Histoire

Lieu historique national York Factory

Cette peinture illustre un grand bâtiment blanc duquel se dresse un drapeau blanc traversé d’une épaisse croix bleue. Il y a de petits bâtiments à l’arrière-plan et un quai à droite de la peinture. 
York Factory, 1770s par Samuel Hearne
© Hudson's Bay Co. Archives, Provincial Archives of Manitoba / graveur: Wise 1797 / HBCA P-228 (N8317)

Entre 1684 et sa fermeture 273 ans plus tard, soit en 1957, York Factory a fait office de poste de traite, de point de distribution et de centre administratif d'un vaste réseau de postes de traite dispersés dans l'Ouest. De 1812 à la fin des années 1850, York Factory était aussi le principal point d'entrée des immigrants dans l'Ouest du Canada.

York Factory était l'un des maillons de la chaîne de postes de traite des fourrures établis à la fin du XVIIe siècle aux abords de la baie d'Hudson par la Company of Adventurers of England Trading into the Hudson's Bay (aujourd'hui « Compagnie de la Baie d'Hudson »). En fait, la Compagnie avait essayé dès 1670 d'établir un poste à l'embouchure du fleuve Nelson, mais des vents violents avaient empêché le navire d'accoster et l'équipage avait fait demi-tour pour retourner en Angleterre. En 1682, cependant, trois groupes de marchands de Nouvelle-Angleterre, d'Angleterre et de France avaient établi une série de forts dans la région de la rivière Hayes et du fleuve Nelson et se livraient une concurrence serrée pour avoir le monopole sur le territoire et la traite des fourrures à l'ouest de la baie d'Hudson. Ainsi, en 1684, la Compagnie de la Baie d'Hudson (CBH) construisit le fort York sur la rive nord de la rivière Hayes, huit kilomètres en amont de la baie.

EUne rive en pente et un quai menant à deux voiliers. On aperçoit un navire plus grand un peu plus loin sur l’eau.
Embarcadère historique, gravure par Schell & Hogan de Picteresque Canada, vol.1, pg. 317 (Toronto, 1882)

Entre 1694 et 1697, les Français et les Anglais se sont battus pour avoir le monopole sur le fort d'origine de York Factory. Sous les ordres de Pierre Le Moyne d'Iberville, les Français s'emparèrent de York Factory en 1694, le perdirent aux Anglais en 1696, le reprirent l'année suivante, et le rebaptisèrent alors fort Bourbon. Le fort demeura sous contrôle français jusqu'à la signature du traité d'Utrecht en 1713, qui cédait à la CBH les droits exclusifs sur la baie d'Hudson. York Factory devint alors très vite le plus important poste de traite de la Compagnie dans la baie, bien que son monopole fut mis à rude épreuve par des marchands de Nouvelle-France qui avaient établis des postes loin au sud, dans les régions du lac Supérieur et du lac Winnipeg.

Malgré une diminution du volume de fourrures, la CBH ne fit aucune tentative sérieuse pour construire des postes à l'intérieur du pays ou pour défier ses concurrents de Nouvelle-France. À la chute de Québec, en 1760, de nouveaux marchands, principalement Écossais et Métis qui formeraient ultérieurement la Compagnie du Nord-Ouest, prirent le contrôle du commerce des fourrures à Montréal et réussirent à s'approprier une grande partie du commerce avec les Autochtones qui auparavant faisaient le voyage jusqu'à York pour échanger leurs pelleteries contre les produits d'Europe (fusils, casseroles, couteaux, couvertures, etc.).

La CBH se trouvait maintenant contrainte d'affronter ses concurrents et pour ce faire elle devait abandonner sa position dormante au bord de la mer glacée. C'est ainsi qu'en 1774, avec la construction de Cumberland House dans le nord-est de la Saskatchewan, la Compagnie amorçait la construction d'une série de postes à l'intérieur des terres.

York Factory a joué un rôle important à partir des années 1680 jusqu'à environ 1850, d'abord en tant que poste de traite principal et, ensuite, en tant qu'entrepôt principal de la CBH; il assurait l'indispensable lien entre les vastes ressources en fourrures de l'intérieur du continent et les marchés d'Europe.

En 1810, York Factory devint le siège du nouveau Département du Nord de la CBH. En plus des fonctions administratives et financières qui s'y exerçaient, York Factory a aussi servi de point d'entrée à la plupart des Européens qui se rendaient à la Terre de Rupert. York Factory, surtout en tant que siège du Département du Nord après 1810, évoque le rôle de la CBH en tant que facteur impérial en Amérique du Nord britannique.

Au cours du siècle suivant, York Factory perdit sa vocation de poste de traite des fourrures pour devenir un dépôt d'entreposage et de transbordement avec des responsabilités administratives considérables. En tant que siège du vaste Département du Nord de la CBH, York Factory comptait à son apogée, vers le milieu du XIXe siècle, plus de cinquante bâtiments et un grand contingent d'officiers, de commis, de marchands et de manoeuvres, de même qu'une main-d'oeuvre saisonnière constituée de marchands et de chasseurs autochtones. Cependant, l'établissement après 1860 de nouvelles lignes d'approvisionnement dans le sud, vers la Terre de Rupert, contribua au déclin de York Factory qui, à la fin du siècle, avait perdu de son importance au profit d'un poste de traite régional.

Vue aérienne d’une douzaine de bâtiments; à partir de ces derniers, un quai mène à l’eau.
Photographie aérienne vers 1926.
© Provincial Archives of Manitoba, 1926

La conception de York Factory dans son ensemble reflète la position de la Compagnie de la Baie d'Hudson (CBH) quant à ce qui était approprié pour ses postes. Sa conception était à la fois simple et utilitaire. À l'origine, les bâtiments du fort étaient disposés en H, la barre centrale étant formée du bâtiment d'entreposage ou Grande Maison (Kichewaskahikun en cri), de la maison des invités et du mess d'été. Les barres latérales du H abritaient des magasins de fourrures, des magasins de provisions, des salles de commerce et des quartiers pour les officiers et les serviteurs. L'aspect formel de cette disposition était renforcé par l'emplacement de l'entrée principale dans la palissade en bois, directement en face de celle de l'entrepôt. Outre l'aspect formel de ce secteur public du fort, la disposition des bâtiments plus éloignés du cours d'eau, tels que les ateliers de fabrication et les habitations, ne s'appuyait pas sur un plan si rigide. Les bâtiments auxiliaires étaient disposés le long d'un réseau de trottoirs qui ressemblaient aux rues d'un petit village. Le réseau de trottoirs que l'on peut voir aujourd'hui est la réplique historique des habitudes de circulation et, combiné au vaste réseau de rigoles de drainage, évoque bien le paysage historique et l'attitude de la CBH vis-à-vis de l'environnement.

Dans les années 1860, York Factory comprenait plus de cinquante bâtiments qui reflétaient les activités spécialisées d'un centre de traite animé. Parmi les autres bâtiments se trouvant à l'intérieur de la palissade, notons la maison du médecin, l'église anglicane, la résidence du pasteur, l'école, l'hôpital, la salle d'exposition de photos, la bibliothèque, la tonnellerie, la forge, la boulangerie, le logement des intermédiaires de commerce et l'entrepôt des filets. Au nord du fort, on trouve la poudrière, jadis entourée d'une palissade, et un cimetière.

Tout au long de l'histoire de York Factory, le rôle des Autochtones est indissociable de l'exploitation de York Factory et du commerce des fourrures. À l'origine, le commerce de la Compagnie de la Baie d'Hudson à York Factory dépendait des intermédiaires cris et assiniboines qui se procuraient les fourrures auprès de tribus vivant à l'intérieur des plaines et des forêts. L'histoire du commerce des fourrures a été l'une des interactions culturelles et socio-économiques entre les Autochtones et leurs partenaires commerciaux (principalement la CBH). De leur position initiale d'intermédiaires et de marchands de produits, le rôle des gardiens cris après 1820 a ouvert la voie à une fonction commerciale reposant principalement sur la vente de leur travail. La région entourant immédiatement York Factory était habitée par les Cris qui piégeaient, chassaient et pêchaient pour le compte de la Compagnie. Il y avait une communauté étaient autochtone à un kilomètre en aval du fort. De plus, des petites communautés étaient dispersées un peu partout dans les environs de York Factory; à titre d'exemple, signalons Ten Shilling Creek, Crooked Bank, Kaska et Port Nelson.

L'emplacement du complexe York Factory doit être considéré comme un tout cohérent. Seul aménagement dans un rayon de plusieurs milles, son isolement extrême et son statut original renforce la valeur des interrelations entre les éléments individuels du lieu. Il ne subsiste aujourd'hui que deux bâtiments, deux ruines visibles, un cimetière, des vestiges d'un paysage élaboré et de nombreux restes archéologiques de ce qui était jadis un centre florissant.

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