chap2B
Chapitre 2 - Description
- Description de la propriété
- Histore et évolution de la propriété
- La défense de l'Empire
- La vision du lieutenant-colonel John By
- Le nouveau rôle du canal
- Le nouveau rôle des fortifications du canal
- L'histoire structurelle des ouvrages du canal
- L'histoire structurale des ponts du canal
- L'histoire structurale des bâtiments et des fortifications du Canal
- L'histoire de la conservation du canal Rideau et de ses fortifications
B. Histore et évolution de la propriété
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À la suite de la guerre de l'Indépendance américaine, des milliers de personnes restées fidèles à la couronne britannique font route vers le nord, vers le Canada. Devant cet afflux de Loyalistes, le gouvernement cherche à savoir si les terres bordant les rivières Rideau et Cataraqui se prêtent à la colonisation. En 1800, la plus grande partie des terres riveraines ont été arpentées et plusieurs moulins sont en place, le tout premier ayant été construit à Kingston Mills en 1784. En quelques années, des moulins s'élèvent près de la plupart des chutes importantes des deux rivières : à Nicholson's Rapids (1785), à Merrickville (1792), à Burrits Rapids (1793), à Davis (1800) et à Brewer's Upper Mills (1802). Malgré la présence de ces moulins, la colonisation de l'intérieur du territoire est très lente. Ni la Rideau, ni la Cataraqui ne sont aisément navigables, et les routes sont rares. Il est donc difficile d'atteindre le fleuve Saint Laurent, alors la principale voie de transport de la colonie.
La défense de l'Empire
La construction du canal Rideau est une réaction aux tensions qui existent entre la Grande Bretagne et les États-Unis d'Amérique, tensions qui dégénèrent en conflit armé quand éclate la guerre de 1812. La plupart des combats se dérouleront dans la colonie britannique du Haut-Canada (aujourd'hui la province de l'Ontario) dont la seule voie d'approvisionnement militaire est le fleuve Saint-Laurent. Durant la guerre, les défauts de cette voie deviennent de plus en plus manifestes. Non seulement le transport fluvial est-il extrêmement lent et coûteux en raison des nombreux rapides, mais le fleuve lui-même est exposé aux attaques des Américains sur presque toute sa longueur entre Montréal et le lac Ontario. La rupture de cette voie d'approvisionnement compromettrait la sécurité de la colonie, ce que les stratèges britanniques sont déterminés à éviter. C'est pourquoi ils envisagent de construire un canal militaire reliant la rivière des Outaouais au lac Ontario.
Les mêmes stratèges ont également constaté dès les débuts du conflit la nécessité d'une présence navale substantielle sur le lac Ontario. À une époque où presque tout le transport se fait par voie d'eau, le contrôle du lac Ontario est essentiel pour la défense de la colonie. Les chantiers navals de Kingston sont les principaux constructeurs de bateaux, et la guerre de 1812 donne lieu à une véritable course aux armements, chaque adversaire cherchant à construire des navires toujours plus gros et mieux armés. Pour défendre la colonie, il faut absolument bâtir de solides ouvrages défensifs associés aux chantiers navals de Kingston, en plus d'aménager une voie d'approvisionnement militaire sûre. Même lorsque survient la fin des hostilités, les États-Unis d'Amérique sont encore considérés comme une menace possible pour la sécurité du Canada. À l'automne de 1814, les stratèges militaires sont déterminés à faire du concept d'un canal militaire une réalité et tournent leur attention vers les rivières Rideau et Cataraqui. Douze ans plus tard, la construction du canal Rideau débute.
La vision du lieutenant-colonel John By
Chargé par le gouvernement britannique de superviser la construction du canal Rideau, le lieutenant-colonel John By, du corps des Royal Engineers, arrive au Canada au printemps de 1826. Suivant le parcours proposé pour le canal, il découvre une vaste étendue sauvage. Malgré que les terres aient été arpentées quelques années auparavant, les établissements sont rares. Outre Kingston, situé à l'endroit où la rivière Cataraqui se jette dans le lac Ontario, les seules communautés importantes de la région sont des villages bâtis autour de moulins à Merrickville, Burritts Rapids et Chaffeys Mills. Quelques routes, qui ne sont souvent que de simples pistes, donnent accès à Kingston et, en direction nord, à la rivière des Outaouais. L'exploitation forestière est la principale source de revenu dans la région, mais les nombreux rapides que comportent les deux rivières compliquent le transport du bois.
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Avant l'arrivée de John By, le parcours du canal a fait l'objet d'un examen minutieux. La méthode de construction recommandée consiste à contourner les rapides en aménageant des écluses dans des chenaux afin de franchir les dénivellations. La mise en œuvre de ce plan obligerait à creuser plus de 40 km de chenaux sur les 202 km de longueur du canal. À la suite de ses levés préliminaires, le lieutenant-colonel By opte pour une autre méthode. Comme l'explique l'historien Robert Passfield dans son ouvrage La construction du canal Rideau, " il fit aménager une série de plans d'eau en construisant de hauts barrages destinés à faire monter le niveau des eaux de manière à noyer les rapides et à rendre le cours navigable. Chaque plan d'eau s'étendait jusqu'à la base du barrage construit immédiatement en aval des rapides suivants. ...L'aménagement des plans d'eau compliquait bien sûr la tâche de l'arpenteur, mais au profit d'une réduction considérable des travaux d'excavation... et la profondeur des tranchées fut tout aussi considérablement réduite. "
Les spécifications approuvées par le gouvernement britannique pour le canal Rideau prévoient des écluses de 33 m de longueur sur 3 m de largeur et 1,5 m de profondeur. Ces dimensions correspondent à celles des écluses du canal de Lachine, récemment construit près de Montréal, qui a été conçu pour accueillir des navires à fond plat propulsés par le vent ou à bras d'homme. Dès son arrivée en 1826, John By demande à ses supérieurs d'approuver des écluses beaucoup plus grandes pour accueillir les vapeurs qui font alors leur apparition en Amérique du Nord. Les motifs qu'il invoque sont d'ordre militaire et commercial : il soutient que les vapeurs sont plus rapides et plus polyvalents pour le transport des troupes et des approvisionnements, qu'ils peuvent être facilement armés en temps de guerre et qu'ils permettraient à la Grande Bretagne de prendre le contrôle du lac Ontario. Les vapeurs présentent également des avantages commerciaux incontestables pour le transport des matériaux bruts et des produits agricoles. Il recommande donc des écluses de 40,8 m de longueur sur 10,1 m de largeur et 1,5 m de profondeur.
La requête du lieutenant-colonel By relativement à la construction de plus grandes écluses est d'abord accueillie avec beaucoup de scepticisme. Outre l'augmentation des coûts, on s'inquiète des dimensions du canal, sans précédent à l'époque. By persévère et, après que deux commissions se sont penchées sur les avantages d'un canal pour vapeurs, le gouvernement accepte ses recommandations mais réduit la longueur des écluses à 37,8 m. À l'été de 1828, les nouvelles estimations relatives aux coûts de construction du canal sont acceptées et les travaux débutent aux principales écluses.
Un extrait de La construction du canal Rideau décrit bien les difficultés conceptuelles et techniques que John By a dû surmonter pendant la construction du canal :
" Décider du meilleur tracé pour un canal et d'une présentation efficace des structures de celui-ci n'était pas un mince défi pour les ingénieurs civils du XIXe siècle. Cela demandait de l'adresse et du jugement, un arpentage complet du terrain et une reconnaissance minutieuse de ce dernier. Il s'agissait de trouver une route qui serait non seulement praticable, mais encore qui préserverait le mieux les niveaux désirés avec le moins possible d'excavation et de remblayage, et ce sur la plus courte distance possible. Même avec la meilleure planification du monde, des modifications étaient choses courantes durant la construction, comme ce fut le cas pour la première section du canal Rideau, afin de tirer pleinement parti de la configuration topographique. Deux tranchées que reliaient une ravine naturelle furent aménagées entre la vallée d'accès et le marécage Dows. De part et d'autre de ce dernier, deux bandes de terre parallèles furent érigées avec les déblais argileux produits par les tranchées du canal. Entre les deux bandes de terre, distantes d'environ [804 m], on fit monter le niveau des eaux, formant ainsi le lac Dows. Deux des trois écluses prévues à l'origine pour Hog's Back furent finalement construites à Hartwell, en amont du lac, à l'endroit où le terrain commençait à remonter. Le canal étant ainsi haussé de [6,7 m] à Hartwell, il était désormais possible de suivre un tracé rectiligne jusqu'à Hog's Back moyennant un minimum de travaux d'excavation. "
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Tandis que les travaux progressent au fort Henry, la colonie du Haut-Canada fait face à une crise interne qui débouche sur la rébellion de 1837. Malgré que celle-ci ait été rapidement réprimée, les autorités restent inquiètes au sujet de la sécurité du canal. On décide donc de construire une maison fortifiée d'un étage en pierre pour le maître-éclusier aux postes d'éclusage stratégiques d'Old Slys, de Clowes et de Nicholsons. Dans les années 1840, quand la tension monte entre la Grande Bretagne et les États-Unis, d'autres maisons fortifiées du genre sont construites à Upper et Lower Brewers, à Edmonds, à Hogs Back et à plusieurs autres postes d'éclusage.
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Les dernières mesures visant à renforcer les défenses de Kingston se veulent aussi une réaction à la détérioration des rapports entre la Grande Bretagne et les États-Unis. Entre 1846 et 1848, les Britanniques érigent quatre tours Martello pour protéger le port de Kingston et l'accès au canal. Une fois terminées, en 1848, les défenses de Kingston, et plus particulièrement le fort Henry, assurent à la ville, au chantier naval et au canal Rideau une excellente protection et une puissance de feu suffisante pour repousser une attaque.
Le nouveau rôle du canal
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Bâti pour servir à des fins militaires, le canal Rideau joue pendant des décennies un rôle majeur dans la défense du Canada. Sa vocation ne sera cependant jamais exclusivement militaire et, peu après son inauguration, il reçoit une bonne partie du commerce maritime qui transitait jusque-là sur le fleuve Saint-Laurent. Au milieu du siècle, le canal Rideau a perdu de son importance stratégique et sert désormais principalement au transport commercial. À la même époque, son rôle comme principal lien entre Montréal et Kingston évolue. En 1848, le gouvernement colonial ouvre une série de canaux sur le Saint-Laurent et élargit le canal de Lachine, créant ainsi une route plus directe. Le canal Rideau devient alors une voie de transport régionale pour l'Est de l'Ontario et le restera jusqu'à l'amélioration du réseau routier après la Première Guerre mondiale.
Pour desservir le transport régional, on prolonge le canal Rideau jusqu'à Perth, en construisant ce qu'on appelle aujourd'hui le canal Tay. La ville de Perth a été fondée en 1816 sur les bords de la rivière Tay, à 13 km environ du lac Rideau. Cette rivière n'étant pas navigable à cause de ses rapides, une entreprise privée voit le jour en 1830 dans le but d'assurer la construction d'une série d'écluses pour relier Perth au canal Rideau. Avec ses cinq petites écluses en bois, le canal peut à peine répondre aux besoins commerciaux de Perth. Au début des années 1880, des résidants locaux persuadent le gouvernement fédéral de bâtir de nouvelles écluses de la taille de celles du canal Rideau. Le deuxième canal Tay est terminé en 1887.
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Puisqu'il offre un moyen fiable et économique de transporter produits agricoles et biens industriels vers les marchés de l'extérieur, le canal Rideau a exercé une influence profonde sur le développement et la croissance de la région. En 1836, quelques années après la fin des travaux de construction, environ 30 000 personnes vivent le long du canal. En 1861, on en compte 60 000, établies pour la plupart entre Smiths Falls and Bytown (Ottawa), où les terres arables se prêtent à une activité agricole prospère. Dans toute la région, de petits établissements prennent de l'expansion à cause du canal. Des villages comme Portland, Newboro, Westport et Chaffeys Lock deviennent de petits centres de mouture, de services ou de transbordement. Merrickville grossit rapidement. En 1848, on y trouve la plus grosse filature de laine à carder de la colonie, de même qu'une fonderie qui produit des poêles pour un marché colonial en expansion. Bytown, d'où ont été dirigés les travaux de construction du canal, connaît une forte croissance une fois celui-ci terminé. En 1855, l'agglomération acquiert le statut de ville et prend le nom d'Ottawa. En 1867, elle devient la capitale du nouveau Dominion du Canada.
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D'abord une voie à vocation militaire, puis commerciale, le canal Rideau devient à la fin du XIXe siècle une destination vacances recherchée. Au Canada et aux États-Unis, la classe moyenne grandissante a acquis le goût des paysages pittoresques. Les lacs Rideau et Cataraqui, très appréciés pour leur beauté, attirent les vacanciers désireux de s'adonner à la pêche, à l'observation de la nature et au camping. Dans les années 1870, quelques hôtels sont construits aux abords du canal, le tout premier à Jones Falls. D'autres lieux de villégiature, notamment l'hôtel Opinicon à l'écluse Chaffeys, sont établis dans les années 1890. On construit de plus en plus de chalets sur les rives des lacs Rideau et Cataraqui, surtout après la Première Guerre mondiale, lorsque l'amélioration des routes en facilite l'accès. Ce virage récréatif, qui s'accélère dans les années 1950, insuffle une nouvelle vie au canal.
Le nouveau rôle des fortifications du canal
Une fois les tensions des années 1840 apaisées, le risque d'une guerre entre la Grande-Bretagne et les États Unis diminue. Les fortifications construites pour assurer la protection du canal Rideau changent alors peu à peu de vocation. Quand les troupes britanniques quittent le pays en 1870, après la naissance du Dominion du Canada en 1867, elles cèdent le fort Henry et les quatre tours Martello au département de la Milice du gouvernement du Canada. Le fort Henry continue de servir d'école d'artillerie et de dépôt jusque tard au XXe siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, on reconstitue la vie de la garnison en poste en 1867 et le fort devient la principale attraction touristique de l'Est de l'Ontario.
À la fin du XIXe siècle, les tours n'ont plus aucune fonction militaire et en 1925, la tour Murney est louée à la Kingston Historical Society, qui l'exploite toujours comme musée.
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Le fort Frederick abrite aujourd'hui un musée du Collège militaire royal. Parce qu'elles sont difficiles d'accès, les tours Shoal et Cathcart n'ont pas encore de nouvelle vocation.
Éléments du système de défense du canal, les maisons fortifiées des maîtres-éclusiers étaient également destinées à loger ces derniers et leur famille. Elles ont d'ailleurs conservé ce rôle jusque dans les années 1960. Les blockhaus de Jones Falls et de la baie Morton se sont détériorés et ont dû être démolis. Les quatre blockhaus qui subsistent - Newboro, The Narrows, Merrickville et Kingston Mills - ont servi de logement aux maîtres-éclusiers, puis de musée ou de bureau de poste d'éclusage.
L'histoire structurelle des ouvrages du canal
Résumant l'histoire structurelle du canal Rideau, l'historien Robert Passfield écrit :
" Au cours du XIXe siècle, le canal Rideau avait été universellement acclamé comme l'un des meilleurs ouvrages du genre jamais construits
au cours des années, le canal ne connut que des problèmes structuraux relativement mineurs. Des crues particulièrement abondantes se produisaient à l'occasion et, à chaque fois, du bois flotté et des blocs de glace emportés par les eaux ne purent être arrêtés par les estacades flottantes et endommagèrent plusieurs déversoirs. Toutefois, aucun des plus grands barrages-voûtes en pierre ne fut jamais endommagé et seul un déversoir, celui de Long Island, devait à plusieurs reprises subir des dégâts. Les autres déversoirs ainsi que les petits barrages déversants n'étaient touchés que rarement et, encore là, les dégâts étaient-ils facilement réparables de sorte que la plupart des barrages déversants et des déversoirs en pierre ne furent remplacés que bien après le début du XXe siècle. La majorité des 47 écluses sont encore en service aujourd'hui, leur maçonnerie n'ayant nécessité que de petites réparations, voire une réfection partielle. "
Les exigences de la vie moderne auront une certaine incidence sur les structures du canal. Ce sera le cas notamment à l'écluse combinée de Smiths Falls : au moment de sa construction en 1830, il faut trois écluses en échelle pour franchir la dénivellation de 7,9 m. En 1889, puis en 1923, la circulation routière accrue obligera à remplacer le pont tournant au-dessus des écluses. Dans les années 1960, le pont tournant est devenu un obstacle majeur à la circulation. La solution que propose le ministère des Transports, à l'époque responsable de l'exploitation du canal, consiste à remplacer le pont tournant par un pont fixe surélevé, ce qui entraîne la construction d'une nouvelle écluse électrifiée en béton. Les travaux prennent fin en 1974.
Fait intéressant, le projet de démolition des trois écluses d'origine, qui seront finalement préservées, soulève une forte opposition. Quelques années auparavant, un projet visant à électrifier toutes les écluses du canal avait soulevé les passions parmi les tenants de la tradition et les adeptes de la modernité. L'électrification se voulait la réponse du ministère des Transports à l'utilisation accrue du canal par les plaisanciers. Newboro, l'une des écluses les plus achalandées du système, sera électrifiée en 1966. Comme le dit l'historien Ken Watson dans A History of the Rideau Lockstations, " En apprenant la nouvelle, les résidants et les groupes concernés protestèrent vivement, car à leurs yeux, électrifier les écluses revenait à compromettre à jamais l'intégrité historique du canal Rideau. Au bout du compte, les défenseurs du patrimoine du canal eurent gain de cause et seulement deux autres écluses, celle de Black Rapids et la nouvelle écluse combinée de Smiths Falls, furent électrifiées. " [Traduction]
L'histoire structurale des ponts du canal
Au moment de sa construction, un seul pont franchit le canal Rideau.
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" Au fil des ans, plusieurs ponts ont été jetés sur les ouvrages et les eaux du canal. Le premier d'entre eux était un pont roulant situé à l'extrémité aval de l'écluse amont. Il a été remplacé en 1843 par un pont tournant en bois. En 1892, ce pont tournant a été lui-même remplacé par une structure en acier, située cette fois peu après les portes aval de l'écluse amont, ce qui permettait de laisser passer davantage de navires sans avoir à tourner le pont (et donc, à interrompre la circulation). Cette structure a à son tour été remplacée en 1933 par une autre structure d'acier, électrifiée en 1955. L'actuel pont tournant électrique a été installé en 1990. " [Traduction]
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Tous les ponts des postes d'éclusage n'ont pas été remplacés aussi souvent que ceux de Merrickville. La première route construite au-dessus du poste d'éclusage d'Old Slys, en 1857, enjambait le déversoir grâce à un pont fixe, tandis qu'un pont tournant passait par-dessus l'écluse. Ces deux ponts n'ont été remplacés que dans les années 1960. Aucun des ponts tournants d'origine n'est encore en usage aujourd'hui, mais quelques-uns des ponts en acier remontent à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Les ponts en bois en place dans plusieurs postes d'éclusage sont des reproductions exactes des originaux.
L'histoire structurale des bâtiments et des fortifications du Canal
Tout au long de l'histoire du canal Rideau, des bâtiments - pour la plupart, des bureaux - ont été érigés à différents postes d'éclusage. Ainsi, le bureau du poste d'éclusage de Davis date de 1875, celui d'Ottawa, de 1884, et celui d'Edmonds, de 1905. Dans les années 1960 et 1970, au moins dix bureaux ont été construits.
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Devenus inutiles sur le plan défensif, les blockhaus du canal ont été modifiés pour servir à d'autres fins. En fin de compte, les deux blockhaus entièrement faits de bois (à Jones Falls et à la baie Morton) ont dû être démolis en raison de leur détérioration avancée. Les autres (à Merrickville, The Narrows, Newboro et Kingston Mills) ont été restaurés dans les années 1960 et ont retrouvé l'apparence qu'ils avaient à l'origine, dans les années 1830.
Pendant la construction du canal ou peu après, la plupart des postes d'éclusage sont dotés de maisons fortifiées destinées aux maîtres-éclusiers et à leur famille. La plupart de ces maisons sont conçues selon un plan standard : ce sont de petits bâtiments carrés d'un étage en pierre, fonctionnels mais peu confortables. Vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les responsables du canal font des efforts considérables afin d'améliorer les conditions de vie des habitants de ces maisons, auxquelles ils ajoutent un étage ou qu'ils agrandissent. Dans certains cas, comme à Kingston Mills en 1904 et à Hogs Back en 1907, le bâtiment original est remplacé.
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Depuis la fin des travaux de construction dans les années 1840, la structure des différents éléments des fortifications de Kingston a très peu changé. Le fort Henry est encore fort semblable à ce qu'il était à l'époque. Peu après l'érection des tours Martello, les Royal Engineers ont constaté qu'il valait mieux éviter d'exposer les plates-formes de tir aux hivers canadiens. Ils ont donc conçu des toits amovibles pour les protéger. Remplacés au fil des ans, ces toits conserveront toutefois les mêmes éléments structuraux.
À l'extérieur, toutes les tours Martello sont intactes. À l'intérieur, cependant, les deux tours qui ont été à toutes fins pratiques laissées à l'abandon par les autorités militaires à cause de leur emplacement peu pratique (les tours Shoal et Cathcart), sont très détériorées. Les planchers en bois de l'étage principal des deux tours se sont effondrés, endommageant les cloisons des réserves et la poudrière au-dessous. Sous tous les autres rapports, leur structure a été préservée.
L'histoire de la conservation du canal Rideau et de ses fortifications
Le canal Rideau relie Ottawa et Kingston sans interruption depuis près de 175 ans, ce qui témoigne des normes élevées imposées par John By tout au long de sa construction ainsi que de la qualité de son entretien au fil du temps.
Pendant plus de vingt ans après sa réalisation, le canal est entretenu par le gouvernement britannique et, plus précisément, par des militaires en poste à Bytown, dont beaucoup ont pris part à sa construction. En 1856, le canal est cédé au gouvernement colonial qui en assume désormais l'exploitation et l'entretien. Lors de l'établissement du Dominion du Canada, en 1867, le gouvernement fédéral endosse la responsabilité de tous les canaux du pays, responsabilité qu'il conserve encore aujourd'hui.
Pendant une bonne partie de l'histoire du canal, les responsables de l'entretien ont adhéré aux pratiques exemplaires de leur époque. Ainsi, au début du XXe siècle, on utilisait du béton lorsqu'un barrage avait besoin de réparations majeures ou devait être remplacé. On procédait de la même façon dans le cas des écluses : la maçonnerie endommagée était normalement réparée à l'aide de matériaux similaires, mais on utilisait aussi du béton à l'occasion. De plus, les radiers en bois originaux de nombreuses écluses ont été remplacés par du béton, plus pratique.
Malgré l'application des pratiques d'entretien courantes à chaque époque, le canal a dans l'ensemble échappé à l'attention des " modernisateurs ". Depuis le début du XXe siècle, la croissance et la prospérité de la région de Rideau dépendent du transport routier et ferroviaire, et non du canal Rideau. Ce dernier étant devenu une voie navigable récréative, sa modernisation n'a jamais soulevé qu'un intérêt sporadique.
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La sensibilisation croissante du public à l'importance historique du canal a également contribué à sa conservation. En 1926, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a accordé au canal la désignation de lieu historique national, amenant les gens à s'intéresser de plus près aux initiatives qui, au nom du progrès, étaient susceptibles de modifier son caractère. Cette désignation a aussi eu un effet positif sur le traitement accordé à certains bâtiments importants. Ken Watson, dans son ouvrage History of the Rideau Lockstations, relate en ces termes l'histoire du blockhaus construit en 1833 au poste d'éclusage de Newboro :
" En 1856, le blockhaus servait exclusivement d'habitation pour le maître-éclusier. En 1888, il a fait l'objet de rénovations majeures. De grandes annexes ont été construites, lui donnant l'apparence d'une maison de ferme. ...Négligé, il a continué de se détériorer et a dû être abandonné en 1962. Le ministère des Transports a alors voulu le vendre ou le démolir, mais la Direction des lieux historiques du gouvernement fédéral a plaidé en faveur de sa préservation. ... En 1967 et en 1968, le blockhaus a subi d'importants travaux de rénovation. " [Traduction] Plus tard, le Ministère a entrepris de restaurer les blockhaus de Merrickville, Kingston Mills et The Narrows, de même que la maison du maître-éclusier de Jones Falls.
Mille neuf cent soixante-douze marque une date importante dans l'histoire de la conservation du canal Rideau, puisque c'est cette année-là que, reconnaissant son caractère patrimonial et son statut de lieu historique national, le ministère des Transports l'a cédé à Parcs Canada, l'agence fédérale responsable de la gestion des lieux historiques nationaux du Canada. À la suite de ce transfert, les valeurs patrimoniales de la propriété et leur protection ont reçu une attention accrue en vertu de la Politique sur la gestion des ressources culturelles de l'Agence.
Sous la gouverne de l'Agence Parcs Canada, on a beaucoup investi dans la stabilisation et la conservation de la structure des écluses, la stabilité structurale des barrages et le remplacement périodique des portes des écluses. Depuis 1990, l'état général des biens associés au canal est donc assez bon. Cependant, malgré l'application de politiques rigoureuses en matière de gestion des ressources culturelles, une partie des matériaux historiques a disparu par suite de la détérioration des structures. Lorsque la paroi de l'écluse ouest à Lower Brewers s'est effondrée en 1976, on l'a reconstruite en récupérant autant que possible des matériaux d'origine. Cependant, aux postes d'éclusage de Davis et d'Ottawa, la détérioration était telle que plusieurs sas d'écluse ont dû être reconstruits. De nos jours, des techniques mises au point dans les années 1990 permettent aux ingénieurs de stabiliser les parois du canal sans avoir à en démanteler la structure, ce qui évite la perte de matériaux historiques. De plus, la surveillance continue des biens permet d'accorder la priorité à des interventions opportunes, conformément aux principes de conservation, aux politiques de gouvernance et aux pratiques exemplaires.
Le fort Henry et les quatre tours Martello ont longtemps été sous la responsabilité du ministère de la Défense nationale. Le fort Henry a été cédé à l'Agence Parcs Canada en 1999. Trois des tours (Shoal, Murney et Cathcart) sont administrées par l'Agence Parcs Canada depuis plusieurs années. Le fort Frederick, situé sur les terrains du Collège militaire royal du Canada, continue de relever du ministère de la Défense nationale.
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À la fin des années 1930, près d'un siècle après sa construction, le fort Henry a été l'objet d'un vaste projet de conservation destiné à le préparer à sa nouvelle vocation touristique. Dans les années qui ont suivi, la Défense nationale et l'organisme chargé de l'exploitation du fort, la Commission des parcs du Saint-Laurent, ont lancé un programme d'entretien courant pour conserver le tissu historique du fort. Un deuxième projet de conservation majeur, s'étendant sur plusieurs années, est actuellement en cours au fort Henry pour corriger les problèmes structuraux qui sont apparus depuis les années 1930.
Faisant depuis longtemps office de musées, le fort Frederick et la tour Murney n'ont jamais nécessité d'importants travaux de conservation. De saines pratiques d'entretien courant, combinées à des programmes de surveillance et à la restauration périodique des structures, ont limité les réparations majeures aux deux endroits. Il n'en va pas de même pour les tours Shoal et Cathcart. Dans les années 1990, la surveillance attentive de ces tours a révélé d'importants problèmes structuraux. Après de gros travaux menés au milieu des années 1990, la tour Shoal est à présent en assez bon état sur le plan structural. Cependant, le projet élaboré pour la tour Cathcart n'a pas encore été mis en œuvre.
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