Une pierre à la fois : Projet de conservation de Province House

Lieu historique national Province House

Le Stone by Stone est un bulletin d’information périodique qui présente les histoires de Province House et les efforts déployés pour sauver cette pièce emblématique de notre patrimoine culturel.

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Les éléments décoratifs de Province House

Un groupe d’artisans qualifiés d’Heritage Grade utilise une technique séculaire pour recréer le plâtre décoratif au lieu historique national Province House.  

Les travaux de plâtrage font partie de la phase 3 du projet de conservation de Province House, qui vise à préserver les éléments caractéristiques du patrimoine tout en adaptant le bâtiment au XXIe siècle. 

L’équipe est dirigée par Kieran Reid, spécialiste du plâtre traditionnel, dans un atelier à Charlottetown, sur l’Île-du-Prince-Édouard.

Les éléments décoratifs comprennent la corniche (moulure décorative située en haut d’un mur intérieur) et les médaillons (pièces centrales détaillées autour des luminaires au plafond). Au total, l’équipe remplace environ 2 000 pieds linéaires de corniche et 18 médaillons dans le bâtiment. 

« Nous recréons les éléments tels qu’ils étaient, affirme Reid. Il y a certains endroits où les rénovations des années 1950 vont rester, donc nous faisons correspondre l’ancien et le nouveau, et nous essayons de faire en sorte que tout soit homogène. »

Reid indique que les membres de l’équipe fabriquent les moulures hors site plutôt que sur place, ce qui leur permet de les alléger. Des moulures plus légères risquent moins de se fissurer au fil du temps. 

La réalisation d’une corniche consiste à créer un profil qui correspond à la corniche d’origine. Il y a environ dix profils de corniche différents dans le bâtiment. Les plâtriers appliquent un enduit de plâtre à l’aide de truelles sur un banc, puis utilisent un gabarit (un modèle découpé en bois et en zinc qui correspond au profil) et le traînent le long du banc en le poussant manuellement d’un bout à l’autre. Ce processus est effectué environ de 40 à 50 fois et est de plus en plus difficile à chaque passage. L’enduit de plâtre dégage beaucoup de chaleur en se dilatant et en séchant. Le gabarit reste coincé si le plâtrier ne le traîne pas assez vite le long du banc. 

« L’enduit se fixe très rapidement, et il faut donc le faire en l’espace de 20 à 25 minutes, indique Reid. Il s’agit d’un travail à haute pression et très intense. »

Les médaillons sont fabriqués à l’aide de moules en silicone, car les sillons et les détails profonds ne peuvent pas être réalisés de la même façon sur un banc.

Selon Reid, les éléments les plus décoratifs sont les médaillons situés dans la salle de la Confédération et la salle de l’Assemblée législative. 

« Les médaillons sont très détaillés. Ils sont ornés et contiennent de nombreux éléments différents qui racontent une histoire. »
Selon Reid, dans un bâtiment historique comme Province House, aucun des murs n’est au niveau, d’aplomb et d’équerre. Par conséquent, il y a beaucoup de mesures à prendre, de coupes et de fabrication sur place pour s’assurer que chaque pièce s’intègre dans l’aménagement naturel du bâtiment. 
« Il s’agit d’un bâtiment assez ancien, indique Reid. Il faut beaucoup plus de temps et d’efforts pour donner l’impression que les éléments ont toujours été là. » 

L’équipe travaillera également sur place pour réaliser les murs. Les murs sont composés de trois couches : la première couche est faite de chaux, de sable et de poils; la deuxième couche est faite de chaux et de sable; et la troisième couche est faite d’un enduit à la chaux. Les structures de ce type sont durables et résistantes au feu. Elles permettent aux murs de respirer et préviennent l’accumulation d’humidité provenant des murs extérieurs en pierre. 

Reid dit aimer les défis posés par les travaux de plâtrage dans les bâtiments patrimoniaux.

« J’aime ce travail parce que chaque jour est différent. Chaque jour est un nouveau défi. »


Restauration du toit de Province House

Une image prise par un drone des travaux de toiture terminés. Une image prise par un drone des travaux de toiture terminés.

Le nouveau toit en ardoise du lieu historique national Province House combine des matériaux traditionnels et des éléments modernes qui permettront de réduire la fréquence des travaux d’entretien et de réparation.

Le toit a été une source de problèmes chroniques pour ce bâtiment historique. Au fil des ans, l’infiltration d’eau par le toit près des avant-toits et le cycle annuel de gel/dégel ont été les plus grands ennemis des murs intérieurs et extérieurs en pierre du bâtiment.

Le dernier remplacement de la toiture remonte aux années 1980, et l’ardoise avait été obtenue d’une carrière du Vermont. Comme la carrière était incapable de fournir les matériaux de remplacement, l’équipe du projet de restauration du lieu historique national Province House a dû s’approvisionner en ardoise ailleurs. Après avoir mené de nombreuses recherches, elle a trouvé dans le nord du pays de Galles le même type d’ardoise utilisée pour construire le toit original entre 1843 et 1847.

Restauration du toit de Province House.Une image prise par un drone des travaux de toiture terminés.

« Une grande partie du projet de rénovation concerne le toit », explique Mick Davies, expert-conseil en chantiers chez DFS inc. affecté au lieu historique national Province House. « Les travaux que nous avons effectués sur le toit protégeront le bâtiment pendant de nombreuses années. »

L’entreprise Robertson Restoration se spécialise dans la restauration historique et a effectué les travaux de toiture du lieu. Le personnel a retiré tous les vieux revêtements d’ardoise et de toit jusqu’aux chevrons, et il a remplacé les chevrons pourris et ramené la ligne de toit au bord de la maçonnerie. La nouvelle conception inclut l’utilisation d’un revêtement en cuivre autour des gouttières et des solins afin de créer un joint d’étanchéité. Sous l’ardoise, il y a deux couches de contreplaqué avec isolant thermique de deux pouces d’épaisseur, des pare-vapeur et une membrane d’étanchéité.

Mike Copan, de l’entreprise Robertson Restoration, possède 20 ans d’expérience en restauration historique et a suivi sa formation en Écosse et en Angleterre. Il a travaillé sur divers bâtiments historiques partout au pays.

« Nous essayons de respecter le style de l’époque à laquelle le bâtiment a été construit », indique M. Copan. « Nous utilisons une meilleure sous-couche. À l’époque, ils utilisaient du goudron et du papier goudronné. Grâce à la technologie moderne, la longévité de ces produits est de loin supérieure à ce qu’elle était il y a 100 ans. »

La nouvelle conception et les éléments modernes garantissent que les infiltrations d’eau ne seront plus un problème à l’avenir. Les travaux de toiture ont été achevés en août 2022.

« Nous avons accompli un excellent travail pour sceller le bâtiment », déclare M. Davies. « Je ne pense pas que nous aurons des problèmes avec le toit, comme cela a été le cas dans le passé »

Gros plan sur les nouveaux bardeaux d’ardoise du lieu historique national Province House. Gros plan sur les nouveaux bardeaux d’ardoise du lieu historique national Province House. La nouvelle ardoise provient du même endroit où les matériaux ont été extraits à l’époque de la construction de Province House, entre 1843 et 1847.
Nicolle Gallant, gestionnaire de projet pour le projet de conservation de Province House, est sur place pendant que les travaux de toiture sont en cours. La nouvelle toiture associe des matériaux traditionnels à des éléments modernes, et grâce à cela, les infiltrations d’eau ne seront plus un problème à l’avenir.
Nicolle Gallant, gestionnaire de projet pour le projet de conservation de Province House, est sur place pendant que les travaux de toiture sont en cours. La nouvelle toiture associe des matériaux traditionnels à des éléments modernes, et grâce à cela, les infiltrations d’eau ne seront plus un problème à l’avenir.

 

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Les étudiants du Collège Holland restaurent et réinstallent les fenêtres patrimoniales au lieu historique national Province House.

Les étudiants du Collège Holland restaurent et réinstallent les fenêtres patrimoniales au lieu historique national Province House.

Des étudiants réalisent le processus complexe de réinstallation de ces fenêtres centenaires au lieu historique national Province House. 

Dans le cadre d’un partenariat avec Parcs Canada, les étudiants du programme de menuiserie patrimoniale du Collège Holland ont restauré et réinstallé avec beaucoup de soin deux des fenêtres originales du lieu historique national Province House. 

Les étudiants ont amorcé ces travaux de conservation unique en leur genre en 2019. Le processus consistait à désassembler les fenêtres, y compris les carreaux en verre, le mastic et la peinture pour examiner l’état des cadres de bois dénudés. Ils ont déterminé ce qu’il fallait remplacer, ils ont dû fabriquer le nécessaire et procéder à l’installation. Ils ont dû également reconstruire les cadres des fenêtres en installant le verre et le mastic avant de les repeindre avec de l’huile de lin. L’étape finale, soit la réinstallation des fenêtres, a eu lieu du 2 au 6 mai.

Les fenêtres conservées par les étudiants sont les originales du bâtiment, construit de 1843 à 1847. En tout, il y a 101 fenêtres à restaurer. De ce nombre, 99 fenêtres ont été envoyées à une installation spécialisée en Ontario. Les deux autres fenêtres ont été restaurées par les étudiants du programme.

Situées à la gauche de l’entrée principale du bâtiment, les fenêtres se trouvent parmi les premiers éléments que les visiteurs pourront apercevoir une fois que le bâtiment sera à nouveau accessible au public.

 

Nicolle Gallant, gestionnaire de projet au sein de l’Unité de gestion de l’Î.-P.-É. à Parcs Canada (à droite), et Heather Harris, étudiante du programme de menuiserie patrimoniale du Collège Holland, au lieu historique national Province House, où les étudiants ont procédé à la réinstallation complexe de ces fenêtres centenaires en mai 2022. Mme Harris est l’une des quatre étudiants diplômés du programme de menuiserie patrimoniale qui ont été embauchés pour aider à réinstaller les autres fenêtres du lieu. 


Cette rare expérience de formation pratique en milieu de travail est devenue une occasion d’apprentissage incroyable pour les étudiants du programme de menuiserie patrimoniale, comme Heather Harris.

Originaire de Kensington, en Île-du-Prince-Édouard, Mme Harris était l’une des 16 étudiants qui ont participé cette année à la reconstruction et à la peinture des cadres de fenêtres. Elle a également participé au processus compliqué de la réinstallation sur place. 

« Je devais contribuer à un chapitre de l’histoire, a dit Mme Harris. Jamais, je n’aurais imaginé faire partie d’un tel projet. Je pense que c’est vraiment spécial que le Collège Holland ait collaboré avec Parcs Canada sur ce projet. »

Mais, ce projet n’a pas été de tout repos. Par exemple, l’ajout des coupe-froid aux fenêtres a représenté un défi. Ce procédé a été introduit en 1880, peu de temps après la construction du lieu historique national Province House. Les coupe-froid améliorent l’efficacité énergétique en réduisant les fuites d’air et en empêchant l’humidité extérieure de pénétrer dans les fenêtres. 

Selon Mme Harris, le coupe-froid a ajouté environ un huitième de pouce de chaque côté des fenêtres et, par conséquent, celles-ci ne rentraient pas tout à fait dans le cadre. 

« Nous avons dû faire de petits ajustements ici et là pour faire rentrer les fenêtres, ce qui a demandé un peu de travail », a-t-elle expliqué. 

Josh Silver, gestionnaire de l’apprentissage pour le programme de menuiserie patrimoniale, a expliqué que le plan original était de conserver et de réinstaller les fenêtres avec une cohorte d’étudiants, mais en raison de la pandémie de COVID-19, environ 45 étudiants seulement ont eu la chance d’être inclus dans le projet.   

« À titre d’enseignant, je n’aurais pas pu demander mieux, a mentionné M. Silver. C’est un projet qui se trouvera sur le curriculum vitae de nos diplômés pour le restant de leur vie. »

Des étudiants du programme de menuiserie patrimoniale du Collège Holland examinent l’état des cadres de bois dénudés. Les travaux de conservation des fenêtres ont commencé en 2019, sous la direction de Josh Silver, responsable de l’apprentissage pour le programme de menuiserie patrimoniale. Au printemps, des étudiants ont réinstallé les fenêtres au lieu historique national Province House.

Grâce à ce partenariat inestimable, Mme Harris est l’une des quatre étudiants diplômés du programme de menuiserie patrimoniale qui ont été embauchés par Heritage Grade (le sous-traitant responsable de la restauration et de la réinstallation des fenêtres) pour aider à réinstaller les fenêtres restantes du lieu historique national Province House. 

« Parcs Canada est exceptionnellement fier de cette collaboration, qui permet de susciter un sentiment d’appartenance et de fierté chez les étudiants qui ont contribué à la conservation de ces fenêtres d’une valeur culturelle et architecturale incommensurable », a déclaré Karen Jans, directrice de l’Unité de gestion de l’Î.-P.-É. 

Parcs Canada et le Collège Holland examinent actuellement comment les étudiants du programme de menuiserie patrimoniale pourraient participer à la troisième phase du projet de conservation. 

« Mes étudiants et moi avons eu une merveilleuse expérience, a ajouté M. Silver. Ils ont ouvert les portes et déroulé le tapis rouge. L’apprentissage et l’éducation que mes étudiants ont reçus au fil des ans sont sans égal. »

L’amour du métier : Robert Morrison est un expert dans son domaine. Il compte 41 années d’expérience dans le secteur de la maçonnerie en pierres.

L’amour du métier : Robert Morrison est un expert dans son domaine. Il compte 41 années d’expérience dans le secteur de la maçonnerie en pierres.

Robert Morrison aime relever les défis lorsqu’il s’agit de pratiquer l’un des plus vieux métiers du monde.

Morrison, originaire de Bristol, en Angleterre, possède 41 ans d'expérience comme maçon en pierres. Il a travaillé sur divers bâtiments historiques au Canada et au Royaume-Uni. 

Deux cent cinquante heures plus tard, Morrison a achevé l’une des œuvres les plus difficiles sur le plan technique de toute sa carrière – le chapiteau ionique pour le projet de conservation du lieu historique national Province House. 

« Ce fut un travail particulièrement complexe », dit Morrison. « Un tel ouvrage, ça n'arrive qu’une fois dans une vie. »

En plus d’être maçon en pierres, Morrison est aussi dessinateur agréé en conception assistée par ordinateur. Il agit également comme directeur de production pour RJW Stonemasons, l’entrepreneur qui réalise les travaux de maçonnerie pour le projet de conservation du lieu historique national Province House.

Les travaux de maçonnerie ont débuté à l’automne 2018 et se poursuivent. Environ 2 500 réparations de la pierre sont effectuées au moyen des mêmes outils que ceux utilisés lors de la construction de l’édifice Province House entre 1843 et 1847 : un marteau et un ciseau. 

On procède également au remplacement de 1 300 pierres extérieures. Morrison a aidé à dessiner, à couper et à façonner la pierre de Wallace, en Nouvelle-Écosse, qui est utilisée pour les murs extérieurs de l’édifice. 

Selon Morrison, ce qui a rendu la sculpture du chapiteau ionique si difficile est la taille même de la pierre et le fait que cette œuvre s’est avérée unique en son genre parmi toutes les recherches faites par le maçon. 

Un chapiteau ionique est la partie supérieure d’une colonne sur une façade (la structure aux allures de porche aux entrées des bâtiments symétriques de conception classique). L’édifice du lieu historique national Province House compte huit chapiteaux ioniques. Si ces derniers semblent être de style classique, les volutes (l’ornement aux allures de banderole sur le chapiteau ionique) ont une taille et une proportion considérablement différentes de celles utilisées dans les méthodes traditionnelles.

Par conséquent, Morrison a dû trouver manuellement le centre de chaque courbe qui forme des spirales dans les volutes, créer son propre gabarit, puis mesurer avec précision chaque section et la sculpter à la main. 

Il n’y a aucune marge d’erreur dans ce travail délicat.

Morrison explique : « Il faut avoir les idées claires et penser trois ou quatre coups d’avance pour éviter de couper quelque chose dont on pourrait avoir besoin plus tard. »

Robert Morrison sculpte les volutes (ornement aux allures de banderole sur la pierre du chapiteau ionique) au lieu historique national Province House.

Morrison a amorcé sa carrière de maçon en pierres en 1980. Il a tout de suite été fasciné par ce métier. Il a travaillé au palais de Westminster (construit en 1016), au palais de Buckingham, au Balliol College à Oxford et à plusieurs cathédrales importantes en Angleterre. 

Morrison et une équipe de maçons en pierres sont déménagés au Canada en 1986, dans le cadre d’un contrat de 22 mois, pour aider à redynamiser le secteur de la maçonnerie en pierres. À ce moment, de nombreux bâtiments historiques au pays avaient grandement besoin d’être restaurés.

Pour leur premier projet, ils ont travaillé à l’édifice de l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse (que l’on appelle également Province House). L’équipe a pris sous son aile 12 employés locaux pour leur apprendre les techniques traditionnelles de la maçonnerie en pierres.

Morrison a par la suite fait du Canada son pays de résidence et a travaillé sur divers bâtiments historiques. Parmi ses projets récents, mentionnons le lieu historique national Province House et la cité parlementaire. 

Morrison dit que le chapiteau ionique au lieu historique national Province House est une véritable œuvre de portfolio.

À propos de l’achèvement du chapiteau ionique, Morrison déclare : « J’éprouve une grande fierté. L’occasion d’avoir pu travailler sur cette œuvre est tout à fait unique. »

Lorsque Morrison réfléchit à sa carrière de maçon en pierres, il n’a aucun regret.

« J’ai apprécié chaque minute de ma carrière, dit-il. Si vous aimez ce que vous faites, vous n’aurez jamais l’impression de travailler. »

Qu’est-ce qu’un chapiteau ionique?

Un chapiteau ionique est la partie magnifiquement ornée qui coiffe une colonne. Au lieu historique national Province House, le bâtiment compte huit colonnes situées sur les façades nord et sud. Le chapiteau ionique au coin sud-ouest de la façade sud devait être remplacé dans le cadre du projet de conservation du lieu historique national Province House.


Les mystères du lieu historique national Province House

La signature d’Isaac Smith
La signature d’Isaac Smith, l’architecte qui a conçu Province House, à Charlottetown, et supervisé la construction du bâtiment entre 1843 et 1847, a été découverte sous le balcon sud-ouest de la Salle de la Confédération au printemps 2023.

Le 14 avril 2023, Heather Harris travaillait sur les solives de plancher se trouvant sous le balcon sud-ouest de la Salle de la Confédération lorsqu’elle a remarqué une écriture.

Mme Harris, une diplômée du programme de menuiserie patrimoniale du Collège Holland, avait découvert plusieurs signatures depuis le début de sa participation au projet et était excitée d’en trouver une autre. Comme elle n’arrivait pas à comprendre ce qui était écrit, elle a fait venir un de ses collègues, Evan Karl, pour l’aider à déchiffrer l’écriture cursive. 

Il y a eu un moment de silence. « Est-il vraiment écrit Smith? », a demandé Karl.

Mme Harris n’a d’abord pas cru qu’il était possible qu’elle ait trouvé la signature d’Issac Smith, l’architecte qui a conçu Province House et supervisé la construction du bâtiment entre 1843 et 1847. 

« Aucune chance. Ça ne peut pas être… n’est-ce pas? », a répondu Mme Harris. 

C’est alors que Brian Willis, gestionnaire de projet sur place, est entré dans la salle. Les deux collègues lui ont demandé de s’approcher pour qu’il examine la signature. 

« Nous avons examiné l’écriture, et la façon dont les lettres cursives étaient écrites nous donnait vraiment l’impression qu’il y avait deux mots », a indiqué M. Willis. « On aurait dit qu’il était écrit Mme Smith ou M. I. Smith. Pendant un moment, nous avons aussi pensé qu’il s’agissait peut-être de la signature de Mme Smith. »

Il est courant qu’un constructeur laisse sa signature dans un endroit dissimulé. Jusqu’alors, aucune signature de M. Smith n’avait été trouvée. 

« Ils mettent leurs signatures à des endroits qui ne sont pas évidents », a mentionné M. Willis. « C’est vraiment ce qu’il a fait dans ce cas-ci. Personne n’aurait pu trouver cette signature à moins de faire des travaux de restauration dans le bâtiment. »

Le 15 novembre 2023, un moment très spécial et mémorable s’est déroulé au cours d’une visite à l’intention des intervenants de Province House. 

Kathy Large est l’arrière-arrière-arrière-petite-fille d’Isaac Smith et elle était sur place en compagnie de son beau-frère Ian Scott. Ce jour-là, ils avaient emporté avec eux quelques artefacts, notamment une bible familiale portant la signature de M. Smith.

On a rapidement montré à Mme Large et à M. Scott la signature sous le balcon sud-ouest. L’excitation des personnes dans la salle était palpable. 

« Après avoir vu la signature d’Isaac Smith dans la bible, nous savions qu’il s’agissait de la signature de l’architecte sur un morceau de bois rugueux plutôt que sur un morceau de papier bien lisse », a indiqué M. Willis. « L’écart très important entre le M. I. et le Smith me laisse croire qu’il a signé à l’envers. »

Mme Harris a eu l’occasion de rencontrer Mme Large et M. Scott et de leur parler de la façon dont elle a découvert la signature. 

« J’étais au bon endroit au bon moment. Si j’avais été seule, j’aurais facilement pu voir l’écriture, puis passer à autre chose parce que je n’arrivais pas à la déchiffrer », a mentionné Mme Harris. « J’ai été ravie de pouvoir discuter avec sa descendante et d’établir ce lien. »

 

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À chacun sa marque

À chacun sa marque

En juillet 2020, lorsqu’un maçon retirait une petite pierre du jambage de porte à l’entrée sud est, il a trouvé quelque chose d’inhabituel : une feuille de polyéthylène qui se trouvait entre le jambage de porte et la pierre située tout juste derrière.

La sculpture donne l’impression d’être un moule en trois dimensions.

Après avoir enlevé la feuille de polyéthylène, le maçon a découvert, à sa grande surprise, une sculpture représentant un visage humain. La pierre était censée être remplacée; c’est pourquoi on peut voir des marques de perçage autour du visage, mais, heureusement, ces marques n’ont pas endommagé l’œuvre tout à fait particulière.

La sculpture donne l’impression d’être un moule en trois dimensions. Les yeux du visage souriant sont tournés vers le côté, son nez et ses joues ressortent légèrement, et des mèches de cheveux encadrent le visage. Une des joues a un pigment rocheux original, lui donnant un teint rosé.

En raison de la feuille de polyéthylène et de l’utilisation plus récente de mortier, on se demande si le visage a été sculpté par un des maçons en pierres de la construction (James Watts, William Bain ou Francis McDuff), puis enlevé et réinstallé au cours de rénovations ultérieures, ou s’il a plutôt été taillé par un autre maçon plus tard dans l’histoire du bâtiment.

Il est fort probable que nous ne saurons jamais vraiment qui l’a sculpté, mais nous pouvons supposer que quelqu’un a voulu laisser sa marque en créant un moule de son propre visage dans la pierre. Tout ce qu’on peut dire, c’est que la personne qui l’a fait avait un bon sens de l’humour et ne pensait pas qu’on découvrirait son œuvre.


La série Profils

Brian Willis s'appuie sur un poteau à Province House Brian Willis

Brian Willis

Brian Willis est une figure bien connue au lieu historique national Province House.

M. Willis, qui a grandi sur Kingston Road dans l’Île-du-Prince-Édouard, a occupé diverses fonctions tout au long de sa participation au projet de conservation de Province House : chef de chantier de construction, spécialiste de la conservation du patrimoine et, plus récemment, gestionnaire de projet sur le chantier.

« J’ai passé énormément de temps dans ce bâtiment. Je me suis rarement absenté et j’ai vu et rencontré à peu près tout le monde qui est passé par ici. »

Il a commencé à travailler sur le chantier en avril 2017 et a collaboré étroitement avec Services publics et Approvisionnement Canada ainsi qu’avec Parcs Canada. Il sert d’intermédiaire pour tous les acteurs, en particulier pour les experts-conseils, les inspecteurs, les sous-traitants, les fournisseurs et les clients. Il est au courant de tout ce qui se passe sur place et s’assure du respect des protocoles et des spécifications. 

« Je fais mon possible pour que tout le monde travaille dans le même sens, a déclaré M. Willis. Par exemple, si les architectes précisent une chose, mais que les fournisseurs ont une autre idée en tête, il faut le signaler. Il faut savoir ce qui se prépare, connaître les besoins et ensuite gérer tous les facteurs de base comme la météo, la circulation, les défilés, les jours fériés et la disponibilité de la main-d’œuvre. »

Il ajoute que l’un des aspects les plus importants de son travail est de veiller au respect du code de sécurité sur le chantier et de s’assurer que des plans d’urgence sont en place avec l’entrepreneur général du projet. 

« Vous êtes essentiellement responsable, au propre et au figuré, de la santé et de la sécurité de toutes les personnes qui se trouvent sur le chantier. Si un problème survient, c’est à vous que l’on s’adresse. »

Ce qu’il préfère dans son travail, ce sont les liens qu’il a tissés avec les autres et les visites guidées du bâtiment qu’il propose aux membres de l’équipe qui s’y rendent pour la première fois. Il pense qu’entre 500 et 600 personnes ont participé au projet de conservation du lieu historique. 

« Ils n’oublieront certainement pas cette étape dans leur carrière, c’est un moment fort, a signalé M. Willis. Je considère que le travail que nous faisons dans le domaine du patrimoine représente le summum de ce qui est envisageable pour un bâtiment dans l’Île-du-Prince-Édouard. »

Il lui arrive de se demander comment la construction de ce bâtiment grandiose aurait bien pu se dérouler au cœur de Charlottetown, entre 1843 et 1847. L’architecte Isaac Smith et son équipe ont dû tout faire manuellement, depuis le creusement du sol et le transport des pierres extérieures à partir d’un bateau au port.

M. Willis suppose également que le chantier aurait été moins bruyant. Les seuls bruits auraient été les conversations et les outils taillant la pierre et le bois.  

« Je trouve incroyables les efforts qu’Isaac Smith a dû déployer pour construire ce bâtiment, a affirmé M. Willis. La tâche a dû être ardue, c’est le moindre qu’on puisse dire. »

M. Willis a précisé que si la construction n’a jamais été parfaite, c’est en raison des limites liées aux matériaux et aux technologies disponibles à l’époque. 

« En tant que bâtisseur, Isaac Smith s’est fié à son bon sens. C’était un homme intelligent qui a fait un travail remarquable avec les moyens à sa disposition, a déclaré M. Willis. Aujourd’hui, tout a changé. On peut faire mieux, plus facilement. À mon avis, si M. Smith était encore vivant, il éviterait de commettre les mêmes erreurs. »

M. Willis estime qu’il ne sera probablement pas nécessaire de procéder à des travaux de conservation de cette ampleur pour les 180 à 200 prochaines années.

« Nous avons pris les mesures qui s’imposent. Le travail que nous avons accompli pour améliorer l’état du bâtiment est exceptionnel. Il est maintenant en meilleur état qu’il ne l’était à l’origine, a déclaré M. Willis. Isaac Smith aurait été fier. »

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Malve Petersmann
 

Malve Petersmann

Malve Petersmann est gestionnaire de projet de l’Expérience du visiteur au sein de l’équipe du Service national de réalisation de projets à Parcs Canada.

Mme Petersmann, qui vit à Kjipuktuk, Miꞌkmaꞌki, aussi connu sous le nom de Halifax, en Nouvelle-Écosse, travaille depuis plus de 17 ans à Parcs Canada, où elle a occupé différents postes liés à l’Expérience du visiteur.

Elle s’est jointe à l’équipe responsable du projet d’exposition de Province House à l’été 2019 pour participer à la quatrième et dernière partie du projet : la conception, l’élaboration et l’installation de la nouvelle expérience du visiteur offerte au lieu historique national Province House. 

Son travail consiste à s’assurer que les bonnes personnes sont assises autour de la table du projet au bon moment, notamment les experts en la matière, les historiens et les conservateurs, les rédacteurs et les traducteurs, les concepteurs, les fabricants et les intervenants.

« Quand on organise une exposition, il y a une suite d’étapes à traverser pour accomplir le travail, et je suis responsable de voir au respect de cette séquence des travaux », explique Malve Petersmann. « Je fais en sorte que les discussions entre les principaux membres de l’équipe responsable du projet d’exposition de Province House aient lieu pour que la prise de décisions soit efficace et que le projet avance bien ».

Elle est également responsable de la livraison des expositions dans le respect du budget et des délais, mais elle constate que cette responsabilité prend une tout autre ampleur lorsqu’il s’agit d’un projet d’interprétation.

« Vous devez vous assurer que les histoires à transmettre le sont d’une manière inclusive, respectueuse et précise, et que les méthodes que vous utilisez correspondent aux besoins et aux préférences de vos publics cibles afin que les visiteurs s’investissent facilement dans l’expérience, qu’ils soient touchés et inspirés en visitant l’exposition ».

Le projet d’exposition de Province House est l’un des plus grands projets auxquels elle a été affectée au cours de sa carrière à Parcs Canada, non seulement par sa portée, mais aussi par l’importance du sujet.

« Je pense que pendant le déroulement du projet, l’équipe responsable du projet d’exposition de Province House est devenue de plus en plus consciente que beaucoup de perspectives, d’opinions et d’expériences ont traditionnellement été exclues de la façon dont Parcs Canada a représenté certaines histoires », a déclaré Mme Petersmann. « Nous avons utilisé le Cadre pour l’histoire et la commémoration de Parcs Canada comme guide pour modifier la façon dont nous représentons les histoires racontées à Province House ».

Le Cadre pour l’histoire et la commémoration est un document qui a été publié en 2019 pour présenter des principes directeurs et des pratiques guidant la façon dont Parcs Canada communique l’histoire du Canada (https://www.pc.gc.ca/fr/lhn-nhs/plan/cadre-framework). Ce guide a été élaboré à la suite du rapport de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada. Il comprend des appels à l’action visant à orienter la façon dont le gouvernement canadien compose avec les répercussions encore bien présentes des pensionnats sur les survivants et leurs familles.

L’une des principales approches utilisées par l’équipe du projet d’exposition de Province House dans l’élaboration des expositions repose sur la création de plusieurs comités consultatifs et sur un dialogue avec les communautés autochtones locales et nationales ainsi que d’autres communautés d’intérêts, qui ont généralement été sous-représentées et exclues des histoires racontées au lieu historique national Province House.

« Nous avons eu de nombreuses conversations très profondes, honnêtes et fructueuses avec des experts du patrimoine culturel autochtone d’un bout à l’autre du pays, et nous avons collectivement tiré des leçons de plusieurs de ces rencontres qui se sont avérées être de grandes épiphanies, des prises de conscience sur l’histoire que nous représentons sur ce site ».

Selon Mme Petersmann, ce projet est une excellente occasion pour Parcs Canada de montrer sa volonté de prendre des mesures en faveur de la réconciliation, non seulement avec les communautés autochtones, mais aussi avec d’autres communautés marginalisées.

Elle décrit sa participation à ce projet comme une expérience d’apprentissage incroyable, totalement gratifiante et enrichissante.

« Je me sens privilégiée de travailler avec l’équipe du projet d’exposition de Province House que nous avons constituée, et je me sens très soutenue dans le travail que nous accomplissons », a-t-elle exprimé. « J’ai été très touchée par l’envergure du soutien que nous avons reçu de la part des différents ministères et de la haute direction de Parcs Canada ».

Mme Petersmann espère que le nouvel espace d’exposition sera accueillant pour chacun et que tous les visiteurs repartiront inspirés.

« Notre espoir est que les visiteurs quittent l’expérience en ayant vraiment le sentiment d’avoir appris quelque chose qu’ils ne savaient pas, qu’ils ont eu une grande prise de conscience ou une expérience transformatrice, et qu’ils repartent avec un sentiment d’avoir joué un rôle, remplis d’espoir pour la suite des choses au Canada. »

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