Mercredi, 20 juillet, 2022

Mon canal

Article rédigé par Anne-Marie Moran, maître-éclusière au lieu historique national du Canal-de-Carillon

Anne-Marie Moran, maître-éclusière
Anne-Marie Moran, maître-éclusière.

Avant que le canal de Lachine ne redevienne navigable, je pédalais quotidiennement ses 14 kilomètres accompagnée de mes collègues patrouilleurs. La piste cyclable serpentait les buttes gazonnées sous l’autoroute Bonaventure, longeait les murs graffités de l’ancienne usine Redpath et contournait des écluses désuètes où coulaient légendes urbaines et 125 ans d’histoire. Une rumeur circulait au sein de notre équipe : le canal de Lachine serait restauré pour une réouverture à la navigation. Malgré les photos et les maquettes des différentes composantes du projet, il m’était impossible d’imaginer les talus de remblai sous l’autoroute Bonaventure excavés et transformés en un immense bassin navigable.

Deux ans plus tard, en juin 2002, j’étais aux commandes de l’écluse de Saint-Gabriel, la troisième des cinq écluses restaurées et fonctionnelles. Au cœur du berceau de l’industrialisation au Canada, c’était la frénésie de la navigation de plaisance. En cette première année d’opération, 4 624 bateaux avaient franchi les portes des écluses toutes neuves pour découvrir un plan d’eau limpide et une vue imprenable sur le centre-ville de Montréal. Alors que les embarcations naviguaient en douce à 10 km/heure, les éclusiers couraient dans les coulisses pour assurer le bon fonctionnement des installations. À l’été 2002, j’ai appris le sens du mot rodage, je me suis attachée à une équipe dynamique et j’ai terminé la saison en nommant l’écluse de Saint-Gabriel mon écluse. Pendant plusieurs années, je suis revenue à mon poste au pied du pont des Seigneurs, qui se dressait sur son îlot comme un port d’attache.

Vingt ans plus tard, vingt ans déjà, l’équipe est devenue une famille imposée et riche en attachement. Je suis témoin d’un canal qui s’est épanoui en poursuivant sa riche histoire. Creusé au pic et à la pelle en 1825, c’est aujourd’hui les plaisanciers de passage, les éclusiers, les partenaires, les nombreux visiteurs et les résidents habitant ses berges qui esquissent le canal de demain. Je suis fière de faire partie de cette communauté qui bat au rythme de l’eau.

Date de modification :