Les Métis

Lieu historique national de la Maison-Riel

Le terme Métis vient du mot latin 'mixticius', qui signifie « personne provenant d'origines raciales mixtes ». Toutefois, le terme n'est pas qu'une simple désignation raciale : il renvoie à une culture et à une nation qui a joué un rôle important dans l'histoire de l'Ouest canadien. Aujourd'hui, il prend place avec fierté dans la mosaïque des ethnies qui composent le pays.

Les débuts

Les Métis doivent leurs origines à la traite des fourrures. Les premiers commerçants européens, dont la plupart venaient de la Nouvelle-France, visitaient l'intérieur des terres de l'Amérique du Nord pour acheter des fourrures qu'ils revendaient ensuite en Europe. Les Canadiens français avaient besoin des Autochtones, et surtout des femmes, pour trouver leur nourriture, réparer leurs canots, confectionner des vêtements, naviguer les rivières et tout simplement survivre dans ces terres inconnues du Nord-Ouest. Comme le disait l'explorateur Alexander Mackenzie, « Personne au fort ne sait comment fabriquer des raquettes. Ces articles sont indispensables. Et voilà ce que c'est que de ne pas avoir de femmes. Trouvez des raquettes. On ne peut pas bouger sans elles ». On peut dire sans exagérer que sans les femmes autochtones, le commerce des fourrures aurait été impossible dans le Nord-Ouest.

Ces femmes ont pris part à la traite des fourrures pour des raisons pratiques. De nos jours, il serait difficile d'imaginer la vie dans les Prairies pendant l'hiver sans chaudrons ni marmites pour faire la cuisine ou chauffer de l'eau. Ces articles européens simplifiaient beaucoup l'existence des femmes. Les considérations économiques et diplomatiques incitaient certainement les traiteurs et les femmes autochtones à se marier, mais il ne faut pas croire qu'il ne s'agissait que de liaisons commodes et passagères. Au contraire, tout comme maintenant, tous les genres d'union existaient, des plus éphémères aux plus permanentes.

Les enfants issus de ces mariages n'étaient ni européens ni autochtones. Ils formaient des communautés distinctes ayant leur propre culture. Leur mère leur enseignait les travaux domestiques, et leur père, l'art de faire la traite des fourrures. Habituellement, les premiers Métis pratiquaient eux-mêmes le commerce des pelleteries ou servaient de guides aux Français et aux employés de la Compagnie du Nord-Ouest. Ils participaient aux activités économiques de diverses façons : certains étaient des canoteurs qui transportaient les marchandises vers l'intérieur du pays et les fourrures vers les postes de traite alors que d'autres chassaient ou servaient d'interprètes. Ils s'établirent au confluent des rivières Rouge et Assiniboine (emplacement actuel de Winnipeg) pour les mêmes raisons qui incitaient des gens à s'y installer depuis des siècles : les deux rivières donnaient accès aux vastes territoires propices à la trappe et à la chasse du gibier. Les Métis de la colonie pouvaient se rendre au Sud pendant l'été pour chasser le bison, ramener du pemmican, pêcher dans les rivières, faire pousser des récoltes et vendre leurs produits aux compagnies, qui pouvaient ensuite facilement transporter ces provisions par bateau vers le Nord-Ouest.

De 1780 à 1820, deux compagnies se menèrent une lutte acharnée et même parfois violente pour dominer le commerce des fourrures : la Compagnie du Nord-Ouest (CNO) et la Compagnie de la baie d'Hudson (CBH). La CNO ayant été la première à s'établir dans l'intérieur des terres, elle était le client et l'employeur principal des Métis de la rivière Rouge. Un des plus importants actionnaires de la CBH, lord Selkirk, fit venir des Écossais pour établir une colonie près de celle des Métis. Ils devaient jouer le même rôle : participer à la traite des fourrures et exécuter des travaux. Après l'arrivée des colons, de 1811 à 1815, la CBH a provoqué les Métis en leur interdisant d'exporter du pemmican de la rivière Rouge. Outrés de voir qu'on voulait leur enlever leur gagne-pain, les Métis ont confronté la CBH par les armes, à Seven Oaks (La Grenouillère). Deux Métis et 20 colons y ont perdu la vie. La CBH a choisi de ne plus confronter les Métis. Bien que les circonstances de cet événement demeurent floues, il a permis aux Métis d'accéder au rang de peuple : les « Bois-Brûlés »

Le peuple métis

On dit que « l'âge d'or »du peuple métis eut lieu de 1820 à 1870. Il continuait de participer à la traite des pelleteries, mais il s'adonnait aussi à l'agriculture et au commerce. Il établit ses lois et acquit sa propre identité et sa propre culture, typiques de l'Ouest canadien.

La chasse au bison

Image en noir et blanc d’un groupe de personnes debout et d’un cheval, au premier plan; à l’arrière-plan, deux tipis et un support fait de bâtons de bois sur lequel des fourrures sont accrochées
Métis a la chasse aux bisons
© Archives provinciales du Manitoba

On comptait de plus en plus sur les Métis pour préparer le pemmican, nourriture indispensable aux traiteurs de fourrures, même après la fusion des deux grandes compagnies rivales en 1821. Le bison se faisait rare aux abords de la rivière Rouge et les chasseurs devaient parcourir de grandes distances vers le sud-ouest pour trouver des troupeaux assez nombreux pour qu'ils vaillent la peine d'être chassés. Il fallait alors empiéter sur le territoire des Dakotas. Pour se protéger, les Métis prirent l'habitude de chasser en groupes, et parfois en nombre impressionnant. Ainsi, 620 hommes, 650 femmes, 360 enfants, 586 boeufs, 655 charrettes et 403 chevaux rapides appelés « buffalo runners » ont participé à la chasse de 1840. Autrement dit, plus du tiers de la colonie de la rivière Rouge entreprenait à cette occasion un voyage périlleux qui allait durer plusieurs mois. Les charrettes, les gens et les animaux allaient revenir chargés de pemmican et de peaux de bison, destinés à être revendus à la CBH ou à des commerçants américains. Les profits assureraient la subsistance de la colonie pendant toute l'année. La chasse engendrait des conflits avec les Dakotas, mais les Métis savaient se défendre grâce à leur discipline et à leur force militaire.

Bien que les Dakotas étaient autrefois appelés Sioux, ils se désignaient eux-mêmes comme Dakotas. Ce sont leurs ennemis, les Iroquois, qui les appelaient Sioux, nom péjoratif iroquois qui signifie « couleuvre » ou « serpent ». Il est intéressant de noter qu'en algonquin, « Iroquois » signifie « couleuvre » ou « serpent ». Ce fut le nom que les premiers Européens leur donnèrent. Ces nouveaux venus se conformèrent aux traditions des Autochtones concernant les rivalités et les alliances politiques entre tribus.

Portrait d’un homme en noir et blanc.
Cuthbert Grant

Cuthbert Grant (1793-1854)

Cuthbert Grant a été l'un des premiers grands chefs métis. Fils d' un commerçant écossais travaillant pour la CNO et d'une métisse, il a fait ses études à Montréal (et peut-être en Écosse) avant d'entrer au service de la CNO. C'est lui qui a mené la bataille de Seven Oaks. Il attira l'attention de la CBH parce qu'il était reconnu pour être un ennemi redoutable et un ami d'une loyauté indéfectible. La compagnie lui offrit un salaire généreux, lui décerna le titre de « Gardien des Plaines » et lui céda de vastes terres à l'ouest de la colonie de la rivière Rouge, dans les plaines du Cheval blanc. Pendant plus de trente ans, Grant allait faire la lutte aux Dakotas pendant la chasse au bison, jouer le rôle de magistrat et siéger au Conseil d'Assiniboia, gouvernement de la colonie de l'époque. Il est décédé en 1854, des suites de blessures subies lors d'une chute de cheval.

Marie-Anne Gaboury (1780-1875)

Considérée comme la grand-mère des Métis de la rivière Rouge, celle qui a défié les coutumes de son époque, en accompagnant son jeune époux, le voyageur Jean-Baptiste Lagimodière, jusque dans le Nord-Ouest en 1806, devenant du coup la première femme canadienne-française à s'établir dans la région. Au terme d'un pénible voyage en canot, le jeune couple parvint à Pembina (maintenant Dakota du Nord) où Marie-Anne donna naissance en 1807 à une fille qu'elle appela Reine. Elle se rendit avec son mari au fort des Prairies (aujourd'hui Edmonton) et aux collines Cypress avant de s'établir en permanence au confluent de la Rouge et de la Seine (emplacement actuel de Winnipeg) vers 1816. Généreuse et tolérante, elle accepta de s'occuper des enfants de son mari qui provenaient d'autres lits, ce qui lui mérita le respect des femmes autochtones. Elle leur enseignait les valeurs chrétiennes et en retour elle apprenait le cri et l'ojibway, ainsi que l'art d'exploiter les produits de la nature. Mme Lagimodière connut une longue et fructueuse vie. Elle a notamment été témoin des réalisations de son petit-fils, Louis Riel, un des fondateurs du Manitoba.

Langue

Un drapeau rectangulaire bleu foncé avec, en son centre, le signe de l’infini en blanc.
Drapeau de Métis

Quoique bien des Métis parlaient le français, l'anglais et un bon nombre de langues autochtones, leur langue était le méchif. Les linguistes d'aujourd'hui se demandent toujours s'il s'agit d'une forme de cri, d'un genre de créole, d'un français « pidgin » ou d'un amalgame de cri et de français. Néanmoins, ils reconnaissent que cette langue a des caractéristiques grammaticales qui proviennent du cri et du français ainsi que des similarités avec ces deux langues.

English : What is your name? - My name is John Baptiste.
Michif : Kaykwy tou nou? - Mou nou si Jean Bachis.
Français : Quel est ton nom? - Mon nom est Jean-Baptiste.
Cree : Tawnshi eshinihkawahouyen? - Jean Bachis zhinihkawshoun.

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