L'histoire des silos à grains et des minoteries au canal

Lieu historique national du Canal-de-Lachine

Le blé et la farine

Déversoir no2 et la Ogilvie Four Mills Co. Ltd en 1916. BAC PA 202357 / Collection A. Merrilees
Transbordement de blé, 1916. BAC PA 202357 / Collection A. Merrilees

L’un des buts des promoteurs du projet du canal de Lachine consistait à transporter à Montréal les matières premières provenant de l’Ontario afin de les réexpédier vers les marchés extérieurs. Le blé et la farine représentent, avec le bois (et à compter de 1850, le charbon), les principaux produits qui transitent par le canal de Lachine. Ces trois catégories de marchandises représentent en moyenne 60 % de toutes celles qui circulent sur cette voie navigable.

Si certaines années, comme entre 1845-1848, le blé et la farine représentent plus de 75 % des cargaisons acheminées à Montréal depuis les Grands Lacs, en règle générale, ce chiffre s’établit plutôt autour de 25 %.

Jusqu’en 1860, l’Ontario expédie davantage de farine que de grain; la situation change toutefois et, dès lors, le blé devient la principale denrée livrée à Montréal via les canaux du Saint-Laurent. C’est aussi à cette époque qu’apparaissent les premiers entrepôts à grain dans le paysage portuaire du canal de Lachine. 

L’avènement des minoteries

Écluse de Saint-Gabriel, montrant le bateau à vapeur Laurencia de Montréal, un remorqueur et une barge dans l'écluse - vue vers l'est, 1910. BAC PA 202569 / Andrew Merrilees collection
Au nord des écluses Saint-Gabriel, la Glenora Mills, 1910. BAC PA 202569 / Andrew Merrilees collection

En 1848, Ira Gould fit construire la première minoterie montréalaise. La City Flour Mills s’installa au sud du bief 2, près de l’actuelle rue Mill. Les minoteries, permettant une production massive de farine, viennent faire concurrence aux moulins à farine déjà établis.

En 1852, Alexander Ogilvie et John Watson s’associent avec leur beau-frère, James Goudie et Alexander Walker, le fils d’Ogilvie. Ensemble, ils construisent la minoterie Glenora Mills au nord des écluses Saint-Gabriel, sur le site de l’actuelle de pointe archéologique des Seigneurs. Cette alliance fut la genèse d’un empire familial sans pareil! 

Contexte favorable et marché concurrentiel

Regal Flour  - St. Lawrence Flour Mills Co. Limited. Devant on aperçoit le pont traversant l'île no 5 en amont des écluses de Saint-Gabriel. Vue vers l'ouest, côté nord du canal de Lachine.
St. Lawrence Flour Mills, 1920 © BAC PA 109984

Dans les années 1900, le boom céréalier bat son plein dans l’Ouest canadien, pendant qu’une série de mauvaises récoltes affecte les États-Unis. En conséquence, les exportations canadiennes de blé et de farine explosent. Montréal, principal port céréalier du pays, ne compte alors qu’un grand minotier, Ogilvie, mais dans une perspective aussi favorable, les Montréalais voient naitre deux nouvelles minoteries : la Dominion Flour Mills (1912-14, à Saint-Henri, et la St. Lawrence Flour Mills (1911), connue aujourd’hui sous le nom de Robin Hood Multifoods encore présente aujourd’hui et située en bordure du canal. En tout, ce sont cinq minoteries qui seront en fonction près des écluses Saint-Gabriel.

Dans ces nouvelles minoteries, on lave, on moud et on réduit le blé en poudre, on le blute ensuite puis on ensache la farine grâce à des innovations techniques. En 1925, la Lake Woods Milling Compagny met la main sur les Dominion Mills. Grâce à la renommée de leur marque maison, ces trois minoteries du canal feront face à la bourrasque économique des années 1930 sans défaillir.

Rivalité commerciale oblige, Ogilvie lance un livre de recettes mettant sa farine en vedette en 1908. Pour faire contrepoids, la Lake of the Woods Milling Compagny fera la même chose dans les années suivantes pour la farine Five Roses. Five Roses passera aux mains d’Ogilvie en 1954. 

Le succès de l’empire Ogilvie

Ogilvie Flour Mills, Montréal, QC, aquarelle, copie réalisée en 1924
Ogilvie Flour Mills, aquarelle, 1924. VIEW-21094 Musée McCord Stewart

En 1801, John Watson débarque à Montréal avec comme seuls bagages deux meules en pierre, sans penser une seconde que son arrivée constituerait l’acte de naissance d’un empire familial minotier sans égal en Amérique du Nord.

L’entreprise familiale s’avère un succès et les ainés laissent place à la nouvelle génération en 1855; leur frère William Watson les rejoint en 1860 au sein de l’A.W. Ogilvie and Co.

Jouant de leurs relations d’affaires avec le Canadien Pacifique, les Ogilvie monopolisent en 1883 l’entreposage et l’acheminement du blé de l’Ontario et de l’Ouest vers les Grands Lacs. Durant cette même décennie, l’entreprise achète les sociétés Royal et City, toutes deux situées sur les berges du canal, et devient actionnaire de la Montreal Transportation.

Même si l’avenir de l’entreprise se trouve désormais dans l’Ouest, les minoteries montréalaises demeurent toujours les vaisseaux amiraux d’Ogilvie. Incorporée en 1902, l’Ogilvie Flour Mills Company devient la plus importante minoterie de l’Empire britannique.


Ce texte est tiré de l'œuvre Le canal de Lachine du tumulte des flots à l'essor industriel et urbain, 1860-1950 par Yvon Desloges et Alain Gelly, publié par Les éditions du Septentrion, 2002. Pages 94, 136 et 137.


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