La salamandre tigrée de l’Ouest

Parc national du Mont-Riding

Bordure de l'attrait de la rue

La salamandre tigrée de l'Ouest (Ambystoma mavortium) est inscrite sur la liste des espèces préoccupantes et en péril (espèce préoccupante au Manitoba). Les salamandres tigrées jouent le rôle important de prédateur supérieur dans les écosystèmes des fondrières des Prairies. Elles sont également indicatrices de la santé des écosystèmes, car leur peau est très perméable, ce qui les rend vulnérables aux toxines environnementales. C'est un bon signe si on voit des salamandres tigrées.

En 2021, le personnel de Parcs Canada a entrepris un relevé de la salamandre tigrée de l'Ouest dans le parc national du Mont-Riding. L'objectif de l'enquête était de mieux comprendre la population locale de salamandres tigrées de l'Ouest et ses mouvements saisonniers. Ce relevé a été effectué pendant la deuxième période de migration (de la fin août au début septembre). Pendant cette période, le personnel de Parcs Canada a recherché la présence et la répartition des salamandres près des routes situées à proximité de l'habitat des salamandres.

Pendant la migration, les salamandres peuvent se déplacer jusqu'à un kilomètre de leur site d'éclosion ! Malheureusement, les routes et autres infrastructures peuvent entraver les déplacements des salamandres en migration, ce qui entraîne la mort de salamandres sur les routes. Les données recueillies dans le cadre de l'enquête 2021 ont permis au personnel de Parcs Canada de cibler des zones précises le long de la route no 10 où les salamandres se déplacent fréquemment. Grâce à un effort interfonctionnel à la fin de 2021, les bordures de cette zone ont été modifiées pour aider les salamandres à traverser l'autoroute no 10 en toute sécurité.

La salamandre tigrée de l’Ouest 

A follow-up survey is currently taking place to further monitor the seasonal migrations of the Western Tiger Salamander. Parks Canada staff are interested in seeing if the curb modifications are making a difference in reducing roadway mortality.

Keep an eye out for new “salamander crossing” signs! These will be installed along salamander migration routes to remind drivers to slow down and look out for these unique amphibians as they complete their biannual migrations.”


Attention: passage de salamandres !

Quiconque a déjà roulé dans la région du PNMR par une fraîche soirée pluvieuse de la fin d’août a sans doute été témoin d’une scène étonnante : la marche lente, mais obstinée de la salamandre tigrée de l’Ouest (Ambystoma mavortium) vers le dessous des pneus du véhicule. On croirait voir une chorégraphie, comme si la salamandre en chef avait commandé à toutes les salamandres d’avancer au pas. Ce phénomène m’a frappé, car, pour ce qui est du style de conduite, je suis de ceux qui tentent d’éviter les salamandres, contrairement à ma femme, dont la devise est « la sécurité avant tout ».

La salamandre tigrée de l’Ouest
La salamandre tigrée de l’Ouest. Photo : Ian Thorleifson

Le phénomène soulève diverses questions intéressantes. Mais que peuvent bien faire les salamandres? Pourquoi le font elles toutes en même temps?

Voici ce qu’elles font. La salamandre tigrée pond ses oeufs dans un étang au printemps, peu après sa fonte. À peu près trois semaines plus tard, les larves éclosent. Elles vivent dans l’eau et sont de grandes prédatrices. En fait, elles sont habituellement le plus grand prédateur de leur étang, car elles vivent rarement dans le même étang que des poissons, qui auraient tôt fait de réduire leur population presque à néant. Les larves ont des poumons et des branchies externes. Après deux ou trois mois, elles se métamorphosent (leurs branchies se résorbent) et acquièrent leur forme adulte.

À l’âge adulte, la salamandre est un animal terrestre. En août, elle quitte l’étang où elle a grandi et part tranquillement trouver un endroit où habiter et se délecter d’insectes. Les salamandres qu’on peut voir écrasées sur la route en août sont les jeunes adultes qui ont quitté leur étang pour entamer leur nouvelle vie et qui ont appris une leçon à la dure. Du moins, c’est ce que je me dis.

Ce comportement a cependant un lien avec la pluie ou, du moins, l’humidité. En effet, la salamandre tigrée doit rester hydratée, sans quoi elle meurt. Elle doit donc trouver les conditions parfaites (un peu de pluie, mais le temps frais aide aussi) lorsqu’elle commence sa vie terrestre. Une journée d’août pluvieuse serait par conséquent un élément déclencheur. Tout en cherchant à rester hydratée, la salamandre quitte donc son étang, peu importe la direction, à la recherche d’un terrier confortable et si elle doit en chemin traverser une route achalandée, advienne que pourra.

La salamandre tigrée de l’Ouest

Les adultes vivent dans les terriers de mammifères ou s’en creusent un. Ce sont des animaux essentiellement nocturnes, alors il est rare d’en apercevoir. Leur taux de survie à l’hiver n’est pas terrible, mais les salamandres qui résistent à la saison froide vont ensuite se reproduire dans un étang, généralement celui là même où elles sont nées. Elles se reproduisent parfois dès la première année, mais il leur arrive aussi de ne pas le faire avant l’année suivante.

Comme on pourrait s’y attendre, compte tenu de tous les cadavres qui jonchent la route, la viabilité à long terme de cette espèce suscite des inquiétudes. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a d’ailleurs désigné la population de salamandre tigrée des prairies « préoccupante », quoiqu’elle ne soit pas officiellement protégée en vertu de la Loi sur les espèces en péril. À l’instar de beaucoup d’espèces des prairies, la salamandre tigrée subit les contrecoups de la perturbation du paysage qu’entraînent l’aménagement du réseau routier et la conversion des milieux humides, mais elle est aussi soumise aux phénomènes naturels tels que la sécheresse. Ainsi, pendant les années sèches, il arrive que les femelles ne pondent pas du tout.

La salamandre tigrée de l’Ouest

J’aimerais donner un coup de main aux salamandres en migration, mais j’avoue que certaines de mes manoeuvres d’évitement sont un peu extrêmes. Cette année, je lèverai le pied, mais je laisserai tomber les acrobaties. Après tout, je ne me vois pas expliquer à un agent de la GRC pourquoi je zigzaguais sur la route. La sécurité avant tout!

Paul Tarleton (2014)

Saviez vous que…

• Il n’y a pas deux salamandres avec les mêmes mouchetures (non, je ne l’ai pas vérifié moi même!).
• La salamandre aurait une espérance de vie de 16 à 25 ans en milieu sauvage, mais, compte tenu de son très faible taux de survie, il est extrêmement rare d’en croiser une aussi âgée en pleine nature (d’ailleurs, qui saurait dire quel est son âge?).
• Selon une étude menée dans la région des fondrières des Prairies (Minnedosa), les larves de salamandre sont tellement prédatrices qu’elles peuvent influer sur le comportement de recherche de nourriture des canards barboteurs, comme le colvert.

Sources

Benoy, G. A., 2005. Variation in tiger salamander density within prairie potholes affects aquatic bird foraging behaviour. Rev. can. zool. = Can J. Zool 83: 926 934.

Church, D. R., L. L. Bailey, H. M. Wilbur, W. L. Kendall et J. E Hines, 2007. Iteroparity in the variable environment of the salamander Ambystoma tigrinum. Ecology 88(4): 891 903.

Cosentino, B. J., R. L. Schooley et C. A. Phillips, 2011. Spatial connectivity moderates the effect of predatory fish on salamander metapopulation dynamics. Ecosphere 2(8)

COSEPAC. 2012. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la salamandre tigrée de l’Ouest (Ambystoma mavortium) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. xv + 71 p.

Preston, W. B., 1982. The amphibians and reptiles of Manitoba. Musée manitobain de l’homme et de la nature. Winnipeg (Manitoba). 128 p.

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