Résumé

L'archéologie révèle des bribes des 20 000 premières années d'occupation humaine au Canada. L'analyse des objets laissés dans le sol ou dans l'eau par les générations passées est souvent le seul moyen dont disposent aujourd'hui les Canadiens et Canadiennes pour parvenir à comprendre comment plus de 700 générations ont vécu avant et après la rencontre entre les Européens et les Autochtones. Parfois, des objets qui semblent insignifiants de prime abord recèlent en fait des indices qui, aux yeux d'un archéologue chevronné, sont d'une parfaite limpidité. Sous certains aspects cruciaux, le sol du Canada constitue en soi un document d'archive de notre passé collectif.

C'est pour cette raison qu'il est si important que les archéologues soient prévenus lorsque des grands travaux vont perturber le sol, afin qu'ils puissent intervenir. C'est aussi pour cette raison que, quand le sol dévoile accidentellement ses secrets (des artefacts ou, plus dramatiquement, des restes humains), l'événement représente une occasion exceptionnelle et précieuse de découvrir le passé. Le contexte - par exemple la position des artefacts les uns par rapport aux autres - est source d'indices qui sont aussi indispensables aux recherches archéologiques que le sont les lieux d'un crime aux enquêtes policières. Aussi le Canada, ainsi que tous les territoires et provinces, ont-ils pour politique de profiter au maximum des occasions de ce genre.

La sauvegarde de ces possibilités n'est toutefois pas seulement une affaire de politique, mais aussi de dispositions législatives.

Dans le présent rapport, l'accent est mis sur les lois qui portent sur les ressources archéologiques terrestres (et non sur les épaves, qui font l'objet de lois distinctes). Ces lois varient selon l'endroit, non seulement parce qu'elles diffèrent d'une province ou d'un territoire à l'autre, mais aussi parce que les règlements qui s'appliquent aux terres fédérales ne sont pas les mêmes que ceux qui visent le reste du territoire. La portée des lois provinciales et territoriales est vaste car les questions afférentes aux " biens " sont avant tout de compétence provinciale en vertu de la Constitution. Toutes les provinces et tous les territoires, sans exception, ont promulgué des règlements expressément destinés à assurer la protection juridique des ressources archéologiques. Ces lois provinciales et territoriales s'appliquent à la plupart des terres. Les lois fédérales visent les terres de compétence fédérale (parcs nationaux, propriétés foncières des ministères fédéraux comme la Défense nationale ou Agriculture et Agro-alimentaire Canada, terres qui doivent faire l'objet d'aménagements régis par l'échelon fédéral, etc.). Si les lois fédérales ne sont pas aussi précises que les lois provinciales ou territoriales, le gouvernement fédéral a cependant lui aussi pour politique de protéger le patrimoine archéologique du Canada.

C'est d'ailleurs pour cette raison que les différentes lois disent essentiellement toutes la même chose. Par exemple, la définition du sujet est semblable partout.

  • Conformément à la loi, les ressources archéologiques protégées englobent toutes les preuves d'occupation humaine qui se trouvent dans le sol (ou sous l'eau). (La seule exception est la Nouvelle-Écosse, où les trésors enfouis ne sont pas définis comme des " objets archéologiques ", même s'ils sont assujettis à des exigences de déclaration comparables.)

  • Partout, sauf en Alberta, la loi s'applique aux objets de ce genre qui se trouvent non seulement dans le sol, mais sur le sol (voire au-dessus du sol, en Ontario et en Colombie-Britannique, pour ce qui est des gravures anciennes sur les rochers ou les arbres).1

  • En droit fédéral, ainsi que dans la plupart des provinces et des territoires (de manière explicite, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et au Labrador et au Yukon; de manière implicite, en Colombie-Britannique et en Île-du-Prince-Édouard) sont également protégés les objets paléontologiques (les vestiges d'animaux ou de plantes préhistoriques), ce qui étend la protection aussi bien aux dinosaures et aux mammouths qu'aux fougères disparues. (La situation juridique des " objets paléontologiques " est moins claire en Ontario, au Nouveau-Brunswick et dans les Territoires du Nord-Ouest; en droit québécois, ils sont exclus.)

Par ailleurs, toutes ces lois imposent aux Canadiens et aux Canadiennes de se montrer prévoyants et de traiter judicieusement les découvertes. Partout au Canada, les gouvernements et divers intervenants du secteur privé ont l'obligation formelle:

  • de dresser des plans relatifs à l'archéologie,
  • de protéger les ressources archéologiques (qu'elles soient découvertes dans le cadre de fouilles officielles ou par inadvertance).

Ces obligations découlent:

  • de traités internationaux,
  • de la politique et des lois fédérales,
  • des lois provinciales et territoriales.

Les lois sont à peine moins uniformes dans le libellé des conditions imposées aux particuliers qui veulent procéder eux-mêmes à des recherches archéologiques.

  • Selon les lois des trois provinces les plus à l'ouest du pays (Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique), un permis est exigé (des autorités provinciales ou territoriales compétentes) si les fouilles archéologiques doivent perturber le sol.

  • En vertu des lois des autres provinces et territoires, toutes les fouilles archéologiques doivent être autorisées, qu'elles " perturbent " le sol ou non. Cette disposition vise les gens qui procèdent à une exploration visuelle ou qui étudient le terrain au moyen de différents appareils.

  • Pour ce qui est des terres fédérales, aucune loi n'aborde expressément cet aspect du sujet. Certains organismes fédéraux, comme l'Agence Parcs Canada et le ministère de la Défense nationale, appliquent des règles particulières en cas de fouilles; d'autres ne le font pas. Le cas échéant, il incombe au gestionnaire fédéral en cause de trancher, en se basant sur la politique fédérale générale.

Il ne faut donc pas s'étonner si chaque gouvernement provincial et territorial a adopté une formule de présentation qui doit être suivie, d'une part, par quiconque présente une demande de permis et, d'autre part, pour le dépôt des rapports relatifs aux recherches archéologiques autorisées. Ces exigences sont obligatoires. L'autorisation d'entreprendre des fouilles est subordonnée en partie au fait que l'archéologue possède des titres de compétence que la province ou le territoire en question juge acceptables. Certains organismes fédéraux, notamment l'Agence Parcs Canada et la Défense nationale, ont adopté des règles aussi précises quant aux permis et aux rapports.

Avant de procéder aux recherches, les groupes susceptibles d'être touchés (p. ex. les descendants ou les autres personnes culturellement apparentées) doivent être identifiés et consultés. L'issue de cette recherche et des consultations doit être transmise aux autorités qui délivrent les permis. Sur les terres fédérales, il est recommandé (mais non obligatoire) d'envoyer un résumé de cette information au directeur de la Direction des services archéologiques de l'Agence Parcs Canada.2

À bien des égards, les lois qui régissent l'archéologie ressemblent beaucoup à celles qui président à l'évaluation des incidences environnementales. Il ne s'agit pas là d'une coïncidence. Souvent, les règles relatives à l'archéologie ont la même source que celles qui ont trait à l'environnement. En fait, à l'échelon fédéral, elles émanent les unes et les autres de la même loi. En droit, toute activité qui donne lieu à une évaluation environnementale (en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale) déclenche aussi l'obligation de mener des recherches archéologiques et paléontologiques. Ailleurs, même si les lois sont différentes, c'est la même formule qui s'applique normalement en vertu des lois des provinces et des territoires.

Les lois sont claires quant à ce qu'il faut faire en cas de découverte accidentelle. Leurs dispositions s'appliquent à la découverte d'artefacts et, surtout, à celle de restes humains (dans ce cas, les règles sont extrêmement importantes, parce qu'il n'est pas toujours évident, au moment de la découverte, si on a mis au jour un site archéologique ou les lieux d'un crime).

Les lois provinciales et territoriales sont unanimes à dire que toute découverte (qu'il s'agisse ou non de restes humains) qui survient dans le cadre d'un projet de recherche archéologique exécuté en vertu d'un permis doit être signalée par l'archéologue aux autorités provinciales ou territoriales compétentes.

Advenant la découverte accidentelle de restes humains, la loi précise qu'il faut:

  • suspendre les activités,
  • protéger la zone,
  • appeler la police.

La police décide si les lieux sont éventuellement ceux d'un crime; s'il s'agit bel et bien d'une découverte " archéologique ", elle communique alors avec les autorités compétentes. Il est recommandé (mais non imposé) à l'archéologue qui découvre des restes humains ou des objets archéologiques de consulter les populations de la région qui sont les plus susceptibles d'être descendantes des gens dont on a découvert des restes ou des biens.

Les lois définissent moins explicitement ce qu'il faut faire quand on découvre des artefacts qui n'ont rien à voir avec des restes humains. Idéalement:

  1. tous les travaux qui pourraient menacer le site devraient être suspendus,
  2. le site devrait être protégé,
  3. le représentant autorisé des services d'archéologie provinciaux ou territoriaux devrait être avisé.

En principe, ces mesures sont destinées à protéger non seulement les artefacts, mais aussi le site, puisque s'il s'agit des lieux d'un crime, nombre des indices les plus précieux sont révélés par l'emplacement des différents objets. Toutefois, les lois ne sont pas aussi claires à cet égard que dans le cas de restes humains.

  • S'agissant de a) et de b), tous les territoires et provinces à l'exception de l'Ontario exigent la protection automatique du site et considèrent la perturbation du site d'une découverte archéologique comme une infraction (en Ontario, le ministre provincial responsable du patrimoine doit d'abord classer officiellement le site pour en assurer la protection).

  • Pour ce qui est de c), la moitié des lois provinciales imposent elles aussi la déclaration des découvertes (Terre-Neuve et Labrador, Québec, Manitoba, Saskatchewan et Alberta), mais les lois des autres provinces et des territoires sont muettes sur ce point.

Qui est propriétaire des objets découverts?

  • Dans tous les territoires et provinces, sauf en Ontario et au Québec, les artefacts découverts appartiennent à la province ou au territoire ou à leurs agents.

  • Selon la Loi sur le patrimoine de l'Ontario, les artefacts détenus sans permis peuvent être saisis, mais sans préciser qui en est le propriétaire. Toutefois, en vertu de la common law, ces artefacts appartiennent ordinairement au propriétaire foncier.3

  • Au Québec, les découvertes faites sur des terres qui ont déjà été publiques depuis 1972 appartiennent à la Couronne; sur les terres privées, elles appartiennent en copropriété au propriétaire foncier et à l'auteur de la découverte.

Dans la pratique et malgré des différences occasionnelles de libellé, les différentes lois adoptées dans le pays reflètent toutes la même intention du législateur : l'archéologie est importante pour le Canada et les Canadiens et Canadiennes ne doivent pas plus mésuser de leur patrimoine archéologique qu'ils ne doivent arracher des pages à leur album de famille. Les lois qui régissent l'archéologie continuent à évoluer, mais elles constituent le cadre indispensable des efforts futurs pour protéger et comprendre cette importante partie du patrimoine canadien.4

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