L’histoire et la culture

Le site canadien des pingos

Élevage de rennes au site canadien des pingos

Au début des années 1900, les Inuvialuit ont remarqué que les hardes de caribous dont ils dépendaient dans la partie ouest de l’Arctique étaient en déclin et que leurs déplacements devenaient imprévisibles. Sur leur vaste territoire, les chasseurs inuvialuit peinaient de plus en plus à faire une bonne récolte de caribous et devaient parcourir de plus grandes distances pour les trouver. Pour résoudre ce problème, le gouvernement du Canada a décidé d’introduire le renne de l’Alaska dans la région du delta du Mackenzie en 1935. À l’origine, des rennes provenant de la Sibérie avaient été introduits en Alaska en 1892 et 1898.

Après cinq années d’efforts ardus pour conduire le troupeau depuis l’ouest de l’Alaska jusqu’à l’est du delta du Mackenzie, 2370 rennes sont finalement arrivés entre Inuvik et Tuktoyaktuk. Des éleveurs samis, issus d’une culture autochtone d’élevage de rennes en Scandinavie, sont venus de Norvège. Ils ont montré à la population locale comment élever des rennes et les dresser à tirer des traîneaux pour le transport des personnes et des marchandises.

En 1950, un corral de rennes a été créé dans le secteur où se trouve aujourd’hui le site canadien des pingos. On considérait cet endroit comme un bon emplacement en raison de l’abondance de bois flotté pouvant servir à la construction des corrals et comme combustible. Les rennes étaient rassemblés dans des corrals pour la récolte, ainsi que pour le comptage, la castration, le marquage et les soins médicaux.

Wallace Lucas et Peter Rufus ont formé un partenariat pour gérer le troupeau n° 2 et sont ainsi devenus les premiers propriétaires inuvialuit indépendants d’un troupeau de rennes. À l’époque, le troupeau n° 2 était composé de 1099 rennes. Les personnes qui aidaient Lucas et Rufus à gérer leur troupeau de rennes ont établi au moins deux camps dans les limites du site. Les gens y vivaient dans des tentes à double paroi et utilisaient des poêles à bois pour se chauffer.

Des vestiges de l’histoire de l’élevage des rennes sont encore visibles dans les sites archéologiques qui subsistent. L’élevage des rennes s’est déplacé quelque temps après, car la baie était trop peu profonde pour les bateaux. L’année suivante, Lucas et Rufus ont construit un nouveau corral à quelques kilomètres à l’ouest, dans le secteur de Qiniqsiq.

Paysage culturel

Le long de la côte et dans les terres, de nombreux noms de lieux sont issus du siglitun. Le siglitun est un dialecte de la langue inuvialuktun. Les noms de lieux ont plusieurs utilités. Les gens s’en servent comme aide à la navigation en récitant ou en notant les noms pour marquer la progression de leur voyage. Par exemple, Tuktuuyaqtuuq, Ibyuk, Kilutqusiaq, Qiniqsiq, Naparutalik, Kangianiq et Anagguvik sont quelques exemples de noms de lieux côtiers que les gens peuvent réciter lorsqu’ils passent à proximité du site. Les noms de lieux contiennent également de l’information, décrivant par exemple les ressources qui se trouvaient dans un secteur au moment où il a été nommé, ou encore ils mentionnent des légendes ou d’autres événements culturels.

Dans les limites du site, les noms de lieux en langue inuvialuktun sont Ibyuk (singulier) et Kilutqusiaq. Les deux plus grands pingos étaient depuis longtemps appelés Ibyuk, ce qui signifie « épais », en référence à l’épaisseur de la mousse ou du sol qui recouvrent les pingos. Aujourd’hui, seul le plus grand pingo est appelé Ibyuk. De nombreux pingos portent des noms anglais.

Les pingos comme points de repère et points de vue

À bien des endroits, les terres sur le littoral de la mer de Beaufort et à proximité du site canadien des pingos sont basses et sans relief. Toute caractéristique géographique qui brise la ligne d’horizon sert de nakataq (point de repère). Les plus grands pingos sont d’excellents points de repère tout au long de l’année. On peut les voir de loin, et ils aident les gens à se repérer lorsqu’ils voyagent sur l’océan ou à l’intérieur des terres.

Un pingo de grande taille peut aussi être un bon point de vue, ou nasisaqturvik, car il est souvent le point le plus élevé des environs. Les gens peuvent s’en servir pour chercher du gibier ou d’autres voyageurs ou pour voir l’état des glaces en mer.

Caches de chasse

Dans la région, les caches de chasse sont appelées talut en siglitun. Les chasseurs les construisent en utilisant le bois flotté que l’on trouve en abondance sur les plages. Parfois, ils utilisent du matériel de camouflage dans des endroits où le bois flotté est rare, comme dans les lacs asséchés. En plus d’utiliser des caches, les chasseurs portent souvent des manteaux blancs pour que les oies ne les voient pas.

Un aîné tuktoyaktuk, Noah Felix, a parlé de l’utilisation des caches lors d’une entrevue réalisée en juillet 2000 :

[Il] y a beaucoup de caches [le long de] cette plage… Je venais chasser [ici] quand j’étais plus jeune. J’utilisais le même endroit, et c’est encore un bon endroit. C’était il y a 30 ou 40 ans… Les oies l’utilisent encore… elles semblent toujours passer par là. Peut-être à cause de la colline [du pingo], ou peut-être que le vent est parfait pour elles, ou elles aiment l’endroit.


Une cache, ou talut.

Deux hommes et des carcasses de caribou dans un tunnel à l’intérieur d’un pingo, utilisé comme congélateur pour la viande à Tuktoyaktuk. Date : inconnue (Archives des T. N. O./Territoires du Nord-Ouest. Fonds du ministère de l’Information/G-1979-023: 2321)

 

Activités de récolte sur place


Pingo en arrière-plan [on voit une motoneige, un komatik et trois personnes au premier plan]. Date : [1968?]
(Archives des T. N.-O./Fonds Norris Hunt/N-2003-023: 0047)

La linaigrette a plusieurs utilités importantes pour les Inuvialuit. Les soies qu’elle produit font partie de la trousse d’allumage d’un feu et servent à attraper et à retenir une étincelle. Autrefois, on produisait l’étincelle en frappant un silex contre un morceau de pyrite, ou plus tard, une lime ou un autre objet en fer. Les têtes des graines peuvent également être recueillies et transformées en mèches pour la lampe de pierre ou d’argile de la famille.

Les baies sont abondantes dans de nombreux endroits du site et ont toujours été importantes pour les Inuvialuit en tant qu’aliments nutritifs et délicieux. Les airelles rouges (Vaccinium vitis-idaea) ont des fleurs roses qui se transforment en baies d’un rouge vif, sans pépins, à la fin du mois d’août.

Les fleurs blanches des ronces petits-mûriers (Rubus chamaemorus) apparaissent en juin, tandis que leurs baies orangées mûrissent à la fin juillet. Autrefois, les gens conservaient des ronces couvertes de mousse dans des paniers d’écorce de bouleau, là où le pergélisol les protégeait de la chaleur ou d’un gel trop intense.

On trouve également des airelles des marécages (Vaccinium uliginosum) sur place. Leurs tiges et leurs feuilles, lorsque bouillies, produisent un thé qui atténue les symptômes du rhume. De plus, l’it’suh, un dessert traditionnel confectionné avec du poisson séché réduit en poudre, est fait avec des airelles rouges ou des airelles des marécages.

Mentionnons qu’il n’est pas permis aux visiteurs de cueillir des baies dans les limites du site canadien des pingos.

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