Vapeurs à une roue sur le fleuve Yukon

Lieu historique national S.S. Klondike

Début ans sur le cours inférieur du fleuve

En 1866, pour appuyer le projet de télégraphe russo‑américain, le S.S. Wilder devint le premier bateau à aubes à remonter le fleuve Yukon. Trois ans plus tard, l'Alaska Commercial Company (ACC) instaura l'utilisation régulière des bateaux à aubes sur le cours inférieur du fleuve. Pendant le reste du XIXe siècle, l'ACC et plus tard, sa concurrente, la North American Trading & Transportation Company, utilisèrent les bateaux à aubes pour approvisionner les postes de traite le long du fleuve. À partir de leur port d'attache de St. Michael, en Alaska, près de l'embouchure du fleuve, les bateaux transportaient des marchandises et des fournitures, de même que des commerçants de fourrures et des prospecteurs, pendant la brève saison de navigation de mai à septembre.

La ruée vers l'or du Klondike

Le S.S. May West arrive à Dawson en provenance de St. Michael.

Lorsque le monde extérieur apprit la nouvelle de la découverte d'or au Klondike au printemps 1897, une ruée inégalée depuis se produisit alors. L'afflux massif de gens vers les champs aurifères du Klondike dépassa complètement la capacité des quelques bateaux à aubes qui circulaient sur le fleuve à l'époque. À l'été 1897, les bateaux de 30 nouvelles sociétés furent ajoutés à ceux qui offraient déjà le service. Mais la rumeur de la richesse du Klondike ne s’était pas aussitôt répandue à l’extérieur du Yukon que 57 navires à vapeur immatriculés, transportant plus de 10 886 tonnes métriques de marchandises, accostaient à Dawson entre juin et septembre 1898. Un an plus tard, 60 navires à vapeur, 8 remorqueurs et 20 barges étaient en service sur le fleuve. 

Les bateaux à aubes sur le cours supérieur du fleuve

Trois bateaux à aubes et un tramway tiré par des chevaux à Canyon City.

Un grand nombre de ces nouveaux bateaux circulaient sur le cours inférieur du fleuve à partir de St. Michael, mais on y avait aussi recours sur les lacs tributaires et le cours supérieur du fleuve pour transporter les gens et les fournitures qui arrivaient par la piste Chilkoot et celle du col White , depuis Dyea et Skagway, sur la côte de la péninsule de l'Alaska.

Les bateaux à aubes qui circulaient sur les lacs tributaires faisaient la navette entre Bennett, au point d'arrivée nord des pistes côtières, et Canyon City, sur le cours supérieur du fleuve Yukon. À Canyon City, un tramway tiré par des chevaux circulait sur des rails de bois et transportait les denrées autour du dangereux canyon Miles et des rapides de White Horse. Depuis le minuscule nouvel établissement de White Horse, situé au pied des rapides, il était assez facile d'effectuer les 740 kilomètres par bateau à aubes sur le cours supérieur du Yukon jusqu'à la ville minière de Dawson City, alors en pleine expansion.

Une locomotive du chemin de fer WP&YR dans un tournant à Rocky Point.

Le White Pass & Yukon Route (WP&YR)

Le 6 juillet 1899, grâce à l'achèvement de l'étroit chemin de fer WP&YR (en anglais seulement) entre Skagway et Bennett, il ne fut plus nécessaire de faire l'ardu voyage par les cols côtiers. Un an plus tard, la voie ferrée fut prolongée jusqu'à Whitehorse, contournant Bennett et Canyon City et éliminant du coup deux points de transbordement des marchandises. Il était maintenant possible pour les marchandises et les passagers de se rendre de Skagway à Dawson City, et de ne faire qu'une seule escale du chemin de fer au bateau à aubes à Whitehorse.


Des bateaux à aubes de la BYN à Whitehorse.

La British Yukon Navigation Company

La voie ferrée terminée, WP&YR s'employa rapidement à étendre sa suprématie en transport en créant une division fluviale, la British Yukon Navigation Company (BYN). En peu de temps, la BYN réussit à l'emporter sur la concurrence et à établir un monopole virtuel du transport des biens et des personnes dans le territoire du Yukon. C'est ainsi que naquit le mode de transport qui allait dominer pendant les 50 années suivantes au Yukon. Même si la prospérité créée par la ruée vers l'or ne dura pas, la mise en place d'un système de transport efficace fit de Dawson City le centre d'approvisionnement du bassin supérieur du Yukon.

Une drague à la recherche d'or au Klondike.

Exploitation minière commerciale

Pendant que l'exploitation minière se poursuivait au Klondike, des sociétés minières de plus en plus nombreuses faisaient l'acquisition de concessions minières au Klondike et les dragues mécanisées remplacèrent l'abattage à la pioche. Les mineurs, pendant ce temps, s'éparpillaient à la recherche d'or dans d'autres cours d'eau du bassin du cours supérieur du Yukon.

L'argent du district de Mayo

La Stewart étaient l'une de ces rivières. Cette dernière, qui se jette dans le Yukon 112 kilomètres en amont de Dawson City, fut longtemps connue comme la « rivière des prospecteurs », parce qu'on pouvait y trouver assez d'or pour financer d'autres travaux d'exploration. En 1914, la découverte d'argent en roche dure dans un affluent de la rivière Stewart donna lieu à un piquetage généralisé. En 1918, on découvrit un deuxième gisement encore plus riche sur la colline voisine de Keno, ce qui attira l'attention des sociétés minières. En 1923, la valeur de l’or extrait du Klondike allait être dépassée par celle de l’argent extrait du district de Mayo, minerai qui allait devenir la pierre angulaire de l’économie du Yukon pour les 50 années suivantes. L'établissement de Mayo, point de départ de la navigation sur la rivière Stewart, supplanta Dawson City comme centre d'approvisionnement du nouveau district de l'exploitation minière de l'argent.

Le défi de l'argent

Pour la BYN, l'argent du district de Mayo constituait une véritable manne. Contrairement à l'or placérien qui était fondu en briques avant d'être expédié à Dawson City, l'argent du district de Mayo se trouvait dans la galène, un minerai argentifère, qu'il fallait expédier sous cette forme en vue d'une transformation ultérieure. Les bateaux à aubes qui revenaient auparavant vides à Whitehorse avaient dorénavant une charge utile au retour – les sacs de galène argentifère. De Whitehorse, on expédiait le minerai en train jusqu'à Skagway. Cette manne n'allait cependant pas sans difficultés.

Transport sur la rivière Stewart

Convoi de traîneaux
© Parcs Canada / Collection A. Hutching, no 200181

Le minerai extrait des mines était transporté pas « convoi de traîneaux » vers le district de Mayo, où il était stocké pour l’hiver..

Mayo Landing
© Parcs Canada / Collection John Dunn no 139

Sacs de galène argentifère stockés sur le littoral de Mayo en bordure de la rivière Stewart. On voit le Château Mayo et le magasin général en arrière-plan.

Rivière Stewart
© Parcs Canada / Collection I.C. Morrison, no 2

L’Aksala amarré à Mayo Landing. La rivière Stewart était moins profonde que le fleuve Yukon, ce qui limitait l'utilisation des bateaux à aubes du fleuve Yukon à la brève période d'inondation printanière.

S.S. Keno
© Parcs Canada / Collection Diack, no 4

En 1922, le BYN construisit le S.S. Keno pour l'utiliser sur la rivière Stewart. Plus petit que les bateaux à aubes du fleuve Yukon, le Keno pouvait transporter des marchandises jusqu'à Mayo, puis prendre la galène à Stewart Landing, à l'embouchure de la rivière, pendant la durée de la saison de navigation. Il fallait habituellement 55 heures pour remonter la rivière Stewart et environ 18 heures pour la redescendre.

Stewart Landing
© Parcs Canada / Collection G.I. Cameron, no 258

Une fois la crue printanière passée et le niveau de l’eau abaissé, les grands bateaux prenaient chargement du minerai à l’embouchure de la rivière Stewart. Le minerai était alors transporté en amont de la rivière jusqu’à Whitehorse, puis transbordé des bateaux jusqu’aux trains de la WP&YR afin d’être envoyé à Skagway. Une fois rendu à destination, le chargement était embarqué sur des navires se rendant dans des fonderies situées plus au sud.

Chargement du minerai
© Parks Canada / Gordon McIntyre Collection, no 2

Chaque sac de minerai pesait près de 57 kg. À chaque point de transbordement, il fallait transférer les sacs à l’aide de chariots manuels. Le minerai pouvait être déplacé jusqu’à dix fois durant son trajet de la mine à la fonderie.


Même les gros bateaux à aubes qui circulaient sur le fleuve ne dépassaient pas 51,81 mètres de long ou 10,66 mètres de large. Ils pouvaient transporter de 180 à 225 tonnes de cargaison avec un faible tirant d'eau de 1,21 mètre. Pour transporter des quantités suffisantes de galène, il leur fallait pousser des barges afin d'accroître la capacité de cargaison. Pour cette raison, il fallait compter deux fois plus de temps et de carburant au retour, en amont.

Transport par barges

Résister aux courants
© Parcs Canada / Collection A.G. Courquin, no 201620

Pour transporter de grandes quantités de minerai, il fallait augmenter la capacité de chargement des bateaux à roue arrière et leur faire pousser des barges. Par conséquent, le trajet en amont nécessitait une fois et demie plus de temps et de carburant que celui vers l’aval.

Mise en portefeuille
© Parcs Canada / Collection John Dunn, no 127

Le Yukon effectuant une manœuvre de mise en portefeuille. L’arrière des barges présentait un renfoncement auquel un poteau de poussé attaché à l’étrave du bateau pouvait s’insérer. Le poteau était lubrifié au moyen d’un savon doux ou de graisse. La barge était attachée au bateau grâce à des amarres croisées, et des pantoires permettaient la mise en portefeuille pour franchir une courbe.

Manœuvrer la barge
© Parcs Canada / Collection Syd White, no 22

La barge était contrôlée depuis le pont avant du bateau le poussant. Des câbles reliaient la barge au treuil en passant par des pouliers coupées se trouvant sur le pont avant, ce qui permettaient de faire pivoter la barge.

Câbles de retenue
© Parcs Canada / Collection Syd White, no 11

On limitait le degré de rotation grâce aux câbles de retenues qui reliaient directement le coin arrière de la barge au pont avant du bateau.

Treuil et cloche
© Parcs Canada / Collection A. G. Courquin, no 70

Des matelots de ponts utilisent le treuil pour diriger une barge. Le timonier guidait les matelots de pont en se servant de la cloche de désalignement pour leur indiquer de quelle façon orienter la barge.

Marchandises dangereuses
© Parcs Canada, WH no 201818

Des barges ont également été utilisées pour transporter des marchandises dangereuses telles que des barils d'essence. Lorsqu'un navire poussait une barge avec une cargaison dangereuse, les passagers n'étaient pas autorisés à monter à bord du navire.


Pour résoudre le problème du transport de la galène en amont jusqu'à Whitehorse, on construisit le S.S. Klondike . Le Klondike, dont la capacité de chargement surpassait de 50 pour cent celle des autres bateaux fluviaux de l'époque à pouvoir transporter une cargaison de plus de 272 tonnes sans barge.

Des périodes difficiles

S.S. Klondike à Eagle, Alaska, 1943.

On venait à peine de finir de construire le S.S. Klondike que les marchés boursiers s'effondraient. Les répercussions de la Crise sur l'exploitation des mines d'argent à Mayo furent quelque peu atténuées par les gains d'efficacité et les économies d'échelle. Malgré la Crise, les mines continuèrent à fonctionner, mais à un rythme réduit. Le début de la Seconde Guerre mondiale obligea vite Treadwell Yukon, le principal exploitant, à fermer ses mines, ce qui réduisit de façon draconienne le volume des expéditions de minerai du district. Pendant ce temps, les bateaux à aubes de BYN ont été mis en service à l'appui de l'effort de guerre, transportant du fret et du personnel pour la construction de la route militaire ALCAN.

Des rivières aux routes

Roue à aubes d'un bateau non identifié.

L'exploitation des mines d'argent du district de Mayo, réorganisée par de nouveaux propriétaires, reprit de plus belle en 1946, assurant aux bateaux à aubes de la BYN une brève reprise. L'ouverture d'une route de toutes saisons entre Whitehorse et Mayo en 1950 marqua toutefois le déclin des bateaux à aubes. Il était maintenant possible de transporter le minerai par camion vers le sud jusqu'à Whitehorse presque toute l'année, surpassant ainsi ce qui avait toujours été le principal écueil du fleuve Yukon en tant que voie de transport – une saison de navigation restreinte à seulement quatre ou cinq mois par année. Les bateaux à aubes de la BYN continuèrent à fonctionner entre Whitehorse et Dawson City à capacité réduite jusqu'en 1952, année où la route de Mayo fut prolongée jusqu'à Dawson City.

Date de modification :