et la diversité des plantes herbacées de sous-étage (Russell et al. 2001, Rooney et Waller 2003, Tremblay et al. 2006). En consommant certaines plantes, les ongulés affectent directement leur croissance, leur reproduction et leur survie. Le broutement sélectif par les ongulés favorise indirectement les espèces résistantes à ce type de perturbation au détriment de celles qui subissent une plus forte pression de broutement ou qui sont moins résistantes à son effet. À cause du fait qu’ils consomment certaines espèces plus que d’autres, à fortes densités, ils changent la composition des strates arbustives et herbacées, faisant passer diverses communautés végétales dominées par des semis d’arbres et de fleurs sauvages à des communautés végétales simplifiées souvent de plantes récalcitrantes comme les fougères et les graminées qui empêchent l’établissement des espèces typiques de l’écosystème (Royo et al 2006). Par conséquent, en surabondance, les ongulés sont des herbivores clés capables de menacer à la fois la régénération et la biodiversité forestières (Nuttle et al. 2014).

L’orignal est un grand herbivore dont les besoins alimentaires sont variables selon la sous-espèce, l’âge, le sexe et la saison considérée, mais qui est capable de consommer jusqu’à 20 et même 30 kg de végétation par jour (Schwartz et al. 1984, Sæther et al. 1992, Burton 1998). La capacité de l’orignal à altérer la végétation et à modifier la dynamique forestière lorsqu’il est présent en grande densité est donc réelle et connue depuis longtemps (Peek 2007, Parks Canada Agency 2010bc). Les impacts écologiques liés aux densités élevées vont de la modification de la composition chimique des sols (Pastor et al. 1993) à l’altération de la trajectoire de la dynamique forestière (Risenhoover et Maass 1987, Thompson et al. 1992, Connor et al. 2000, De Vriendt et al. 2021). La composition et l’abondance des plantes de sous-bois sont également modifiées par un broutement intensif, favorisant ainsi certaines espèces au détriment d'autres, plus appréciées par l’orignal (Parks Canada Agency 2010b).

À titre d’exemple, Pastor et al. (1993) ont rapporté que sur l’Isle Royale (Michigan), où les orignaux se sont maintenus à des densités relativement élevées sur une période de 80 ans, certaines espèces comme le sorbier (Sorbus sp), l’érable (Acer sp), le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides) et le bouleau blanc (Betula papyrifera) étaient plus abondantes à l’intérieur d’exclos (en place depuis 40 ans) qu’à l’extérieur de ces derniers. De plus, le broutement excessif avait créé des peuplements relativement ouverts composés de bouleaux blancs et d’épinettes blanches (Picea glauca) (Peek 2007). Brandner et al. (1990) ont évalué qu’il fallait réduire la densité à moins de 20 orignaux/10 km2 pour permettre aux peuplements de sapin baumier (Abies balsamea) de se régénérer sur l’Île Royale.

Les difficultés de la forêt à se régénérer sont également liées à la pression de broutement exercée par la population d’orignaux sur les jeunes arbres au parc national du Gros-Morne. Ainsi, seulement 25 % des peuplements ayant subi un broutement intensif par l’orignal parviennent à se régénérer, et dans les 75 % restants, l’absence quasi totale de régénération transforme les peuplements en milieu ouvert. En comparaison, 90 % des peuplements se régénèrent adéquatement à l’extérieur du parc où les densités d’orignaux sont beaucoup plus faibles. L’ouverture du couvert forestier dans le parc rend les peuplements particulièrement vulnérables aux perturbations par le vent et par les insectes (Parks Canada Agency 2010b).

Dans le parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, au cours des 20 dernières années, les impacts de l’orignal sur la régénération de la forêt boréale ont été bien documentés par Parcs Canada et des chercheurs externes (Smith et al. 2015). Ces derniers ont montré que la régénération forestière a échoué sur de vastes zones en raison du broutage excessif par les orignaux. Une forte proportion d’espèces boréales clés, telles que le sapin baumier et le bouleau blanc, ont été sévèrement affectées et sont toujours incapables de croître à une hauteur suffisante pour se retrouver hors de portée de l’orignal. Une analyse de l’imagerie satellite indique même que 11 % de la superficie totale du parc qui était anciennement recouverte d’une forêt boréale en santé ont été convertis en habitats dominés par la strate herbacée.

La perte de la couverture forestière est susceptible d’influencer directement les autres espèces animales et végétales qui ont besoin des forêts comme abri et comme source de nourriture. Toujours au Cap-Breton, une étude menée sur les oiseaux en 2014 a démontré une incidence élevée d’espèces pionnières qui préfèrent les habitats ouverts, alors qu’à l’inverse, les espèces qui habitent dans les régions boisées, n’ont été trouvées que dans très peu de sites. Ceci correspond aux résultats observés au parc national du Gros-Morne, qui indiquent que le broutage excessif par l’orignal peut à long terme entraîner des changements importants dans les communautés d’oiseaux forestiers (Rae et al. 2014). Dans le même ordre d’idée et pour les mêmes raisons (pertes d’habitat), la martre d’Amérique (Martes americana) et le lynx du Canada (Lynx canadensis), toutes deux classées en voie d’extinction en Nouvelle-Écosse, sont en grande difficulté (Nova Scotia American Marten Recovery Team et Nova Scotia Lynx Recovery Team 2006). C’est donc l’intégrité écologique de l’ensemble de l’écosystème forestier qui est menacée.

Dans le parc national Forillon, la croissance démographique de l’orignal vécue depuis 1997 et les impacts potentiels liés à la surabondance d’un grand herbivore laissent supposer que le territoire risque, lui aussi, de voir son intégrité écologique se détériorer.

Émergence d’un parasite

Bien qu’aucune maladie ni qu’aucun parasite n’ait sévi suffisamment intensément pour réguler les populations d’orignaux décrites plus haut, de nombreux indices tendent à démontrer que la tique d'hiver (Dermacentor albipictus) qui a toujours été présente partout en Amérique du Nord dans différents habitats surtout lorsqu’ils sont fréquentés par l’orignal, est actuellement en pleine expansion démographique dans l’est du Canada. Ce petit parasite est susceptible d’infecter les grands cervidés et d’être présent en grande quantité sur un même hôte. La charge parasitaire varie en fonction du sexe et de l’âge de l’hôte, mais il se trouve qu’elle serait également corrélée à la densité des orignaux sur un territoire donné (Samuel 2004).

L’intensification des interactions entre la tique d’hiver et l’orignal est un phénomène récent dans l’est du Canada. Son influence sur l’écologie des populations d’orignaux n’est pas très connue (Samuel 2007, Wilmers et al. 2006). Cependant, il semblerait qu’en plus de prélever un volume important de sang et de causer une anémie chronique (Musante et al. 2007), les tiques ont de multiples effets sur le comportement des individus infectés. À la longue, ces effets endommagent le pelage (Samuel 1991), altèrent sa capacité isolante, augmentent le stress thermique (Glines et Samuel 1989) et, à l’extrême, provoqueraient un amaigrissement des individus, diminueraient leur vigilance aux prédateurs (Mooring et Hart 1995) et augmenteraient la mortalité néonatale des veaux (Garner et Wilton 1993). Bref, ce type de parasite peut donc avoir des conséquences sur la condition physique et, ultimement, sur la reproduction et sur la survie de certaines espèces (ici, l’orignal ; McLaughlin et Addison 1986, Musante et al. 2007, Samuel 2007, Bergeron et Pekins 2014, Jones et al. 2019, Debow et al. 2021) peu adaptées à sa présence en région boréale.

Au cours des dernières années, la prévalence de la tique d’hiver s’est accrue en Gaspésie, ajoutant un facteur potentiel de mortalité qui est susceptible d’affecter la dynamique de la population d’orignaux du parc national Forillon (Dorais et Lavergne 2017).

Nécessité de suivre l’évolution des populations d’orignaux

La croissance démographique rapide de l’orignal entre 1997 et 2017 et les impacts potentiels liés à la surabondance de ce grand herbivore justifient la nécessité d’effectuer un suivi rigoureux de l’évolution de la population, mais également des impacts à long terme du broutement de l’orignal sur l’écosystème forestier.

Toutefois, les méthodes de suivi des grands ongulés, basées principalement sur l’inventaire aérien, s’avèrent coûteuses, tant sur le plan des ressources humaines que financières. Par ailleurs, contrairement au territoire public ou à d’autres territoires structurés provinciaux (réserves fauniques et ZECs), l’absence de chasse dans le parc ne permet pas la récolte d’informations indirectes sur l’évolution des populations (données de récolte d’orignaux) qui sont généralement complémentaires aux données d’inventaires traditionnels. Leur acquisition étant beaucoup moins coûteuse, la récolte de ce type de données permet d’espacer dans le temps la mise en œuvre des mesures comme les inventaires aériens, qui nécessitent plus de ressources. Il existe d’autres méthodes indirectes, elles aussi relativement peu coûteuses, et le parc national Forillon a choisi d’en tester une (Random Encounter Model (REM), voir plus bas, chapitre « Résultats des initiatives du premier plan de gestion », partie « Mesures de surveillance indirectes »).

Malgré les tendances observées dans le grand écosystème gaspésien et dans l’état actuel des connaissances, les différences importantes qui existent entre le mode de gestion des territoires périphériques et celui du parc national Forillon, limitent la possibilité d’avoir une idée claire de l’évolution de la population d’orignaux du parc en se basant sur les données de chasse en périphérie. La récolte forestière occasionne notamment un important rajeunissement des forêts en périphérie de Forillon, alors que la forêt du parc a tendance à vieillir. À long terme, l’habitat sera de plus en plus différent entre le parc et le reste du grand écosystème, à moins que ne surviennent des perturbations naturelles majeures (comme la nouvelle épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette qui est en cours en Gaspésie). Le défi réside donc dans la possibilité d’effectuer un suivi efficace à long terme de la population d’orignaux, tout en demeurant à l’intérieur des limites imposées par les ressources humaines et financières dédiées.

Contexte légal et politiques de gestion des espèces surabondantes

En cas d’occurrence d’une espèce surabondante, l’agence Parcs Canada s’est dotée d’une directive interne qui facilite la prise de décisions et guide les actions à poser dans le but de gérer les problèmes qui pourraient découler de cette surabondance. L’élaboration d’un plan de gestion respectant les lois du gouvernement du Canada, ainsi que les politiques et exigences de Parcs Canada, fait partie des actions recommandées par cette directive.

Cette section du plan de gestion décrit comment s’applique la Directive sur la gestion des populations fauniques surabondantes dans les sites patrimoniaux protégés de Parcs Canada (Agence Parcs Canada 2019). Cette directive définit les critères permettant de déterminer dans quelles conditions une population devient surabondante, et énonce les principes, les processus et les méthodes appropriées à une gestion active et adaptative de cette situation, ainsi que les responsabilités qui y sont associées.

Cadre général

La directive s’applique dans les différentes aires protégées par Parcs Canada, soit : les parcs nationaux, les réserves de parc national, les aires marines nationales de conservation, les réserves d’aires marines nationales de conservation, le parc national urbain de la Rouge. Elle sert aussi de guide dans les lieux historiques nationaux. La législation relative aux parcs nationaux stipule que la préservation ou la restauration de l'intégrité écologique, par la protection des ressources naturelles et des processus naturels, constitue la priorité absolue parmi tous les aspects de la gestion de ces écosystèmes (Loi sur les parcs nationaux du Canada 2018) comme au parc national Forillon. Cependant, avant d’entamer des procédures qui mèneraient à la mise en œuvre de mesures de gestion, il est primordial de s’assurer que la population animale en question est bel et bien surabondante.

Dans ce cadre de gestion, une population surabondante d’une espèce sauvage est définie comme une population animale naturelle ou naturalisée qui, en raison de ses effectifs excessifs, a des répercussions à long terme prévues ou prouvées à partir de données probantes sur des espèces en péril, sur l'intégrité écologique ou sur la viabilité écologique d’un territoire ou d’une aire marine sous la juridiction de Parcs Canada.

Les grands principes

La gestion des populations fauniques surabondantes effectuée par Parcs Canada doit être efficace, collaborative, concrète et fondée sur des données probantes. Elle doit mettre en application les principes de gestion adaptative et doit respecter les politiques de l’Agence sur le traitement sans cruauté de la faune, sur la santé et la sécurité du public ainsi que du personnel et, enfin, sur la consultation. Selon ces grands principes Parcs Canada doit :

  • prendre des mesures de gestion efficaces basées sur les causes de la surabondance, y compris le contexte évolutif, culturel, économique, historique et régional;
  • s’appuyer sur des données probantes pour déterminer quand et comment gérer des populations fauniques surabondantes, tout en reconnaissant l’existence d’éléments d’incertitude et de lacunes dans les connaissances;
  • surveiller les résultats de ces mesures de gestion et les rapporter pour guider la gestion adaptative;
  • gérer les populations fauniques surabondantes de façon proactive en prenant des mesures pour prévenir les incidences néfastes sur les espèces en péril, l’intégrité écologique et la viabilité écologique ou y réagir promptement lorsque des données probantes font état d’incidences néfastes;
  • mobiliser les peuples et communautés autochtones qui entretiennent des liens traditionnels avec les terres et les eaux, et contribuer au processus de réconciliation par le biais de relations basées sur la reconnaissance des droits, le respect et la coopération.
  • collaborer avec ses partenaires et d’autres compétences afin de minimiser les effets des populations fauniques surabondantes à l’intérieur de nos frontières et au-delà;
Approche de gestion

L’approche générale de la gestion des espèces surabondantes dans les parcs nationaux passe d’abord par l’élaboration d’un plan de gestion qui vise à établir et à documenter l’orientation stratégique et opérationnelle à suivre dans le but de protéger les espèces en péril, l’intégrité écologique et la viabilité écologique des écosystèmes. Ce plan de gestion doit comprendre les éléments suivants :

  • des données sur les impacts connus ou prévus sur des espèces en péril, l’intégrité écologique ou la viabilité écologique;
  • une description du processus décisionnel, à savoir les preuves recueillies, la force et le poids présumés de chacune, les options de gestion envisagées et les éléments d’incertitude;
  • une description des options de gestion et de leur pondération respective, visant à réduire les impacts des populations fauniques surabondantes;
  • une évaluation des effets probables de la gestion des populations fauniques surabondantes sur les mesures actuelles ou proposées pour la gestion d’espèces en péril dans le site patrimonial protégé;
  • une évaluation des effets probables de la gestion des populations fauniques surabondantes sur les conditions socioéconomiques à l’intérieur et aux environs du site patrimonial protégé;
  • un plan de mise en œuvre de l’option de gestion choisie;
  • une description des moyens employés pour mesurer et surveiller les résultats;
  • une description des consultations et de l’engagement des peuples autochtones;
  • une description de l’implication des collectivités, des partenaires et des intervenants;
  • un plan de communications.

Obligations de Parcs Canada en matière de maintien de l’intégrité écologique

Qu'est-ce que l'intégrité écologique?

Selon la Loi sur les parcs nationaux du Canada, « l’intégrité écologique » est « un état jugé caractéristique de sa région naturelle et susceptible de durer, qui comprend les composantes abiotiques et la composition de même que l'abondance des espèces indigènes et des communautés biologiques, les rythmes de changement et les processus qui les soutiennent ». En d’autres termes, les écosystèmes sont intègres lorsque les éléments qui les composent et les processus qui les influencent (p.ex. : feux, inondations, prédation) sont intacts et évoluent naturellement.

Perspectives générales

Les écosystèmes sont les parties d’un ensemble écologique plus vaste en constante évolution au cours du temps. Ils vivent de perpétuels changements, d’amplitude et de durée variables, parfois selon des rythmes caractéristiques dont il est important de saisir les subtilités. L’intégrité écologique des écosystèmes doit donc être évaluée et éventuellement gérée en fonction de réalités spatiotemporelles dans lesquelles ils ont évolué. De fait, la gestion d’un parc national (ou d’une de ses composantes naturelles) doit tenir compte du contexte historique et biogéographique qui l’a modelé, de manière à ce que le parc en question ne se retrouve pas reclus, contraint à fonctionner isolément du reste de l’entité écologique auquel il appartient.

Nos obligations

Compte tenu du contexte et des perspectives générales entourant la notion d’intégrité écologique, l’Agence Parcs Canada a l’obligation de chercher à préserver ou à restaurer les processus écologiques clés qui reflètent les conditions naturelles des milieux dont elle a la responsabilité et, pour cela, d’adopter des stratégies de gestion et de conservation adéquates.

Dans le cas où l’intégrité écologique d’un milieu serait menacée par la présence d’une espèce devenue surabondante à la suite d’une détérioration des mécanismes naturels de régulation de ces effectifs (comme c’est possiblement le cas du parc national Forillon dont l’intégrité est menacée par l’orignal, en absence de loup), l’Agence Parcs Canada a l’obligation d’adopter des stratégies de gestion et de conservation qui permettraient de ramener l’abondance de cette espèce à des niveaux qui reflèteraient les conditions naturelles du milieu, de manière à assurer le maintien à long terme de l’ensemble de ses composantes. Ces stratégies doivent reproduire le plus fidèlement possible le rôle des processus naturels. De plus, l’élément déclencheur pour un éventuel contrôle d’une population surabondante ne doit pas reposer uniquement sur des objectifs d’abondance de cette population. Il doit principalement être basé sur l’atteinte d’objectifs liés au maintien de l’intégrité écologique de l’écosystème affecté.

Contexte culturel, groupes d’intérêt locaux et sécurité publique

Aujourd’hui encore, l’orignal demeure emblématique dans la culture populaire québécoise et, bien qu’une faible minorité de la population québécoise chasse toujours l’orignal, cette pratique continue d'être significative pour de nombreuses communautés, particulièrement en Gaspésie où on estime que les adeptes de cette chasse représentent environ 16 % de la population locale. Tous les chasseurs du secteur de Forillon, peu importe leur appartenance, sont soumis aux mêmes règles de gestion et d’éthique que tous les autres chasseurs résidant au Québec qui pratiquent cette activité dans la zone de chasse de la Gaspésie (Zone 1, voir Figure 1). Comme ils semblent avoir un bon succès de récolte aux abords du Parc national Forillon, ils expriment la volonté de le conserver. Que ce soit au sujet de la chasse ou non, différents groupes au sein de la population locale ont démontré de l’intérêt pour tous les aspects de la gestion du plus gros gibier de la région et, conformément aux exigences de la Directive, ils ont été rencontrés et conviés à des consultations publiques pendant l’élaboration du présent plan de gestion et avant son adoption finale.

Groupes d’intérêt locaux

La communauté Micmac de Gespeg, le Regroupement des personnes expropriées et leurs descendants, l’Association chasse et pêche de Gaspé et la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs – Secteur Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, la ville de Gaspé et les représentants élus des différents quartiers, ainsi que les regroupements tels la Table de concertation de Cap-aux-Os et le Centre culturel le Griffon et, plus largement, les communautés locales qui regroupent de nombreux usagers du parc et de ses environs, sont autant d’interlocuteurs pour Parcs Canada. Ils ont tous été conviés à donner leur point de vue sur la situation. Les groupes plus sensibles aux questions de protection et de conservation de la nature étaient eux aussi intéressés à émettre leur opinion (par exemple : Conservation de la nature Canada, Nature Québec, la Société pour la nature et les parcs, le Conseil régional de l'environnement de Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine). Enfin, les autres entités régionales impliquées dans la gestion de la faune et dans l’opération de territoires structurés, en particulier lorsqu’ils ont une vocation de conservation (p.ex. : Parc national de la Gaspésie, ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec), ont été considérées comme de précieux partenaires et collaborateurs, indispensables à la cohérence et à la réussite des initiatives du présent plan de gestion.

Sécurité publique

Tous les groupes d’intérêt locaux nous ont fait part de leurs opinions mais aussi de leurs préoccupations vis-à-vis de certains enjeux liés à la surabondance d’un gros animal comme l’orignal. Parmi eux, la présence d’une population abondante d’orignaux peut par exemple générer des enjeux de sécurité publique. En effet, la fréquentation des bords des routes par ces animaux augmente les risques de collision et de mortalité tant pour les occupants de véhicules que pour l’animal. Il est facile de comprendre que le nombre d’accidents et de mortalités routières est directement proportionnel au volume du trafic routier, à la vitesse des véhicules et à l’abondance des orignaux (Child 1997). Plusieurs solutions relativement simples mais parfois coûteuses sont disponibles pour assurer la sécurité des humains comme celle des orignaux. Certaines études ont démontré que diminuer la vitesse réduit de façon exponentielle le risque de collision avec la faune (Kloeden et al. 1997), les clôtures avec ouvertures unidirectionnelles à l’épreuve des orignaux, combinées à d’autres moyens comme l’ajout de passages fauniques au-dessous ou au-dessus la route avec une amélioration de l’éclairage, pouvaient réduire le nombre d’accidents de 70 % et jusqu’à 95 % dans les secteurs clôturés (Child 1997, Bouffard et al. 2012, Lee et al. 2012). D’autre part, à l’échelle de l’Amérique du Nord, les mortalités d’orignaux par collisions routières (incluant les trains) représentent environ 6 % du nombre d’orignaux récoltés annuellement par la chasse et peuvent avoir une incidence réelle sur l’abondance et la distribution des populations locales d’orignaux (Child 1997).


Grandes lignes et résultats du 1er plan de gestion de l’orignal

En 2013, un premier plan de gestion de l’orignal a été élaboré au parc national Forillon (2013 – 2017, Sigouin et al. 2013) pour commencer à mettre en place certaines mesures de suivi de la population d’orignaux et de ses effets sur l’intégrité écologique du parc, principalement dans le but de déterminer si l’espèce était en voie de devenir surabondante en fonction des critères établis par la directive de l’époque (Directive 4.4.11 - Parks Canada Agency 2007). Cette réflexion faisait suite à l’inventaire de la population en 2009. Les paragraphes ci-dessous résument les actions et les résultats qui en ont découlé.

Choix de la situation de l’orignal comme mesure de l’intégrité du parc national Forillon

De par sa position dans la chaîne trophique et à cause des impacts qu’il peut générer sur la composition et la structure des communautés végétales, l’orignal est considéré comme une espèce jouant un rôle clé dans l’évolution naturelle des forêts du parc national Forillon (Lahaise et al. 2010). De fait, la valeur de certains paramètres caractéristiques de l’état de la situation démographique de la population d’orignaux (« Densité de la population », « Rapport des sexes », « Productivité », ici identifiés comme des « sous-mesures »), peut donner un indice du niveau d’intégrité écologique du milieu. La situation de la population évaluée au travers de ces sous-mesures, a donc été choisie comme l’une des mesures d’intégrité de l’écosystème forestier dans le programme de surveillance de l’intégrité écologique du parc national Forillon (Sigouin et al. 2008), puis utilisée dans le cadre de l’élaboration du premier plan de gestion (Sigouin et al. 2013).

Pour rationaliser la démarche, une revue de littérature avait permis d’établir une base de référence servant à comparer le niveau des sous-mesures par rapport à certains seuils d’intégrité (Sigouin et al. 2008). Dans le tableau 1 qui présente cette base de référence, on remarque qu’une situation ou un état jugé « BON » par rapport à ces seuils, est indiqué en vert, un état jugé « PASSABLE » en jaune et un état jugé « MAUVAIS » en rouge.

Tableau 1. Seuils qui servaient à déterminer l’état des sous-mesures de la situation de l’orignal jusqu'en 2020.

Sous-mesure État d’intégrité
Mauvais Passable Bon Passable Mauvais
Densité (orignaux/10 km2) < 2 2 - 4 4 - 8 8 - 10 > 10
Rapport des sexes (M/F) < 50 / 100 50 - 80 / 100 > 80 / 100 - -
Productivité (jeunes/100 femelles) < 10 10 - 30 30 - 60 60 - 80 > 80

Entre 1982 et 2009, parallèlement aux données d’abondance recueillies, les sous-mesures avaient aussi été évaluées, elles ont donc pu être comparées à ces seuils par la suite (Tableau 2, tiré de Samson et al. 2011). En plus de la croissance démographique observée entre 1997 et 2009 et malgré une augmentation significative de la productivité, le rapport des sexes avait fortement diminué au cours de cette période. Compte tenu des chiffres obtenus pour ces deux sous-mesures (Densité et Rapport des sexes), l’état général avait été jugé « MAUVAIS » en 2009 (Tableau 2). La croissance de la population avait été attribuée à l’absence de prédation significative, tandis que le déséquilibre dans le rapport des sexes était vraisemblablement causé par la forte récolte de mâles en périphérie du parc (Lahaise et al. 2010).

Tableau 2. Résultats des inventaires aériens d’orignaux réalisés au parc national Forillon en 1982Note de bas de page1, 1990Note de bas de page2, 1997Note de bas de page3 et 2009Note de bas de page3

Année Densité de la populationNote de bas de page4 (orignaux/10 km2) Rapport des sexesNote de bas de page5 ProductivitéNote de bas de page5 Tendance de la mesureNote de bas de page6
Mâles Femelles M/100 F Jeunes Jeunes/100 F
1982 6,0 ± 0,4 17 41 41 23 56 ?
1990 4,4 ± 0,3 17 27 63 6 22
1997 5,5 ± 0,4 36 47 77 10 21
2009 17,9 ± 1,4 50 153 33 50 33

Autres considérations

En date de l’année 2013, le programme de surveillance de l’intégrité écologique du parc était encore trop récent et la récolte de données complémentaires (inventaires de population, suivi des effets du broutement, mise en place d’exclos) trop embryonnaire pour pouvoir se faire une idée complète du portrait réel de la situation dans le parc. Les démarches entreprises avaient essentiellement permis de constater que la population avait connu une phase rapide de croissance entre 1997 et 2009, qu’en 2009 la densité d’orignaux avait dépassé les seuils établis pour un état d’intégrité jugé « Mauvais » (Samson et al. 2011), et que la récolte d’orignaux en périphérie avait probablement affecté le rapport des sexes de la population. Toutefois, on ignorait si cette croissance se poursuivrait à long terme, on ignorait également l’ampleur de l’influence de la chasse ayant lieu en périphérie sur l’abondance de la population du parc, et on ne savait pas non plus dans quelle mesure les densités d’orignaux observées en 2009 influençaient la dynamique forestière, ni si des effets significatifs sur la composition et la structure des communautés végétales commençaient à se faire sentir.

De fait, il devenait important de poursuivre et d’accentuer la récolte de données, de prévoir la mise en place de protocoles complémentaires permettant de collecter les renseignements manquants et de communiquer adéquatement l’information afin d’obtenir l’adhésion du public et des partenaires impliqués dans la démarche. Le premier plan de gestion de l’orignal au parc national Forillon a été spécifiquement réalisé à cet effet, il contenait les recommandations qui suivent.

Recommandations émises et initiatives mises en œuvre de 2013 à 2017

Considérant la situation de la population en 2009 et les effets appréhendés sur l’évolution de l’écosystème forestier du parc national Forillon, voici les actions qui ont été retenues spécifiquement pour la période 2013-2017.

Pour obtenir des données sur l’orignal et ses effets sur l’intégrité écologique

Recommandations Initiatives (Dates)
Réaliser à court terme un autre inventaire aérien et un inventaire de brout pour vérifier si la croissance de la population se maintenait et pour connaître l’état de la végétation dans les aires de confinement hivernal (aussi appelées « ravages ») de l’orignal Inventaire aérien (2017) 2e Inventaire de brout dans les ravages (2017)
Construire un réseau d’exclos et mettre en œuvre un protocole de suivi de la végétation en collaboration avec l’Université Laval. Mise en place de 8 exclos et de 8 témoins (2013 et 2014) Inventaires de brout, régénération, diversité au cours du temps (effectués en 2014, 2018 et 2020 (brout seulement))
Élaborer une stratégie de projets de recherche comprenant le développement de mesures de surveillance indirectes pour suivre les fluctuations de la population à long terme, l’évaluation de l’impact de la chasse sur la variation d’abondance et la composition des populations d’orignaux du parc national Forillon et l’évaluation de l’ampleur de l’effet de débordement de la population du parc national Forillon vers les territoires adjacents. Surveillance indirecte par REM (2015) Évaluation de l’impact de la chasse (2017)

Pour établir les critères de surabondance et valider les mesures de gestion

Recommandations Initiatives (Dates)
Former un groupe de travail composé de spécialistes de la gestion et de la conservation des espèces, de la surveillance et de l’information écologiques de Parcs Canada, de représentants des services de conservation et des relations externes du parc national Forillon, puis de représentants externes (ministère provincial responsable de la faune et des parcs, chercheurs spécialisés en écologie de la faune et de la dynamique des communautés végétales, groupes d’intérêts locaux, associations de chasseurs, etc.). Groupe de travail (Depuis 2013, en cours)

Pour une bonne communication

Recommandations Initiatives (Dates)
Élaborer un plan de communication sur l’enjeu que représenterait la gestion de l’orignal au parc national Forillon et sur les mesures qui devraient être mises en place au cours de la période ciblée. Plan de communication (2014)

Le suivi rigoureux de la population d’orignaux du parc national Forillon et de ses impacts potentiels sur l’intégrité écologique constituait des actions prioritaires en vue de déterminer si l’espèce pouvait être considérée comme surabondante. Dans les faits, les recommandations ont mené à la mise en place des initiatives présentées ci-dessous.

Résultats du 1er plan de gestion (2013-2017)

Inventaire aérien

En 2017, grâce aux efforts entrepris pour établir des liens de collaboration avec les autorités provinciales dans le but de réaliser des économies en combinant les ressources disponibles, un nouvel inventaire aérien a été réalisé avec le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs et la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq)-Parc de la Gaspésie. La méthode employée pour cet inventaire est comparable à celle utilisée pour les inventaires précédents. Elle est aussi basée sur celle établie par Plante et al. en 1991, mais elle ne contenait qu’un seul survol au lieu de deux ou trois, sans que cela ait d’impact négatif sur les résultats pour autant (Courtois 1996, Sebbane et al. 2013), certains paramètres ayant été ajustés pour que les données restent comparables (Lahaise et al. 2010, Parcs Canada 2018) et qu’elles soient représentatives du territoire du parc national Forillon. Il n’est toutefois pas exclu que les densités de population estimées lors de cet inventaire soient conservatrices, comme en 2009 (Parcs Canada 2018).

Grâce à ce survol qui couvrait l’ensemble du territoire, les sous-mesures habituelles (Densité de la population, Rapport des sexes, Productivité) ont été estimées puis analysées en regard des seuils d’intégrité proposés par Sigouin et al. (2008; Tableau 3).

Tableau 3. Résultats des inventaires aériens d’orignaux réalisés au parc national Forillon en 1982Note de bas de page1, 1990Note de bas de page2, 1997Note de bas de page3, 2009Note de bas de page3 et 2017Note de bas de page4

Année Densité de la populationNote de bas de page5 (orignaux/10 km2) Rapport des sexesNote de bas de page6 ProductivitéNote de bas de page6 Tendance de la mesureNote de bas de page7
Mâles Femelles M/100 F Jeunes Jeunes/100 F
1982 6,0 ± 0,4 17 41 41 23 56 ?
1990 4,4 ± 0,3 17 27 63 6 22
1997 5,5 ± 0,4 36 47 77 10 21
2009 17,9 ± 1,4 50 153 33 50 33
2017 34,4 ± 1,7 158 325 49 83 25

Les densités d’orignaux observées depuis 2009 au parc national Forillon dépassent nettement les seuils établis en 2008 et l’incertitude qui régnait en 2013 quant à la poursuite de la croissance de la population est levée : la population a continué d’augmenter rapidement. Tous les individus ayant été sexés et classés par tranche d’âge en 2017, les résultats de rapport des sexes et de productivité sont plus robustes qu’auparavant (Parcs Canada 2018). Le rapport des sexes demeure fortement biaisé en faveur des femelles (environ 1 mâle pour 2 femelles) et la productivité est relativement faible.

Inventaire de brout (ravages et exclos)

Le plan de gestion de l’orignal 2013-2017 (Sigouin et al. 2013) mentionnait la nécessité d’effectuer un suivi de la végétation pour pouvoir détecter les effets du broutement des orignaux sur la végétation forestière. En conséquence, deux types d’inventaires ont été mis en œuvre et suivis au cours du temps : des inventaires de brout dans les ravages d’orignaux pour avoir une meilleure idée du taux de broutement dans les aires intensives d’utilisation, et des inventaires de végétation dans un dispositif d’exclos et de témoins de manière à obtenir une meilleure représentativité de l’ensemble du territoire du parc.

Depuis 2009, des inventaires de brout sont réalisés dans les ravages suite à chaque inventaire aérien d’orignal. Les analyses sommaires effectuées sur les données issues de ces inventaires montrent que le niveau de de broutement est toujours élevé, mais elles n’ont pas permis de détecter de différence au niveau du taux de broutement (par rapport à la disponibilité totale) à l’intérieur des ravages, et ce, tant pour les espèces conifériennes que feuillues. À la suite d’une investigation plus poussée sur la répartition des ravages en 2017, il apparaît que le nombre de ravages a augmenté parallèlement au nombre d’orignaux, que leur répartition dans le parc s’est accentuée à l’échelle de tout le parc et que le nombre moyen d’orignaux par ravage est resté relativement stable au cours du temps (Figure 4, Tableau 4). De fait, il semble cohérent et logique que le taux de broutement soit resté comparable à l’intérieur des ravages au cours des années, malgré l’augmentation de l’abondance des orignaux dans le parc national Forillon.

Répartition des ravages d’orignaux durant les hiver 2009 et 2017 dans le parc national Forillon

Figure 4. Répartition des ravages d’orignaux durant les hiver 2009 et 2017 dans le parc national Forillon — la version textuelle suit.
Figure 4. Répartition des ravages d’orignaux durant les hiver 2009 et 2017 dans le parc national Forillon

La Figure 4 montre deux cartes géographiques représentant le parc national Forillon et permettant de comparer la répartition des ravages d’orignaux durant les hivers 2009 et 2017. Le nombre de ravages a augmenté parallèlement au nombre d’orignaux.

Tableau 4. Nombre de ravages et d’orignaux par ravage en 2009 et 2017 dans le parc national Forillon

Année 2009 2017
Nombre de ravages 89 161
Nombre moyen d'orignaux/ravage 3,28 3,52
Écart-type d'orignaux/ravage 3,08 4,10
Nombre maximal d'orignaux par ravage 16 25

Cette situation s’est d’ailleurs confirmée lors des inventaires réalisés en 2020 et en 2023 (voir Parcs Canada 2022 et 2023a).

La photo montre une des parois d’un exclos qui est constituée de poteaux métalliques est d’un grillage d’environ 8 pieds de haut (grillage à bétail), ayant pour but de révéler l’impact du broutement de l’orignal sur la végétation forestière du parc national Forillon. Il est situé dans une forêt de conifères, il mesure 400 m2.
Un des 8 exclos mis en place dans le parc Forillon en 2014.

De 2013 à 2014, un réseau de 8 exclos et de 8 témoins appariés a été établi dans le but de mesurer l’effet du brout de l’orignal sur la végétation. Des données ont été prises en 2014 suite à l’établissement du réseau, puis un premier remesurage a eu lieu en 2018. L’analyse de ces données a permis de constater qu’une tendance semble se dessiner, en particulier pour certaines espèces préférées par l’orignal. Des résultats préliminaires indiquent que, toutes espèces confondues, le taux de broutement dans les témoins se serait accru entre les deux périodes d’échantillonnage qui ne sont espacées que de 4 à 5 ans, le dispositif serait donc efficace. Par contre, cela ne signifie pas nécessairement que la végétation est surexploitée par l’orignal. D’autres analyses sur les mêmes données indiquent des tendances plus ou moins fortes à l’accroissement du broutement dans les témoins pour de nombreuses espèces, dont le noisetier à long bec, l’érable rouge et l’érable à épis qui comptent parmi les espèces les plus recherchées par l’orignal. Fait à noter, les exclos et leurs témoins respectifs ont été établis en forêt hors de zone de ravage et représente donc l’effet du broutement par l’orignal pendant la période sans neige dans des secteurs avec un couvert forestier limitant la réponse rapide des plantes. De plus, ces exclos peuvent être utilisés comme des références pour comparer la composition et la structure de la forêt et de la strate herbacée dans le but de développer des indicateurs directs de l’intégrités écologique.

Développement de mesures de surveillance indirectes

La photo montre un grand mâle orignal photographié en pleine forêt au moment de son passage fortuit devant une caméra numérique vigile (caméra de chasse) installée en 2015 dans le parc national Forillon.
Orignal photographié par une caméra numérique disposée aléatoirement dans le parc Forillon.

Dans le cadre d’un projet d’étude sur l’ours noir réalisé en 2015 sur le territoire du parc national Forillon, une méthode d’inventaire utilisant des caméras disposées aléatoirement a été testée (Pettigrew et al. 2021). Cette méthode, nommée REM pour Random Encounter Model offre l’avantage de ne nécessiter aucun appât. De plus, contrairement aux autres techniques utilisant des caméras, la reconnaissance individuelle des animaux détectés n’est pas requise pour obtenir un estimé d’abondance. Les résultats obtenus pour la population d’ours du parc se sont avérés particulièrement intéressants (Pettigrew et al. 2021) et, comme des orignaux se trouvaient également sur les captures photographiques, la méthode a été aussi appliquée à cette espèce (Pettigrew 2017).

Les résultats ont permis d’estimer la population d’orignaux à 29,3 (± 6,1–7,3) individus/10 km2, ce qui est comparable aux projections réalisées par Lahaise et al. (2010) pour 2015, et se situe dans l’intervalle de confiance de la courbe de croissance obtenue en 2013. Bien que la précision puisse être améliorée, la méthode REM offre un estimé de densité réaliste (Pettigrew 2017) et pourrait être utilisée pour effectuer un suivi plus fréquent de la densité de population d’orignaux du parc.

Évaluation de l’impact de la chasse

L’évolution des populations d’orignaux à Forillon ne semble pas indépendante de celle observée dans le grand écosystème du parc. En effet, dans les deux cas, l’accroissement important de la population coïncide avec la mise en œuvre des plans de gestion de la chasse à l’orignal à partir de 1994. De plus, le rapport des sexes observé en 2009 au parc national Forillon (33 mâles (M)/100 femelles (F)) était relativement similaire à celui que l’on retrouvait à l’extérieur, dans la péninsule gaspésienne, avant chasse. Ceci suggère une influence de la chasse sur la dynamique de la population, la proportion attendue de mâles à la naissance étant généralement de 50 % des nouveaux nés (100 M/100 F, Schwartz 1997). Le rapport des sexes observé en 2017, soit 49 M/100 F, pourrait être lié au fait que les modalités de chasse ont permis l’abattage d’un plus grand nombre de femelles dans le grand écosystème dans le but de rééquilibrer le rapport des sexes (Dorais et Lavergne 2017). Cette interprétation demeure toutefois à valider, car l’écart entre le nombre de mâles et de femelles à l’extérieur du parc a continué de se creuser (2007 : 41,9 ±10,2 M/100 F, 2017 : 20,1 ±8,0 M/100 F; Dorais et Lavergne 2017). Une analyse portant sur des données datant de 1998 à 2008, révèle que sur les 154 orignaux récoltés à moins de cinq km des limites du parc, 70 % (n=108) étaient des mâles qui fréquentaient probablement les deux territoires. Cette étude n’a toutefois pas permis d’établir de lien clair entre le rapport des sexes observé dans le parc et les modalités de chasse (Chamberland et Sigouin 2017). À moins qu’une cause naturelle de mortalité encore inconnue n’influence significativement plus les mâles que les femelles, la récolte spécifique de mâles en périphérie du parc pourrait être une des causes du débalancement du rapport des sexes observé depuis 2009. Des investigations supplémentaires sont donc requises à cet égard.

Lors de leur rapport sur l’état du parc, Comeau et al. (2006) soulignaient la présence importante de chasseurs qui installent des caches et miradors en bordure du parc durant la période de chasse, et que la taille relativement restreinte du parc, combinée à la grande mobilité de l’orignal rendait la population particulièrement vulnérable à la chasse pratiquée en périphérie. Labonté et al. (1995) ont, de leur côté, démontré l’existence d’un « effet de débordement » de la chasse pratiquée en périphérie sur les populations d’orignaux retrouvées dans les territoires structurés au Québec (ex. : réserve faunique, parc provincial). L’importance de cet effet de débordement était fonction de l’écart de densité entre le territoire protégé et les territoires de chasse environnants et se faisait sentir principalement dans les 5 premiers kilomètres en périphérie du territoire structuré. L’écart de densité entre le parc (35 orignaux/10 km2) et la zone de chasse adjacente (10 à 20 orignaux/10 km2; Dorais et Lavergne 2017) en 2017 était de l’ordre de 15 à 25 orignaux/10 km2. Il est donc probable qu’une partie de la récolte en périphérie provienne de la dispersion d’individus vers l’extérieur du parc.

Il est vraisemblable que les variations dans la structure de la population d’orignaux au parc national Forillon ne soient pas indépendantes des modalités d’exploitation ayant cours dans le grand écosystème de Forillon. La confirmation de cette hypothèse nécessiterait toutefois une analyse approfondie des données disponibles.

Formation d’un groupe de travail

Depuis 2013, la formation d’un groupe de travail adapté aux réalités du parc fait partie des priorités. Anciennement constitué de quelques membres du service de Conservation des ressources naturelles du parc lui-même, ce groupe est en constant changement pour tenir compte de l’évolution des circonstances et des besoins en termes de gestion de la problématique.

Il est actuellement composé en majorité d’employés du parc national Forillon à l’exception de M. Jean-Pierre Tremblay.

  • M. Mathieu Côté, gestionnaire de la conservation des ressources au parc national Forillon
  • M. Daniel Sigouin, écologiste chef d’équipe au parc national Forillon
  • Mme Marie-Ève Murray, agente relations publiques et communication au parc national Forillon
  • M. Pierre Etcheverry, coordonnateur de projet en conservation au parc national Forillon
  • M. Jean-Pierre Tremblay, professeur titulaire à l’Université Laval en gestion et conservation de la faune
  • M. Bruce O’Connor, coordonnateur à l’interprétation au parc national Forillon

Un membre d’une communauté autochtone (à déterminer) devrait faire partie de ce groupe de travail. D’autres personnes et organismes ont été et seront encore interpelés au fur et à mesure de l’avancement des réflexions qui alimentent ce plan de gestion.

Élaboration d’un plan de communication et de consultation?

Le succès obtenu par les gestionnaires provinciaux de la chasse sportive lors de la diffusion de leur premier plan de gestion de l’orignal, au milieu des années 90, constitue un exemple que l’équipe du parc national Forillon a suivi dès 2014, année à laquelle un premier plan de communication fut élaboré (Devoe, 2014). Ce document annonçait déjà que la gestion de la population d’orignaux du parc national Forillon constituerait un défi de taille et qu’il était important d’impliquer les différents partenaires des communautés locales. De plus, à l’époque, les questions de sécurité publique liées aux accidents routiers impliquant des orignaux sur la route 197, étaient déjà d’actualité et constituaient une préoccupation.

En 2019, un plan de communication externe (2019-2020) lié à l’élaboration du présent Plan de gestion de la population surabondante d’orignaux au parc national Forillon et un plan d’action ont été développés et mis en œuvre. Les premières démarches de communication ont alors consisté à annoncer publiquement la situation de l’orignal au parc national Forillon, l’adoption d’un plan de gestion de l’orignal comme un geste concret permettant d’identifier et de mettre en place les meilleures stratégies possibles pour gérer efficacement la population d’orignaux du parc national Forillon. Elles mettaient de l’avant le caractère proactif et innovant de ce premier plan qui visait à effectuer un suivi de la population d’orignaux et de ses impacts sur le territoire du parc et ses alentours. De plus, les collaborations et les partages d’expertises avec les autres parcs nationaux, les universités, la Sépaq, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, etc., ainsi que les consultations publiques y était également mises en lumière. Ces démarches ciblaient les canadiens, mais surtout la population gaspésienne et, plus spécifiquement, celle du grand Gaspé, la Nation Mi’gmaq de Gespeg ainsi que les partenaires locaux et régionaux (touristiques, économiques, éducatifs, etc.).

Le bilan des activités de communication (2022) a validé l’atteinte des objectifs de communication du plan de communication. Les résultats, autant qualitatifs que quantitatifs, ont été significatifs et concluants. Aujourd’hui, l’enjeu que représente l’orignal au parc national Forillon et les mesures qui devraient être mises en place pour gérer son abondance restent des éléments cruciaux justifiant la poursuite d’une stratégie de communication.


Poursuite des travaux et état d’intégrité écologique du parc national Forillon

La situation par rapport aux objectifs d’intégrité écologique est scrutée en premier lieu au travers de trois variables démographiques de la population d’orignaux (la densité, le rapport des sexes et la productivité) qui sont directement caractéristiques de l’état de cette population et, indirectement, capables de fournir de bons indices quant à son impact sur la végétation. Ces trois variables ont servi par le passé à établir des seuils grâce auxquels Parcs Canada est en mesure d’évaluer l’état d’intégrité écologique du parc national Forillon (Parcs Canada 2011, 2018, 2022 et 2023a).

Révision des seuils d’intégrité écologique

Lors de la mise en œuvre du plan de surveillance de l'intégrité écologique (Sigouin et al. 2008), les seuils avaient été établis en supposant que l’état d’intégrité attendu devait refléter une situation où la population d’orignaux était en équilibre dynamique avec la prédation (voir chapitre 2, Tableaux 1 et 2). Depuis, à la lumière des connaissances acquises au cours des dernières années qui confirment que notre population serait plus en équilibre dynamique avec la disponibilité de sa nourriture plutôt qu’avec la prédation, ces seuils ont été révisés. Ils sont maintenant établis en fonction de la réponse locale de la végétation aux variations d’abondance des orignaux et donc, en fonction de la capacité du milieu à maintenir une population en absence de régulation par la prédation (Parcs Canada 2022).

De fait, la nouvelle base de référence pour les seuils d’intégrité suppose que l’état devrait être jugé « BON » lorsque la densité de la population varie de 4,0 à 10,0 orignaux/10 km2. Une densité <2 orignaux/10 km2 et >20 orignaux/10 km2 indiquerait, respectivement, un déclin de la population ou un accroissement résultant de l’absence de prédation et menant à des effets significatifs sur les communautés végétales. Dans de telles conditions, l’état serait jugé « MAUVAIS ». Le niveau « PASSABLE » serait attribué aux situations intermédiaires (Tableau 5).

De plus, le rapport des sexes (M/F) ainsi que la productivité (Nb jeunes/100 femelles adultes) qui étaient auparavant utilisés comme des sous-mesures complémentaires à celle de la densité d’orignaux, ne seront plus utilisés comme tel car leur valeur et leur état sont très dépendants de la densité. Désormais, le rapport des sexes et la productivité seront seulement utilisés comme des indicateurs permettant d’évaluer la tendance générale que prendrait la densité, seule mesure pertinente dont on dispose pour juger de la situation de l’orignal dans le parc. Par exemple, une faible productivité lorsque la densité est très élevée (c’est-à-dire lorsque l’état de la mesure est jugé MAUVAIS) indiquerait, si la tendance se maintient, que la population d’orignaux pourrait diminuer à terme, et donc atteindre un niveau de densité préférable vis-à-vis de l’intégrité des écosystèmes.

Tableau 5. Nouveaux seuils pour déterminer l’état de la sous-mesure de la situation de l’orignal

Sous-mesure État d’intégrité
Mauvais Passable Bon Passable Mauvais
Densité (orignaux/10 km2) <2 2 - 4 4 - 10 10 - 20 >20

Tiré de Parcs Canada (2023a).

Ajout des inventaires réalisés en 2020 et 2023 et état de la mesure

Depuis la fin des années 1990, la densité d’orignaux n’a pas cessé d’augmenter et malgré le ralentissement observé lors des derniers inventaires, les données montrent qu’elle dépasse nettement les 20 individus/10 km2 depuis plus de 5 ans, niveau reconnu pour engendrer des effets significatifs sur les communautés végétales (Peek 2007). Pour ce qui est du rapport des sexes, il est actuellement déséquilibré en faveur des femelles et la productivité demeure relativement faible (Tableau 6). 

Tableau 6. Résultats des inventaires d’orignaux (aériens et par caméras aléatoires) réalisés en 1982Note de bas de page1, 1990Note de bas de page2, 1997Note de bas de page3, 2009Note de bas de page3, 2015Note de bas de page4, 2017Note de bas de page4, 2020 et 2023. La couleur de la cellule du tableau indique l’état de la-mesureNote de bas de page5 en fonction des seuils révisés

Année Type Densité (I.C. 80%)Note de bas de page6 (orignaux/10 km2) Rapport des sexesNote de bas de page7 ProductivitéNote de bas de page7 Tendance de la mesure
Mâles Femelles M/100 F Jeunes Jeunes/100 F
1982 Aérien 6,0 (5,6 – 6,4) 17 41 41
23 56 ?
1990 Aérien 4,4 (4,1 – 4,7) 17 27 63 6 22
1997 Aérien 5,6 (5,2 – 6,0) 36 47 77 10 21
2009 Aérien 17,7 (16,8 – 18,5) 50 153 33 50 33
2015 Caméras 25,6 (18,8 – 31,2) - - - - -
2017 Aérien 34,4 (32,7 – 36,1) 158 325 49 83 25
Révision des sous-mesures et des seuils d'intégrité écologique
2020 Aérien 22,5 (16,7 – 34,9) 66 140 47 37 26
2020 Caméras 29,3 (23,2 – 36,9) - - - - -
2023 Aérien 21,7 (20,6 – 22,7) 72 231 31 31 13

État de la mesure en regard de la révision des sous-mesures et des seuils

Analyse de la situation de 1982 à 2017

Lors des trois premiers inventaires, la densité de la population était supérieure au seuil de 4 orignaux/10 km² et inférieure à 10 orignaux/10 km² (Tableau 6). Par conséquent, l’état de cette sous-mesure était jugé « BON ». Au cours de la même période, le rapport des sexes s’est accru, passant de 41 M / 100 F) en 1982 à 77 M / 100 F en 1997. La productivité quant à elle a diminué, passant de 56 jeunes /100 F à 21 jeunes /100 F. L’état de la situation de l’Orignal de 1982 à 1997 a donc été jugé « BON » et à la hausse dans son ensemble.

En 2009, la densité de la population (environ 18 orignaux/10 km²) est devenue supérieure au seuil de 10 orignaux/10 km². L’état de cette mesure a donc été jugé « PASSABLE » (Tableau 6). Le rapport des sexes avait diminué (33 M / 100 F) par rapport à celui de la période précédente. Par contre et malgré cela, la productivité s’était accrue (33 jeunes /100 F) par rapport à celle qui avait été observée durant les années 90, laissant croire que la densité de la population allait encore s’accroitre. De fait, l’état général de la situation de l’orignal en 2009 a été jugé « PASSABLE » et la tendance a donc été jugée « À LA BAISSE » considérant la menace à l’intégrité écologique qu’une nouvelle hausse de la densité entrainerait. En 2015, les résultats obtenus à partir du premier inventaire à l’aide de caméras ont permis d’estimer la population d’orignaux à environ 26 individus /10 km² (Pettigrew 2017), ce qui est comparable aux projections réalisées pour 2015 par Lahaise et al. (2010). Cette densité de population a été jugée dans un état « MAUVAIS ». En 2017, la densité d’orignaux avait pratiquement doublé comparativement à 2009, s’établissant à environ 35 orignaux /10 km² (Tableau 6). Le rapport des sexes semblait toutefois s’améliorer progressivement, se situant à 49 M / 100 F. Par contre, bien que la productivité fut de nouveau en baisse avec 25 jeunes /100 F, elle était susceptible de permettre à la population de se maintenir à un niveau de densité élevé. La mesure a donc été jugée dans un état « MAUVAIS » et la tendance générale maintenue « À LA BAISSE ».

Analyse de la situation de 2020 à 2023

Au cours de l’année 2020, deux inventaires complémentaires ont été réalisés à quelques mois d’intervalle. L’inventaire aérien du début mars a permis de constater une réduction de la population par rapport à 2017 avec une densité alors évaluée à 22,5 orignaux /10 km² (Tableau 6). De leur côté, le rapport des sexes et la productivité sont comparables aux résultats obtenus en 2017. Cette diminution par rapport à 2017 pouvait s’apparenter à une stabilisation de la population, cependant cette hypothèse restait à confirmer. Le second inventaire a été réalisé en période estivale, à l’aide de caméras réparties aléatoirement sur le territoire selon un dispositif stratifié tel que développé par Pettigrew (2017). Il a établi la densité de la population à 29,3 orignaux /10 km², ce qui est cohérent par rapport à l’inventaire aérien de l’hiver précédent puisque les jeunes naissent au printemps et s’ajoutent au décompte réalisé en été. Compte tenu de ces observations, l’état de la mesure a été jugé « MAUVAIS » et la tendance « Stable ». Cependant, l’inventaire de 2023 est venu clarifier la situation. En effet, la réduction de densité constatée durant l’inventaire aérien de 2020 s’est significativement confirmée en 2023 avec 21,7 orignaux /10 km². Parallèlement à cela, le rapport des sexes et la productivité ont tous deux diminué de façon importante ce qui suggère que la baisse de densité observée à ce jour devrait se poursuivre. De fait, la situation de l’orignal devrait progressivement retourner à un niveau jugé « PASSABLE » (la densité devrait revenir à des valeurs comprises entre 10 et 20 orignaux /10 km²), en termes d’intégrité, la tendance serait donc à la hausse. 

Effets du broutement sur l’écosystème

Trois sessions d’inventaires de brout ont été réalisées dans les ravages d’orignaux (2009, 2017 et 2020) et trois autres dans les exclos (2014, 2018 et 2020). Les résultats tirés de ces données n’indiquent pas de différence de taux de broutement entre les années dans les ravages et ce, malgré le fait que la population ait doublé au cours de la même période. Ceci semble pouvoir s’expliquer par le fait que le nombre moyen d’orignaux par ravage soit resté relativement stable et donc que le broutement mesuré dans ceux-ci demeure élevé. En contrepartie, le nombre de ravages présents dans le parc a pratiquement doublé (2009 : 89, 2017 : 161, Figure 4) augmentant par le fait même la distribution spatiale de la pression de broutement (Parcs Canada 2022).

Par contre, le dispositif d’exclos qui vise davantage à caractériser l’utilisation de l’habitat hors des aires d’utilisation hivernale intensive que sont les ravages, a permis de faire ressortir une augmentation significative (d’un facteur 12) du taux de broutement au cours du temps dans les témoins, parcelles auxquelles les orignaux ont accès (Figure 5). Il a également révélé une différence de taux de broutement entre les exclos et les témoins au cours des inventaires les plus récents, nous confirmant le bon fonctionnement du dispositif d’étude (Parcs Canada 2022). Ces résultats pourraient constituer les premiers signes de l’impact de la surpopulation d’orignaux sur l’écosystème forestier hors des zones de ravage. Ils supportent également l’idée que les seuils établis dans le cadre de cet exercice soient basés sur la capacité de support du milieu plutôt que sur un équilibre dynamique avec la prédation.

Taux de broutement (%) dans les traitements témoins du réseau d'exclos

Figure 5. Taux de broutement (%) dans les traitements témoins du réseau d'exclos — la version textuelle suit.
Figure 5. Taux de broutement (%) dans les traitements témoins du réseau d'exclos (inventaires 2014, 2018 et 2020)
Les barres d’erreur représentent l’intervalle de confiance à 95% (Figure adaptée de Parcs Canada 2022).

La Figure 5 : Graphique du pourcentage de broutement mesuré lors des inventaires de 2014, 2018 et 2020, sur la végétation qui est présente dans les témoins des exclos. Le taux de broutement qui était de moins de 0,5 % en 2014 est monté à près de 4 % en 2020 ce qui traduit une augmentation importante de l’impact du broutement sur la végétation.

L’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette qui sévit actuellement permet d’anticiper qu’une partie du couvert forestier devrait mourir, que la régénération devrait être stimulée et donc que l’orignal, déjà très abondant, pourrait en profiter pour accroître de nouveau sa population et pourrait fortement altérer la dynamique naturelle du milieu en consommant de grandes proportions des futures générations d’arbres. Ce scénario pourrait conduire de grandes superficies normalement boisées à éprouver, à terme, des difficultés pour se régénérer, ce qui les mènerait potentiellement à se transformer en milieu ouvert de type prairies.

Certains signes précurseurs issus de la précédente épidémie de tordeuse ont d’ailleurs été observés à l’aide d’un drone sur des sommets de montagne, observations qui ont été suivies d’une validation sur le terrain et qui font actuellement l’objet d’investigations scientifiques.

On aperçoit en premier plan le sommet de la montagne qui recouvert de forêt et en contrebas des zones plus ouvertes. Un orignal est aussi visible à la limite entre ces deux types d’habitats. En fond, on aperçoit également d’autres milieux boisés puis le Golfe du Saint-Laurent en arrière-plan.
La photo est prise à plus faible altitude, elle présente une vue à la verticale d’une zone dénudée et permet de voir à quel point la végétation y est peu abondante et rabougrie.
La photo est prise proche du sol depuis l’intérieur de la zone dénudée. Elle montre beaucoup d’arbustes rabougris, car fortement broutés, entourés d’arbres morts (chicots) et, en fond d’image, une autre montagne moins dégarnie.
Sommet de montagne survolé par drone suivi d’une validation terrain réalisée en hiver 2020 montrant des superficies de forêt dénudées dans lesquelles la régénération a été fortement broutée par l’orignal.

Verdict vis-à-vis de l’intégrité écologique du milieu

Pour des raisons en grande partie liées à la présence et aux activités humaines (disparition du loup, activité forestière), la population d’orignaux s’est fortement accrue au parc national Forillon au cours des 30 dernières années. Actuellement, elle dépasse 20 individus/10 km2, densité considérée comme équivalente à la capacité de support du milieu boréal de l’est du Québec sans prédateur majeur (Crête 1989). Dépasser cette densité est également reconnu pour engendrer des effets significatifs et perturbants sur les communautés végétales (Peek 2007), effets qui varieront bien évidemment d’un peuplement à l’autre, compte tenu des caractéristiques propres à chacun d’eux (composition, structure, âge, etc.). La surpasser de beaucoup tel qu’observé en 2017 et tel que ce fut le cas dans un passé récent dans d’autres parcs nationaux de l’est du Canada, conduit aux situations de transformation des forêts en milieux ouverts que ces parcs ont connues et ont eues à gérer, en intervenant à la fois sur l’abondance des orignaux et sur l’habitat lui-même, en vue de le protéger.

De fait, pour des raisons qui résultent de l’altération des mécanismes naturels de régulation de la population, la taille de la population d’orignaux a dépassé la limite supérieure naturelle caractéristique de l’écosystème. Malgré quelques signes d’amélioration (voir État de la mesure en regard de la révision des sous-mesures et des seuils  et Parcs Canada 2023a), il n’y a pas de raison de croire que la situation à haute densité ne perdurera pas, sauf si un facteur de régulation (prédation, maladie, parasite) ou une catastrophe naturelle (ex : hivers consécutifs anormalement rigoureux sur plusieurs années) décimait la population pour la ramener puis la maintenir à faible densité, à long terme, ce qui semble peu probable. Ainsi, si des mesures ne sont pas prises pour contrôler cette abondance, l’écosystème subira des répercussions dont l’ampleur excèdera celle des variations subies antérieurement et la survie d’espèces indigènes au parc (dont la Paruline du Canada (Cardellina canadensis) ou la grive de Bicknell (Catharus bicknelli) qui se trouvent sur la liste des espèces protégées en vertu de de la Loi sur les espèces en péril (LEP)) pourrait être menacée.

Par conséquent, conformément à la Directive sur la gestion des populations fauniques surabondantes dans les sites patrimoniaux protégés de Parcs Canada (Agence Parcs Canada 2019), il est convenu de déclarer que la population d’orignaux du parc est surabondante et que l’intégrité écologique du milieu est menacée. Des mesures particulières doivent donc être envisagées dans le but de gérer cette situation.


Expériences déjà menées dans l’est du Canada

Dans l’est du Canada, plusieurs populations de cervidés ont été identifiées comme surabondantes par diverses autorités impliquées dans leur gestion et, suite à ce constat, des mesures ont été considérées puis éventuellement mises en place, pour gérer les écosystèmes concernés. Bien qu’assez récentes, ces diverses expériences sont intéressantes à analyser car elles contiennent de nombreux détails qui nous renseignent sur leur portée, leur efficacité et leurs retombées, et alimentent la réflexion face à la situation rencontrée dans le parc national Forillon.

Le cas du cerf de Virginie à l’Île d’Anticosti

Vers la fin du 19e siècle, environ 200 cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) furent introduits à l’Île d’Anticosti située au Québec, dans le Golfe du fleuve St-Laurent. Profitant d'un habitat propice et d'un environnement sans prédateurs, ils s’y sont rapidement multipliés pour atteindre des niveaux très élevés dès les années 1930. En 1935, on constatait déjà que certaines espèces d'arbustes feuillus, dont le cerisier de Pennsylvanie (Prunus pensylvanica), le bouleau à papier, le peuplier faux-tremble et le sorbier, autrefois abondantes, avaient été pratiquement éliminées par le cerf. De nombreux scientifiques ont, par la suite, rapporté l’effet du broutement intensif des cerfs sur la végétation et indiquaient l'urgence d'augmenter les prélèvements par la chasse (Chaire AIRIA 2016). En 2013, la population de cerfs était estimée à environ 200 000 individus, soit environ 250 cerfs /10 km2 et leur surabondance avait occasionné une diminution d’environ 50 % des sapinières sur l’île, le sapin étant remplacé par l’épinette blanche (Labonté et Dussault 2011). Depuis lors et jusqu’à récemment, la population semblait limitée principalement par la disponibilité des ressources alimentaires et fluctuait en fonction de la sévérité des hivers et de la dynamique des forêts à grande échelle.

Face à cette situation, le ministère provincial de l’époque (Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec) s’est fixé plusieurs objectifs à long terme pour la gestion des ressources de l’Île d’Anticosti, notamment le maintien des activités de chasse récréative (qui constituent la principale activité économique sur l'île) et de la récolte de bois, ainsi que le maintien de la proportion actuelle de sapinières et de la biodiversité indigène de l’île. Pour assurer l'avenir de l’ensemble des composantes du milieu, il devenait donc essentiel de développer des méthodes d'aménagement du territoire favorisant le rétablissement de processus naturels de régénération forestière, tout en limitant l’abondance des cerfs. La stratégie retenue prévoyait des travaux de récolte et d’aménagement forestier ainsi que la construction d’exclos de superficies variables (3 à 30 km2) où la densité des cerfs a été réduite pour prévenir le broutement et ainsi favoriser la régénération des habitats d’hiver. Des coupes dispersées ont aussi été faites pour permettre une meilleure accessibilité au territoire et une meilleure visibilité aux chasseurs de cerf de Virginie, afin d’améliorer leur succès de chasse (Chaire AIRIA 2016).

Les exclos s’avèrent donc un moyen prometteur pour assurer la régénération des écosystèmes à condition d’y réduire la densité de cerfs à l’intérieur et de la ramener à environ 70 individus/10 km2, tout en protégeant ainsi au moins 4% de territoire (Chaire AIRIA 2016). Cependant, même avec les infrastructures et les facilités qui existent aujourd'hui, la chasse sportive récolte chaque année moins de 10 % de la population totale de cerf, ce qui est insuffisant pour assurer un contrôle efficace et une régénération adéquate du milieu.

À retenir :

  • lorsque l’implantation d’exclos est requise pour protéger le milieu, les exclos permettent d’assurer la régénération des écosystèmes s’ils protègent un pourcentage suffisant du territoire impacté par la surabondance d’une espèce
  • l’espèce surabondante doit y être très contrôlée, voire éliminée, selon les superficies exclues
  • la chasse sportive est un moyen efficace de contrôler une population surabondante et d’assurer une régénération adéquate du milieu, si la récolte retire un pourcentage suffisant d’individus de la population totale de l’espèce visée

Le cas du grand écosystème de Forillon

Compte tenu du potentiel de retombées économiques que représentait la chasse à l’orignal, dans le cadre d’un premier plan de gestion de cette espèce (1994), le Ministère du Loisir de la Chasse et de la Pêche du Québec a mis en place des modalités de chasse visant l’augmentation des populations, en particulier en limitant la récolte des femelles pour assurer leur protection. À l’intérieur du grand écosystème du parc national Forillon, cette stratégie s’est avérée particulièrement efficace permettant à la population de se multiplier pratiquement par 10 en 25 ans (Tableau 7), pour atteindre la densité visée par le dernier plan de gestion en vigueur, soit environ 10 orignaux/10 km2 (avant chasse). Tout au long de cette période, la récolte limitée des femelles au profit de celle des mâles a toutefois eu pour effet de réduire le rapport des sexes et, dans une moindre mesure, la productivité de la population (Tableau 7).

Tableau 7. Caractéristiques démographiques de la population d’orignaux dans le grand écosystème de Forillon (inventaires aériens de 1992 à 2017 dans la zone de chasse 1 excluant réserves fauniques et parc national)

Année Densité d’orignaux (nb /10 km2) Rapport des sexes (nb mâles /100 femelles) Productivité (nb faons /100 femelles)
1992 Note de bas de page1 1 ± 0 54 ± ? 66 ± ?
2000 Note de bas de page2 4 ± 1 53 ± 6 48 ± 5
2007 Note de bas de page2 8 ± 1 41 ± 10 59 ± 10
2017 Note de bas de page3 9 ± 2 20 ± 8 35 ± 10

Face à cette situation, les gestionnaires de la faune de la province ont choisi de stabiliser la population d’orignaux à un niveau équivalent à celui de la fin des années 2000 de manière à assurer un rendement soutenu, ce qui permet également de ne pas dépasser la capacité de support de l’habitat de la zone 1, laquelle avait été établie à environ 20 orignaux/10 km2 (Lamontagne et Lefort 2004). En maintenant la population à une densité équivalente à environ la moitié de cette capacité de support (i. e. 8 à 10 orignaux/10 km2), on pensait atteindre le rendement maximum soutenu pour la population d’orignaux de la Gaspésie, c’est-à-dire les conditions qui permettraient un prélèvement maximum d’individus sans affecter le maintien de la population à long terme (Lamontagne et Lefort 2004). Pour cela, dès 2004, les autorités provinciales ont choisi d’augmenter significativement le nombre de permis de femelles adultes alloués par tirage au sort (Tableau 8; Lefort et Huot 2008). De 2008 à 2011, la cible de récolte annuelle est même passée au-dessus de 50 femelles par 100 mâles adultes (Landry et Lavergne 2007) et a été maintenue proche de ces valeurs depuis (Tableau 8).

Tableau 8. Paramètres suivis pour la chasse d’orignaux femelles adultes dans la zone de chasse 1 – Période 1999 à 2018

Année Nombre de permis de femelles adultes (hors Réserves fauniques et parc) Récolte des femelles adultes (incluant Réserves fauniques) Succès des permis de femelles adultes (%) Femelles adultes dans la récolte (%)
PGO1Note de bas de page1 1999-2003 1999 800 285 36 14
2000 800 365 46 14
2001 1000 462 46 16
2002 1000 448 45 14
2003 1750 830 47 22
PGO1Note de bas de page1 2004-2010 2004 2300 1035 45 23
2005 2900 1089 38 24
2006 3400 1328 39 27
2007 3400 1556 46 30
2008 3700 1872 51 36
2009 3210 1896 59 35
2010 3260 1825 56 34
2011 3360 1724 51 33
PGO1Note de bas de page1 2012-2019 2012 3460 1564 45 29
2013 3560 1533 43 30
2014 3545 1562 44 29
2015 3770 1476 39 29
2016 3520 1376 39 28
2017 4270 1722 40 32
2018 4300 1598 37 31

Cette stratégie s’est avérée efficace à l’échelle de la zone de chasse 1. En effet, selon Lefort et Massé (2015), l’augmentation de la récolte des femelles adultes a significativement ralenti la croissance de la population de la zone no 1. Le taux d’accroissement de la récolte des mâles adultes étant passé de 14 % entre 1999-2003 à 1 % entre 2004-2010. Dans certains secteurs du grand écosystème du parc national Forillon, la croissance de la population qui s’était poursuivie jusqu’en 2007 (probablement à cause d’une augmentation de l’exploitation forestière et de l’accroissement de l’abondance de nourriture qui en découle), s’est ensuite inversée provoquant un retour de la population à des niveaux de densité plus faibles en 2012 (Tableau 9). Ainsi, alors que la densité d’orignaux estimée dans la réserve faunique des Chic-Chocs a évolué de façon similaire à celle mesurée ailleurs dans la péninsule gaspésienne (Dorais et Lavergne 2010), les densités mesurées en 2007 dans les réserves fauniques de Matane (multipliées par 2,5 en 12 ans) et de Dunière (multipliées par 5,5 en 12 ans) atteignaient un pic de plus de 40 orignaux/10 km2 (Lamoureux et al. 2007), avant de revenir autour de 33 individus/10 km2, en 2012 (Lamoureux et al. 2012), niveau considéré comme plus sécuritaire pour maintenir un certain équilibre entre cette population qui est fortement exploitée et la capacité de support de l’habitat (MRNF 2008, Sépaq 2013). Pour des raisons liées à l’importance des activités cynégétiques, les autorités provinciales ont ainsi choisi de mettre en place les modalités nécessaires pour stabiliser la population à une densité jugée préférable d’environ 30 orignaux/10 km2 dans ces deux territoires (Sépaq 2013), modalités qui ne peuvent être appliquées sur un territoire protégé comme le parc national Forillon. Bien que ces territoires connaissent d’importants niveaux d’exploitation forestière qui génèrent un habitat propice à l’orignal, des effets marqués sur la végétation ont été observés (De Vriendt et al. 2020 et 2021).

Tableau 9. Inventaires aériens d'orignaux dans les réserves fauniques de la Gaspésie de 1995 à 2012

Année Densité d’orignaux (nb /10 km2) Rapport des sexes (nb mâles /100 femelles) Productivité (nb faons /100 femelles)
Réserve faunique des Chics-ChocsNote de bas de page1
1995 4 ± 1 87 ± ? 66 ± ?
2002 11 ± 1 53 ± ? 39 ± ?
2010 11 ± 0,1 53 ± ? 39 ± ?
Réserve faunique de MataneNote de bas de page2Note de bas de page3Note de bas de page4
1995 20 ± 1 58 ± 37 45 ± 20
2007 48 ± 8 47 ± 9 48 ± 5
2012 33 ± 3 65 ± ? 33 ± ?
Réserve faunique de DunièreNote de bas de page2Note de bas de page3Note de bas de page4
1995 7 ± 1 74 ± 57 57 ± 50
2007 40 ± 4 38 ± 12 48 ± 10
2012 33 ± 5 68 ± ? 40 ± ?

À retenir :

  • la chasse est un moyen efficace de contrôler une population surabondante, surtout lorsqu’elle cible les individus qui ont le plus d’influence sur la dynamique de population de l’espèce visée
  • chez un ongulé comme l’orignal, les mesures de gestion doivent miser sur un allongement de la période de chasse et sur une augmentation de la proportion des femelles adultes dans la récolte (MRNF 2008)

Parcs nationaux de Gros-Morne et Terra-Nova

Lorsque Terre-Neuve a connu sa période de surabondance d’orignaux dans ses parcs nationaux, les autorités des parcs concernés ont exploré, via une revue de littérature (McLaren et Tom-Dery 2007), une variété d’approches utilisées un peu partout à travers le monde pour gérer les impacts de populations surabondantes d’ongulés. Les auteurs ont évalué les facteurs ayant contribué au succès ou à l’échec des mesures mises en place, et les différentes options identifiées ont par la suite été présentées et discutées avec des spécialistes en aménagement de la faune, des gestionnaires de territoire et les représentants des premières nations lors de plusieurs consultations (Parks Canada Agency 2010bc). Les options considérées étaient les suivantes :

  • Régulation naturelle (statu quo)
  • Conversion de la forêt vers des espèces non comestibles pour l’orignal
  • Réintroduction de prédateurs
  • Déplacement d’orignaux vers d’autres territoires
  • Confinement ou exclusion des orignaux en clôturant des secteurs
  • Réduction de la population par contrôle de la fertilité et des naissances
  • Réduction de la population par une chasse de contrôle
  • Déplacement des orignaux en les rabattant à l’extérieur du parc (pratique traditionnelle autochtone)

En se basant sur la directive de l’époque, les autorités des parcs ont développé une série de critères pour analyser ces options, puis pour prioriser et évaluer les différentes approches qui pourraient être appliquées. Au final, l’instauration d’un projet pilote de réduction de la population d’orignaux par une chasse de contrôle a été privilégiée. D’importantes mesures de réduction de la population ont donc été mises en œuvre dès 2011, à Gros-Morne et à Terra-Nova. Le contrôle des populations d’orignaux s’est échelonné sur plusieurs années et est toujours actif dans les deux parcs. Les densités d’orignaux y ont été fortement rabaissées et, en conséquence, la forêt est actuellement en train de se régénérer. De nombreuses observations de terrain confirment cette tendance (Tom Knight, responsable de la santé des forêts du parc national du Gros-Morne, comm. pers.).

À retenir :

  • réduire une population surabondante à l’aide d’une chasse de contrôle (ou de conservation) est une option efficace et raisonnable qui a déjà fait ses preuves en contexte de parc national
  • diminuer les effectifs d’une population surabondante d’un grand herbivore comme l’orignal est un moyen efficace pour assurer le maintien des écosystèmes forestiers

Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton

En Nouvelle-Écosse, au parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, le broutage par l’orignal suivant l’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette des années 70-80 a nui à la régénération de la forêt, résultant notamment en la création de prairies dans certains secteurs du parc (Bridgland 2009). Le problème était particulièrement sévère dans un secteur situé au centre du parc. À long terme, le parc risquait de devenir une barrière à la migration entre le nord et le sud de l’île pour certaines espèces boréales à statut précaire.

Les gestionnaires du parc ont donc proposé d’effectuer des travaux visant à améliorer la connectivité entre les habitats du secteur affecté par les orignaux, réalisés via une combinaison de sylviculture et d’une chasse de contrôle (Bridgland 2009). Le sapin et le bouleau blanc étant des espèces recherchées par l’orignal, la plantation d’épinettes blanches a été favorisée, car cette espèce s’était déjà établie sur les plateaux en raison des perturbations naturelles passées. Le retrait complet des orignaux du secteur visé par les travaux a nécessité l’élimination de 50 70 animaux la première année (2015) et d’une dizaine par année au cours des années suivantes, jusqu’à l’automne 2018. Actuellement, la densité est estimée à 5 orignaux/10 km2 ce qui est optimal pour ce parc (Parks Canada Agency. 2019). Cette démarche a eu pour effet de permettre aux jeunes arbres de survivre et de croître une fois qu'ils ont été protégés du broutage des orignaux.

À retenir :

  • l’ouverture des milieux devient éventuellement une barrière aux déplacements de certaines espèces qui peuvent être à statut précaire
  • agir une fois que les milieux sont ouverts oblige à adopter de multiples stratégies combinées les unes aux autres pour restaurer le milieu tout en contrôlant l’espèce surabondante
  • si l’on intervient adéquatement et de façon proactive, les milieux forestiers sont capables de se rétablir en quelques années

Mesures envisageables pour gérer cette situation

Le diagnostic étant maintenant établi sur la présence d’une population surabondante d’orignaux dont les impacts commencent à peine à se faire sentir sur l’écosystème forestier du parc national Forillon, des solutions doivent maintenant être envisagées. Une des avenues possibles face à cette situation serait le statu quo dans lequel les mécanismes de régulation naturelle seraient livrés à eux-mêmes. À l’inverse, il est aussi envisageable d’intervenir plus activement, de façon préventive, et de choisir une ou plusieurs des options qui s’offrent à nous, pour assurer le maintien de l’intégrité écologique du parc national Forillon. Les prochains paragraphes discutent de ces différentes options (incluant le statu quo), de leurs caractéristiques, ainsi que de leurs avantages et inconvénients dans le contexte du parc national Forillon.

Le statu quo est-il souhaitable?

Tel que mentionné précédemment, diverses études ont établi que de fortes densités d'ongulés peuvent modifier radicalement la régénération ainsi que la composition, la densité et la diversité des plantes de sous-étage en forêt (Russell et al. 2001, Rooney et Waller 2003, Côté et al. 2004, Tremblay et al. 2006, Nuttle et al. 2014). Laisser agir les mécanismes de régulation naturelle (statu quo) est une stratégie qui consisterait à ne tenter aucune intervention humaine et à laisser l’écosystème s’autoréguler en espérant qu’à la longue, il se maintienne et éventuellement qu’il retrouve son état d’équilibre ou atteigne un nouvel état complètement différent. Les études citées ici indiquent clairement que cette stratégie ne fonctionne pas. D’ailleurs, l’application du statu quo a mené les parcs nationaux de Gros-Morne et de Terra-Nova aux situations qu’ils ont connues à la fin des années 2000. Ils ont vécu une perte d'intégrité écologique forestière dont la portée et l'ampleur ont perduré au cours du temps et la restauration de certaines espèces ou de certains processus de l’écosystème forestier qui avaient été sévèrement affectés par le broutement des orignaux n’a toujours pas été possible (Parks Canada Agency 2010bc). Même si une dégradation de l’habitat provoquait une diminution de la population d’orignaux comme ce fut le cas à Terra-Nova, elle pourrait réagir très rapidement à une reprise de la végétation, ce qui limiterait le retour des éléments les plus affectés par l’orignal (Parks Canada Agency 2010c). Il arrive également que les populations d’ongulés réagissent à la dégradation de l’habitat, non pas en réduisant leurs effectifs, mais en réduisant la taille des individus qui composent leur population au fil des générations (Lesage et al. 2001) ou en modifiant leur stratégie reproductive (Gingras et al. 2014).

Même si l’orignal est indigène à Forillon (contrairement à Terre-Neuve), plusieurs similitudes avec les populations de Terre-Neuve (ex. : absence de prédateur et de récolte forestière) suggèrent que si des densités d’orignaux nécessitant une intervention étaient atteintes, la stratégie de régulation naturelle serait fort probablement inefficace pour rétablir l’état d’intégrité. Les parcs nationaux étant des aires protégées représentatives de leurs régions naturelles respectives, une telle conversion d’écosystème compromettrait la mission même de l’Agence.

Par ailleurs, compte tenu des impacts en cascades appréhendés sur les espèces en péril et la biodiversité de l’écosystème forestier, le statu quo n’apparaît pas comme une idée à privilégier. Pour préserver et restaurer l’intégrité de l’écosystème forestier du parc national Forillon, des mesures de gestions vont devoir être développées et implantées à relativement court terme.

Quelles sont les mesures de gestion envisageables?

Pour protéger l’habitat ou pour contrôler la population d’orignaux du parc national Forillon, il y a plusieurs solutions qui sont fréquemment invoquées ou proposées dans des contextes similaires. La plupart d’entre elles sont issues d’approches utilisées ici ou ailleurs dans le monde pour gérer les impacts des ongulés surabondants. Par le passé, elles ont été examinées dans le but d’identifier les facteurs qui ont contribué à leur succès ou à leur échec (McLaren et Tom-Dery 2007), puis investiguées par les parcs nationaux de Gros-Morne, de Terra-Nova et des Hautes-Terres-du-Cap-Breton (Parks Canada Agency 2010b, 2010c et 2015) en vue de retenir la plus appropriée à leurs réalités. Ces différentes options peuvent être listées et définies comme suit.

Conversion forestière

Convertir les forêts en milieux moins propices pour les orignaux consisterait à transformer temporairement de grandes parcelles forestières en un autre type de forêt, viable sous nos latitudes mais moins nourricier et peu attirant pour eux, le temps que leur population retourne à des niveaux d’abondance plus faibles. Cette stratégie n’aurait de raison d’être que si la conversion conduit après coup à reconstituer l’un des écosystèmes typiques des forêts tempérées à hiver froid que l’on retrouve déjà en Gaspésie. Elle peut impliquer la préparation du terrain et la plantation d’espèces comme l’aulne (Alnus sp.) ou l’épinette qui sont des plantes dont l’orignal ne se nourrit pas ou peu. À moyen terme, une forêt d'épinettes matures devrait en résulter. Une fois établie, de jeunes sapins baumiers qui sont tolérants à l'ombre pourraient être plantés en sous-étage. Si la population d'orignaux se maintenait à suffisamment faible densité pour laisser pousser le sapin, la strate supérieure d’épinette pourrait être récoltée de manière à permettre au sapin de redevenir l’essence dominante du peuplement forestier.

Accélération du vieillissement de la forêt

Les jeunes peuplements forestiers mixtes sont très appréciés des orignaux, car ils y trouvent généralement une abondante nourriture à leur portée, quelle que soit la saison. Laisser vieillir les forêts pour les amener à un stade moins propice dans lequel la biomasse comestible est plus en hauteur, donc hors de portée pour les orignaux, serait une alternative qui, à terme, devrait permettre de réduire naturellement le nombre d’individus. Dans le contexte régional où l’on se trouve, cette stratégie demanderait d’intervenir rapidement et à grande échelle dans le parc national Forillon, dans le but de lutter contre les perturbations naturelles qui ont pour effet de rajeunir les peuplements. Dans ce cas-ci, il s’agirait essentiellement de tenter de contrer l’épidémie de tordeuse de bourgeon d’épinette qui est en cours actuellement dans l’est du Québec. Couplé à cela, il serait également nécessaire de stopper les initiatives de brûlage dirigé et de réduire mécaniquement les strates les plus accessibles à l’orignal pour limiter la quantité de nourriture disponible dans le parc.

Nourrissage artificiel des orignaux

Lorsque de fortes densités d’ongulés vivent sur de petites superficies de territoire, la dégradation qu’ils infligent à la végétation est rapidement perceptible et la qualité du milieu s’en trouve fortement affectée au point de ne plus pouvoir soutenir les ongulés qui y vivent. Les jardins zoologiques qui abritent des animaux en enclos avec la volonté de montrer ces espèces dans leur habitat naturel, connaissent très bien ce problème. Une des solutions couramment utilisées pour tenter d’y remédier consiste à nourrir les animaux captifs à partir de moulées riches et abondantes de manière à convaincre les animaux de ne plus consommer la végétation de leur enclos. La pression de broutement ainsi relâchée permettrait à la végétation de reprendre de la vigueur. Utilisée à grande échelle, cette mesure contribuerait à protéger la régénération forestière en particulier en hiver, dans les zones de ravage mais, en contrepartie, elle provoquerait une augmentation de la survie et de la reproduction des orignaux.

Confinement ou exclusion des orignaux

Dans le but de protéger des portions d’habitat, il peut être utile de confiner des populations d’ongulés sauvages dans certaines zones ou de les en exclure. Pour cela, des clôtures ont souvent été utilisées, par le passé, dans différentes régions du monde. Cette technique est généralement utilisée sur de petites superficies et en combinaison avec d’autres méthodes de contrôle (McLaren et Tom-Dery 2007) car, même si elle offre l’avantage d’empêcher l’émigration ou l’immigration des ongulés, elle implique de toute façon d’éradiquer ou de gérer l’espèce à l'intérieur des zones ciblées pour une exclusion.

Translocations d’orignaux

Pour effectuer ce genre de manipulation, il faut d’abord capturer les animaux à déplacer, puis les transporter dans des sites convenables pour faciliter leur survie, à distance suffisante pour s’assurer qu’ils ne reviennent pas par eux-mêmes. Cette technique est généralement efficace pour contrôler des populations relativement petites et confinées, mais il y a aussi des considérations au niveau écologique en ce qui a trait à la capacité du milieu récepteur, ainsi qu’au niveau éthique en matière de bien-être animal.

Rabattage des orignaux vers l’extérieur du parc

De façon traditionnelle, différents peuples autochtones pratiquaient sur certaines espèces d’ongulés (notamment le caribou) une forme de récolte particulière qui consistait à conduire ou à garder des animaux à proximité d’eux tout en se déplaçant dans la forêt, parfois sur de longues distances. Sur ce même principe, il serait possible d’accompagner des orignaux jusqu’à l’extérieur des limites du parc national Forillon ce qui contribuerait à réduire l’effet du broutement sur la végétation du parc.

Diffusion de sons ou d’odeurs de prédateurs d’orignaux (loups)

L’évitement des sons et des odeurs de prédateurs, notamment vers des habitats plus sûrs où ces indices de présence ne sont pas détectés, a été observé chez de nombreuses espèces de proies de mammifères, par exemple chez les oiseaux ou les petits mammifères, mais aussi chez les grands mammifères (Apfelbach et al. 2005, Blumstein et al. 2008) dont l’orignal (Berger et al. 2001). Il est donc imaginable que la diffusion de sons et d’odeurs de loups dans le parc national Forillon puisse avoir pour effet de forcer au moins une partie des orignaux à sortir des limites du parc pour occuper des territoires en apparence plus sûrs.

Réintroduction d’un prédateur majeur d’orignaux (le loup)

Dans la plupart des régions boréales, le loup est le principal prédateur de l'orignal. Plusieurs études démontrent l’existence d’une relation étroite entre la présence du loup et le niveau de densité des populations d’orignaux. Elles démontrent également la possibilité que le loup maintienne l’orignal à faible densité, bien en dessous de la capacité de support du milieu (Boutin 1992, Ballard et Van Ballenberghe 1997). Dans un autre contexte, l’expérience menée à Yellowstone où le loup a été réintroduit il y a quelques années dans un écosystème dans lequel ses proies principales sont de grands ongulés (Wapiti (Cervus canadensis) et Bison (Bison bison)), s’est avérée très intéressante. En effet, elle a permis de bien établir les effets de la réintroduction d’un prédateur majeur sur les populations de grands ongulés ainsi que sur les milieux forestiers avoisinants (Ripple et Beschta 2012; Boyce 2018). Sur la base de ces différentes recherches, la réintroduction du loup pourrait être considérée comme un moyen efficace de réduire les populations d’orignaux du parc national Forillon et de les maintenir à long terme à des densités permettant la régénération de la forêt.

Lutte biologique contre les orignaux

La lutte biologique est une méthode utilisée contre des organismes considérés comme nuisibles au moyen d'autres organismes vivants antagonistes. Elle se base, entre autres, sur l'utilisation de parasites ou d’agents pathogènes (virus, bactéries, etc.) et a pour but de maintenir les populations des organismes visés en dessous d'un seuil de nuisibilité. Ce type d’approche a principalement été utilisé pour lutter contre des organismes invertébrés, majoritairement des insectes. Seules quelques expériences de lutte contre des mammifères de petite taille ont été tentées (ex. : lutte au lapin sauvage par la myxomatose). Favoriser l’apparition, l’abondance ou la transmission de parasites ou de maladies pour contrôler l’abondance d’un mammifère de la taille d’un orignal, serait donc une première et comporte de nombreux défis.

Contrôle de la fertilité des orignaux

Pour limiter le développement démographique d’espèces déjà très abondantes, empêcher ou contrôler la reproduction par contraception peut être une avenue intéressante, car non létale. D’abord étudiée en zootechnie, cette approche suscite depuis quelques années un certain intérêt pour la gestion de la faune sauvage. Les méthodes contraceptives potentiellement utilisables peuvent inclure la pose d’implants, l’utilisation de contraceptifs chimiques oraux ou l’injection de vaccins immuno-contraceptifs.

Réduction du nombre d’orignaux par une chasse de conservation

La récolte d’ongulés par la chasse est une solution fréquemment utilisée dans de nombreux contextes où l’espèce visée est surabondante ou envahissante. Lorsqu’elle est pratiquée en vue de protéger un milieu particulier ou d’autres organismes qui sont affectés par l’abondance de l’espèce visée, elle peut être considérée comme un outil utilisable à des fins de conservation. Dans le cas de territoires dans lesquels les prédateurs sont moins présents, ou même absents, cette mesure peut compenser le rôle des prédateurs. En Gaspésie, la chasse à l'orignal est une pratique culturelle importante qui, comme d’autres chasses du même type (Hothorn et Müller 2010), aurait aussi le potentiel de réduire les effets du broutement pour faciliter la régénération des forêts.

Ajustement des modalités de chasse à l’orignal en périphérie du parc national Forillon

Étant donné la situation géographique du parc national Forillon (péninsule) ainsi que sa relative petite taille (244 km2), la chasse qui se déroule en périphérie immédiate et même à l’échelle de la Gaspésie aurait vraisemblablement une influence significative sur les orignaux du parc. Les résultats de l’inventaire aérien de 2009 nous portent à croire qu’elle modifie la proportion de mâles dans la population (voir plus haut, « Évaluation de l’impact de la chasse »). De fait, un ajustement des modalités de la chasse pratiquée en périphérie du parc favorisant une récolte plus élevée de femelles adultes, pourrait contribuer à freiner la croissance de la population et éventuellement à diminuer l’abondance de l’orignal dans le parc national Forillon.

Avantages et inconvénients de ces mesures de gestion

Toutes ces options sont plus ou moins efficaces, plus ou moins invasives ou plus ou moins coûteuses. Dans le cadre du présent plan de gestion et pour répondre aux spécificités du parc national Forillon, elles pourraient être mises en œuvre de façon exclusive, consécutive ou concomitante, en fonction de nombreux critères comme leur effet sur la préservation de l’intégrité écologique du parc, leur faisabilité technique, les ressources disponibles ou encore tout critère susceptible d’aider à obtenir un bon niveau d’acceptabilité sociale comme le respect du contexte culturel de la région.

Bien que la plupart de ces mesures aient déjà été examinées dans le passé par les autorités des autres parcs nationaux de l’est du Canada, il était important de les revalider dans le cadre de l’élaboration du présent plan de gestion afin d’identifier la ou les mesures les plus appropriées et les plus adaptées aux réalités écologiques et socioéconomiques du parc national Forillon. Pour ce faire, nous avons opté pour une période de consultations publiques sur le sujet ainsi que pour une analyse multicritère basée sur les forces et faiblesses de chacune de ces options.

Consultations publiques sur ces mesures de gestion

Spécifiquement sur ces aspects du projet, entre janvier 2019 et mai 2021, nous avons consulté les canadiens, des représentants des communautés Mi’gmaq, des représentants de nombreux groupes d’intérêt ainsi que des communautés locales. Dans les faits nous avons consulté des représentants :

  • de la Nation Micmac de Gespeg et du secrétariat Mi’gmawei Mawiomi;
  • du Regroupement de personnes expropriées de Forillon et leur descendance;
  • de la communauté anglophone de Gaspé;
  • des communautés voisines (Cap-aux-Os, Cap-des-Rosiers, L’Anse-au-Griffon, Rivière-au-Renard, Saint-Majorique, Gaspé);
  • d’organismes de conservation de la nature (Conservation de la nature Canada, Nature Québec, Société pour la nature et les parcs du Canada, Conseil régional de l’Environnement de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine);
  • de la Fédération québécoise de Chasse et Pêche- Secteur Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine;
  • d’organismes gouvernementaux (ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, Société des établissements de plein air du Québec, Parcs Canada);
  • de la communauté scientifique du Québec (Université Laval, Université du Québec à Rimouski);

Nous les avons consultés soit directement au travers de rencontres personnalisées, lors d’un atelier d’experts (6 novembre 2019), l’aide d’un sondage en ligne ou encore sous la forme de journées portes ouvertes accessibles au grand public (les 12 et 13 février 2020). Les employés du parc national Forillon ont aussi été rencontrés.

De l’ensemble de ces consultations tenues entre 2019 et 2021, il ressort certaines divergences d’opinions bien documentées dans les commentaires reçus lors des consultations de février 2020. Globalement, l’ajustement des modalités de chasse en périphérie du parc obtient le niveau d’approbation publique le plus élevé (plus de 75 % des gens interrogés y sont favorables) suivie par la chasse de conservation à l’intérieur du parc (60 %). Les autres mesures reçoivent chacune des proportions plus faibles d’avis favorables (<35 %). Cependant, deux opinions s’opposent en regard de la chasse de conservation dans le parc national (pour ou contre une chasse de conservations dans les parcs nationaux). Dans leurs commentaires, les personnes consultées qui sont favorables à une chasse de conservation souhaitent une opération encadrée et sécuritaire pour les différents usagers du parc et qui puisse refléter la vision et la participation des différents groupes d’intérêt. Si cette mesure est retenue, certains suggèrent qu’une partie de la viande récoltée soit distribuée à des organismes communautaires du milieu. D’un autre côté, certains jugent plutôt cette solution comme inacceptable et incompatible avec la mission des parcs nationaux. Ils préfèreraient le statu quo ou bien la réintroduction d’un prédateur. En cas d’adoption d’une chasse, ces derniers souhaitent que la décision puisse être réversible. Parallèlement à ces divergences de point de vue, certains considèrent avoir une certaine forme de priorité pour le prélèvement des orignaux.

Ces résultats nous permettent d’aborder l’analyse multicritère prévue avec une meilleure appréciation des perceptions publiques face aux options qui s’offrent à nous et donc avec de meilleurs critères d’analyse au niveau des considérations sociales et économiques.

Analyse multicritère

Méthode

La méthode utilisée ici est celle des Analyses Multicritères Hiérarchiques ou « AMCH ». Cette méthode créée en 1970 par Thomas Saaty de la Wharton School of Business, a d’abord été conçue pour des considérations de gestion des ressources humaines dans les entreprises. Aujourd’hui, elle est utilisée dans divers domaines, notamment celui de l’environnement, car elle offre l’avantage de permettre de structurer des problèmes complexes, de comparer différentes options en fonction de nombreux critères, puis de prioriser les décisions.

Dans le cadre du présent plan de gestion et pour répondre aux spécificités du parc national Forillon, toutes les options définies ci-dessus devaient être analysées en fonction de nombreux critères dont l’importance relative a dû être préalablement évaluée de manière à les hiérarchiser adéquatement. Les résultats obtenus nous ont permis de comparer et de classer ces options par rapport à leur aptitude relative à correspondre aux objectifs de conservation et à la mission de l’Agence, à l’intérieur des limites du parc national Forillon. Il devenait ainsi plus simple de faire un choix et d’émettre les recommandations finales.

Dans les faits, l’AMCH se divise en trois étapes principales (Guesdon 2011) :

  • Étape 1 : Description des avantages et inconvénients des options envisageables,
  • Étape 2 : Identification des critères et des sous-critères d’analyse, et hiérarchisation,
  • Étape 3 : Évaluation des options en fonction des critères et des sous-critères identifiés.

Chacune de ces étapes est détaillée ci-dessous.

Description des avantages et inconvénients des options envisageables

Chacune des options listées plus haut (voir « Quelles sont les mesures de gestion envisageables?  ») a ses propres avantages et inconvénients selon que l’on se place du point de vue de l’écologie du milieu, de celui des communautés qui l’utilisent, ou de l’opérationnalisation des actions à poser. Cependant, face à cela, il est bien important de garder à l’esprit que le parc national Forillon est un territoire à statut particulier (celui de parc national), bien différent des territoires environnants et, qu’à ce titre, toute action ou activité qui pourrait y être entreprise est soumise au respect d’une certaine mission, de certaines valeurs, de certaines lois et directives, et d’un certain cadre d’utilisation des ressources logistiques, financières et humaines qui sont à sa disposition. Ces particularités font en sorte que les avantages et les inconvénients des options considérées ici pourraient être différents de ceux qui seraient identifiés dans les territoires environnants. Le tableau suivant (Tableau 10) résume pour chaque option ce qui, dans le contexte du parc national Forillon, peut être considéré comme avantage ou inconvénient, commente au besoin ces points de vue et présente les choix effectués par les autres parcs nationaux de l’est du Canada.

La conversion forestière (Mesure 1) et l’accélération du vieillissement des forêts (Mesure 2) reviennent en fait à transformer temporairement de grandes parcelles forestières en un type d’habitat moins nourricier, peu attirant pour les orignaux, le temps que leur population retourne à des niveaux d’abondance plus faibles. De plus, ces deux options sont très proches en termes d’avantages et d’inconvénients. Pour toutes ces raisons, elles ont été regroupées et considérées comme une seule option dans le reste de l’analyse.

Tableau 10. Avantages et inconvénients des mesures de gestions envisageables

Mesures de gestion Avantages Inconvénients Commentaires et choix des autres parcs nationaux de l’est
Conversion forestière
  • Non létale et non invasive pour les orignaux
  • Impacts positifs pour certaines espèces
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Potentiellement rentable pour la région
  • Très invasive pour l’écosystème
  • Impacts négatifs pour d’autres espèces
  • Incompatible avec le maintien de l’intégrité écologique
  • Projet à très vaste échelle
  • Intervention sur du long terme
  • Logistiquement et financièrement très lourd à gérer
  • Efficacité jamais démontrée à si grande échelle
  • Problèmes éthiques et d’image de marque
  • Population locale généralement défavorable
  • Au parc national Forillon, les sapinières occupent > 70 % du parc, comparativement à moins de 3 % pour les pessières (Del Degan et al. 1995a)
  • La conversion devrait donc être faite à très grande échelle et sur une longue période pour avoir une influence sur l’abondance de l’orignal
  • Option écartée par les autres parcs nationaux de l’est, pas d’appui local
Accélération du vieillissement forestier
  • Non létale et non invasive pour les orignaux
  • Impacts positifs pour certaines espèces
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Potentiellement créateur d’emplois pour la région
  • Très invasive pour l’écosystème
  • Impacts négatifs pour d’autres espèces
  • Incompatible avec le maintien de l’intégrité écologique
  • Projet à très vaste échelle
  • Intervention sur du long terme
  • Logistiquement et financièrement très lourd à gérer
  • Efficacité jamais démontrée à si grande échelle
  • Problèmes éthiques et d’image de marque
  • Au parc national Forillon, les sapinières occupent > 70 % du parc, leur succession naturelle passe par un stade de régénération très propice à l’orignal
  • Les interventions devraient donc être faites à très grande échelle d’espace et de temps pour influencer l’abondance de l’orignal
  • Option non envisagée dans les autres parcs nationaux de l’est
Nourrissage artificiel
  • Non létale et non invasive pour les orignaux
  • Améliorerait la survie des orignaux
  • Minimise l'impact sur les autres espèces animales
  • Impacts positifs pour certaines espèces végétales
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Potentiellement rentable pour la région
  • Population locale potentiellement favorable
  • Favoriserait une croissance de la population d’orignaux
  • Projet à très vaste échelle
  • Intervention sur du long terme
  • Logistiquement et financièrement lourd à gérer
  • Efficacité jamais démontrée à si grande échelle
  • Dégradation des milieux voisins des sites de nourrissage
  • Autres impacts imprévisibles sur l’intégrité écologique
  • Des moulées artificielles ont été développées spécifiquement pour maintenir des orignaux en captivité
  • Option non envisagée dans les autres parcs nationaux de l’est
Confinement ou exclusion
  • Non létale et non invasive pour les orignaux
  • Impacts positifs pour certaines espèces végétales à certains endroits (plantes rares)
  • Empêche l’immigration des orignaux
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Efficacité démontrée (sur de petites superficies)
  • Nuit à la migration de plusieurs autres espèces
  • Pression accentuée sur les lieux du confinement
  • Logistiquement et financièrement lourd à gérer
  • Problèmes éthiques et d’image de marque
  • Population locale généralement défavorable
  • Projet à très vaste échelle
  • Intervention sur du long terme
  • Efficacité démontrée à petite échelle, mais en combinaison avec d’autres méthodes de contrôle (McLaren et Tom-Dery 2007)
  • Implique d’instaurer une rotation des animaux entre les zones de confinement et d’exclusion
  • Empêcher l’immigration d’ongulés, mais implique d’éradiquer ou de gérer l’espèce à l'intérieur des zones d’exclusion
  • Option écartée par les autres parcs nationaux de l’est, pas d’appui local
Translocations
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Minimise l'impact sur les autres espèces animales
  • Efficacité démontrée (sur de petites superficies)
  • Population locale potentiellement favorable
  • Invasive et indirectement létale pour les orignaux
  • Projet à très vaste échelle
  • Intervention récurrente sur du long terme
  • Logistiquement et financièrement lourd à gérer
  • Génère des taux de mortalité élevés, chez le cerf de Virginie, taux de survie inférieurs à 25 % l’année suivant la relocalisation (Bishop et al. 1999).
  • Option écartée dans les autres parcs nationaux de l’est, trop coûteux
Rabattage vers l’extérieur du parc
  • Non létale et non invasive pour les orignaux
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Efficacité démontrée (sur de petites superficies)
  • Pratique traditionnelle autochtone
  • Population locale potentiellement favorable
  • N’empêche pas le retour des orignaux
  • Dérangement potentiel pour d’autres espèces
  • Projet à très vaste échelle
  • Intervention sur du long terme
  • Logistiquement et financièrement lourd à gérer
  • Peu compatible avec la réalité géographique du parc national Forillon (péninsule au relief prononcé, une seule sortie bordée par une route)
  • Enjeux de sécurité publique non négligeables
  • Option écartée dans les autres parcs nationaux de l’est, trop compliqué et trop coûteux
Diffusion de sons ou d’odeurs de prédateurs
  • Non létale et non invasive pour les orignaux
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Population locale potentiellement favorable
  • Impacts négatifs potentiels pour d’autres espèces animales
  • Projet à très vaste échelle d’espace et de temps
  • Problèmes d’habituation des animaux ciblés
  • Logistiquement et financièrement lourd à gérer
  • Autres impacts imprévisibles sur la préservation de l’intégrité écologique
  • Peu compatible avec la réalité géographique du parc national Forillon (relief prononcé)
  • Peu d’études sur le sujet, manque de connaissance sur l’effet de ces méthodes sur les grands mammifères
  • La littérature contient des preuves d’habituation aux répulsifs sonores lors d’expositions prolongées ou fréquentes (Bomford et O’Brien 1990).
  • Option non envisagée dans les autres parcs nationaux de l’est
Réintroduction d’un prédateur majeur
  • Non létale et non invasive pour les orignaux
  • Rétablit une espèce disparue de l’écosystème gaspésien
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Efficacité biologique et économique démontrée
  • Logistiquement et financièrement relativement simple à gérer
  • Intervention très ponctuelle
  • Impacts négatifs pour d’autres espèces
  • Impact négatif pour le caribou de la Gaspésie
  • Acceptabilité sociale faible, généralement très controversée
  • Population régionale plutôt défavorable
  • Effets significatifs démontrés sur la densité des populations d’ongulés surabondantes et sur le broutement des espèces végétales préférées (Beschta et Ripple 2007, Hebblewhite et al. 2005, Ripple et Beschta 2012), ainsi que sur le taux de survie des femelles et des jeunes ongulés (Hebblewhite et al. 2005),
  • Option écartée dans les autres parcs nationaux de l’est, acceptabilité sociale trop faible
Lutte biologique
  • Efficacité biologique démontrée chez de nombreux petits animaux
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Logistiquement et financièrement potentiellement simple à gérer
  • Intervention ponctuelle (potentiellement récurrente)
  • Insuffisance de recherches et de connaissance sur l’effet et l’efficacité sur les grands mammifères
  • Méthode inexistante pour l’orignal, à développer au complet
  • Impacts négatifs potentiel sur d’autres espèces
  • Difficile à contrôler à grande échelle
  • Population locale plutôt défavorable
  • Autres impacts imprévisibles sur la préservation de l’intégrité écologique
  • Type d’approche principalement utilisé pour lutter contre des invertébrés et des mammifères de petite taille
  • Doit être hyperspécifique pour ne cibler que l’orignal
  • Option non envisagée dans les autres parcs nationaux de l’est
Contrôle de la fertilité
  • Non létale pour les orignaux
  • Minimise l'impact sur les autres espèces animales
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Population locale potentiellement favorable
  • Efficacité biologique démontrée chez de nombreux animaux confinés et à petite échelle
  • Intervention ponctuelle (potentiellement récurrente)
  • Relativement invasive pour les orignaux
  • Effets secondaires potentiels sur la reproduction
  • Impacts potentiellement négatifs pour d’autres espèces (prédateurs et charognards)
  • Projet à très grande échelle d’espace et de temps
  • Logistiquement et financièrement très lourd à gérer
  • Efficacité jamais démontrée à si grande échelle
  • Risque pour la santé publique si la viande des animaux traités est consommée
  • Autres impacts imprévisibles sur la préservation de l’intégrité écologique
  • Des essais sur le cerf de Virginie (Hobbs et al. 2000) ont montré qu’un programme à long terme (> 30 ans) est nécessaire pour obtenir des bons résultats, que traiter plus de 50 % des femelles adultes permet d’obtenir un déclin des populations et que l’efficacité est plus faible dans les populations ouvertes
  • Méthode qui sera efficace lorsque des traitements auront un effets prolongés ou permanents, mais ce n’est pas le cas présentement sauf par voie chirurgicale (McLaren et Tom-Dery. 2007)
  • Option écartée dans les autres parcs nationaux de l’est, trop de logistique et trop couteux
Réduction par une chasse de conservation
  • Minimise l'impact sur les autres espèces animales
  • Peut compenser pour le manque de prédateur
  • Aide au maintien d’un couvert forestier
  • Efficacité biologique et économique démontrée
  • Potentiellement rentable pour la région
  • Apport alimentaire pour la région et retombées communautaires non négligeables
  • Logistiquement et financièrement relativement simple à gérer
  • Population locale globalement favorable, pratique traditionnelle et culturelle très ancrée
  • Létale pour les orignaux ciblés
  • Projet à très vaste échelle
  • Intervention sur du long terme
  • Coûts d’opération potentiellement élevés
  • Population à l’extérieur de la région ou à l’extérieur de la Gaspésie potentiellement opposée
  • Opération à long terme, qui doit être maintenue sans relâche pour être efficace et durable (McLaren et-Ton-Dery 2007)
  • Parce que les femelles d’ongulés produisent et généralement élèvent seules leurs petits, elles représentent le segment le plus important en termes de dynamique d’une population (Mysterud et al. 2002), de fait l’ajustement devrait favoriser une récolte plus élevée de femelles adultes pour freiner la croissance voire pour diminuer l’abondance de l’orignal dans le parc
  • Option adoptée dans les autres parcs nationaux de l’est
Ajustement des modalités de chasse en périphérie
  • Minimise l'impact sur les autres espèces animales
  • Minimise les interventions au sein même du territoire du parc
  • Efficacité biologique et économique démontrée
  • Logistiquement et financièrement relativement simple à gérer
  • Population locale globalement favorable
  • Létal pour les orignaux ciblés
  • Projet à très vaste échelle
  • Intervention sur du long terme
  • Contraintes réglementaires majeures
  • Négociation d’ententes avec les autorités provinciales pour modifier la réglementation en vigueur
  • Population à l’extérieur de la région ou à l’extérieur de la Gaspésie potentiellement opposée
  • Parce que les femelles d’ongulés produisent et généralement élèvent seules leurs petits, elles représentent le segment le plus important en termes de dynamique d’une population (Mysterud et al. 2002), de fait l’ajustement devrait favoriser une récolte plus élevée de femelles adultes pour freiner la croissance voire pour diminuer l’abondance de l’orignal dans le parc
  • Option non envisagée dans les autres parcs nationaux de l’est

Identification des critères et sous-critères, et hiérarchisation

En premier lieu, l’ensemble des critères pouvait être subdivisé en trois grands groupes : les critères écologiques, les critères reliés à l’humain, puis ceux qui sont reliés aux aspects économiques et opérationnels de la mise en œuvre de l’option retenue. Il convient de reconnaître que vis-à-vis des objectifs et de la mission de Parcs Canada, ces critères n’ont pas le même degré d’importance. Ils ont donc été pondérés en conséquence en leur attribuant une valeur chiffrée arbitraire, mais cohérente (Tableau 11). Pour ce faire, nous avons utilisé la matrice de comparaison suivante :

Tableau 11. Signification des valeurs utilisées pour la pondération des critères

Critère 1 Critère 2
Échelle d’importance Pondération Échelle d’importance Pondération
Aussi important 1,00 Aussi important 1,00
Un peu plus important 3,00 Un peu moins important 0,33
Plus important 5,00 Moins important 0,20
Beaucoup plus important 7,00 Beaucoup moins important 0,14
7 et 0,14 constituant les valeurs extrêmes.
2, 4, 6 et leurs inverses représentant des valeurs alternatives utilisables si besoin.

Le fonctionnement de la matrice est simple, plus le critère est important, plus il obtient un résultat élevé. À l’inverse, moins il est important par rapport à celui auquel on le compare, plus il obtient un résultat faible.

Dans le cadre du présent plan de gestion, compte tenu des objectifs de conservation et de la mission de l’Agence, les critères écologiques ont été jugés comme les plus importants. Viennent ensuite les critères reliés à l’humain, puis les critères économiques et opérationnels (voir tableau 12). Cependant, il se trouve que la perspective de mise en œuvre de certaines mesures écologiquement acceptables peut déclencher au sein de nos communautés d’importantes réactions négatives, mettant en péril la relation avec le personnel du parc, le sentiment d’appartenance au lieu ainsi que la réputation même de Parcs Canada. De ces cas-ci, le niveau d’acceptabilité sociale (qui s’exprime au travers de plusieurs critères reliés à l’humain qui sont pris en compte dans cette analyse) domine tous les autres aspects, il devient alors prépondérant sur les autres catégories.

À la suite de cette pondération, un exercice de normalisation était souhaitable pour obtenir des résultats sous la forme de pourcentages qui facilitent la compréhension de l’importance relative des critères. Ce travail de classement et de normalisation est transcrit de façon résumée dans la matrice suivante :

Tableau 12. Évaluation des critères les uns par rapport aux autres

Critères C1 C2 C3 Pondération normalisée
Écologiques (C1) 1,00 3,00 5,00 63,4 %
Humains (C2) 0,33 1,00 3,00 26,0 %
Écono-Opérationnels (C3) 0,20 0,33 1,00 10,6 %
Total 1,53 4,33 9,00 100,0 %

À l’intérieur de chaque grande catégorie, il y a des critères (appelés sous-critères pour fins d’analyse) qui n’ont pas non plus les mêmes valeurs les uns par rapport aux autres. Un exercice de hiérarchisation, de pondération puis de normalisation a donc été refait pour ces derniers à partir des mêmes valeurs arbitraires (celles du Tableau 11). Ainsi, tel qu’illustré dans les tableaux ci-dessous (Tableaux 13 à 15), pour être retenue, une option doit respecter les critères et sous-critères suivants (présentés ici par ordre décroissant d’importance relative), qui traduisent :

À l’intérieur de chaque grande catégorie, il y a des critères (appelés sous-critères pour fins d’analyse) qui n’ont pas non plus les mêmes valeurs les uns par rapport aux autres. Un exercice de hiérarchisation, de pondération puis de normalisation a donc été refait pour ces derniers à partir des mêmes valeurs arbitraires (celles du Tableau 11). Ainsi, tel qu’illustré dans les tableaux ci-dessous (Tableaux 13 à 15), pour être retenue, une option doit respecter les critères et sous-critères suivants (présentés ici par ordre décroissant d’importance relative), qui traduisent :

  • du point de vue écologique, son aptitude à :
    • réduire les menaces sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes du parc national Forillon;
    • minimiser l’impact de cette espèce sur d’autres espèces du parc;
    • préserver l’intégrité biologique et écologique de l’espèce surabondante;
    • utiliser la biologie et l’écologie de l’espèce surabondante à bon escient;
    • imiter les processus naturels de mortalité de l’espèce surabondante;
    • avoir démontré son efficacité sur d’autres populations de l’espèce ou d’espèces similaires.

Tableau 13. Évaluation des sous-critères écologiques

Sous-critères écologiques C1.1 C1.2 C1.3 C1.4 C1.5 C1.6 Pondération normalisée
Réduire les menaces sur les écosystèmes (C1.1) 1,00 1,00 1,00 3,00 3,00 5,00 25,6 %
Minimiser l’impacts sur les autres espèces (C1.2) 1,00 1,00 1,00 3,00 3,00 5,00 25,6 %
Respecter l’intégrité biologique de l’espèce (C1.3) 1,00 1,00 1,00 3,00 3,00 5,00 25,6 %
Utiliser la biologie de l’espèce à bon escient (C1.4) 0,33 0,33 0,33 1,00 1,00 3,00 9,5 %
Imiter les processus naturels de mortalité (C1.5) 0,33 0,33 0,33 1,00 1,00 3,00 9,5 %
Avoir démontré l’efficacité de la mesure (C1.6) 0,20 0,20 0,20 0,33 0,33 1,00 4,3 %
Total 3,86 3,86 3,86 11,33 11,33 22,00 100,0 %
  • du point de vue humain (incluant l’aspect social, culturel, éthique, éducationnel), son aptitude à :
    • minimiser les risques à la sécurité des personnes impliquées ou non dans l’initiative de gestion;
    • minimiser les impacts négatifs sur les expériences vécues par les visiteurs dans le parc national Forillon;
    • renforcer l'engagement et la création de saines relations avec les peuples autochtones;
    • respecter le contexte culturel de la mise en opération de l’initiative de gestion;
    • améliorer la coordination avec les intervenants régionaux ayant les mêmes objectifs généraux;
    • assurer un traitement éthique (sans cruauté) aux individus de la population surabondante.

Tous ces aspects humains pris ensemble, donnent une bonne idée du niveau d’acceptabilité sociale qu’une mesure a des chances d’obtenir si elle était retenue.

Tableau 14. Évaluation des sous-critères humains

Sous-critères humainsNote de bas de page1 C2.1 C2.2 C2.3 C2.4 C2.5 C2.6 Pondération normalisée
Minimiser les risques à la sécurité (C2.1) 1,00 1,00 1,00 3,00 3,00 3,00 25,0 %
Minimiser les impacts sur l’expérience (C2.2) 1,00 1,00 1,00 3,00 3,00 3,00 25,0 %
Renforcer les relations autochtones (C2.3) 1,00 1,00 1,00 3,00 3,00 3,00 25,0 %
Respecter le contexte culturel (C2.4) 0,33 0,33 0,33 1,00 1,00 1,00 8,3 %
Améliorer les liens avec les intervenants (C2.5) 0,33 0,33 0,33 1,00 1,00 1,00 8,3 %
Traiter les animaux de façon éthique (C2.6) 0,33 0,33 0,33 1,00 1,00 1,00 8,3 %
Total 3,99 3,99 3,99 12,00 12,00 12,00 100,0 %
  • du point de vue économique et opérationnel (coûts, ressources, technique, retombées), son aptitude à :
    • être réalisable à coûts raisonnables;
    • être efficace du point vue économique (bon rapport coûts/bénéfices);
    • être techniquement faisable (sans avoir à innover pour développer la technique);
    • tenir compte des ressources humaines disponibles localement (expertise, main d’œuvre);
    • tenir compte des ressources matérielles disponibles localement (logistique, installations);
    • tenir compte du potentiel de retombées financières locales de l’initiative.

Tableau 15. Évaluation des sous-critères opérationnels

Sous-critères opérationnels C3.1 C3.2 C3.3 C3.4 C3.5 C3.6 Pondération normalisée
Être réalisable à coûts raisonnables (C3.1) 1,00 1,00 2,00 3,00 3,00 4,00 28,7 %
Être économiquement efficace (C3.2) 1,00 1,00 2,00 3,00 3,00 4,00 28,7 %
Être techniquement faisable, pas d’innovation (C3.3) 0,50 0,50 1,00 2,00 2,00 3,00 17,0 %
Tenir compte des ressources humaines locales (C3.4) 0,33 0,33 0,50 1,00 1,00 2,00 9,8 %
Tenir compte des ressources matérielles locales (C3.5) 0,33 0,33 0,50 1,00 1,00 2,00 9,8 %
Tenir compte des retombées financières locales (C3.6) 0,25 0,25 0,33 0,50 0,50 1,00 5,9 %
Total 3,41 3,41 6,33 10,50 10,50 16,00 100,0 %

Une fois cette hiérarchisation établie, les deux niveaux de pondération et de normalisation (critères et sous-critères) doivent être intégrés en combinant les résultats des précédents tableaux (voir Tableau 16), pour donner une évaluation plus juste de l’importance relative des critères et des sous-critères au travers desquels les mesures de gestion vont être comparées.

Tableau 16. Évaluation des critères et sous-critères combinés

Combinaison Pondération normalisée Combinaison Pondération normalisée Combinaison Pondération normalisée
C1 x C1.1 16,2 % C2 x C2.1 6,5 % C3 x C3.1 3,0 %
C1 x C1.2 16,2 % C2 x C2.2 6,5 % C3 x C3.2 3,0 %
C1 x C1.3 16,2 % C2 x C2.3 6,5 % C3 x C3.3 1,8 %
C1 x C1.4 6,0 % C2 x C2.4 2,2 % C3 x C3.4 1,0 %
C1 x C1.5 6,0 % C2 x C2.5 2,2 % C3 x C3.5 1,0 %
C1 x C1.6 2,7 % C2 x C2.6 2,2 % C3 x C3.6 0,6 %

L’étape d’identification et de hiérarchisation des critères et des sous-critères ainsi réalisée permettait ensuite de procéder à l’évaluation des différentes options de gestion.

Évaluation des options en fonction des critères et des sous-critères

Une démarche similaire à l’analyse des critères a permis d’évaluer les différentes mesures de gestion envisageables (options) entre elles, à partir de matrices de comparaison. Cette fois, il fallait tenter de répondre à la question suivante : par rapport aux sous-critères du groupe 1 (groupe des critères écologiques), l’option 1 (Convertir les forêts en milieux moins propices pour les orignaux) est-elle équivalente, un peu meilleure, moyennement meilleure, meilleure, ou vraiment meilleure que l’option 2 (Nourrir artificiellement les orignaux pour protéger la forêt)?

Ce type de comparaison a été fait pour chacune des options et en fonction de chacun des sous-critères, permettant ainsi de savoir sur quels aspects les options sont plus performantes et sur quels autres aspects elles le sont moins. Selon cette méthodologie, plus l’option est performante, plus elle obtient un résultat élevé, et inversement. Le tableau 17 présente les valeurs utilisées pour l’analyse et leur signification.

Tableau 17. Signification des valeurs utilisées pour la pondération des options en fonction des critères

Option 1 Option 2
Échelle d’importance Pondération Échelle d’importance Pondération
Équivalente 1,00 Équivalente 1,00
Un peu meilleure 3,00 Un peu moins bonne 0,33
Moyennement meilleure 5,00 Moyennement moins bonne 0,20
Meilleure 7,00 Moins bonne 0,14
Vraiment meilleure 9,00 Vraiment moins bonne 0,11
9 et 0,11 constituant les valeurs extrêmes.
2, 4, 6, 8 et leurs inverses représentant des valeurs alternatives utilisables si besoin.

Tel que mentionné plus haut, parmi les différentes options envisageables, certaines représentent des cas particuliers qui sont controversées, qui entraînent des débats polarisés ou qui sont susceptibles de faire face à des niveaux d’acceptabilité sociale faibles au sein de certaines parties de notre société. Ces options particulières sont les suivantes :

  • La réintroduction d’un prédateur majeur d’orignaux (le loup, Mesure 8 ) : essentiellement parce que cette mesure déclenche le sentiment qu’il y aurait des risques à la sécurité des personnes (sous-critère C2.1), car les loups sont perçus comme dangereux pour l’humain, qu’il y aurait un impact très négatif sur l’expérience des visiteurs (sous-critère C2.2) et des usagers ou des voisins du parc puisque les gens auraient peur de visiter le parc ou considèreraient le loup comme un compétiteur pour les chasseurs. De plus, cette option n’aiderait pas à la compréhension du problème (sous-critère C2.7), étant donné que les gens resteraient avec l’idée qu’il y aurait eu de meilleures solutions pour contrôler l’abondance des orignaux.
  • La lutte biologique contre les orignaux (Mesure 9 ) : essentiellement parce que cette mesure déclenche elle aussi le sentiment qu’il y aurait des risques à la sécurité des personnes (sous-critère C2.1) car les gens auraient peur d’une éventuelle transmission des parasites ou des maladies à l’humain ou à d’autres espèces, qu’il y aurait un impact très négatif sur l’expérience des visiteurs (sous-critère C2.2) puisque les gens n’aimeraient pas voir des animaux malades ou trouver des animaux morts en quantité durant leurs visites. Cette option n’aiderait pas à la compréhension du problème (sous-critère C2.7) étant donné que les gens resteraient avec l’idée qu’il y aurait eu de meilleures solutions pour contrôler l’abondance des orignaux.
  • La réduction de la population d’orignaux par une chasse de conservation (Mesure 11 ) : essentiellement parce que cette mesure déclenche le sentiment qu’il y aurait des risques à la sécurité des personnes (promeneurs, voisins, sous-critère C2.1), qu’il y aurait un impact très négatif sur la réputation de l’Agence ainsi que sur l’expérience des visiteurs (sous-critère C2.2), puisque les gens auraient peur de visiter le parc ou auraient l’impression que le parc ne remplit pas sa mission. Cette option n’aiderait pas non plus à la compréhension du problème (sous-critère C2.7) étant donné que les gens resteraient avec l’idée qu’il y aurait eu de meilleures solutions pour contrôler l’abondance des orignaux.

Dans ces cas-ci, au sein de notre analyse finale, ces réalités ont été considérées de façon cohérente. De fait, comme pour les critères et les sous-critères, des matrices de comparaison ont été élaborées et, après leur pondération, les résultats ont été normalisés en pourcentage, ce qui a permis d’obtenir le tableau récapitulatif ci-dessous (Tableau 18).

Tableau 18. Récapitulatif des évaluations des mesures de gestions

Les évaluations sont classées ici par rapport aux critères et sous-critères classés par catégorie
Mesures de gestion Critères écologiques (%) Critères humains (%) Critères opérationnels (%)
C1.1 C1.2 C1.3 C1.4 C1.5 C2.1 C2.2 C2.3 C2.4 C2.5 C2.6 C2.7 C3.1 C3.2 C3.3
Conversion forestière ou vieillissement 0,39 0,31 0,30 0,25 0,08 0,80 0,48 0,29 0,16 0,13 0,27 0,02 0,16 0,15 0,27
Nourrissage artificiel 0,75 1,29 0,30 0,15 0,20 0,46 1,09 0,62 0,23 0,30 0,45 0,13 0,36 0,29 0,07
Confinement ou exclusion 0,75 0,83 0,24 0,40 0,20 0,80 0,20 0,29 0,11 0,13 0,15 0,13 0,83 0,41 0,07
Translocations 1,80 1,49 0,10 0,29 0,20 0,29 0,10 0,14 0,08 0,30 0,05 0,13 0,16 0,05 0,03
Rabattage vers l’extérieur du parc 1,80 1,44 0,15 0,48 0,20 0,14 0,48 0,62 0,23 0,30 0,15 0,13 0,55 0,29 0,07
Diffusion de sons ou d’odeurs de prédateurs 0,75 0,90 0,56 0,72 0,12 0,80 0,48 0,29 0,23 0,13 0,27 0,05 0,36 0,20 0,03
Réintroduction d’un prédateur majeur 2,81 0,58 2,20 2,19 0,47 0,29 1,92 1,20 0,03 0,03 0,27 0,05 1,23 0,09 0,14
Lutte biologique 2,81 2,54 1,09 1,08 0,12 0,80 0,20 0,08 0,04 0,06 0,09 0,02 0,16 0,05 0,03
Contrôle de la fertilité 4,34 3,10 1,09 0,48 0,20 0,80 0,48 0,14 0,11 0,06 0,09 0,02 0,36 0,04 0,03
Réduction par une chasse de conservation 4,34 3,91 1,09 1,08 0,88 0,14 0,20 1,83 0,65 0,61 0,15 0,13 1,74 0,59 0,27
Ajustement des modalités de chasse 1,17 5,35 1,09 1,08 0,88 0,80 0,48 0,62 0,36 0,19 0,27 0,13 0,83 0,59 0,14

Après intégration de l’information tirée de toutes les matrices, le résultat final de l’analyse est présenté sous une forme figurée permettant de mieux apprécier la performance relative de chacune des options par rapport à l’ensemble des critères et donc par rapport aux objectifs de conservation et à la mission de Parcs Canada, à l’intérieur des limites du parc national Forillon (Figure 5).

Performance relative de chaque option par rapport à l’ensemble des sous-critères combinés

Figure 6. Performance relative de chaque option par rapport à l’ensemble des sous-critères combinés — la version textuelle suit.
Figure 6. Performance relative de chaque option par rapport à l’ensemble des sous-critères combinés

Sous la forme d’un histogramme horizontal, la Figure 6 montre la performance relative de chacune des 11 options de gestion analysée par rapport à l’ensemble des sous-critères combinés au travers desquels leur performance a été jugée.

Interprétation des résultats et discussion

Les limites de la méthode

Comme toute méthode d’analyse multicritère, l’AMCH a des limites dont il faut être conscient lors de l’appréciation des résultats finaux. Une première limite vient du fait que certains critères, leur pondération et l’évaluation des différentes options reposent sur des choix arbitraires et des jugements de valeur qui, bien qu’en partie appuyés par la littérature disponible, biaisent les résultats. Pour minimiser les effets de ce problème, les matrices de comparaison ont été élaborées en groupe de travail, puis révisées par des pairs, avant d’être utilisées dans leurs versions finales. Une autre des faiblesses de cette analyse est liée au fait que les différentes options qui sont comparées ici sont d’ampleur, de complexité et de nature très différentes, ce qui les rend difficilement comparables de façon plus objective. Enfin, le fait que l’analyse ait été réalisée à un moment et dans un contexte écologique, socioculturel et économique particuliers, constitue une autre source de biais potentiel. En effet, refaire la même démarche dans quelques années, à la suite de changements de situation dans le parc national Forillon et à l’évolution des connaissances, des sensibilités et des mœurs des communautés locales, donnerait probablement des résultats différents.

Des options beaucoup plus performantes que d’autres

Dans les limites des biais soulevés, sur les 11 options testées, seules quatre ont le potentiel de beaucoup mieux performer par rapport aux objectifs et à la mission de l’Agence. À leur tête, la réduction de la population d’orignaux par une chasse de conservation est ressortie comme l’option la plus envisageable en particulier grâce à ses performances relatives par rapport à son aptitude à réduire les menaces sur les écosystèmes (sous-critère 1.1 : 4,34 %), à minimiser son impact sur les autres espèces présentes dans le parc national Forillon (sous-critère 1.2 : 3,91 %), à renforcer les relations avec les communautés autochtones (sous-critère 2.3 : 1,83 %), à respecter le contexte culturel (sous-critère 2.4 : 0,65 %), à améliorer les liens avec les autres intervenants locaux (sous-critère 2.5 : 0,61 %) et à être techniquement faisable et efficace par rapport aux coûts de mise en œuvre (sous-critère 3.1 : 1,74 %).

Vient ensuite l’ajustement des modalités de chasse en périphérie du parc, qui s’est démarqué au travers de ses relatives bonnes performances à minimiser son impact sur les autres espèces (sous-critère 1.2 : 5,35 %), à minimiser les risques à la sécurité publique (sous-critère 2.1 : 0,80 %), à renforcer les relations avec les communautés autochtones (sous-critère 2.3 : 0,62 %) et à être techniquement faisable et efficace par rapport aux coûts de mise en œuvre (sous-critère 3.1 : 0,83 %).

La réintroduction d’un prédateur majeur (le loup) et le contrôle de la fertilité des orignaux se sont positionnées respectivement en troisième et quatrième places, essentiellement pour leurs performances relatives vis à vis de certains sous-critères écologiques (principalement pour la réintroduction d’un prédateur majeur) et humains, moins pour leurs aptitudes face aux critères opérationnels. Toutes les autres options ont obtenu des performances plus faibles surtout à cause de leurs moins bons résultats face aux critères écologiques et opérationnels.

Synthèse

En l'absence d’un prédateur majeur, l'orignal continuera de menacer l’intégrité écologique du parc national Forillon. Il y a peu de chances pour que la régulation naturelle parvienne à limiter la croissance de sa population à des densités suffisamment faibles pour que l’écosystème ne se transforme pas de façon drastique et, qu’en conséquence, certaines espèces ne soit pas en difficulté et la préservation de l’intégrité de l’écosystème forestier menacée. La conversion forestière et le vieillissement des forêts semblent être des options beaucoup trop invasives pour un écosystème que l’on tente de conserver le plus intègre possible. Elles sont également logistiquement et financièrement lourdes à mettre en œuvre et nécessitent de longues périodes pour obtenir des résultats. Les approches utilisant le nourrissage, le confinement, le déplacement forcé d’individus et le contrôle des naissances ou de la fertilité sont envisageables principalement pour les populations de petites tailles, fermées et/ou captives ce qui n’est pas le cas de celle du parc national Forillon. De leur côté, la diffusion d’odeurs et de sons de prédateurs ainsi que la lutte biologique (qui ne reçoit aucun appui du public) n’ont jamais été envisagées pour faire face à des problèmes causés par un mammifère de la taille d’un orignal. Il y a donc trop d’incertitudes autour de ces options pour qu’elles soient retenues. Quant à la réintroduction d’un prédateur comme le loup, elle peut s’avérer efficace d’un point de vue strictement écologique, mais elle aurait des répercussions bien au-delà des limites du parc national Forillon en plus d’être très complexe à mettre en œuvre dans le contexte environnemental et social qui est celui du parc. Pour le moment, en plus de mettre en danger le caribou de la Gaspésie (une espèce en péril), cette option est très controversée et ne reçoit que peu d’appui de la part de la population. Finalement, le contrôle par une chasse de conservation est probablement la méthode la plus efficace et la moins dispendieuse à mettre en œuvre, mais elle nécessitera une préparation minutieuse, un encadrement rigoureux et une collaboration étroite avec de nombreux intervenants pour atteindre son objectif. La coupler avec un ajustement des modalités de chasse en périphérie du parc augmenterait également ses chances de succès.

Les résultats de cette analyse orientent donc les autorités du parc national Forillon vers un contrôle de la population surabondante d’orignaux qui, à court et moyen terme, sera mis en  œuvre seulement si c’est nécessaire et qui prendra la forme d’une chasse de conservation. Pour être mise en œuvre de façon responsable, efficace et sécuritaire, les modalités de cette mesure de gestion sont définies au travers des recommandations qui suivent.


Recommandations pour la période 2023-2027

À Parcs Canada, lorsqu’une initiative de gestion active est requise à des fins de conservation des milieux naturels et des espèces qui les peuplent, elle doit être basée sur l’atteinte d’objectifs liés au maintien de l’intégrité écologique de l’écosystème. Elle doit établir des cibles en termes d’intégrité des communautés végétales potentiellement affectées, fixer un optimum de densité pour la population surabondante visée et choisir une approche réaliste, cohérente, efficace et adaptative, capable d’être menée à bien avec succès tant du point de vue écologique que socioéconomique. Elle doit aussi impérativement être couplée à des suivis scientifiques complémentaires pour s’assurer qu’elle atteigne bien les objectifs fixés ou, le cas échéant, qu’elle soit réajustée. Enfin, elle doit être accompagnée d’autres précautions qui permettent d’assurer que les questions d’impact environnemental ainsi que de sécurité des personnes impliquées ou des visiteurs ont bien été abordées, que la population a bien été consultée en temps opportun et que, du point de vue des communications, l’information soit claire, transmise de façon adéquate, accessible et éducative.

Les détails de la stratégie de gestion retenue ainsi que des initiatives connexes à mettre en œuvre font l’objet de nombreuses recommandations qui sont regroupées selon six grands axes, présentés ci-dessous.

Cibles à atteindre en matière d’intégrité écologique

Optimum de densité d’orignaux

Lors de la publication du dernier plan de gestion (Sigouin et al. 2013), les densités d’orignaux ont été interprétées en utilisant des seuils qui supposaient que l’état attendu de cette mesure devait refléter une situation dans laquelle la population d’orignaux était en équilibre dynamique avec la prédation (Samson et al. 2011). Or, dans un contexte où depuis déjà plus de cent ans cette population d’orignaux n’évolue plus en étant soumise à la prédation par le loup, sa dynamique semble être déterminée par la présence de maladies ou de parasites, mais aussi et surtout par la compétition pour la nourriture, de sorte que la notion de capacité de support du milieu prenne ici tout son sens. La pertinence de ces anciens seuils a donc été remise en question et de nouveaux seuils ont été établis en fonction de la réponse locale de la végétation aux variations d’abondance des orignaux (voir Révision des sous-mesures et des seuils d’intégrité écologique, et Parcs Canada 2022 et 2023a).

De fait, la nouvelle base de référence pour les seuils d’intégrité suppose que l’état devrait être jugé « BON » lorsque la densité de la population varie de 4,0 à 10,0 orignaux/10 km2. Avec une densité <2 orignaux/10 km2 ou >20 orignaux/10 km2, l’état serait jugé « MAUVAIS » et le niveau « PASSABLE » serait attribué aux situations intermédiaires (voir Révision des seuils d’intégrité écologique, Tableau 5). Les derniers inventaires réalisés au parc national Forillon (2020 et 2023) indiquent qu’actuellement la population d’orignaux se situerait entre 20 et 23 orignaux/10 km2, l’état de la mesure est donc jugé « MAUVAIS » (voir Analyse de la situation de 2020 à 2023, et Parcs Canada 2023a)).

L’objectif est donc de gérer la population d’orignaux de manière à ce qu’elle retourne à moyen terme à un optimum de densité tel que l’état de la mesure puisse être considéré au moins comme « PASSABLE », au mieux comme « BON ».

Recommandation no 1 :

À l’intérieur des limites du parc national Forillon, la mise en œuvre de mesures de contrôle de la population surabondante d’orignaux doit contribuer à ce que la densité de cette population tende vers un niveau considéré comme « BON ». Pour cela, à moyen terme, il est important d’abaisser progressivement la densité de cette population et de la maintenir par la suite au moins entre 10 et 20 orignaux/10 km2, au mieux entre 4 et 10 orignaux/10 km2.

Intégrité des communautés végétales forestières potentiellement affectées

À l’échelle régionale, provinciale et nationale, le parc national Forillon sert aujourd’hui de sanctuaire à une variété d’espèces floristiques terrestres représentatives de la région naturelle des monts Notre-Dame et Mégantic. La forêt devrait y être typique des zones de transition entre les milieux tempérés à hiver froid et les milieux boréaux nordiques. Sous l’influence dominante des conditions climatiques régionales et locales, les peuplements forestiers devraient s’y diviser en trois communautés principales : l’érablière à bouleau jaune, la sapinière à bouleau jaune et la sapinière à bouleau blanc.

La composition et la structure d’âge des peuplements forestiers observés de nos jours résultent en partie des épidémies d’insectes ravageurs, du contrôle des feux de forêt et de l’historique d’exploitation forestière. Les peuplements conifériens et mixtes représentent les habitats les plus abondants du parc puisqu’ils recouvrent plus de 95 % de sa superficie terrestre. Toutefois, les jeunes peuplements et les peuplements à dominance de feuillus y sont en proportion plus élevée qu’attendue pour la région naturelle que représente le parc (Del Degan et al. 1995b). À la suite de la création du parc et après l’arrêt de l’exploitation forestière, l’intégrité écologique des forêts s’est quelque peu améliorée avec un retour progressif de forêts plus âgées et d’un couvert forestier à dominance de résineux (Del Degan et al. 1995b). Par contre, cette intégrité demeure difficile à rétablir totalement, notamment à cause de la répression permanente des feux de forêts, et son avenir est incertain puisqu’elle est menacée par une population surabondante d’orignaux. Enfin, comme partout ailleurs, elle est soumise aux influences des changements climatiques.

Quoiqu’il en soit, tel que déterminé par l’étude de Del Degan (Del Degan et al. 1995b), une plus grande représentativité des peuplements à dominance de résineux devrait être recherchée et cette particularité constitue l’objectif à atteindre grâce aux activités actuelles de gestion des écosystèmes forestiers du parc. À plus long terme, l’avènement des changements climatiques pourrait transformer le territoire en favorisant la pousse de forêts de plus en plus feuillues.

Pour vérifier où se situe le territoire du parc national Forillon par rapport à l’objectif d’obtenir une plus grande représentativité des peuplements à dominance de résineux, des mesures indicatrices comme la dominance des espèces dans le peuplement, leur structure interne et le taux de décomposition au niveau des sols, ont été sélectionnées pour dresser le portrait de l’état d’intégrité écologique des communautés végétales forestières. Les données récoltées permettent d’établir des comparaisons entre la situation observée et le portrait forestier historique du parc national Forillon tel que décrit dans l’étude réalisée en 2012, par le Consortium en foresterie Gaspésie-Les Îles (Perrotte-Caron et Pinna 2012). Le but est ici de répondre aux questions suivantes :

  • La dominance des espèces clés dans la strate arborescente est-elle différente de celle décrite dans le portrait forestier historique?
  • Le nombre moyen de tiges par hectare et la fréquence des classes de diamètres des tiges sont-ils différents de la distribution naturelle historique?
  • Est-ce que le taux de décomposition a changé de plus de 5 % depuis la période de référence?

Afin de statuer sur l’ampleur des différences observées et sur leur nature par rapport à l’intégrité du milieu forestier, des seuils ont été établis pour évaluer les valeurs récoltées (voir tableau 19 ci-dessous).

Tableau 19. Seuils des mesures de surveillance de l’état d’intégrité écologique de la forêt du parc national Forillon

Les évaluations sont classées ici par rapport aux critères et sous-critères classés par catégorie
Indicateurs Seuils d’intégrité
Mauvais Passable Bon Passable Mauvais
Dominance des espèces - - Différence < 20 % 20 – 30 % > 30 %
Structure interne des peuplements - - Différence < 20 % 20 – 30 % > 30 %
Taux de décomposition ↓ > 10 % ↓ 5 – 10 % ↓ ou ↑ 0 – 5 % ↑ 5 – 10 % ↑ > 10 %

L’objectif est donc de gérer l’écosystème forestier de manière à ce que la dominance forestière et la structure interne des peuplements démontrent moins de 20 % de différence avec les valeurs tirées du portrait historique pour que l’état d’intégrité soit considéré comme « BON ». Il est possible de permettre à certaines espèces comme le sapin baumier, le bouleau blanc, l’érable rouge (Acer rubrum), ou l'if du Canada (Taxus canadensis) de récupérer et de retrouver des niveaux d’abondance typiques de nos écosystèmes.

À l’heure actuelle, l’état d’intégrité est considéré comme « PASSABLE » et stables (Sigouin et Tremblay 2021), car bien que la structure interne des peuplements semble bien se porter, la dominance des espèces est considérée dans un état « MAUVAIS » mais stable. Pour ce qui est du taux de décomposition, il ne sera évalué que lors des prochaines années.

Recommandation no 2 :

La mise en œuvre de mesures de contrôle de la population surabondante d’orignaux doit contribuer à l’effort de surveillance écologique menée par le parc national Forillon à atteindre ses objectifs de manière à ce que l’état d’intégrité redevienne « BON ». Pour cela, il est important de travailler de concert avec l’ensemble de l’équipe de conservation et de continuer à mener les investigations scientifiques qui permettent de suivre l’effet du contrôle des orignaux sur les communautés végétales forestières.

Opérationnalisation des mesures de gestion retenues

Mesure principale : Chasse de conservation

Objectifs de prélèvement

Les objectifs de prélèvement doivent être définis sur la base scientifique des inventaires d’abondance et des analyses des facteurs qui influencent la dynamique de la population d’orignaux du parc national Forillon. Selon les derniers inventaires effectués dans le parc, la population d’orignaux devrait compter entre 500 et 550 individus. De fait, ramener progressivement cette population à une densité d’au plus 10 à 20 orignaux/10 km2, d’au mieux 4 à 10 orignaux/10 km2 et la garder à ce niveau à long terme, correspondrait à l’amener à osciller aux environs 250 individus et à la maintenir autour de ce nombre par la suite. Ce qui reviendrait, toujours à long terme, à prélever au cours du temps plusieurs centaines d’individus compte tenu des variations annuelles d’abondance auxquelles on peut s’attendre.

De plus, sachant que le rapport des sexes est actuellement déséquilibré en faveur des femelles (31 M / 100 F, Parcs Canada, 2023a), la chasse de conservation qui est préconisée, devra cibler plus spécifiquement les femelles que les mâles dans le but de rétablir un meilleur rapport des sexes et de réduire la productivité pour limiter la croissance de la population. Ainsi, dans un premier temps, le prélèvement pourrait viser essentiellement des femelles adultes après quoi une proportion croissante de mâles pourrait être rajoutée, le cas échéant, jusqu’à obtention d’un rapport des sexes proche de l’équilibre (1M / 1F). Les prélèvements effectués dans chacun des deux sexes seraient ajustables et adaptés aux besoins de la population.

Recommandation no 3 :

À l’intérieur des limites du parc national Forillon, si le besoin se confirme, le contrôle de la population surabondante d’orignaux devrait se faire au travers d’une chasse de conservation ajustable aux besoins. Ces opérations pourraient débuter par un projet pilote visant à mettre en place les aspects logistiques et ayant une cible de retrait relativement faible. À plus long terme, après analyse des résultats de cette première intervention, le programme de contrôle devrait être révisé et ajusté.

Répartition spatiale de la pression de chasse

Idéalement la pression de chasse devrait être distribuée de façon à répartir les prélèvements sur l’ensemble du territoire du parc national Forillon. Ainsi, les conséquences écologiques du programme de contrôle pourraient être uniformément réparties à la grandeur du parc. Toutefois, le parc n’étant pas accessible dans sa totalité, la répartition de la pression de chasse sera étroitement dépendante de la présence des chemins et des sentiers disponibles. En outre, pour des raisons liées à la sécurité des usagers et à l’expérience des visiteurs, la chasse elle-même ne devrait pas interférer directement avec les autres activités qui ont habituellement cours dans le parc. Les aspects liés à la sécurité seront développés plus bas (voir Sécurité publique).

Par conséquent, à l’intérieur des limites du parc national Forillon, des secteurs qui pourront être utilisés pour la tenue du programme de contrôle ou pour les autres activités habituelles, seront délimités en fonction de différents paramètres comme la présence d’orignaux ciblés par le programme, l’existence de sentiers et autres commodités, ou la saison. Ces secteurs pourraient être alternativement ouverts ou fermés au public, selon le cas.

Recommandation no 4 :

À l’intérieur des limites du parc, délimiter et cartographier des secteurs qui constitueraient l’unité de base géographique de la mise en œuvre du programme de contrôle de la population d’orignaux. En même temps, recourir à la possibilité de fermer sporadiquement ces secteurs au public, de manière à permettre le contrôle des orignaux en toute efficacité et en toute sécurité. La cartographie des secteurs devra également contenir une zone tampon sur les pourtours du parc pour ne pas interférer avec les secteurs privés et publics limitrophes qui subissent déjà une certaine pression de chasse chaque année.

Démarrage et durée du prélèvement

À l’hiver 2025 aura lieu un nouvel inventaire aérien d’orignal qui couvrira la totalité du territoire du parc. Si les résultats de cet inventaire indiquent que la population est de nouveau en croissance ou bien qu’elle s’est maintenue à des niveaux de densité jugés encore très élevés, le prélèvement pourra débuter dès l’automne 2025. Par contre, si la population continue la décroissance observée depuis 2020, alors une analyse approfondie de la tendance devra être effectuée de manière à prendre une décision éclairée.

Pour ce qui est de la durée d’un éventuel prélèvement, tant et aussi longtemps que la population montrera des signes de surabondance et que les tendances observées indiqueront au minimum un maintien à hautes densités, le prélèvement se poursuivra dans le temps. Si toutefois la population d’orignaux revenait à un niveau de densité jugé « BON » ou que les tendances annonçaient des variations susceptibles de maintenir la population à un niveau jugé « BON », alors le prélèvement pourrait être suspendu jusqu’à avis contraire. Par contre, lorsque la population se situera à un niveau « PASSABLE » (10 - 20 orignaux /10 km2), les mesures de contrôle seront ajustées en conséquence si les indicateurs d’impact sur la végétation sont « BONS ».

Recommandation no 5 :

Les résultats préliminaires du dernier inventaire aérien (février 2023) indiquent que les densités d’orignaux sont encore élevées mais en baisse et que la baisse devrait se poursuivre dans le temps. La possibilité d’un prélèvement n’est donc pas envisagée à court terme. Il faudra donc attendre les résultats du prochain inventaire aérien avant d’autoriser le prélèvement d’animaux. Advenant qu’une chasse de conservation ait lieu un jour, elle devrait alors se maintenir dans le temps tant et aussi longtemps que la situation le nécessitera en termes d’intégrité écologique. Se réserver le droit de mettre fin au prélèvement en période moins critique et de le reprendre le cas échéant.

Encadrement du prélèvement

La chasse de conservation qui sera mise en œuvre au parc national Forillon devra être administrée par Parcs Canada en collaboration avec les partenaires pertinents pour ce qui est de la détermination des périodes de chasse, de l’émission de permis spéciaux, du nombre de chasseurs par groupe, de l’organisation et de la tenue de tirages au sort, de la perception des frais associés à ces permis et de l’enregistrement des animaux abattus. Elle se déroulera préférentiellement plus tard que les périodes qui sont habituellement déterminées pour la pratique de la chasse sportive en Gaspésie (ex. : chasse de fin d’automne et d’hiver).

Cette chasse devra se pratiquer conformément aux normes les plus élevées de sécurité des personnes et des animaux, ainsi que de respect des écosystèmes et de la législation de Parcs Canada. Ainsi, il faudra s’assurer que les animaux prélevés correspondent bien à ceux qui sont ciblés par le plan de gestion. Pour éviter toute perte excessive d’animaux blessés ou toute source de pollution des écosystèmes, les chasseurs devront utiliser uniquement des armes à feu et des munitions adaptées à ce type de chasse. L’utilisation de véhicules routiers et hors route sera également contrôlée et conforme aux directives du parc national Forillon en la matière.

Recommandation no 6 :

Se préparer à administrer une chasse de conservation dont tous les aspects devraient être encadrés, le tout en collaboration étroite avec les intervenants locaux qui seraient en charge de différents volets de cette activité.

Retombées locales

La chasse de conservation prévue ainsi que toutes les activités qui s’y rattachent (boucherie, transport, distribution de la viande, etc.) représentent des sources de retombées locales potentiellement importantes pour la région. Dans la mesure du possible, la chasse de conservation sera gérée de manière à ce que ces retombées profitent aux communautés locales.

Recommandation no 7 :

Mettre en œuvre un programme de contrôle de manière à ce que les retombées de la chasse de conservation ainsi que des activités qui l’entourent favorisent les communautés locales.

Recommandation no 8 :

Toutes les précisions liées aux différents aspects d’une chasse de conservation à réaliser à l’intérieur des limites du parc national Forillon devraient faire l’objet d’un plan d’opérationnalisation qui devra être élaboré avant le début du programme de contrôle. Son contenu devrait inclure :

  • les objectifs de prélèvement chiffrés sur un laps de temps prédéterminé,
  • le nombre de permis spéciaux à émettre chaque année pendant ce laps de temps,
  • la date de démarrage et les dates des périodes de chasse pour chaque année,
  • la clientèle visée et les règlements d’admissibilité,
  • les dates de tirage au sort (le cas échéant),
  • les frais associés au droit de chasse,
  • la carte des secteurs destinés à la chasse,
  • les règlements concernant le déroulement de la chasse (groupes, encadrement, armes, véhicules),
  • les règlements concernant l’enregistrement des animaux abattus et la disposition de la viande,
  • les ententes de partenariat avec toutes les parties impliquées dans le programme de contrôle,
  • la récolte d’information biologiques sur les carcasses.

Mesure secondaire : Ajustement des modalités de chasse en périphérie du parc national Forillon

Idéalement, la mise en œuvre d’une chasse de conservation à l’intérieur des limites du parc national Forillon devrait aussi être accompagnée d’un ajustement des modalités de chasse en périphérie du parc. Ainsi, la gestion de l’orignal se ferait de façon plus cohérente entre l’intérieur et l’extérieur du parc, ce qui l’aiderait à atteindre ses objectifs de contrôle de la population d’orignaux et qui améliorerait l’efficacité du contrôle lui-même.

En guise d’ajustement, à l’extérieur des limites du parc sur une bande de territoire qui pourrait faire jusqu’à 10 km de large, il pourrait-être utile d’accentuer la pression de chasse sur les femelles adultes, au moins pour la durée d’application du présent plan de gestion. Par la suite, selon les résultats obtenus, les ajustements pourraient être maintenus ou révisés.

Recommandation no 9 :

Travailler en étroite collaboration avec les autorités locales du ministère responsable de la Faune au Québec à l’ajustement des modalités de chasse en périphérie du parc national Forillon de manière à effectuer une gestion adaptative cohérente et à faciliter l’atteinte des objectifs de contrôle de la population surabondante d’orignaux.

Suivis scientifiques et gestion adaptative

Pour évaluer correctement l’effet des mesures de gestion retenues et, le cas échéant, pouvoir les corriger adéquatement, certains suivis scientifiques qui ont cours depuis de nombreuses années doivent être maintenus et d’autres, qui se sont développés depuis l’application du précédent plan de gestion, doivent être poursuivis. Enfin de nouvelles investigations de recherche complémentaires devraient être également développées de manière à avoir un portrait complet de la situation et à mieux comprendre les réactions de l’écosystème en réponse à nos choix de gestion. Prises ensemble, toutes ces investigations permettraient de continuer de gérer la situation en prenant des décisions basées sur des données probantes et d’ajuster la prise des décisions en fonction des résultats obtenus.

Poursuite des investigations en cours

Poursuite des inventaires d’orignaux et des suivis de la récolte en périphérie du parc

L’inventaire aérien est la méthode privilégiée pour suivre la population d’orignaux depuis la création du parc national Forillon, car elle est reconnue comme étant la meilleure et la plus efficace pour obtenir une estimation précise de la densité de la population et des autres mesures (rapport des sexes, productivité). L’utilisation de caméras numériques disposées aléatoirement (méthode REM, Pettigrew et al. 2021) a également fait ses preuves, elle offre une solution indirecte, moins coûteuse et complémentaire pour effectuer le suivi de la population d’orignaux.

Lorsqu’une population connaît des changements rapides, de l’ordre de ceux qui ont été observés entre 1997 et 2023, il est souhaitable d’accroître la fréquence des inventaires afin d’évaluer si la croissance se maintient, si la population suit une trajectoire prédite ou si des mesures de gestion portent fruit. Avec un suivi temporel à long terme, on pourrait également mettre en relation l’abondance des orignaux avec les données de végétation qui sont prélevées en parallèle pour évaluer le temps de réponse du milieu, et documenter les variations de densités d’orignaux dans le parc en relation avec les modalités de chasse issues de l’extérieur du parc. Toutes ces informations sont importantes à récolter et, pour cela, il serait souhaitable d’alterner dans le temps les deux méthodes d’inventaire dont on dispose (par exemple : un inventaire aux trois ans; par caméra aux années 3 et 6 et aérien à l’année 9), de manière à obtenir un portrait fiable de la situation à coût raisonnable, et ce, tant que la densité de la population ne sera pas stabilisée.

En complément, poursuivre les investigations de suivi de la récolte en périphérie du parc, nous offre la possibilité de mieux interpréter les données des inventaires et de mieux comprendre d’où provient le déséquilibre du rapport des sexes observés chez les orignaux du parc national Forillon. Ce sont des éléments importants, car ils permettraient de mieux orienter le prélèvement à exercer lors du contrôle.

Recommandation no 10 :

Poursuivre les inventaires de la population d’orignaux et même les intensifier en utilisant les deux méthodes dont elles disposent de façon optimale dans le temps. Le prochain inventaire aérien aura lieu durant l’hiver 2025, ce qui implique que les suivants se tiendrait idéalement en 2028 et 2031 (par caméra), puis en 2034 (par voie aérienne). En parallèle, il est aussi important de poursuivre les suivis de la récolte en périphérie du parc, afin de mieux interpréter les données de ces inventaires.

Poursuite des inventaires de brout

Le plan de gestion de l’orignal 2013-2017 (Sigouin et al. 2013) mentionnait la nécessité d’effectuer un suivi de la végétation pour pouvoir détecter les effets du surbroutement des orignaux sur la végétation forestière. Depuis 2009, des inventaires de brout dans les ravages ont été réalisés après chaque inventaire aérien et un réseau d’exclos a été établi au cours des années 2013 et 2014, puis inventorié en 2014, 2018 et 2020. Ces inventaires sont très pertinents, ils contribuent à l’effort de surveillance de l’intégrité écologique et leurs résultats donnent une mesure directe de l’impact de la population d’orignaux sur la végétation forestière. Poursuivre les inventaires de brout au cours du temps s’avèrera également très important pour obtenir un portrait de l’évolution du système suivant le contrôle de l’abondance des orignaux.

Recommandation no 11 :

Maintenir les inventaires de brout tant dans les ravages (à la suite des inventaires aériens : 2025 et 2034) que dans le réseau des exclos, de manière à poursuivre l’effort de surveillance de l’intégrité écologique en lien avec la situation de l’orignal dans le parc national Forillon, et à obtenir un portrait de l’évolution du système tout au long de la mise en œuvre du programme de contrôle de l’abondance des orignaux.

Nouvelles investigations en cours ou en développement

Depuis la mise en application du précédent plan de gestion (Sigouin et al. 2013), d’autres investigations scientifiques ont vu le jour, ou se développent en ce moment même. Ces investigations portent sur la dynamique de la population d’orignaux du parc national Forillon ainsi que sur les mécanismes qui déterminent la dynamique des transformations observées au sein des communautés végétales du parc. Les thèmes qu’elles abordent sont complémentaires à ceux des précédentes investigations de sorte qu’elles permettent d’acquérir de nouvelles connaissances qui vont aider à mieux comprendre la situation et son évolution dans le temps. Grâce à ces nouvelles investigations, le parc national Forillon est aussi en train de se doter de nouveaux outils de diagnostic et de gestion qui vont faciliter sa prise de décision.

Dynamique de la population d’orignaux du parc national Forillon

Si les orignaux ont pu atteindre de tels niveaux d’abondance dans le parc national Forillon, c’est essentiellement à cause de l’absence de mécanisme de régulation de leur population (prédation majeure, chasse, manque de nourriture, maladie et parasite). Actuellement, de nombreux indices tendent à démontrer que la tique d'hiver est en pleine expansion dans l’est du Canada. Or, ce parasite a le potentiel d’être un facteur de mortalité auquel les orignaux ne sont pas encore adaptés. Dans ces conditions, comme nous n’avons que peu de données sur les taux de survie et sur les causes de mortalité des individus au sein du parc national Forillon et que ces informations seraient utiles pour calibrer les mesures de gestions à appliquer, il est bien important d’investiguer ces aspects de la biologie des orignaux du parc. De fait, un projet de recherche portant spécifiquement sur les liens entre l’orignal et la tique d’hiver a vu le jour en collaboration avec l’Université Laval et est actuellement en cours de réalisation. Il conduit, entre autres, à effectuer des suivis télémétriques de jeunes orignaux et d’adultes en vue d’obtenir des données sur les causes de mortalité des individus, mais aussi sur leurs déplacements, ce qui permettra d’évaluer entre autres choses l’ampleur de l’effet de débordement de la population du parc national Forillon vers les territoires adjacents. Outre ce projet, les orignaux marqués qui mourront pendant l’étude seront faciles à retrouver, permettant de pratiquer des nécropsies et d’obtenir d’autres données complémentaires, par exemple sur les causes de mortalités. Il serait également bon de profiter de l’éventuelle récolte issue de la chasse de conservation pour recueillir des échantillons biologiques complémentaires sur les individus récoltés. En parallèle, comme différents paramètres démographiques des populations d’orignaux peuvent aussi être influencés par les conditions hivernales (Bishop et Rausch 1974, Mech et al. 1987, Gasaway et al. 1983, Ballard et al. 1991, Peterson 1999, Tyers 2003, Ballenberghe et Ballard 2007), il est particulièrement important d’explorer ce phénomène dans le contexte du parc national Forillon.

Depuis la mise en application du précédent plan de gestion de l’orignal (Sigouin et al. 2013), les autorités du parc national Forillon ont en main de plus en plus de données concernant les paramètres démographiques de la population d’orignaux du parc. Cependant, certains paramètres soulèvent des questions et certains mécanismes restent à éclaircir. Par exemple, actuellement, la productivité s’avère faible (13 Jeunes /100 F adultes, voir section 3.2 Ajout des inventaires réalisés en 2020 et 2023 et état de la mesure) sans que l’on en comprenne bien la raison. De fait, un suivi de la natalité, de la survie des veaux et des causes potentielles de leur mortalité a été entrepris en collaboration avec l’Université Laval. Les données issues de cette initiative aideront à peaufiner le modèle de dynamique de population qui a vu le jour en 2021, en collaboration avec l’Université du Québec à Rimouski et qui est en cours d’élaboration. Ce projet consiste à concevoir un modèle mathématique représentatif des variations observées au cours des dernières décennies, au sein de notre population d’orignaux. Il a pour objectifs essentiels d’améliorer la compréhension des mécanismes qui ont conduit à la situation de surabondance actuelle et de prédire l’évolution de cette population pour les années à venir. Une fois opérationnel, ce modèle constituera donc un outil de gestion précieux, susceptible d’aider grandement à l’analyse des résultats de la mise en œuvre du programme de contrôle et à la prise de décisions futures.

Recommandation no 12 :

Dans la mesure de ses capacités, maintenir et aider au développement de toute initiative visant l’acquisition de connaissances sur la dynamique de la population d’orignaux du parc, car ces initiatives permettront l’amélioration du modèle, outil qui devrait s’avérer particulièrement utile à l’atteinte des objectifs du programme de contrôle à long terme.

Surutilisation de l’habitat et dynamique de l’ouverture des forêts du parc national Forillon

La dynamique de régénération de la forêt boréale est caractérisée par des perturbations à fine échelle (sénescence, maladie, foudre affectant un ou quelques arbres) ou à plus grande échelle (feux, épidémies d’insectes) menant à l’ouverture du couvert forestier. Selon leur amplitude, ces perturbations peuvent mener à une matrice forestière hétérogène (de Römer et al. 2007, Muscolo et al. 2014) ou homogène (Bergeron et al. 1995, 1998). Les mécanismes de régénération du milieu forestier assurent normalement la pérennité de l’écosystème (Duchesne et Prévost 2013) cependant, dans certaines conditions, certains facteurs abiotiques comme les conditions hivernales ou biotiques comme le broutement par les herbivores, peuvent altérer ce processus. Bien que l’effet de ces phénomènes pris séparément soit bien documenté dans plusieurs régions, leur effet combiné sur la dynamique de régénération est peu connu.

De fait, des projets visant à mieux diagnostiquer les phénomènes d’ouverture des milieux, à mieux identifier les parcelles affectées et à évaluer la contribution relative du broutement sélectif par l’orignal et des conditions hivernales sur le régime de succession des trouées naturelles ont vu le jour en 2021, en collaboration avec l’Université de Sherbrooke ainsi qu’avec l’Université Laval. Ces projets aideront à améliorer l’évaluation de l’impact des orignaux sur la régénération forestière et donc sur l’intégrité écologique du parc national Forillon.

Recommandation no 13 :

Dans la mesure de ses capacités, maintenir et aider au développement de toute initiative visant l’acquisition de connaissances sur la dynamique de régénération des forêts du parc, car ces initiatives permettront de mieux mesurer l’impact actuel des orignaux sur l’écosystème du parc national Forillon et leur impact futur suite à l’application des mesures de gestion retenues.

Recommandation no 14 :

Conformément à la directive de gestion des espèces surabondantes (Agence Parcs Canada 2019), veiller à maintenir ou à développer toute initiative visant l’évaluation des effets de la gestion des populations fauniques surabondantes sur les mesures actuelles ou proposées pour la gestion d’espèces en péril dans le parc national Forillon. Ainsi, des suivis portant spécifiquement sur certaines populations d’oiseaux (Grive de Bicknell, Paruline du Canada) ou de chauves-souris (petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus)) devraient être maintenus ou envisagés.

Gestion adaptative

Pour atteindre ses objectifs dans un laps de temps raisonnable et les maintenir à long terme, la gestion de la population d’orignaux du parc national Forillon doit faire preuve de souplesse et d’adaptabilité. Elle doit être mise en œuvre selon un processus systématique d'amélioration constante des pratiques de gestion et de révision régulière des décisions prises, à la lumière des connaissances acquises au cours des investigations scientifiques.

Recommandation no 15 :

Envisager de gérer la population surabondante d’orignaux selon un processus de gestion adaptative qui se base principalement sur les leçons tirées des résultats scientifiques et des mesures appliquées.

Impacts environnementaux

Les initiatives prévues dans le présent plan de gestion permettront de suivre la population d'orignaux et éventuellement de commencer à contrôler son abondance pour préserver l’intégrité écologique du parc national Forillon. Ces initiatives étant plus ou moins invasives pour les écosystèmes du parc, elles sont susceptibles d'avoir des effets potentiellement négatifs sur certaines de leurs composantes. Par conséquent, il est souhaitable de procéder à une analyse des impacts environnementaux qui découleraient de la mise en œuvre des initiatives retenues de manière à prévoir des mesures d’atténuation, le cas échéant.

De plus, comme les initiatives prévoient l’implication de différents membres issus de différentes communautés locales, elles auront des retombées à l’échelle régionale et donc un impact dans la communauté.

Recommandation no 16 :

Conformément à la directive de gestion des espèces surabondantes (Agence Parcs Canada 2019), procéder à des analyses des impacts sur les ressources naturelles et culturelles et des impacts sur les communautés locales qui découleraient de la mise en œuvre des initiatives retenues. Ces analyses doivent avoir comme objectifs :

  • de déterminer les composantes naturelles et culturelles qui pourraient être affectées, de prévoir des mesures d’atténuation des impacts et, le cas échéant, d’évaluer l’importance des effets négatifs résiduels.
  • d’évaluer l’importance des impacts sur l’expérience du visiteur ainsi que des retombées locales pour chacune des communautés impliquées, et de veiller, le cas échéant, à proposer des ajustements qui optimiseront les situations.

Ces analyses doivent également être validées par des experts et faire l’objet d’un programme de suivi et de surveillance pour s’assurer que les objectifs sont atteints.

Sécurité publique

Face à l’abondance d’orignaux dans le parc, le parc national Forillon désire mettre en application les initiatives prévues dans le présent plan de gestion de l’orignal, au minimum pour les cinq prochaines années. À cause de leur nature et de leur étendue dans l’espace et dans le temps, ces initiatives comportent des risques avec lesquels les différents groupes d’utilisateurs du parc national Forillon devront composer. Par exemple, la mise en place d’une chasse de conservation entrainera l’utilisation d’armes à l’intérieur des limites du parc et l’augmentation de la circulation routière en périphérie. Les suivis scientifiques, quant à eux, vont imposer des survols du territoire en aéronefs ou des captures d’orignaux avec utilisation de drogues immobilisantes, etc.

Recommandation no 17 :

De fait, conformément à la directive de gestion des espèces surabondantes (Agence Parcs Canada 2019) et pour réduire les risques associés à ces initiatives, élaborer et mettre en œuvre un plan de sécurité qui doit avoir comme objectifs :

  • de déterminer les dangers et les risques encourus par les différents groupes d’utilisateurs,
  • de prendre des mesures préventives nécessaires pour améliorer leur sécurité.

Ce plan de sécurité mettra de l’avant l’expertise de Parcs Canada en regroupant les pratiques exemplaires en matière de gestion de la sécurité des utilisateurs. Il établira les niveaux de service relatifs à la prévention des incidents et aux interventions d’urgence, et les procédures à appliquer en cas de besoin.

Communications

L’expertise et la proactivité de Parcs Canada sont prépondérantes. Depuis 2009 au parc national Forillon, l’Agence a effectué des recherches et des inventaires de façon soutenue ce qui lui permet d’avoir aujourd’hui un portrait plus juste de la situation. Les communications effectuées jusqu’à ce jour contiennent un volet de consultations publiques sur les mesures envisagées pour gérées la population d’orignaux, ainsi que des consultations spécifiques avec la Nation Micmac de Gespeg et avec la sécurité publique en raison du risque d’accident impliquant des orignaux. La Nation Micmac de Gespeg, le Regroupement de personnes expropriées de Forillon et leur descendance, les tables ou groupes de concertation de Cap-aux-Os et de L’Anse-au-Griffon, les fédérations et associations de chasse et pêche de la Gaspésie, la Ville de Gaspé, les organismes de protection et de conservation de la nature, les associations touristiques régionales, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, les employés du parc national Forillon et autres regroupements locaux, constituent le public cible de nos présentes et futures communications. Plus largement, la population canadienne et gaspésienne, le grand public et tous les médias et réseaux sociaux sont également pris en considération.

Étant donné que le présent plan de gestion préconise des investigations et des mesures de gestion qui auront une portée plus importante et à plus vaste échelle d’espace et de temps que celles qui étaient prévues dans le précédent plan, il est particulièrement indispensable de continuer à communiquer efficacement avec tous les membres des publics cibles tant du point de vue informatif qu’éducatif. Il est crucial d’accompagner de façon proactive toutes les parties prenantes et tous les visiteurs en mettant à leur disposition toute l’information requise pour qu’ils puissent prendre conscience des impacts des espèces sauvages surabondantes sur les espèces en péril et sur l'intégrité écologique. Il est tout aussi crucial de bien les informer des options de gestion envisagées ou mises en œuvre, pour que l’ensemble de la démarche soit bien comprise et bien acceptée.

Recommandation no 18 :

De fait, conformément à la directive de gestion des espèces surabondantes (Agence Parcs Canada 2019), poursuivre et renforcer les initiatives de communication en élaborant un nouveau plan de communication qui devrait avoir pour objectifs :

  • d’informer et de consulter les publics cibles à propos du contenu du nouveau plan de gestion de la population d’orignaux afin de favoriser leur adhésion à la démarche et leur volonté de l’accompagner,
  • de démontrer que le parc national Forillon agit de façon proactive dans le dossier,
  • d’éduquer les publics cibles sur l’orignal (population, régime, habitat, etc.) et ses relations avec le milieu afin de faire connaître les conséquences potentielles d’un surnombre d’orignaux sur l’environnement,
  • de souligner les partenariats en recherche et les collaborations en matière de conservation.

Le plan d’opérationnalisation du programme de contrôle (Recommandation no 8), les analyses des impacts environnementaux et socioéconomiques (Recommandation no 16), ainsi que les plans de sécurité et de communication (Recommandations no 17 et 18) devraient faire l’objet d’addenda à rajouter au présent plan de gestion obligatoirement avant le démarrage du programme de contrôle de la population d’orignaux du parc national Forillon.


Conclusion

À la suite de l’application des recommandations du précédent plan de gestion de l’orignal (Sigouin et al. 2013) et des différents inventaires de population et de végétation qui ont suivi jusqu’en 2023, force est de constater que la population d’orignaux du parc national Forillon est encore à un niveau de densité très élevé et que, bien que nous ayons encore relativement peu de résultats (résultats qui seront bonifiés grâce aux investigations en cours), ses impacts sur l’écosystème sont de plus en plus marqués. La population d’orignaux du parc national Forillon a donc été officiellement déclarée surabondante. Devant ce constat et compte tenu des obligations de Parcs Canada en matière d’intégrité écologique, les avantages et les inconvénients d’une douzaine de mesures de gestion qui sont à notre disposition pour gérer cette situation ont été évalués, puis un large public a été consulté pour en arriver à choisir de mettre en œuvre un programme de contrôle de la population d’orignaux qui est basé presque exclusivement sur une chasse de conservation.

Pour être mise en œuvre adéquatement, cette mesure de gestion doit être accompagnée d’initiatives connexes et ses modalités doivent être clairement définies avant d’être déployée sur le terrain. Les détails de ces initiatives et de ces modalités ont fait l’objet de recommandations portant sur les cibles à atteindre en matière d’intégrité écologique, sur la façon d’opérationnaliser les mesures de gestion retenues, sur les investigations scientifiques à poursuivre de manière à adopter une gestion adaptative, sur les impacts environnementaux et socioéconomiques, sur les questions de sécurité publique ainsi que sur les enjeux de communication liés à la réalisation d’un tel programme de contrôle.

Conformément à la directive actuelle concernant la gestion des espèces surabondantes (Agence Parcs Canada 2019), avant le démarrage du programme de contrôle, il est bien important que le fruit des recommandations portant sur l’opérationnalisation du programme de contrôle, sur les analyses des impacts environnementaux et socioéconomiques ainsi que sur les questions de sécurité publique et de communication fasse l’objet d’addenda au présent plan de gestion de manière à ce que sa mise en œuvre soit responsable, efficace et sécuritaire.

Tout comme cela a été le cas pour les autres parcs nationaux du Canada qui ont connu des situations similaires, la gestion de la population d’orignaux représente un défi de taille pour les gestionnaires du parc national Forillon. Pour le relever avec succès, il est très important d’acquérir les connaissances nécessaires pour prendre des décisions éclairées, d’adopter une gestion adaptative et surtout d’impliquer la Nation Micmac de Gespeg et les partenaires issus des communautés locales dans la gestion et la compréhension de cet enjeu dont les répercussions pourraient être sans précédent dans l’évolution des écosystèmes forestiers dont Parcs Canada a la responsabilité. Compte tenu des initiatives déjà menées jusqu’à ce jour à l’intérieur même du parc et de l’historique de Parcs Canada en la matière, les gestionnaires du parc national Forillon devraient être confiants d’y parvenir.


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