Intendance collaborative avec les Gardiens de la terre des Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse
Réserve de parc national de l'Île-de-Sable
Depuis 2021, Parcs Canada et les Gardiens de la Terre (Earth Keepers) des Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse étudient et surveillent l’halicte de l’île de Sable, une espèce endémique que l’on retrouve uniquement dans cette réserve de parc national.
Ce travail offre une occasion inestimable de croissance, notamment en rétablissant les liens avec la terre, en développant les relations et en travaillant à une approche basée sur l’intendance collaborative de cette île spéciale de l'Atlantique.
J’ai bien du mal à mettre en mots l’expérience que j’ai vécue à l’île de Sable. Celle-ci m’a procuré une immense gratitude, de l’amour, du respect et de l’émerveillement pour le monde naturel au sein de notre territoire ancestrale, Mi’kma'ki, et j’en suis reconnaissante à jamais.
Notre objectif commun est d’établir un partenariat avec Parcs Canada afin que davantage de L’nu'k puissent vivre cette expérience à l’avenir.
Recits d'abeille
Sur cette page
Liens avec le territoire
L’île de Sable est une île sablonneuse en forme de croissant située dans l’océan Atlantique, à 290 km au sud-est de Kjipuktuk au Mi’kma'ki (Halifax, Nouvelle-Écosse). Créée en 2013, la Réserve de parc national de l’Île de Sable fait partie du territoire traditionnel non cédé des Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse, et le fait qu’elle ait été désignée Réserve de parc national reflète le fait que les Mi’kmaq en revendiquent le territoire.
Je suis Mi’kmaq et j’ai un lien ancestral avec notre territoire et un sens d’appartenance à la terre. J’honore toujours nos traités avec les êtres non humains qui y vivent. Que sont les effets de mes actions sur les sternes, les phoques gris ou les chevaux? C’est la question que je me posais lorsque j’étais sur l’île et que je continue de me poser aujourd’hui.
Il est important que mon peuple ait une relation étroite avec l’ensemble du territoire du Mi’kma'ki. Cela comprend l’île de Sable, un endroit non-souillé et sauvage. J’ai été époustouflée par la paix et la tranquillité de l’île dans son état naturel.
Le premier jour, j’ai dirigé une cérémonie de purification et d’offrande aux esprits avec les autres Gardiens de la Terre des Mi’kmaq et des employés de Parcs Canada. Ces prières visaient d’abord à nous présenter aux esprits qui habitent l’île de Sable et, ensuite, à énoncer nos intentions pendant la réalisation de relevés de terrain. Nous sommes venus sur l’île de Sable non pas pour chasser, mais pour recueillir des données. Nous avons promis de respecter toutes les plantes, tous les animaux et tous les oiseaux qui y vivent tout au long de nos travaux. Cette cérémonie nous a permis non seulement de tisser des liens avec le territoire, mais aussi de nous lier les uns aux autres au moment d’adopter correctement notre approche fondée sur le « double regard ».
C’est l’endroit le plus sécuritaire et le plus agréable pour retisser nos liens avec le territoire et entre nous.
L’île de Sable a sa propre vie, sa propre force vitale et sa propre aura. L’esprit de l’île est très sain et rempli de vitalité. Tout est fluide à l’intérieur de son écosystème. La vie et la mort sont répandus à travers l’île. D’une extrémité à l’autre, l’île évolue et change constamment.
L’halicte de l’île de Sable, espèce endémique
L’halicte de l’île de Sable (Lasioglossum sablense) a été identifié pour la première fois en 2009. Bien qu’il existe de nombreuses espèces différentes d’halictes dans le monde, celle-ci est endémique à la Réserve de parc national de l’Île de Sable. Cela signifie qu’elle est présente seulement sur cette île et nulle part ailleurs dans le monde! C’est pour cette raison que l’halicte de l’île de Sable est inscrit sur la liste des espèces menacées en vertu de la Loi sur les espèces en péril, et que Parcs Canada s’est engagé à protéger cette espèce unique ainsi qu’à maintenir la stabilité de sa population.
Nous sommes conscients de l’importance des pollinisateurs au sein de nos écosystèmes. Il est donc important de veiller à ce qu’ils puissent s’épanouir dans des écosystèmes sains. J’ai des abeilles et je cultive des légumes. Les abeilles contribuent à l’essor de mes cultures et à l’ensemble de la vie. Travailler avec les pollinisateurs de l’île de Sable a été une grande leçon d’humilité; j’ai pris conscience que même lorsque nous ne sommes pas là, nous pouvons compter sur eux pour réaliser le travail qui doit être fait.
Pourquoi les pollinisateurs sont-ils importants?
La pollinisation est le processus par lequel le pollen est transporté entre les plantes mâles et femelles pour assurer la croissance des fleurs et des graines. Les pollinisateurs sont les êtres vivants qui aident à transporter le pollen; leur travail est primordial à la santé et le bien-être de la Terre.
La plupart des gens connaissent bien les abeilles, mais les scientifiques du monde entier apprennent régulièrement de nouvelles choses sur ces pollinisateurs importants.
Renseignements supplémentaires sur l’halicte de l’île de Sable
Resserrer les liens avec le peuple Mi’kmaq
Puisque l’on savait très peu de choses sur l’halicte de l’île de Sable, Parcs Canada s’est adressé à divers groupes dans l’espoir de trouver des experts et d’obtenir du soutien pour en apprendre davantage. Parallèlement, les Gardiens de la Terre (Earth keepers) des Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse effectuaient divers travaux sur les pollinisateurs indigènes dans l’ensemble de la province.
Tant les Mi’kmaq que l’équipe de la Réserve de parc national de l’Île de Sable souhaitaient vivement collaborer et s’informer sur cette nouvelle espèce en adoptant une approche à double regard, ce qui a mené au développement d’une nouvelle relation entre Parcs Canada et les Gardiens de la Terre des Mi’kmaq.
Vision à double regard
Le principe de la vision à double regard consiste à jeter un regard sur un sujet avec le savoir autochtone d’un œil et le savoir occidental de l’autre, ce qui en fin de compte nous aide à voir et à agir d’une nouvelle manière qui profite à tous.
~ Tiré des enseignements de l’Aîné Mi’kmaq Albert Marshall, Table ronde du ministre
Gardiens de la Terre des Mi’kmaq
Les Gardiens de la Terre des Mi’kmaq (Earth Keepers) aident les communautés Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse à gérer leurs ressources naturelles et leur savoir traditionnel. De plus, ils soutiennent leurs partenaires à travers la province qui élaborent des programmes de surveillance sur le terrain fondés sur l’approche à double regard. En 2021, un premier groupe de Gardiens de la Terre des Mi’kmaq a visité la Réserve de parc national de l’Île de Sable.
J’ai eu l’impression d’entamer une nouvelle relation. J’étais curieuse de savoir comment mes ancêtres auraient pu interagir avec cet endroit : comment ils seraient arrivés ici, ce qu’ils y auraient fait et quel type de relation ils auraient eue avec les êtres non humains qui vivent ici, comme les phoques gris, les halictes de l’île de Sable et les sternes. En tant que Mi’kmaq, je me suis sentie responsable de rétablir cette relation d’une manière unique, comme nous l’avons fait pendant notre séjour sur l’île.
Il est important pour les Mi’kmaq de ressentir la pureté, la tranquillité et l’esprit de l’île. Par exemple, nous avons eu l’occasion de voir les mouettes dans un environnement naturel par rapport aux mouettes des régions rurales du continent. C’est le genre de nature sauvage et saine que mon peuple aurait vu avant l’arrivée des Européens. Cette expérience me lie à toutes mes relations, car c’est le genre de monde dans lequel ils vivaient. Ils voyaient la beauté sauvage et brute de la nature tous les jours. Ce qui m’a le plus ému, c’est de me rendre à l’île de Sable et de découvrir un aspect du mode de vie de mes ancêtres.
[Sur l’île de Sable], on retrouve la paix intérieure, parce qu’on est déconnecté du monde habituel. Là-bas, c’est le calme total : pas de bruits forts, comme celui de la circulation, et pas de lampadaires qui dérangent. Ça réinitialise notre vie, nous permet de remettre l’horloge à l’heure et de se détacher de toutes préoccupations. Notre visite a surtout permis de tisser un lien spirituel avec l’île.
Halicte de l’île de Sable
Étude sur l’halicte de l’île de Sable
Grâce aux recherches sur le terrain, les Gardiens de la Terre Mi’kmaq et les employés de Parcs Canada apprennent à connaître l’halicte de l’île de Sable.
Cette abeille niche dans le sol. Elle entre et sort de son nid par de très petits trous d’une largeur d’environ 2 mm (la taille d’une tête d’épingle). Il est difficile de trouver les abeilles et leurs nids : il faut beaucoup de main-d’œuvre et de patience.
Tout d’abord, les membres de l’équipe cherchent un habitat approprié où s’affaire une variété d’abeilles. Ensuite, ils se dispersent et essaient de trouver des abeilles qui entrent ou sortent du sol. S’ils repèrent un halicte à l’entrée ou à la sortie, ils peuvent confirmer l’emplacement du nid.
Des nids d’halicte de l’île de Sable ont été découverts à plusieurs endroits sur l’île, et les données recueillies ont révélé des indices importants sur la structure sociale et les habitudes de nidification de cette espèce.
L’île de Sable est un écosystème si petit et si fragile que nous avons eu l’impression d’obtenir une vue d’ensemble à travers le microscope. Il nous a semblé très délicat d’y effectuer des recherches, car nous devions interagir avec un écosystème fragile où vivent des espèces en péril. Comment respecter cet endroit tout en y reprenant notre place? Ce fut l’occasion de nouer une relation intime avec un genre d’écosystème, et c’était très spécial pour moi d’étudier l’halicte de l’île de Sable et d’avoir une interaction aussi intime avec ce lieu. C’était très stimulant.
Nous savons que des recherches approfondies sont menées sur l’halicte de l’île de Sable. Ainsi, lorsque nous en avons enfin vu un sortir de son nid et y retourner, et que nous avons pu l’identifier correctement, nous avons été soulagés. Cela nous a permis de comprendre l’importance de ce travail et la patience dont il faut faire preuve.
Les halictes sont très importants. Il y a des fleurs et des remèdes qui poussent sur l’île grâce à la relation entre les halictes et les chevaux… Ceux-ci fournissent des sels (transpiration) dont les halictes ont besoin pour compléter leur alimentation, et les chevaux mangent certaines plantes que les abeilles pollinisent. Ensemble, ils créent sur l’île de Sable un environnement qui permet à de nombreuses plantes et insectes de s’épanouir.
Intendance du territoire
Les gardiens de la Terre des Mi’kmaq et l’équipe de la Réserve de parc national de l’Île de Sable continueront à travailler ensemble pour apprendre les uns des autres et s’informer sur cet important pollinisateur indigène qu’est l’halicte de l’île de Sable.
Parcs Canada reconnaît l’importance du rôle et des responsabilités des Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse dans la protection et la conservation de la Réserve de parc national de l’Île de Sable, et souhaite vivement contribuer au renouvellement du lien qui unit ce peuple à l’île.
L’objectif du réseau et du programme des Gardiens de la Terre consiste à rétablir et raviver le lien qui unit les Mi’kmaq à leur territoire, ainsi que notre responsabilité en matière d’intendance de ces terres. Même si je sais que de nombreux membres de notre communauté se sentent étroitement liés au territoire, j’ai encore l’impression d’être très déconnectée de la terre, des enseignements et du savoir qui en découlent.
En tant qu’ancienne coordonnatrice de projet du réseau des Gardiens de la Terre, j’ai vraiment eu l’impression que nous collaborions [les gardiens de la Terre des Mi’kmaq et l’équipe de Parcs Canada]. Nous étions en équilibre [sur l’île de Sable], ce qui a donné à l’expérience tout son sens.
Notre relation est sur une très belle lancée positive. La boule de neige vient d’être formée, et elle va continuer à rouler; les Mi’kmaq vont continuer de venir ici. J’imagine un avenir où mon peuple et Parcs Canada travaillent ensemble envers le rétablissement de notre amitié et la préservation de l’esprit de l’île grâce à une entente. Tout comme nous avons besoin de l’île, elle a besoin de nous pour la défendre.
Nous devons travailler sur le développement de futures collaborations. Il y a beaucoup de travail à faire sur l’île. J’aimerais que les Gardiens de la Terre fassent partie des projets existants, mais j’aimerais aussi, par exemple, faire un relevé des plantes médicinales de l’île. En tant que Gardiens de la Terre des Mi’kmaq, lorsque nous venons sur l’île, nous voyons les choses d’un point de vue différent. C’est d’autant plus important que nous essayons d’utiliser l’approche à double regard dans notre travail.
Ma vision du monde en tant que Mi’kmaq est que nous faisons partie de ces paysages, nous n’en sommes pas séparés. Nous nous sommes séparés de la terre, mais nous en faisons partie et nous devons y revenir. Nous sommes prêts à participer à l’intendance et la gestion collaborative, et ces partenariats sont très importants pour renforcer les capacités de nos communautés à cet égard.
Nous renforçons nos capacités et reprenons nos responsabilités légitimes en tant qu’intendants de la Terre.
Renseignements supplémentaires
Renseignements supplémentaires sur l’halicte de l’île de Sable
Liens connexes
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