Une conte de deux espèces: les ours noirs et grizzlis
Parc national du Mont-Revelstoke
L'ours est à la source d'une riche mythologie comme nul autre animal. Depuis les constellations de la Grèce antique jusqu'à Winnie, en passant par Yogi, Smokey et l'éternel Nounours, cette créature suscite partout l'adoration. L'ours symbolise les grandes étendues sauvages du Canada, même si peu de Canadiens ont eu la chance d'en voir un dans son habitat naturel. La Colombie-Britannique figure parmi les rares endroits au monde qui abritent encore un grand nombre d'ours. Toutefois, à mesure que s'agrandit notre empreinte écologique, le grizzli, en particulier, se voit relégué à des régions sauvages de plus en plus petites.
Le grizzli a un pelage qui peut varier du brun foncé au blond. Le nom qu'il porte en Amérique du Nord lui vient de la couleur dominante de sa fourrure - un poil brun foncé aux extrémités argentées. Dans la région de la chaîne Columbia, les femelles adultes pèsent en moyenne 102 kg, et les mâles adultes, 168 kg. Les ours de la côte du Pacifique sont encore plus imposants, parce qu'ils ont accès au saumon en frai.
Le grizzli a la tête de forme concave, et ses oreilles sont proportionnellement plus petites que celles de l'ours noir. Au loin, on le reconnaît assez facilement à la bosse proéminente qui lui orne la nuque. Cette masse de muscles lui permet de creuser le sol avec plus de vigueur pour dénicher des bulbes de fleurs et des écureuils terrestres à l'aide de ses griffes longues (jusqu'à 10 cm) et relativement droites. À force de fouiller, ses griffes se raccourcissent au fur et à mesure que progresse l'été.
L'ours noir a habituellement le pelage noir et le museau de couleur un peu plus pâle. Une tache blanche lui orne parfois la poitrine. Dans la région, environ 10 % des ours noirs ont un pelage de couleur cannelle. À l'âge adulte, les femelles peuvent atteindre un poids moyen de 63 kg, et les mâles, un poids de 93 kg.
L'ours noir a des griffes courtes et incurvées dont il se sert pour grimper aux arbres. Issu à l'origine de l'Asie, il est arrivé en Amérique du Nord il y a environ un million d'années et s'est adapté aux forêts mixtes et aux plaines inondables. Au printemps, l'ours noir se hisse jusqu'à la cime des peupliers pour se nourrir de chatons, les marques de griffes sur l'écorce trahissant son passage. L'ours noir serait moins agressif que le grizzli, croit-on, parce qu'il a la possibilité de grimper aux arbres pour se protéger de ce qui le menace.
Le grizzli, lui, a migré en Amérique du Nord plus récemment, il y a entre 20 000 et 50 000 ans. Il est arrivé des plaines dénudées de l'Asie, où il était impossible de fuir en grimpant aux arbres. C'est pour cette raison qu'il a tendance à se montrer agressif lorsqu'il défend sa progéniture ou sa nourriture.
Les deux espèces grattent et retournent des roches et des troncs d'arbres à la recherche d'insectes ou déchirent l'écorce des conifères et glissent leurs canines acérées le long du cambium des arbres pour un succulent repas de sève. L'empreinte de l'ours noir est différente de celle du grizzli : elle forme un arc plus prononcé à l'avant, et les marques de griffes sont plus rapprochées des orteils. Il est impossible d'identifier l'espèce par la dimension de l'empreinte, puisqu'il existe de petits et de grands spécimens chez le grizzli aussi bien que chez l'ours noir.
Les ours annoncent leur présence aux autres bêtes en laissant leur odeur sur des arbres placés à des endroits commodes, le long de corridors de déplacement qui servent aussi parfois de sentiers aux humains. D'ordinaire, l'ours ne fait que se frotter légèrement à l'arbre. Cependant, il peut aussi arriver qu'il se dresse sur ses pattes arrière pour se gratter le dos sur le tronc. Des touffes de poils restent parfois accrochées à un morceau d'écorce rugueuse ou à une plaque de résine. Poils, pistes et excréments - tous ces indices devraient vous prévenir de la présence d'un ours dans les parages.
L'ours noir a beaucoup plus tendance que le grizzli à occuper les confins de lieux habités. Pour voir des ours noirs en chair et en os, il suffit bien souvent, au printemps, de se rendre à l'aurore près d'une route bordée de pissenlits. Pour les observer, garez-vous bien à l'écart de la chaussée et demeurez à l'intérieur de votre voiture. Ne leur offrez jamais de nourriture. Les ours qui apprennent à associer les humains à de la nourriture finissent invariablement par être abattus.
Le grizzli n'occupe plus que 1 % de son domaine vital d'origine dans les 48 États américains contigus et au Mexique. L'ours noir, par contre, habite encore l'essentiel de son territoire historique. L'habitat du grizzli et celui de l'ours noir se chevauchent souvent, et les problèmes de conservation et de sécurité publique propres à chaque espèce se ressemblent.
Le comportement humain représente la plus grande menace à la survie de l'ours. Les recherches menées par Bruce McLellan et ses collègues révèlent que, dans un territoire englobant le Sud de la Colombie-Britannique, l'Alberta et les États voisins du Montana, de l'Idaho et de Washington, l'être humain est responsable de la mort de quatre grizzlis sur cinq. En réponse aux inquiétudes concernant la viabilité des populations de grizzlis, l'Union européenne a récemment interdit l'importation de parties de grizzli, y compris de peaux-trophées.
Dans cette région de la Colombie-Britannique, les sentiers, les routes et les chemins d'exploitation forestière se multiplient depuis 50 ans. Braconniers et chasseurs ont désormais accès à des vallées reculées jadis impénétrables. Les recensements donnent à conclure que les grizzlis fuient en général les vallées traversées de routes.
Le couloir de transport national (la Transcanadienne et le chemin de fer du Canadien Pacifique) représente la plus grande menace interne à l'intégrité écologique des parcs nationaux de montagne. Le grain accidentellement déversé sur la voie ferrée attire les ours; les pissenlits et le trèfle les incitent à venir se régaler près des routes. Entre Field et Revelstoke, les collisions sur la route ou le chemin de fer tuent en moyenne 17 bêtes par année.
Il se peut que les ours furtifs fuient le bruit et le va-et-vient des routes fréquentées. À l'heure actuelle, jusqu'à 9 000 véhicules et 40 trains traversent chaque jour le parc national des Glaciers. Les données obtenues grâce aux bêtes portant des colliers radioémetteurs révèlent que les grizzlis ne traversent presque jamais la Transcanadienne. Il y a fort à craindre que, à la longue, la présence de la route ne fractionne les populations d'ours et ne les isole en des groupes trop petits pour survivre.
La région entourant les parcs nationaux Yoho et Kootenay et les parcs nationaux du Mont-Revelstoke et des Glaciers se trouve à la lisière du domaine vital du grizzli en Amérique du Nord - un territoire qui ne cesse de rétrécir. Les populations locales de grizzli sont appelées à disparaître progressivement du paysage canadien à moins que des efforts conscients ne soient déployés pour inverser le processus de déclin. La survie de cette magnifique créature dépend donc de nous. Sommes-nous disposés à faire le nécessaire afin que de vastes étendues demeurent suffisamment sauvages pour répondre à ses besoins vitaux?
Pour des déplacements sécuritaires au pays des ours
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