Histoire

Lieu historique national du Fort-Battleford

Établi en 1876, le fort Battleford est au centre de certains des événements les plus importants de l’histoire de l’Ouest du Canada après l’arrivée des Européens. La Police à cheval du Nord-Ouest (PCNO) joue de nombreux rôles au fort Battleford, et la ville de Battleford est la première capitale des Territoires du Nord-Ouest. La PCNO est composée d’agents de police, ainsi que de traducteurs, d’administrateurs et d’escortes, en particulier pendant les négociations du Traité no 6. La PCNO du fort Battleford joue également un rôle actif dans les conflits de 1885.

La région de Battleford est habitée depuis la fin de la dernière période glaciaire. Les artéfacts de ses premiers peuples datent de plus de 11 000 ans. Selon les sites archéologiques et les histoires tirées de la tradition orale des Premières Nations, le secteur de Battleford est ensuite habité de façon continue par les descendants de ces premiers habitants. Le Canada crée les Territoires du Nord-Ouest après avoir acheté un territoire autochtone non cédé (terres) auprès de la Compagnie de la Baie d’Hudson sans permettre aux peuples autochtones de prendre part aux discussions au sujet de cette transaction.

Négociations du Traité no 6

Même si le fort Battleford ne participe pas directement aux négociations du Traité no 6, un grand nombre des peuples autochtones avec qui il interagit sont grandement touchés par ce traité.

Au milieu des années 1870, le Canada accède à la demande des Cris, des Nakodas et des Saulteaux, qui veulent un traité. En 1875, le Canada envoie des arpenteurs et des travailleurs du télégraphe sur le territoire des Cris et des Saulteaux. Des dirigeants autochtones locaux, qui font face à des maladies et à la disparition des bisons, s’inquiètent pour la survie de leurs communautés. Le chef cri Sweetgrass et trois autres chefs demandaient déjà un traité au Canada en 1871. Cependant, il faut attendre 1875 pour que le Canada décide de négocier (et il faut attendre encore jusqu’en 1876 pour que commencent les négociations). L’année même où il est négocié, le Traité est signé par les peuples autochtones à Fort Pitt, à Fort Carlton et à Duck Lake.

Le Traité no 6 est unique puisque les chefs obtiennent par sa signature une boîte à médicaments sur toutes les réserves, de l’aide agricole et la promesse du Canada de prêter secours aux peuples autochtones dans le cas où surviendraient la maladie ou la famine. Alexander Morris, négociateur canadien principal, fait l’objet de critiques sévères de la part de ses supérieurs à Ottawa pour avoir inclus ces conditions dans le Traité.

Peu après la signature du Traité, le Parlement adopte la Loi sur les Indiens de 1876, une tentative d’assimilation des peuples autochtones dans l’ensemble du pays. Plus tard, en réaction à la Résistance du Nord-Ouest de 1885, on confine les peuples autochtones dans des réserves d’où ils ne peuvent sortir sans un laissez-passer signé par un agent des Indiens. Même si les Premières Nations n’ont pas rejoint les rangs de Louis Riel, sir John A. Macdonald les juge déloyaux et les prive de nourriture et d’autres éléments promis aux termes du Traité no 6. La famine, plutôt que la persuasion, a poussé des Premières Nations qui s’y opposaient vivement à signer le Traité, comme Lucky Man et Little Pine en 1879, et finalement Big Bear, en 1882.

Le Traité no 6 est encore en vigueur aujourd’hui et touche environ 313 400 kilomètres carrés, un territoire qui est encore le milieu de vie des Dénés Chipewyan, des Cris des Bois, des Cris des Plaines, des Nakodas et des Métis.

La fondation du fort Battleford

Dans l’Ouest du Canada, la fin des années 1800 est marquée par de grands changements. Le mode de vie traditionnel des Premières Nations, reposant sur le bison, est mis à rude épreuve en raison de l’arrivée des Européens, et la menace de la famine plane.

Pendant ce temps, le gouvernement du Canada pense à tort que la région est déserte et souhaite encourager les Européens à s’y installer. Sur la rive sud de la rivière Saskatchewan Nord, Battleford devient officiellement la capitale des Territoires du Nord-Ouest en 1876. La même année, on entreprend la construction du poste de la Police à cheval du Nord-Ouest (PCNO) de la rivière Battle, qui s’appellera ensuite le fort Battleford. La relation entre les peuples autochtones et la PCNO se détériore quand cette dernière devient responsable de faire appliquer la Loi sur les Indiens. Comme l’a dit sir John A. McDonald (1887) : « Le grand but de notre législation a été de mettre fin au système de tribu et d’assimiler la race sauvage, sous tout rapport, aux autres habitants du Canada, et ce, le plus rapidement que le changement peut se faire avec profit ».

La Résistance du Nord-Ouest, de mars à juin 1885

En mars 1885, les Métis forment un gouvernement à Batoche. Le Canada croit qu’il s’agit d’une attaque manifeste à sa souveraineté. La Police à cheval du Nord-Ouest (PCNO) est envoyée dans la région.

Les tentatives de négociation entre les deux parties sont un échec, et s’ensuit ce que nous connaissons aujourd’hui comme la bataille de Duck Lake. Les troupes du Canada sont vaincues et battent en retraite à Fort Carlton avec douze morts et autant de blessés, tandis que les troupes formées par les Métis et les Autochtones comptent six morts et trois blessés.

La victoire des troupes autochtones à Duck Lake en incite certains, mais pas tous, à prendre les armes pour lutter contre les conditions de vie cruelles que le Canada impose aux Autochtones. À l’ouest du fort Battleford, Wandering Spirit (Kah-paypamhchukwao), chef de guerre de la bande de Big Bear (Mistahimaskwa), attaque l’établissement de Frog Lake, car un agent des Indiens local, Thomas Quinn, refuse plusieurs fois de donner de la nourriture à la bande. Quinn est tué ainsi que huit autres résidents de Frog Lake. Même si Big Bear n’a pas approuvé ces meurtres, le gouvernement du Canada juge qu’il en est responsable. Par conséquent, l’effectif du fort Battleford est accru, et passe de douze hommes et seize chevaux en 1876, à 200 hommes et 107 chevaux en 1885. Le fort Battleford abrite alors le plus grand nombre d’agents de la PCNO de l’Ouest.

Pendant la résistance de 1885, le fort Battleford devient le centre des opérations militaires du gouvernement du Canada. Il s’agit de la base des opérations pendant les batailles de la colline Cut Knife, de Fort Pitt, de la butte Frenchman et de Steele Narrows et pendant les recherches pour trouver Big Bear.

Après la bataille de Duck Lake, le chef cri Poundmaker (Pîtokahânapiwiyin) et ses compagnons se rendent à Battleford pour se procurer des biens et des vivres. À leur arrivée, Poundmaker est surpris de constater que la ville est abandonnée, car tous les habitants se sont réfugiés dans le fort, où ils sont restés entassés pendant près d’un mois. Poundmaker et sa bande quittent Battleford après avoir attendu plusieurs jours pour rencontrer un agent des Indiens, en vain, et ils établissent un vaste camp à l’est du ruisseau Cut Knife, qui comprend une hutte de soldats.

Poundmaker est nommé dirigeant politique et porte-parole principal des Premières Nations réunies sur les lieux. Cependant, selon la tradition des Cris des Plaines, quand la hutte des soldats est construite, le chef de paix transfère le pouvoir au chef de guerre, ce qui donne le contrôle du camp à Fine Day (Kamiokisihkwew). Poundmaker souhaite se distancier des Métis et tente de faire des gains pour son peuple en affirmant son allégeance à la reine Victoria. Même en évitant de prendre part au conflit, le camp s’attend à être attaqué par les troupes canadiennes.

Le 2 mai 1885, sous le commandement du lieutenant-colonel William Otter, près de 400 assaillants attaquent le camp : des membres de la PCNO, de l’armée permanente ou de la milice, ainsi que des volontaires, armés de deux canons de sept livres et d’une mitrailleuse Gatling. Otter part à la poursuite de Poundmaker malgré que le général Middleton lui ait ordonné de rester à Battleford.

Le matin du 2 mai, Otter et ses troupes attaquent quelque 1 500 hommes, femmes et enfants autochtones, événement qui porte le nom de bataille de la colline Cut Knife. Les troupes canadiennes doivent traverser à gué le ruisseau Cut Knife puis traverser un marais. Dans l’intervalle, elles sont repérées par des habitants du camp, et l’effet de surprise est alors perdu, ce qui permet aux Cris, aux Nakodas et aux Métis d’organiser leur défense.

Les troupes canadiennes utilisent leurs canons de sept livres au début de la bataille, mais ils se brisent rapidement, ce qui les rend inutiles. Otter et ses hommes se retrouvent incapables d’attaquer, pris entre deux ravins, situés à leur gauche et à leur droite. Leur seule voie de repli consiste à faire demi-tour et à retraverser le marais et le ruisseau. Les Autochtones, pour se défendre, font feu sur les troupes canadiennes et commencent à les encercler et à les contourner lentement. Après six heures de combat, Otter se retire de l’autre côté du ruisseau Cut Knife. Pendant ce temps, Poundmaker arrive à convaincre les autres chefs autochtones de ne pas continuer le combat. La bataille a coûté la vie à huit Canadiens et à cinq Autochtones des Premières Nations.

Les conséquences de la Résistance au fort Battleford

La Résistance de 1885 se termine avec la chute de Batoche, le 12 mai, la capitulation de Louis Riel, le 15 mai, et le dernier conflit armé, la bataille du lac Loon, le 3 juin. Le 26 mai, Poundmaker se rend à la PCNO à fort Battleford, et Big Bear et son fils, Horse Child (Mistatim-awâsis), se rendent à Fort Carlton, le 4 juillet.

Après la fin des hostilités, le gouvernement du Canada veut affirmer son pouvoir sur la région et s’assurer que rien d’autre ne viendra défier son autorité. Louis Riel est accusé de trahison et subit son procès à Regina. Il est jugé coupable et il est pendu le 16 novembre 1885. Pour les Métis, cette exécution représente l’ultime trahison de la part du Canada.

Poundmaker et Big Bear subissent également leur procès à Regina, procès qui reçoivent beaucoup d’attention du public. Ils sont tous les deux reconnus coupables de trahison et condamnés à trois ans d’emprisonnement au pénitencier fédéral de Stony Mountain. Ils sont relâchés avant la fin de leur peine, mais ils succombent à la maladie peu de temps après leur libération.

Au fort Battleford, on fait le procès d’autres prisonniers des Premières Nations, dont celui de Wandering Spirit, le chef de guerre de Big Bear. Six Cris et deux Nakodas sont mis en accusation pour la mort des colons de Frog Lake et de Battleford, puis ils sont reconnus coupables de trahison et condamnés à mort. Ces condamnations frappent des accusés sans avocat et sont prononcées par un juge aux motivations particulières (il a perdu sa maison pendant la Résistance et veut faire pendre le plus grand nombre possible de partisans de cette résistance).

Le 27 novembre 1885, le fort Battleford est le théâtre de la plus importante pendaison collective de l’histoire du Canada. Devant une foule nombreuse, huit chefs autochtones sont exécutés. « L’exécution de Riel et des Indiens va, je l’espère […] convaincre le Peau-Rouge que c’est l’Homme-Blanc qui gouverne », déclare sir John A. MacDonald. Après l’exécution, les corps sont déposés dans une fosse commune située près du fort. Les huit hommes pendus étaient :

  • Kapapamachakwew (Wandering Spirit)
  • Pah Pah-Me-Kee-Sick (Walking the Sky)
  • Manchoose (Bad Arrow)
  • Kit-Awah-Ke-Ni (Miserable Man)
  • Nahpase (Iron Body)
  • A-Pis-Chas-Koos (Little Bear)
  • Itka (Crooked Leg)
  • Waywahnitch (Man Without Blood)

Après 1885, le fort Battleford maintient une présence policière dans le secteur.

Au début du XXe siècle, le fort Battleford a perdu de l’importance. Il est désaffecté en 1924. Les gens de la région montrent leur intérêt continu pour le fort et pour les événements de 1885 en veillant à préserver les bâtiments restants. En 1951, le fort est désigné lieu historique national et, depuis, est géré par le gouvernement du Canada.

Les bâtiments du fort Battleford
  • La caserne no 5 est construite après la Résistance du Nord-Ouest de 1885. À la suite de ces événements, on grossit les rangs de la Police à cheval du Nord-Ouest (PCNO) au fort Battleford. Puisqu’il faut loger tous ces hommes, on construit la caserne no 5.
  • Quand le fort est construit en 1876, sa garnison compte 14 officiers et soldats. À l’origine, il ne s’agit pas d’un ouvrage défensif, et n’est donc pas entouré de murs. Parmi les bâtiments de 1876, il ne reste que le plus grand, qui abritait les quartiers des officiers. Au fil du temps, le fort a changé. Des murs sont construits en 1879. En 1884, on compte 12 bâtiments dans l’enceinte.
  • Le poste de garde actuel occupe son troisième emplacement. Dans les années 1880, il était situé près de l’actuel terrain de camping Kramer. Dans les années 1890, il est déménagé près de la caserne no 5 sur un sol de ciment. Le sol était trois fois plus épais sous les cellules des prisonniers, situées sous les bureaux des gardes. Dans les années 1940, on déménage le poste de garde à l’emplacement actuel.
  • À l’origine, le fort Battleford devait avoir une grande écurie en forme de « U » pouvant accueillir 160 chevaux, mais elle n’a jamais été construite. De toutes les écuries, il ne reste que celle construite pour les chevaux malades. Elle est d’abord érigée en 1898 à l’extérieur de l’enceinte du fort. Dans les années 1940, elle est déménagée à l’intérieur du fort. Les rampes de chaque côté de l’écurie sont conçues pour faire entrer et sortir facilement les chevaux malades. La coupole de style chinois sur le toit de l’écurie est unique au fort Battleford – il est courant d’emprunter des styles architecturaux de différents endroits au milieu de l’ère victorienne.
  • Les quartiers des officiers datent de 1886. Au départ, ils accueillent les officiers célibataires, qui habitent au premier étage, et qui ont leurs bureaux et leur salle à dîner au deuxième étage. En 1894, on rénove les lieux afin d’avoir assez de place pour la famille des officiers et on ajoute une salle de billard. Les quartiers des officiers sont un bon exemple de l’architecture du milieu de l’époque victorienne. En visitant les lieux, remarquez le toit de style français, les cadres de fenêtre en ogive et les pinacles au-dessus des fenêtres du deuxième étage.
  • Les quartiers des officiers constituent la seule structure datant de 1876 qui subsiste de nos jours. Hugh Sutherland, le directeur, et John Oliver, le contremaître, ont supervisé sa construction. Les travaux sont compliqués. Certains des principaux madriers de la maison viennent du Nord d’Edmonton et sont acheminés sur la rivière par flottage. Les petits rondins viennent de Eagle Hills et les fenêtres de Winnipeg. Le bâtiment a des pignons et des croix ainsi que des fenêtres voûtées (qui conviennent parfaitement dans un châssis en pointe), et est flanqué de conifères grands et fins (attirant le regard vers le haut, vers les cieux) – tous des éléments de l’architecture victorienne néogothique.

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