Surveillance écologique
Parc national Vuntut
Le programme de surveillance du parc national Vuntut est un effort conjoint de Parcs Canada, du gouvernement des Gwitchin Vuntut, du Conseil des ressources renouvelables du Nord du Yukon et de chercheurs de plusieurs universités. Il met à profit les résultats scientifiques et le savoir traditionnel pour évaluer les changements dans l’environnement du parc ainsi que leurs causes. Ensemble, nous surveillons les changements dans l’habitat de la harde de caribous de la Porcupine, ainsi que dans l’hydrologie et l’écologie des lacs de la plaine Old Crow, et nous produisons des données qui contribuent aux efforts nationaux et mondiaux pour comprendre les effets des changements climatiques dans le Nord.
Contexte nordique
De 1948 à 2016, la température moyenne en surface dans le Nord du Canada a augmenté de 2,3 °C, soit environ trois fois la moyenne mondiale. Ce réchauffement entraîne des changements majeurs dans le paysage nordique : les habitats fauniques se déplacent, la période de couverture neigeuse en hiver est plus courte, le pergélisol se réchauffe et les niveaux d’eau des lacs deviennent plus dynamiques. Malgré l’utilisation d’images satellites pour suivre les changements à l’échelle du paysage et de modèles climatiques pour prévoir les conditions futures, il est nécessaire d’exercer une surveillance à long terme dans le Nord du Canada pour mesurer avec précision ce qui se passe sur le terrain.
Méthodologie
Approche en matière de surveillance
Les méthodes employées doivent être extrêmement efficaces, car l’hélicoptère est le seul moyen pratique d’accéder au parc. L’approche en matière de surveillance consiste à effectuer des visites annuelles dans les différents lieux surveillés répartis partout dans le parc, où l’on peut mesurer plusieurs composantes des écosystèmes (pergélisol, neige, croissance végétale et température atmosphérique). Certaines mesures sont effectuées « sur le terrain » lors des visites sur place, tandis que d’autres reposent sur des données et des images captées par des enregistreurs de données et des caméras de sentier qui fonctionnent toute l’année.
Lieux surveillés
Carte du programme de surveillance de Vuntut
Composantes des écosystèmes
Harde de caribous de la Porcupine
La harde de caribous de la Porcupine est une population de caribous de la toundra (Rangifer tarandus) dont l’aire de répartition comprend le Nord du Yukon, l’Alaska et les Territoires du Nord-Ouest. C’est l’une des plus grandes hardes de caribous en Amérique du Nord. Elle est d’une importance cruciale pour les Gwitchin Vuntut, et le parc national Vuntut a été créé avant tout pour protéger certaines parties de son habitat printanier, estival et automnal.
Mesures de surveillance
Taille de la population
Des dénombrements de la population sont effectués depuis les années 1970, généralement tous les deux ou trois ans. Pour effectuer un dénombrement, il faut localiser les caribous au début de l’été en suivant les déplacements d’environ 100 individus munis d’un collier GPS. Pendant cette période, les caribous se rassemblent souvent en grands groupes pour éviter les insectes. Si la harde se regroupe, les chercheurs sont capables de la survoler et de prendre des photos avec un appareil numérique à haute résolution. À partir des photos, les chercheurs peuvent compter le nombre d’animaux. Depuis 2000, les dénombrements effectués à l’emplacement des caribous munis d’un collier ont permis d’établir une estimation de la population avec un intervalle de confiance plutôt qu’un simple dénombrement minimal. Cette approche donne une idée de la précision des chiffres.
Le plus récent dénombrement, effectué en 2017, a permis d’estimer la harde à environ 220 000 caribous. Il s’agit du nombre le plus élevé jamais enregistré pour la harde de caribous de la Porcupine.
Taille de la harde de caribous de la Porcupine
Couverture neigeuse
La durée annuelle de la couverture neigeuse dans l’Arctique circumpolaire a diminué de deux à quatre jours par décennie au cours des trente à quarante dernières années.
La couverture neigeuse est importante, car on sait qu’elle influe sur le moment choisi par la harde de caribous de la Porcupine pour migrer vers ses aires de mise bas au printemps, et aussi sur de nombreux autres aspects des écosystèmes nordiques, notamment la température du pergélisol, la glace des lacs et des rivières, la végétation et l’hydrologie des lacs.
La couverture neigeuse est mesurée aux lieux surveillés à l’aide d’une caméra de sentier orientée vers une balise à neige. L’épaisseur de la neige est déterminée à partir de photos de la balise prises une fois par jour tout au long de l’hiver. Ces données sont ensuite utilisées pour calculer la durée de la couverture neigeuse et l’épaisseur moyenne de la neige pour un hiver donné.
Fonte printanière au lac Husky, un lac surveillé
2016-04-27
2016-04-28
2016-04-29
2016-04-30
2016-05-01
2016-05-02
Degrés-jours de croissance
Les degrés-jours de croissance correspondent à la période de l’année pendant laquelle la température chaude de l’air permet la croissance des plantes. À mesure que la température de l’air augmente dans le Nord du Canada, la période pendant laquelle les végétaux peuvent pousser se prolongera sans doute également.
Ce changement pourrait influer sur la quantité de plantes que les caribous peuvent manger, et sur le moment où leur valeur nutritive est à son maximum. La température de l’air est également cruciale pour interpréter les changements dans la température du pergélisol, la couverture neigeuse et la croissance de la végétation.
La température de l’air est mesurée toutes les heures aux lieux surveillés dans l’ensemble du parc. Les mesures sont stockées sur des enregistreurs de données qui sont récupérés lors des visites sur place, et sont ensuite utilisées pour calculer le nombre de degrés-jours de croissance pendant l’année.
Nombre de degrés-jours de croissance en 2016 au lac Husky, un lac surveillé
Saison de croissance
Le réchauffement climatique influence la végétation nordique, y compris la date à laquelle les plantes forment leurs feuilles au printemps (verdissement), atteignent leur croissance maximale, puis changent de couleur et se fanent à l’automne (brunissement). Ces changements peuvent avoir une incidence sur la quantité et la qualité de la nourriture végétale des caribous dans d’importantes aires de répartition fréquentées par la harde de la Porcupine.
Lorsque l’aire de répartition estivale des caribous est de grande qualité, les femelles sont capables d’accumuler de plus grandes réserves d’énergie. Elles sont alors moins susceptibles de sevrer leurs petits rapidement, et plus susceptibles de devenir enceintes à l’automne. Ainsi, un plus grand nombre de jeunes caribous survivent à leur première année de vie, et un plus grand nombre de femelles adultes ont des petits au printemps. De plus, ces réserves d’énergie supplémentaires améliorent les chances de survie des femelles adultes en hiver et donnent aux caribous l’occasion d’augmenter leur nombre.
Le lac Husky, un lac surveillé
Saison de croissance 2016
1er mai
Verdissement
Croissance maximale
Brunissement
30 septembre
Température du pergélisol
On prévoit que le pergélisol (un sol gelé depuis au moins deux ans) dégèlera dans de vastes régions du Nord du Canada à mesure que le climat se réchauffe. Le parc national Vuntut se trouve dans la région du pergélisol continu, où ce dernier a une grande influence sur la stabilité du sol, son taux d’humidité, la végétation ainsi que l’hydrologie et l’écologie des lacs. Il est également important de surveiller la température du pergélisol, car il est de plus en plus admis que la fonte généralisée du pergélisol entraînera la libération de gaz à effet de serre supplémentaires dans l’atmosphère, ce qui accentuera encore le réchauffement climatique.
Les lieux surveillés au parc national Vuntut font partie d’un réseau de sondes installées dans le pergélisol pour surveiller les variations régionales des températures du pergélisol dans le Nord.
Les sondes des lieux surveillés enregistrent la température du pergélisol à de multiples profondeurs sous la surface. Les sondes les plus profondes sont équipées de câbles atteignant 30 mètres dans le sol. Certaines doivent être lues manuellement chaque année lors de la visite sur place, tandis que d’autres sont munies d’un enregistreur de données qui consigne la température toutes les heures.
Les températures à des profondeurs de 14 mètres ou plus sont particulièrement intéressantes, car à ces profondeurs, les valeurs ne fluctuent pas beaucoup tout au long de l’année.
Températures du pergélisol à 14 mètres sous la surface dans les lieux surveillés de la plaine Old Crow
Terres humides
La plaine Old Crow est un vaste complexe de terres humides composé de lacs peu profonds et de petits ruisseaux. Reconnue par la Convention de Ramsar comme une zone humide d’importance internationale, elle sert de lieu de reproduction à un demi-million d’oiseaux migrateurs et abrite de nombreuses espèces d’animaux sauvages. Les Gwitchin Vuntut appellent la plaine Old Crow leur « compte bancaire » en raison de son importance pour la chasse de subsistance et d’autres pratiques traditionnelles. Certaines parties de la plaine Old Crow sont protégées par le parc national Vuntut.
Mesures de surveillance
Hydrologie des lacs
On s’inquiète du fait que les lacs de la plaine Old Crow, y compris ceux du parc national Vuntut, semblent s’assécher. Par conséquent, Parcs Canada, ses partenaires autochtones et plusieurs universités surveillent la fluctuation des niveaux d’eau des lacs et la quantité d’eau qui y pénètre sous forme de pluie et de neige.
Quatorze lacs surveillés répartis dans la plaine Old Crow, dont cinq sont situés dans le parc national Vuntut, sont visités en hélicoptère chaque année au printemps et à l’automne. Au cours de chaque visite, on mesure la profondeur du lac et les caractéristiques des eaux de surface comme la température, le pH, l’oxygène dissous et la conductivité, et on prélève des échantillons d’eau.
Les échantillons d’eau sont envoyés à un laboratoire où des traceurs isotopiques sont utilisés pour déterminer la quantité d’eau qui entre dans chaque lac sous forme de pluie et de neige, et si le lac s’évapore avec le temps.
Évaporation et entrée d’eau dans les lacs surveillés du parc national Vuntut
POC 19
POC 38
POC 46
POC 48
POC 49
Structure des communautés d’algues dans les lacs
Le périphyton, une algue qui se fixe aux objets, est utilisé avec les isotopes de l’eau pour suivre les changements dans l’écologie des lacs de la plaine Old Crow.
Les périphytons forment la base des chaînes alimentaires des écosystèmes lacustres et sont un indicateur utile pour évaluer l’écologie de l’eau douce, car leurs caractéristiques sont influencées par des perturbations physiques, chimiques et biologiques. Ils sont largement utilisés pour surveiller la qualité de l’eau en Europe et par l’Agence américaine de protection de l’environnement.
Pour recueillir ces algues, des échantillonneurs à bandes de plastique sont ancrés au printemps dans chacun des 14 lacs surveillés. Les algues poussent sur les bandes tout au long de l’été, et les échantillonneurs sont récupérés à l’automne. Les échantillons sont envoyés à un laboratoire, où l’on utilise le nombre de périphytons, la structure de leur communauté et leur teneur en chlorophylle pour déterminer si l’écologie du lac change.
La surveillance actuelle vise à déterminer l’état naturel des algues dans les lacs de la plaine Old Crow. Cet état de référence servira à déterminer si les lacs montrent des signes de stress ou subissent des changements écologiques importants.
Productivité des algues dans les lacs surveillés du parc national Vuntut
Chlorophylle a
Nombre total de diatomées
Richesse en algues d’eau douce
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