Un pourvoyeur d'énergie hydraulique

Lieu historique national du Canal-de-Lachine

Une nouvelle source d'énergie

Au début du XIXe siècle, les activités de production industrielle se déroulent à petite échelle, s'appuyant sur le travail manuel ou sur la force animale. Les entreprises qui utilisent l'énergie hydraulique dépendent de leur source d'eau, souvent localisée en milieu rural. Enfin, quelques rares industries fonctionnent grâce à des moteurs à vapeur, invention toute récente.

Une nouvelle source d'énergie devient disponible avec la première reconstruction du canal de Lachine entre 1843 et 1848. L'élargissement augmente considérablement le débit. L'eau retenue en amont des écluses peut être canalisée et servir à actionner des roues ou des turbines hydrauliques. L'énergie ainsi produite est mise à la disposition des industries par l'adjudication de lots hydrauliques.

Ces lots avoisinent les endroits où le canal présente des dénivelés importants, soit à proximité des écluses du port, de Saint-Gabriel et de Côte-Saint-Paul. Au total, 20 lots de 24 mètres de façade occupent tout le côté sud du bassin en amont des écluses du port de Montréal. Le dénivelé y est de sept mètres. À l'écluse de Saint-Gabriel, tout comme à celle de Côte-Saint-Paul, la dénivellation atteint environ 2,5 mètres.

L'énergie : pour qui et pour quoi ?

Le déversoir n° 2, vue vers l'ouest, 1er août 1917 Ce déversoir illustre le potentiel hydraulique du canal © Archives nationales du Canada, PA-109981

Les lots hydrauliques et l'énergie du canal sont attribués selon différentes formules. Entre 1846 et 1851, les 20 lots du bassin n° 2 sont vendus aux enchères. La meunerie et l'industrie du fer dominent ce secteur.

À Saint-Gabriel, des hommes d'affaires influents obtiennent le monopole de l'énergie hydraulique. Un réseau complexe de canaux d'amenée et de fuite est aménagé des deux côtés du canal afin de maximiser l'utilisation de la force hydraulique. Les entreprises traditionnelles associées au bois, au fer et au blé y sont prépondérantes, bien qu'elles côtoient quelques nouveaux venus dans les domaines de la fabrication d'outils et de la transformation du caoutchouc et du coton.

L'entreprise Frothingham and Workman en 1880. F. Pellerin / 86-CAN-D3

Enfin, le site de Côte-Saint-Paul, alors situé en pleine campagne, est le dernier à être occupé. En 1853, le gouvernement concède tout le pouvoir hydraulique à William Parkyn, qui entreprend l'aménagement d'un véritable « parc industriel ». Après y avoir englouti sa fortune, Parkyn vend ses droits à Frothingham et Workman, une importante entreprise de quincaillerie qui donne le ton aux activités du secteur : la fabrication d'outils.

Un catalyseur pour l'industrialisation

Depuis son apparition en 1846, l'énergie hydraulique du canal a été utilisée par des dizaines d'entreprises. Selon l'état actuel des connaissances, on a répertorié 13 moulins et élévateurs à grains, 23 clouteries, 14 taillanderies, 18 scieries et ateliers de bois. En 1887, au plus fort de leurs activités, ces entreprises emploient au moins 2000 ouvriers. Elles consomment plus d'énergie que celle produite par la première centrale hydroélectrique construite à Niagara Falls en 1895.

Grâce au canal de Lachine, l'énergie hydraulique est devenue disponible à Montréal vers le milieu du XIXe siècle, au moment où la production industrielle commençait à s'implanter en Amérique du Nord. Elle compte parmi les multiples facteurs qui ont permis à la métropole de passer du négoce à l'industrialisation, tout en lui donnant une longueur d'avance sur les autres villes canadiennes.

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