Incidence du dendroctone du pin ponderosa
Incidence du dendroctone du pin ponderosa sur la dynamique des peuplements et des combustibles dans le parc national des Lacs-Waterton
Résumé
Le dendroctone du pin ponderosa (Dendroctonus ponderosae Hopk., le « dendroctone ») et le feu sont les principaux agents de perturbation naturelle dans les écosystèmes de pins tordus latifoliés du parc national des Lacs-Waterton.
Un projet triennal de recherche, financé par le Forest Innovation Investment British Columbia (FII), a été lancé en 2001 par des chercheurs qui se spécialisent dans l’étude du feu et des scolytes au Centre de foresterie du Pacifique, à Victoria, en Colombie-Britannique. Ce projet visait à déterminer l’incidence du dendroctone sur la dynamique des peuplements et des écosystèmes dans toutes sortes de zones biogéoclimatiques, de peuplements et de régimes d’inflammabilité en Colombie-Britannique et en Alberta. En 2003, le gouvernement du Canada a versé des fonds supplémentaires dans le cadre du Programme sur le dendroctone du pin, un projet géré par le Service canadien des forêts, de Ressources naturelles Canada, afin de permettre la réalisation des travaux de recherche dans le parc national des Lacs-Waterton. C’était là une occasion unique d’examiner les effets de l’épidémie de dendroctones sur les écosystèmes du parc. M. Ben Moody, autrefois au service du Centre de foresterie du Nord, Service canadien des forêts, avait délimité des placettes semi permanentes dans cinq peuplements en 1981 et avait procédé à des mesures jusqu’en 1983, afin d’y évaluer l’incidence de la flambée de dendroctones sur les conditions stationnelles. Ces peuplements ont été repérés, et le personnel du Centre de foresterie du Pacifique y a effectué de nouvelles mesures en octobre 2002.
La mortalité provoquée par le dendroctone influe sur la dynamique des forêts parce qu’elle a pour effet d’éclaircir la forêt par le haut, c’est-à-dire qu’elle touche les pins de fort diamètre. Dans les zones de faible altitude, la plupart des peuplements de pins tordus latifoliés du parc prennent leur origine dans les feux de renouvellement de peuplements qui ont eu lieu durant la période allant de 1875 à 1896, et forment un groupement végétal préclimacique unique. De par leur âge, leur surface terrière et leur densité (en 1977), ces peuplements étaient très sensibles aux flambées de dendroctones. Dans le parc, la flambée la plus récente a débuté en 1977 et s’est prolongée jusqu’en 1983. Dans chacun des peuplements à l’étude, il y avait un écart de 29 à 86 ans dans l’âge des pins les plus vieux et celui des pins les plus jeunes, ce qui révèle que le pin a mis beaucoup de temps à se régénérer après le feu et que quelques feux de surface d’intensité faible à moyenne se sont déclarés après le dernier feu de renouvellement; ces feux auraient permis aux cônes sérotineux de libérer des semences supplémentaires et favorisé la création d’un lit pour l’établissement de pins tordus latifoliés. Les conifères non hôtes qui poussent aux côtés des pins tordus latifoliés du couvert forestier principal se composaient principalement de Douglas taxifoliés, d’épinettes blanches et de sapins subalpins. Les chercheurs ont constaté que ces espèces non hôtes comptaient des arbres plus jeunes en moyenne que les pins, ce qui suggère qu’elles se sont établies après les pins.
En 1981, Rob Watt (garde de parc principal du parc national des Lacs-Waterton) a évalué la mortalité chez les pins tordus latifoliés et il est arrivé à un taux de mortalité de 49,5 % (écart de 14,5 % à 76 %) à l’échelle d’un plus grand nombre de peuplements que ceux qui avaient été remesurés. Les chiffres obtenus concernant le volume et la densité, calculés selon le diamètre du tronc, ont révélé que la mortalité provoquée par le dendroctone a surtout touché les pins tordus de fort diamètre. Les nouvelles mesures prises en 2002 ont permis de confirmer que le dendroctone a entraîné la mort d’un grand nombre d’arbres de toutes les classes, tandis que les scolytes (Ips spp.) n’ont touché que les arbres de petites classes, c’est-à-dire les arbres de 15 à 25 cm. En tout, une proportion de 94 % des arbres tués est attribuable aux dendroctones. La flambée de dendroctones, qui a pris fin en 1983, a entraîné une perte de volume de 67 %, et une perte de tiges de 46,7 %, même si les variations étaient importantes vu les différences que présente la structure des peuplements.
En tout, 52 % des arbres qui étaient sur pied en 1983 étaient tombés en 2002. La plupart des arbres gisants ont été tués par l’épidémie de dendroctones (80 %), mais une proportion considérable de ces arbres étaient vivants à la fin de l’épidémie (20 %), ce qui indique que des arbres sont morts entre 1983 et 2002. Si les arbres survivants ont affiché un taux de croissance de 1983 à 2002 (moins de concurrence pour les ressources au-dessus et en dessous du sol), le volume d’arbres vivants est resté le même qu’en 1983 (95,3 m3/ha en 1983 comparativement à 94,4 m3/ha en 2002; écart insignifiant du point de vue statistique) étant donné que, en tombant, les arbres tués par les dendroctones ont entraîné la chute de nombreux arbres vivants ou ont permis à d’autres agents pathogènes de la forêt de tuer des arbres supplémentaires. De 1983 à 2002, le volume d’arbres morts sur pied (chicots) avait diminué en moyenne de 70 % en raison des arbres morts qui étaient tombés. Ces résultats révèlent que, en 2002, un nombre considérable d’arbres morts sur pied ont été tués avant 1983, ce qui a causé la séparation des couronnes d’arbres vivants. Cette séparation et les trouées créées par les arbres morts gisants ont eu pour effet, dans le parc national Yoho, de réduire le potentiel d’embrasement des cimes, même si l’accroissement de la charge de combustible de surface attribuable aux arbres gisants pourrait accroître l’intensité du feu, augmentant du coup le risque d’embrasement des autres arbres vivants.
La densité des pins tordus latifoliés a diminué de 33 % (de 527 à 354 tiges par hectare) sous l’effet de la chute des arbres et de l’accroissement du nombre d’arbres tués par d’autres sources. Une partie de la réduction constatée a été compensée par l’accroissement des taux de croissance observé chez d’autres essences. C’est le pin tordu latifolié qui dominait dans la forêt avant la flambée de dendroctones, représentant 89 % des tiges vivantes; à la fin de l’épidémie, soit en 1993, ce pourcentage était passé à 73 %. La mort d’autres pins au cours de la période de 19 ans qui a suivi (jusqu’en 2002) a réduit encore davantage ce pourcentage, qui s’est établi à seulement 59 %. Les autres espèces qui composaient les peuplements en 2002 étaient l’épinette blanche (15 %), le sapin subalpin (10 %), le Douglas taxifolié (8 %), le peuplier baumier (5 %) et le peuplier faux-tremble (2 %). La densité d’arbres vivants a diminué radicalement durant la période allant de 1980 à 2202, ce qui a porté de 1 089 à 520 le nombre de tiges par hectare et favorisé la dominance d’espèces non hôtes. En 1980, les arbres non hôtes ne représentaient que 11 % des arbres; ce pourcentage a grimpé à 41 % en 2002. Les chercheurs n’ont trouvé aucune espèce non hôte dans les peuplements du couvert forestier composés des plus petites tiges (10 cm) tout de suite avant l’épidémie mais, en 2002, près de la moitié de ces petits arbres étaient des espèces non hôtes; cette situation est probablement attribuable à la croissance rapide de la composante en régénération avancée du peuplement d’avant la perturbation. En 2002, les espèces non hôtes dominaient chez les arbres plus gros (> 27.5 cm).
Nous n’avons pu évaluer les changements survenus de 1993 à 2003 au chapitre de la densité des gaulis et des semis et de la proportion des diverses espèces, étant donné qu’aucune échantillon n’avait été prélevé à l’origine pour mesurer le taux de régénération. L’analyse détaillée des tiges qui consiste à procéder à un échantillonnage destructeur pour dégager les taux de régénération précédents ne convenait pas si l’on voulait assurer l’intégrité des placettes d’échantillonnage permanentes. En 2002, la densité des arbres de la taille d’une perche (plus de 1,5 m de haut mais moins de 7,5 cm à hauteur d’homme) représentait en moyenne seulement 170 tiges par hectare tandis que la densité des semis était de 2 261 tiges par hectare. Le pin tordu latifolié, le sapin subalpin et le tremble étaient les espèces les plus courantes qui avaient la taille d’une perche. Le sapin subalpin dominait chez les semis de moins de 0,5 m de haut, affichant une densité moyenne de 1 280 tiges par hectare. Le Douglas taxifolié arrivait au deuxième rang, atteignant une moyenne de 662 tiges par hectare, dont la moitié mesurait moins de 10 cm de haut. Le sapin subalpin et le Douglas taxifolié tolèrent l’ombre et arrivent à assurer leur régénération et à croître sous le couvert forestier. Aucun semis de pin n’a été trouvé dans les peuplements à l’étude, bien que quelques-uns aient été observés au cours de randonnées dans les environs. L’absence de semis de pins tordus latifoliés peut être attribuable à la dominance des cônes fermés, les feux de renouvellement de peuplements étant les types de feux perturbateurs les plus courants. Il se peut que la régénération du pin tordu latifolié ne se fasse pas dans le sous-étage en raison de l’absence d’un lit de semence convenable non perturbé par un feu et du climat. La faible densité des gaulis et la densité moyenne des semis, de même que l’absence de gaulis et de semis du pin tordu latifolié, indiquent qu’il faudra plus de temps pour que les espèces non hôtes remplissent les trouées dans le couvert forestier (créées par la mortalité provoquée par le dendroctone chez les pins tordus dominants et co-dominants) que s’il y avait eu un plus grand nombre de gaulis dans le peuplement.
En 2003, la charge de combustible ligneux de surface s’établissait en moyenne à 6,8 tonnes par hectare et à 2 tonnes par hectare pour les combustibles fins (≤7 cm de diamètre) et grossiers (>7cm de diamètre), respectivement. La charge de combustible ligneux grossier comprenait 77 % du volume d’arbres morts sur pied enregistré en 1983 sous l’effet de l’attrition des chicots survenue entre 1983 et 2002. Si l’on avait mesuré la charge de combustible ligneux grossier en 1983, les chiffres auraient été beaucoup plus bas que les estimations de 2002, étant donné que l’épidémie qui a précédé celle de 1977-1983 remonte probablement aux années 1930 et au début des années 1940 (d’après une analyse préliminaire réalisée par Rene Alfaro, Service canadien des forêts, Centre de foresterie du Pacifique, Victoria, Colombie-Britannique) de sorte que la plupart des arbres morts gisants de ces décennies ne seraient pas restés sur le sol forestier en raison de l’effet de 40 à 50 ans de décomposition. Aucun feu échappé de grande envergure n’a brûlé dans les secteurs touchés par le dendroctone dans le parc national des Lacs-Waterton depuis l’épidémie qui a pris fin en 1983.
Résumé tiré de l’ébauche du rapport interne du Service canadien des forêts, en date du 31 juillet 2004
Auteurs : Brad Hawkes, Chris Stockdale, George Dalrymple, Leo Unger et Steve Taylor
Service canadien des forêts, Centre de foresterie du Pacifique, Victoria (Colombie-Britannique)
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