Territoire historique | Situation présente | Dangers principaux | Biologie | Habitat | Comportement social
Territoire historique
En Amérique du nord, les ours grizzlis (Ursus arctos) occupaient tout le territoire de l’océan Pacifique jusqu’au fleuve Mississippi, et du centre du Mexique jusqu’à l’océan Arctique.
Situation présente
Aujourd’hui, la population d’origine de grizzli des prairies n’existe plus dans les plaines de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Cette population fut éteinte par la chasse, la réduction d’habitat et la perte de proies principales (le bison), et par l’intolérance des gens pour les grizzlis.
On calcule qu’il y aurait jusqu’à 20 000 grizzlis dans l’ensemble de l’Alberta, la Colombie-Britanniqe, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Le Comité sur le statut des espèces en péril au Canada (COSEPAC) s’inquiète du statut du grizzli, à cause des caractéristiques qui le rendent particulièrement sensible aux activités humaines et aux événements naturels. En Alberta, le grizzli a le statut d’espèce menacée, alors que, en Colombie Britannique, il est inscrit sur la liste bleue.
Selon les estimations les plus récentes, les terres provinciales de l’Alberta abriteraient une population de 691 grizzlis. En Colombie-Britannique, l’effectif pourrait atteindre 16 000 individus. Dans les quatre parcs nationaux contigus des montagnes, les estimations pour chaque parc sont les suivantes :
- Parc national Banff : environ 60
- Parc national Jasper : 109
- Parc national Yoho : 11-15
- Parc national Kootenay : 9-16
*Nota : plusieurs grizzlis des parcs nationaux utilisent aussi des territoires en dehors des parcs.
Dangers principaux
Le grizzli est surtout menacé par la fragmentation et la disparition de l’habitat, par suite de la croissance de la population humaine, ainsi que par la mortalité accidentelle d’origine humaine le long de nos couloirs de transport (routes et voies ferrées).
Biologie
Les grizzlis affichent l'un des plus faibles taux de croissance de tous les mammifères de l’Amérique du Nord. La femelle doit avoir entre 5 à 8 ans avant de donner naissance à la première portée d’oursons, et les intervalles entre les nouvelles portées varient de 3-5 ans. Dans les parcs des montagnes, les recherches indiquent un intervalle moyen de 4 à 5 ans entre les portées chez le grizzli.
L’accouplement a lieu entre le milieu de mai et le début de juillet. Les mâles peuvent aller très loin pour s’accoupler. Après l’accouplement, l’embryon ne s’implante pas dans l’utérus avant les mois de novembre ou décembre. L’implantation se produit seulement si la femelle a des réserves de gras suffisantes pour se nourrir et nourrir les oursons durant la période d’hibernation. Les femelles qui ont moins de réserves de graisse qu’à l’accoutumée au début de leur hibernation risquent d’émerger de leur tanière au printemps avec un faible nombre d’oursons ou avec des oursons de petite taille. Donc la qualité de l’habitat et de la nourriture disponible à l’ourse sont des facteurs importants pour le succès reproductif.
La saison des amours chez les grizzlis
Les oursons naissent dans la tanière vers la fin de janvier ou le début de février et pèsent environ un demi-kilo. Pendant que l’ourse continue d’hiberner encore quelques mois, les oursons s’allaitent de lait très riche en matières grasses. Quand l’ourse sort de la tanière avec les oursons, ces derniers pèsent environ 8 kg. À la fin de l’automne, un ourson en bonne santé pèsera jusqu’à 45 kg quand la famille reprendra l’hibernation.
Les oursons grizzlis passent normalement trois ans avec leur mère, qui les nourrit, les protège et les instruit, ce qui augmente leurs chances de survie et leur possibilité de reproduction quand ils atteindront l’âge adulte. L’ourse leur apprend à fourrager et à traverser le terrain pour se rendre aux habitats saisonniers. C’est durant la première année de leur vie que le taux de mortalité des ours est le plus élevé, généralement à cause des déficiences nutritives. Les ours adultes mâles tuent parfois les oursons. Les oursons qui survivent jusqu’à l’âge adulte peuvent vivre de 20 à 30 ans dans le milieu naturel. Cependant, la plupart meurent plus jeunes, de causes liées aux activités humaines.
Les grizzlis ont un sens d’odorat exceptionnel, et leurs capacités visuelles et auditives sont bonnes.
Habitat
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les Prairies canadiennes faisaient partie du domaine vital du grizzli. C’est probablement grâce à cette familiarité avec les grands espaces ouverts que les grizzlis des Rocheuses semblent aujourd’hui bien à l’aise dans les clairières, les prés et les couloirs d’avalanche, où ils sont mieux à même de détecter une menace.
Le grizzli a besoin d’un habitat présentant les caractéristiques suivantes : de la nourriture suffisante en saison; des tanières convenables pour l’hibernation; la présence d’abris ou de refuges; l’accès à des partenaires pour l’accouplement et des lieux éloignés des perturbations d’origine humaine. Puisque la moitié des parcs des montagnes consistent de glace et de roche, l’habitat utilisable par les ours est fragmenté. Par conséquent, les concentrations d’aliments saisonniers et les autres nécessités sont largement dispersés sur un territoire qui peut varier selon les années.
Nourriture
Bien qu’ils soient classés parmi les carnivores, les grizzlis sont omnivores. Ils consomment une variété de plantes, selon les saisons; les viandes constituent environ 15 pourcent de leur diète. Les ours disposent d’environ sept mois pour combler leurs besoins nutritionnels pour l’année entière. Ils doivent grimper et descendre des montagnes et parcourir de grandes distances pour tirer parti des sources de nourriture éparses.
Prêle (Equisetum)
Quand les ours quittent la tanière entre la fin de mars et la mi-mai, la nourriture est rare. Les hauts sommets sont encore enneigés. Les ours sont maigres et ont grand besoin de nourriture. Ce sont les couloirs d’avalanches et les prés escarpés aux versants sud et sud-ouest qui sont les premiers terrains déneigés, et on y trouve une grande diversité d’herbes et de plantes à fleurs. Parmi les plantes les plus importantes pour les grizzlis, on compte le légume hedysarum, l’érythrome à grandes fleurs et la claytonie lancéolée. Les carcasses des animaux qui n’ont pas survécu l’hiver fournissent aussi des protéines et des matières grasses.
Les jeunes pousses d’herbes, de joncs et de roseaux dans les prés et le long des rivières aux élévations plus basses sont aussi des éléments nutritifs importants. Les plantes non indigènes comme le trèfle et le pissenlit, qui poussent tôt, le long des routes et sur des terrains défrichés, fournissent aussi des aliments pour les ours, qui courent le risque de la présence humaine pour les obtenir.
Les grizzlis passent généralement le printemps dans le fond des vallées, à la recherche de nourriture. Ils migrent en altitude après la fonte des neiges pour tirer parti de la nouvelle végétation. À la fin du printemps, la prèle constitue une nourriture importante pour les ours. Ils la trouvent le long des cours d’eau et dans les régions humides dans les vieilles forêts d’épinette. Et si l’occasion se présente, les grizzlis mangent parfois les faons et les wapitis nouveau-nés.
Vers le milieu de l’été, les grizzlis retrouvent en abondance la berce, un aliment très prisé, dans les couloirs d’avalanche et sur les pentes humides à versants nord et est, à la limite des arbres. Les ours retournent aussi des roches pour en dénicher des fourmis et des larves. Ils trouvent aussi les insectes dans les troncs d’arbres pourris.
Printemps et début de l’été
- Racines de sainfoin (Hedysarum)
- Bulbes d'érythrones à grandes fleurs
- Bulbes de claytonie
- Graminées et carex
- Pissenlits
- Trèfle
- Berce laineuse
- Prêle (Equisetum)
- Bébés chevreuils, wapitis et orignaux
- Carcasses d’ongulés tués pendant l’hiver
Fin de l’été et automne
- Shépherdie du Canada
- Camarine noire
- Raisin d'ours
- Airelle à tige mince
- Groseilles
- Bleuets/airelles (à l’ouest de la Ligne de partage des eaux)
- Cônes de pin blanc d'Amérique
- Fourmis et larves de fourmis
- Écureuils fouisseurs et marmottes
- Cerfs, wapitis, chèvres de montagne, et mouflons
- Carcasses de wapitis affaiblis ou blessés par le rut
- Racines d'Hedysarum (surtout lorsque les baies sont rares)
De la mi-juillet au début août, les baies de divers arbustes commencent à mûrir. Dans les Rocheuses centrales, les baies fournissent une nourriture de très haute qualité pour les ours. Ils les recherchent dans les endroits ensoleillés , en bordure des forêts et dans les clairières. Sur les versants plus secs du secteur est des Rocheuses, la shépherdie est abondante. Près de la Ligne de partage des eaux et sur les versants ouest des Rocheuses, on retrouve aussi les bleuets et les airelles. Les secteurs brûlés constituent aussi des sites importants pour les baies et le hedysarum.
Un grizzli affairé à manger des baies de la shépherdie du Canada
Après une forte gelée, les plus grandes baies tombent au sol. Les ours les mangent ainsi que les petites baies telles que le raisin d’ours (kinnikinnik) la camarine et l'airelle à tige minceà fruits noirs. Les ours trouvent aussi, dans les caches des écureuils roux, les noix du pin albicaule, qui fournissent des calories importantes. Les ours dénichent parfois de leurs terriers les écureuils terrestres, qui sont très gras en automne.
A l’approche de l’hiver, les ours deviennent « hyperphages » et peuvent manger de 20 à 23 heures par jour, pour accumuler assez de gras pour survivre la période d’hibernation.
De temps en temps, il y a très peu de baies, et les ours doivent compter sur les racines d’hedysarum. Ils doivent alors se déplacer plus loin et plus rapidement, ce qui dépense de précieuses ressources énergétiques. Quand les options nutritives sont limitées, les ours stressés sont plus susceptibles d’être attirés par des aliments non naturels, tels que les déchets à leur portée.
Entre la fin de l’automne et le début de l’hibernation, les ours comptent de nouveau sur les racines d’hedysarum. Selon les tendances individuelles des ours et selon les occasions qui se présentent, les ongulés tels que les wapitis, particulièrement les mâles épuisés par le rut, peuvent devenir des proies.
Dans les Rocheuses, l’évolution des grizzlis a eu lieu dans territoire frappé de catastrophes naturelles fréquentes : les feux, les avalanches et les inondations. Ces événements naturels façonnent des habitats divers, essentiels aux ours et aux autres espèces.
Abri
Les grizzlis trouvent des refuges dans les arbres et les buissons. La forêt permet surtout aux femelles avec oursons de se cacher, pour éviter des rencontres fâcheuses avec les mâles dominants et les gens.
Les ours utilisent aussi la forêt pour se protéger des rigueurs du climat. Généralement leurs lits de jour se font en bordure de forêt dense. Ces sites leur permettent de conserver une température interne confortable durant les chaleurs et les jours plus frais.
Les grizzlis se sont adaptés au manque de nourriture durant les hivers rigoureux du Nord, en hibernant jusqu’à 6 mois par an. Ils creusent des tanières dans des pentes escarpées, sur les versants nord ou est dans la zone subalpine où les fortes accumulations de neige les isolent du froid d’hiver. Les femelles accompagnées d’oursons sont les premières à se retirer dans leur tanière, généralement à la mi novembre. Les mâles, en particulier, restent actifs tant qu’ils ont accès à de la nourriture, parfois bien après Noël.
L’entrée de la tanière d’un grizzli dans le secteur subalpin
Les ours exigent de grands espaces
Les ours choisissent des habitats selon leurs interactions sociales avec les autres ours du secteur, et selon la présence ou l’absence des activités humaines. Les ours ne défendent pas nécéssairement des territoires fixes; ils établissent plutôt des territoires variables selon le caractère de l’ours et de la qualité de l’habitat. Les territoires des ours peuvent se chevaucher, et dans ce cas les ours ne les défendent pas agressivement.
La superficies des territoires peut varier, mais la moyenne pour les Rocheuses centrales est :
- mâles : 1 000 à 2 000 km2
- femelles : 200 à 500 km2
Pour survivre et élever les oursons, les ourses ont besoin d’un habitat sans danger et de haute qualité, à l’intérieur de leur territoire. Les jeunes femelles établissent leurs territoire près de celui de leur mère, mais les jeunes mâles se dispersent normalement plus loin.
Comportement social
Les grizzlis sont généralement solitaires, sauf durant la période d’accouplement et lorsque l’ourse est accompagnée des oursons. Leur faible densité est le produit de leur grande taille et de la dispersion de leurs sources de nourriture. Cependant ces ours tolèrent la présence d’autres ours, avec une certaine méfiance, lorsqu’ils sont en présence d’une forme concentrée de nourriture, comme par exemple une ruée de saumon dans une rivière côtière ou une abondance de baies. Durant ces rares périodes, ce sont les postures du corps et les expressions de la figure des ours qui communiquent les limites de leur espace privé, et reduisent ainsi les possibilités de confrontation et de blessures. Généralement, les grizzlis défendent leur espace privé, leurs oursons et leurs sources de nourriture.
Le fait que les grizzlis vivaient autrefois dans les Prairies expliquerait en partie leur comportement en présence d’une menace. Dans les plaines, les grizzlis n’avaient aucun refuge à leur portée. Ils ont donc appris à tenir tête à leur adversaire. Lorsqu’il est surpris, le grizzli est plus susceptible que l’ours noir de se défendre, et il semble avoir un tempérament plus agressif.
Un grizzli protégeant une carcasse de wapiti
Les marques de griffes sur l’écorce des arbres, les excréments et l’urine indiquent aussi la présence des ours et servent peut-être aussi à communiquer le statut social. Ce dernier dépend de la taille de l’ours, de son âge et de son sexe. Généralement ce sont les adultes mâles qui dominent. Ces ours dominants ont le premier choix d’habitat et de sources de nourriture. Après les adultes mâles, les ourses accompagnés d’oursons sont plus dominantes que les autres ours; viennent ensuite les mâles adultes un peu plus jeunes, et le bas de l’échelle est occupé par les adolescents.
Cliquez ici pour voir le rôle important que jouent les arbres dans le réseau social de l’ours.
Quand ils quittent leur mère, les ours adolescents doivent établir leur propre territoire et s’adapter au terrain. Ils sont curieux et n’ont pas encore complété leur apprentissage. Au cours de leur évolution, cette curiosité naturelle leur a sans doute permis de trouver de la nourriture dans des habitats divers. Mais de nos jours cette curiosité rend les jeunes ours vulnérables aux dangers liés au contact humain. En effet, les jeunes tolèrent plus facilement la présence des gens afin de s’approcher des habitats de haute qualité. Ils sont alors plus susceptibles de mourir suite aux contacts avec les êtres humains.
Les ourses avec oursons utilisent plus souvent les habitats en proximité des gens, d’abord pour éviter les mâles dominants qui menacent les oursons, et ensuite pour avoir accès à la nourriture de haute qualité. Normalement l’utilisation de l’habitat a lieu à proximité des gens la nuit ou durant le crépuscule lorsque la présence humaine est au minimum. Ce comportement évite les conflits entre les ours et les gens, mais non pas sans conséquences nutritives défavorables pour les ours, qui voient diminuer les heures de repas. Si les ours ne font pas l’expérience des conséquences (bonnes ou mauvaises) de la présence des humains, leur tolérance pour la présence humaine risque d’augmenter. Ils pourraient perdre leur méfiance naturelle.
L’habitat de cette famille de grizzlis se trouve aux confins du hameau de Lake Louise
A. Taylor
Pour assurer la survie des ours, il est essentiel de maintenir leur méfiance naturelle des gens. Ceci est particulièrement important chez les ourses et les oursons. Donc il faut leur fournir des habitats sûrs, où ils pourront fourrager régulièrement sans perturbation humaine. La santé de la population régionale d’ours en dépend. Il faut de très grands territoires pour assurer une population auto-suffisante de grizzlis; même l’ensemble du territoire des parcs des montagnes n’est pas assez grand. Donc les programmes de coopération entre les agences de gestion des territoires contigus s’avère essentielle pour assurer la survie des grizzlis.
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