Visite guidée au poste d'éclusage de Merrickville

Lieu historique national du Canal-Rideau

Carte de Merrickville 

William Merrick père (1760-1844) quitte Springfield, au Massachusetts en 1793 pour s’établir dans la région de Merrickville parce qu’il a obtenu une terre de 200 acres en reconnaissance de sa loyauté et de sa bonne réputation. Il exploite rapidement le potentiel hydraulique de la rivière Rideau, y érige un barrage et construit un moulin à grain, un moulin à scie et un moulin à carder qui donnent naissance à une petite communauté, appelée Merrick’s Mills. À partir de 1800, cette dernière est reliée à d’autres établissements situés en bordure du Saint-Laurent par la rivière Rideau et par une route menant à Brockville. Merrick’s Mills devient un important centre industriel et agricole en raison de son emplacement géographique, à la jonction d’une route et d’une rivière, qui favorise son développement économique. Déjà en 1826, avant la construction du canal, Merrick’s Mills, qui compte alors 300 habitants, est en plein essor. Une voie navigable sûre procurerait un autre avantage aux commerçants du village qui pourraient vendre leurs produits agricoles et industriels dans des marchés plus importants et plus éloignés.

Vestiges de la filature de laine 
Sur cette illustration, on voit les vestiges de la filature de laine qui se découpe sur la silhouette du bâtiment d’origine. 

Durant la construction des écluses à Merrick’s Mills, le lieutenant-colonel By fait l’impossible pour éviter que le moulin à grain et le moulin à scie ne soient détruits par l’élévation des niveaux d’eau; les travaux progressent donc moins rapidement et coûtent plus chers. Malheureusement, en 1831, alors que la partie entre Bytown et Smiths Falls est prête, William Merrick décide d’ériger un barrage sur la rivière Rideau, en amont de Merrickville, pour réparer ses moulins. Étant donné que ces travaux ont une incidence sur les niveaux de l’eau, le lieutenant-colonel By ne peut procéder à la grande inauguration de ses écluses. Peu de temps après, une nouvelle loi interdit la modification de la voie navigable sans autorisation.

 

Blockhaus 
Le pont construit en 1904 au-dessus du déversoir qui sert à réguler les niveaux d’eau du cours supérieur. En arrière-plan, on peut voir l’entrée du blockhaus de Merrickville et l’Église Unie, érigée en 1889.

Blockhaus de Merrickville

Le canal contribue grandement à l’essor commercial et industriel de Merrickville. Les entrepreneurs développent les industries du bois, de la transformation des aliments et de la métallurgie ainsi que l’industrie textile, et créent un triangle commercial qui relie par barges Montréal, Ottawa et Kingston, ainsi que les marchés plus importants, comme celui des États-Unis.

Merrickville occupe un emplacement de choix, mais dispose aussi d’une population composée d’ouvriers qualifiés d’origine écossaise, britannique et irlandaise en mesure de développer les secteurs d’activités qui font la renommée de la ville, soit la métallurgie et le textile.

La région de Merrickville regorge de ressources naturelles, comme le bois, l’eau pour l’énergie hydraulique et les minéraux, et jouit d’un sol fertile. À Merrickville, environ 58 entreprises fabriquent des produits à l’aide de l’énergie hydraulique, dont les premiers moulins à grain et moulins à scie, le premier moulin à carder (1817), la première filature de laine (1848), la première fonderie de fer (1850) ainsi que d’autres industries, comme la transformation des aliments, le textile, la métallurgie, la transformation du bois et les services publics.

Merrickville est le centre de services le plus important entre Bytown et Kingston. Après la guerre de 1812, le lieutenant-colonel By et le service de l’intendance savent pertinemment que la relation avec les États-Unis risque de s’envenimer. Avant même la construction du canal, on estime que Merrickville sera la cible logique d’une invasion par les Américains en raison de sa proximité de la frontière américaine et de son emplacement sur l’axe principal qui relie les établissements du Saint-Laurent. C’est ce qui explique la construction d’un blockhaus à Merrickville (1832 à 1833).
 
Deuxième en importance au Canada, le blockhaus, l’un des quatre à subsister en bordure du canal Rideau (et l’un des 20 prévus), constitue la plus grande structure fortifiée de la voie navigable. Il servait surtout à loger les troupes qui protégeaient Merrickville en cas d’attaque.

Il est construit en moellons maintenus en place par du mortier fait de calcaire. Conçus pour résister aux canons, les murs ont une épaisseur de quatre pieds à la base mais de trois pieds à l’étage. Le rez-de-chaussée est séparé du niveau supérieur par un plancher en bois avec remplissage de calcaire, ce qui protégeait les troupes à l’étage du tir ennemi si l’envahisseur réussissait à pénétrer dans le bâtiment. À l’origine, le toit était recouvert de tôle, un matériau à l’épreuve du feu. Des embrasures pour les canons étaient pratiquées dans les murs épais et une galerie supérieure permettait de tirer sur l’ennemi d’une position sûre. Un pont-levis ajoutait à la sécurité du bâtiment qui était entouré d’un fossé sec. D’une superficie de 15,5 mètres carrés (51 pieds carrés), le blockhaus pouvait abriter 50 hommes.

Tout comme le canal Rideau, le blockhaus a été construit à des fins militaires, mais n’a guère servi. Durant la rébellion de 1837-1838, une garnison de la milice locale, sous le commande - ment de John Johnston des Royal Engineers, était postée au blockhaus pour défendre Merrickville et le canal. Pendant la majeure partie de son existence, le blockhaus a été la résidence du maître-éclusier de Merrickville avant d’être un entrepôt. Il a également fait office d’église et d’école à l’occasion. Aujourd’hui, la Merrickville and District Historical Society y exploite un musée. www.merrickvillehistory.org/ (en anglais seulement)
 
Le lieutenant-colonel John By 
Lieutenant-colonel John By 

Constructeurs du canal

Environ 2 000 hommes ont travaillé à la construction du canal à 20 endroits différents, entre Ottawa et Kingston. Environ la moitié de la main-d’oeuvre était composée d’Irlandais protestants récemment immigrés au Haut-Canada, 40 % de Canadiens français catholiques de l’Est de l’Ontario et de l’Ouest du Québec et 10 % d’Écossais (surtout les maçons). En plus de ces ouvriers, le lieutenant-colonel By a demandé l’aide de deux corps des Royal Sappers and Miners (des experts en explosifs et en terrassement), pour un total de 170 hommes. Bien que les membres des Royal Sappers and Miners étaient principalement embauchés pour protéger les chantiers, maintenir la paix et superviser la construction, ils devaient parfois terminer les projets laissés inachevés par des entrepreneurs.

Les ouvriers du canal travaillaient de 14 à 16 heures par jour. Ils partageaient de grandes maisons en bois rond construites par les entrepreneurs. Leur alimentation était constituée essentiellement de porc salé, de pain, de galettes, de pois, de fèves et de thé et parfois de légumes frais et d’oeufs. Les ouvriers ne disposaient que d’outils rudimen - taires pour défricher la terre, exécuter les travaux d’excavation et extraire les blocs de calcaire à hisser en place. Pour accomplir les travaux de construction, ils se servaient de pioches, de haches, de pelles et de simples poulies.

Thomas Newman 
Maître-éclusier Thomas Newman 
Le chantier de construction présentait de nombreux dangers. Les ouvriers risquaient entre autres de tomber des échafaudages et n’étaient pas à l’abri des accidents causés par des explosifs. En travaillant près de la rivière Rideau, ils s’exposaient également à la malaria. En 1828, par exemple, une importante épidémie de malaria a causé la mort de 500 des 2 000 ouvriers ainsi que l’arrêt des travaux pendant six semaines. Ces chiffres ne tiennent pas compte des épouses et enfants des immigrants irlandais qui habitaient souvent près des chantiers.
S’ajoutaient à ce milieu de travail difficile les tensions entre les Irlandais protestants et les Canadiens français catholiques qui donnaient souvent lieu à des bagarres. Certains groupes d’ouvriers acceptaient mal l’autorité et la hiérarchie, et on raconte que des ouvriers irlandais attaquaient les shérifs et les patrons des chantiers. Une fois le canal terminé, de nombreux ouvriers ont été embauchés en tant que maîtres-éclusiers. C’est le cas de Thomas Newman, qui a travaillé sous les ordres du sergent John Johnston dans les Royal Sappers and Miners. En 1836, il est devenu le deuxième maître-éclusier à Merrickville.

 


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