Surges glaciaires
Parc national et réserve de parc national Kluane
Quand l’air humide du Pacifique passe au-dessus de la chaîne Saint-Élie, la neige s’accumule en quantité énorme sur le champ de glace de Saint-Élie. Les glaciers de vallée naissent du champ de glace et sont alimentés par ce dernier. Les avancées glaciaires sont souvent formidables et spectaculaires et la chaîne Saint-Élie est l’endroit d’Amérique du Nord où l’on trouve la plus grande concentration de surges glaciaires.
Cycle des surges
Les glaciers sujets à des surges alternent entre des périodes calmes de mouvement lent et des périodes brèves de surge rapide lorsque le front du glacier se déplace vite. Pendant la période calme, le glacier continue de glisser lentement, mais la glace s’amoncelle progressivement dans la zone d’accumulation jusqu’à ce qu’elle atteigne un seuil où elle dévale le glacier sous forme de surge.
Au cours d’une surge, un glacier peut se déplacer jusqu’à 100 fois plus vite qu’en temps normal, laissant de gros blocs de glace sur les parois de la vallée et formant un enchevêtrement de falaises de glace, et des crevasses et des séracs chaotiques à sa surface. Le front du glacier se déplace vers l’aval, souvent de plusieurs kilomètres en quelques mois. Cette avance ne signifie pas que le volume du glacier augmente, mais plutôt que la glace descend plus rapidement. Sous l’effet de températures plus douces, la glace se trouvant à l’avant du glacier fond plus vite et le front recule. Ensuite, le même cycle se répète. Comme le climat continue de se réchauffer et que les glaciers continuent de perdre de la masse glaciaire, une surveillance plus poussée est nécessaire pour avertir les résidents de la région de l’instabilité des lacs.
L’histoire de deux glaciers
Nàłùdäy (glacier Lowell)
Par le passé, les surges du Nàłùdäy (glacier Lowell) ont barré la rivière Alsek au mont Goatherd. La lac ainsi formés couvraient une superficie allant jusqu’à l’emplacement actuel du village de Haines Junction ou même encore plus loin. Le dernier lac « néoglaciaire » Alsek s’est vidé vers 1850, deux jours après la rupture du barrage de glace, avec un débit comparable à celui du fleuve Amazone. Dans le parc, le long du sentier Alsek, on peut observer les énormes ondulations du torrent de gravier et les replats de lac qu’il a créés. Les inondations provoquées par les mouvements du Nàłùdäy sont le sujet des contes et légendes de la Première Nation des Tutchones du Sud.
Depuis 1948, le Nàłùdäy a connu cinq surges glaciaires, soit environ une tous les quinze ans. Bien que le front ait avancé rapidement et dramatiquement à chaque surge, provoquant la consternation, il n’a pas bloqué la rivière. Toutefois, on a constaté l’apparition d’une tendance : chaque surge est un peu moins forte et ne dure pas aussi longtemps que la précédente.
Perte de masse
Pendant la même période, le Nàłùdäy a perdu beaucoup de son volume, comme d’ailleurs les autres glaciers de la région. Cela explique probablement la réduction de l’ampleur et de la durée des surges glaciaires. L’épaisseur du Nàłùdäy ayant tellement diminué, même si une surge bloquait complètement la rivière de nos jours, l’eau du lac qui en résulterait passerait au dessus du barrage de glace avant qu’elle ne puisse atteindre Haines Junction. C’est une bonne nouvelle pour le village.
Marais de neige
Dernièrement, pendant l’été 2018, des températures record ont créé un énorme « marais de neige », mélange de neige et d’eau de fonte, sur la partie supérieure du Nàludäy. Bien que le phénomène ne soit pas rare en soi pendant le réchauffement qui accompagne les mois d’été, la superficie du lac (45 km2) et la vitesse à laquelle il s’est formé (en l’espace de quelques jours) sont sans précédent. Au cours des semaines qui ont suivi, les eaux de fonte se sont déversées dans le lac Lowell au front du Nàłùdäy, augmentant le débit de la rivière Alsek en aval du lac. Un glacier déjà bien réduit a encore perdu un peu plus de glace. Cela nous rappelle que le réchauffement du monde dans lequel nous vivons n’augure rien de bon pour les glaciers.
Dän Zhür (glacier Donjek)
Dän Zhür a un historique de crues glaciaires qui remonte aux années 1930. Depuis lors, il y en a eu huit, et le glacier s’est avancé de plusieurs centaine de mètres plus loin dans la vallée de la rivière Donjek (Dän Zhür Chù). L’avancée rapide du glacier dure généralement de 1 à 3 ans, période pendant laquelle la vitesse d’écoulement glaciaire peut atteindre 1 500 m par an. Comme tous les glaciers de Kluane, Dän Zhür perd chaque année une partie de sa masse glaciaire en raison de la hausse des températures due à la combustion de combustibles fossiles. Cela a entraîné une atténuation de l’ampleur des crues glaciaires et, globalement, un retrait du glacier.
La dernière crue glaciaire
La dernière crue glaciaire du Dän Zhür, en 2012-2013, a fait avancer le glacier et a bloqué en partie la Dän Zhür Chù. À la fin de cette crue, un lac s’était formé à l’extrémité du glacier, à l’intersection entre celui-ci et la rivière. Depuis, l’imagerie par satellite et les appareils pour prises de vue en accéléré permettent de surveiller l’étendue du lac.
Après la crue glaciaire
En 2017, le 15 ou le 16 août, le lac de 1,3 km2 s’est drainé. L’hiver suivant, un lac s’est formé de nouveau dans le même secteur, atteignant une superficie de 1,86 km2 avant de se drainer encore une fois, entre le 19 et 21 août 2018. Le lac le plus récent s’est formé pendant l’hiver 2018-2019 et a atteint une superficie de 2,2 km2 à l’extrémité du glacier. C’était le plus grand lac observé à cet endroit au cours des 100 dernières années.
Ici aujourd’hui et parti demain
Le 13 juillet 2019, l’embâcle qui retenait le lac s’est rompu, et le lac s’est complètement drainé en 36 heures. Heureusement, personne n’a été blessé et l’infrastructure n’a pas été endommagée lors de cet événement, qui a entraîné la formation d’un canyon de glace à l’extrémité du Dän Zhür, de sorte que la formation d’un lac est peu susceptible de se reproduire.
07-12-2019
07-13-2019
07-14-2019
07-15-2019
07-16-2019
Que réserve l’avenir
Pour qu’un autre lac se forme dans la région du Dän Zhür, il faudrait qu’une crue glaciaire entraîne une nouvelle digue de glace. Sur la base de l’intervalle de 12 ans relativement constant des crues glaciaires du Dän Zhür, on prévoit qu’il y en aura une nouvelle au milieu des années 2020. La grande question pour le Dän Zhür, c’est de savoir si des lacs vont continuer à se former et comment. Deviendront-ils plus grands, plus petits ou cesseront-ils de se former à l’avenir?
Pour en savoir davantage sur les surges glaciaires
Terminus advance, kinematics and mass redistribution during eight surges of Donjek Glacier (anglais seulement)
Liens connexes
- Date de modification :