Rapports d'accidents - mars 2014
Sécurité en montagne
Accident d’avalanche mortel au lac Agnes, dans le parc national Banff, le 8 mars 2014
Avalanche sur l’épaulement Helen, parc national Banff, le 15 mars 2014
Chute d’un premier de cordée sur la voie de glace Malignant Mushroom, parc national Banff, le 15 mars 2014
Accident d’avalanche mortel au lac Agnes, dans le parc national Banff, le 8 mars 2014
Un groupe de cinq raquetteurs a quitté le stationnement du lac Louise à 11 h, le 8 mars. Une fois arrivés au lac Agnes, les raquetteurs ont fait une pause pour dîner. Ils avaient l’intention de regagner le lac Louise en empruntant le sentier d’été qui part du lac Agnes et qui gravit le mont Big Beehive. Ils n’étaient pas certains de se trouver effectivement sur le sentier d’été puisque celui-ci était recouvert d’un épais manteau neigeux.
En s’engageant sur une pente abrupte à l’extrémité sud-ouest du lac Agnes, le meneur du groupe a déclenché une avalanche. Il a crié « avalanche » une fois que la neige a commencé à glisser. Les quatre premières personnes dans la file ont été prises dans l’avalanche. Initialement, deux des raquetteurs ont été ensevelis complètement et ont disparu. Deux autres raquetteurs ont été partiellement ensevelis (l’un jusqu’aux épaules et l’autre jusqu’à la taille). Un seul des raquetteurs a évité l’avalanche et a réussi à extirper les deux raquetteurs qui étaient partiellement ensevelis. Les trois survivants ont ensuite composé le 911, à partir de quoi Parcs Canada a été alerté. En attendant les secours, les trois raquetteurs survivants ont scruté le secteur en quête d’indices visuels et ont tenté de fouiller la neige avec des bâtons de ski. Aucun des membres du groupe n’était muni d’équipement de sauvetage en cas d’avalanche. Par pur hasard, l’un d’entre eux a découvert l’un des raquetteurs ensevelis. Le groupe a dégagé ses épaules et sa tête, mais la personne était inconsciente et ne respirait pas. Elle était enfouie sous la neige depuis environ une heure. Les spécialistes de la Sécurité des visiteurs (SV) de Parcs Canada sont arrivés sur les lieux en hélicoptère peu de temps après.
Parcs Canada a organisé une intervention complète en sept minutes après avoir reçu l’appel de détresse. Cinq spécialistes de la SV de Parcs Canada, un hélicoptère de la société Alpine Helicopters, un membre de la Sécurité publique de Kananaskis, deux maîtres-chiens du Service des gardes, un maître chien de la Canadian Avalanche Rescue Dog Association (CARDA), les SMU de Banff, le Service de pompiers bénévoles de Lake Louise, un garde de parc, la GRC, deux membres de la patrouille de ski de Lake Louise et le service d’hélicoptères STARS ont été dépêchés sur les lieux.
L’opération de sauvetage s’est déroulée en trois étapes :
Étape 1 :
Deux spécialistes de la Sécurité des visiteurs (SV) de Parcs Canada ont survolé les lieux en hélicoptère. Ils ont immédiatement repéré une avalanche de taille 2 qui s’était écoulée du sommet de la pente jusqu’aux berges du lac Agnes (voir photo). Deux personnes fouillaient la neige avec des bâtons de ski et une autre était en train de dégager avec ses mains une quatrième personne, qui semblait inconsciente. Les membres de l’équipe de la SV ont noté la présence d’un risque résiduel considérable d’avalanche qui menaçait le secteur visé par le sauvetage.
L’équipe de la SV est tenue de considérer d’abord la sécurité des sauveteurs et des survivants. Par conséquent, ses membres ont résolu d’évacuer les trois survivants qui se trouvaient sur l’aire de dépôt de l’avalanche et de les emmener en lieu sûr. L’hélicoptère s’est posé sur le lac devant l’aire de dépôt de l’avalanche et l’équipe de la SV a convaincu deux des trois survivants que le secteur était dangereux et qu’ils devaient monter dans l’hélicoptère. Le troisième survivant a refusé de quitter le secteur et est resté sur place, continuant de creuser la neige de ses mains pour dégager la victime inconsciente. L’hélicoptère a quitté les lieux et a transféré deux des survivants aux SMU de Banff et à la GRC de Lake Louise. À son retour, l’équipe de la SV a réussi à évacuer le troisième survivant et la victime inconsciente pour les transférer eux aussi aux SMU de Banff et à la GRC de Lake Louise. Le cinquième raquetteur était alors enseveli depuis environ une heure et demie, et les conditions étaient trop dangereuses pour que les sauveteurs s’aventurent sur les lieux avant d’avoir effectué des déclenchements préventifs.
Étape 2:
Parcs Canada a demandé l’aide de la patrouille de ski de Lake Louise (Lake Louise Ski Patrol ou LLSP) pour procéder à des déclenchements préventifs d’avalanches. La LLSP a fourni 12 charges explosives ainsi qu’un bombardier. L’équipe a détonné les 12 charges explosives dans le secteur entourant le site de l’avalanche, déclenchant ainsi cinq avalanches additionnelles. Deux d’entre elles ont recouvert le secteur visé par le sauvetage, qui a alors été jugé suffisamment sécuritaire pour les sauveteurs.
Étape 3:
Quatre spécialistes de la SV de Parcs Canada, un membre de la Sécurité publique de Kananaskis et un maître-chien de Parcs Canada se sont rendus sur les lieux pour chercher la dernière victime ensevelie. Il a fallu environ 7 minutes à Cazz, le chien d’avalanche, pour trouver la victime. À l’aide d’une balise, l’équipe a pu confirmer, à 17 h 45, ce qu’avait senti le chien. Le dernier raquetteur a été extirpé. Il était étendu, le visage contre la neige fondante et ne répondait à aucun stimulus. Il était enseveli depuis trois heures et était manifestement décédé. Son corps a été évacué vers l’aire de rassemblement où se trouvaient des agents de la GRC. L’équipe de sauvetage a quitté les lieux à la tombée du jour et l’hélicoptère a dû rester à Lake Louise pour la nuit.
Analyse
Il s’agit là du récit tragique d’un groupe de personnes qui ne connaissaient pas les dangers de se retrouver pris au mauvais endroit au mauvais moment. En hiver, ces sentiers d’été ne sont pas entretenus et les risques présents ne font l’objet d’aucun contrôle. Bon nombre des sentiers des parcs nationaux sont situés en terrain avalancheux. En hiver, ces sentiers font partie de l’arrière-pays avec tous les risques que cela comporte, y compris les avalanches.
Pendant bien d’autres journées d’hiver, les raquetteurs auraient pu visiter ce secteur sans danger. Malheureusement, ce jour-là, ils s’aventuraient en terrain avalancheux et n’avaient aucunement conscience des risques ni des conditions présentes. Le bulletin des avalanches du 8 mars établissait l’indice de risque à « élevé » pour la zone alpine, « élevé » à la limite forestière et « considérable » au-dessous de la limite forestière, et avertissait les visiteurs d’éviter les dangers en surplomb. Si les raquetteurs avaient consulté le bulletin d’avalanche et avaient suivi les conseils qui y étaient fournis, cet accident aurait pu être évité. Il est conseillé à toutes les personnes qui entendent visiter l’arrière-pays de lire le bulletin d’avalanche et de s’assurer de bien le comprendre avant d’entreprendre toute excursion.
Avalanche sur l’épaulement Helen, parc national Banff, le 15 mars 2014
Le 15 mars 2014, quatre skieurs de randonnée ont entrepris une excursion près de l’épaulement Helen, dans le parc national Banff. À la limite forestière et en amont, l’indice de risque d’avalanche était « Considérable », alors que, sous la limite forestière, il était « Modéré ». À diverses étapes pendant la journée, le groupe a creusé dans la neige pour tenter d’évaluer plus à fond le risque d’avalanche. Sur le chemin du retour, au milieu de l’après-midi, les skieurs ont envisagé de longer la lisière d’un couloir d’avalanche. Après avoir évalué les conditions actuelles et effectué une tranchée rapide, ils ont conclu que le secteur était sécuritaire et ont commencé à descendre en file indienne. À 14 h 30, le premier skieur a amorcé sa descente, mais il a fait une chute sur une partie de la pente. Au même moment, un fort « whoumf » s’est fait entendre et a été suivi d’une avalanche de taille 3. Le skieur a été transporté sur une centaine de mètres en aval avant d’être enseveli par les débris. Un autre skieur du groupe qui se trouvait près de la limite de l’avalanche a réussi à rester à l’écart.
Les autres skieurs se sont immédiatement mobilisés, et, en moins de 10 minutes, ils avaient repéré le skieur, enseveli à quelque 100 cm de la surface, à l’aide d’un ARVA et d’une sonde. Après avoir exposé la tête et la poitrine de leur compagnon, ils ont constaté qu’il était inconscient et qu’il ne respirait plus. Deux membres du groupe sont demeurés avec lui et ont pratiqué la réanimation cardiorespiratoire jusqu’à l’arrivée en hélicoptère des sauveteurs de la Sécurité des visiteurs de Parcs Canada. Le troisième membre du groupe a fait la descente à skis jusqu’à la route, a informé deux véhicules de la situation et a demandé aux conducteurs de composer le 911 dès qu’ils obtiendraient un signal sur leur téléphone cellulaire. Il a ensuite marqué clairement l’emplacement sur la route en aval du lieu de l’avalanche et a attendu les secours.
Sauvetage
À 15 h 39, les spécialistes de la Sécurité des visiteurs de Parcs Canada ont reçu l’appel à l’aide dans le secteur du lac Louise. Ils sont immédiatement partis, l’un en hélicoptère et l’autre en véhicule, en direction de l’épaulement Helen. Après un bref survol du lieu de l’avalanche, le pilote a conclu qu’il pouvait se poser sans danger. À 16 h 8, l’hélicoptère a atterri sur le dépôt de l’avalanche, et le sauveteur de la Sécurité des visiteurs en est sorti pour évaluer le patient, le brancher à un défibrillateur externe automatisé (DEA), participer aux efforts de réanimation et envelopper la victime pour faciliter son transport. Entre-temps, l’autre spécialiste a sécurisé une aire d’atterrissage sur la route et effectué les préparatifs nécessaires en vue d’un sauvetage par hélitreuillage. Le patient a été héliporté du lieu de l’accident jusqu’à la route, puis confié au personnel des SMU, qui est monté à bord de l’appareil pour le trajet jusqu’à Lake Louise. De là, une ambulance aérienne STARS a transporté la victime à Calgary. Malheureusement, le patient est décédé le lendemain à l’hôpital.
Analyse
Du point de vue du sauvetage, cette équipe était bien préparée et a fait du bon travail. Les skieurs avaient tout l’équipement nécessaire sur eux et en connaissaient bien le mode d’emploi. Un seul membre du groupe se trouvait dans la trajectoire de l’avalanche. L’équipe est intervenue rapidement et a réussi à repérer le patient et à l’exposer rapidement à la surface. Les skieurs ont immédiatement pratiqué la RCR et ont poursuivi leurs efforts de réanimation jusqu’à l’arrivée de la Sécurité des visiteurs, et ils ont pris les mesures nécessaires pour appeler à l’aide le plus rapidement possible. Grâce à leurs efforts, la victime a obtenu les meilleures chances de survie dont elle pouvait bénéficier dans de telles circonstances.
Dans cette avalanche, le principal problème se trouvait dans les grains à faces planes enfouis à la base du manteau neigeux. Ces grains peuvent être difficiles à évaluer, et, lorsqu’ils cèdent, la rupture peut se propager rapidement sur de grandes étendues. L’avalanche a été déclenchée sur une pente de neige peu épaisse, exposée à des accumulations par vent latéral. Par conséquent, l’épaisseur de la neige était extrêmement variable, et, à de nombreux endroits, le manteau neigeux mince cachait des grains à faces planes très fragiles. En raison de chutes de neige récentes, certaines de ces zones étaient difficiles à repérer. L’avalanche a probablement été déclenchée dans un de ces endroits, et la rupture s’est propagée jusqu’au sommet de la pente, provoquant ainsi une avalanche destructrice. Dans un tel scénario, où l’épaisseur de la neige varie grandement, l’information recueillie dans une tranchée rapide peut présenter une fiabilité réduite. Bien souvent, la seule méthode sûre de réduire le risque d’avalanche consiste à reconnaître les conditions avalancheuses et à éviter carrément le secteur.
L’utilité des dispositifs de communications d’urgence, tels que les téléphones satellites ou les localisateurs satellites, pour appeler à l’aide le plus rapidement possible est mise en évidence par cet accident. Les dispositifs de communication par satellite tels que les téléphones satellites, le SPOT ou le Delorme inReach gagnent en popularité et fonctionnent très bien en situation d’urgence, tout en réduisant le délai nécessaire à l’obtention des secours.
Chute d’un premier de cordée sur la voie de glace Malignant Mushroom, parc national Banff, le 15 mars 2014
Dans la matinée du 15 mars 2014, deux alpinistes très chevronnés ont entrepris une série d’escalades dans la vallée de la rivière Ghost. Après avoir amorcé la première longueur de la voie de glace Malignant Mushroom (WI5), le premier de cordée est tombé en tentant de fixer sa première broche à glace. Il a fait une chute d’environ 6 m jusqu’au pied de la voie de glace et a ensuite glissé sur une courte distance. L’assureur a appuyé sur le bouton 911 des deux dispositifs d’urgence SPOT du groupe pour appeler à l’aide avant d’administrer les premiers soins à son compagnon, qui était blessé au dos. Il a repéré les blessures, a stabilisé le blessé, l’a recouvert d’une bâche d’urgence pour le protéger de la glace et s’est servi d’un réchaud Jet Boil pour remplir des bouteilles d’eau chaude qu’il a placées autour du patient pour éviter l’hypothermie.
À 9 h, la Sécurité des visiteurs de Banff a été alertée de l’activation des deux dispositifs SPOT et a pris en note les coordonnées de positionnement. Les signaux SPOT ont été annulés, puis réactivés, ce qui a causé un léger retard. Après avoir composé les numéros accompagnant l’enregistrement des dispositifs SPOT, les spécialistes de la Sécurité des visiteurs ont pu confirmer que les deux compagnons étaient partis en excursion d’escalade sur glace dans la vallée de la Ghost. La Sécurité des visiteurs et la Sécurité publique de Kananaskis se sont rendues sur les lieux de l’incident avec tout l’équipement de sauvetage nécessaire.
Vers 11 h, le blessé a été repéré au pied de la voie de glace. Quatre sauveteurs s’y sont fait héliporter et ont enveloppé l’alpiniste. L’ambulance aérienne STARS a été dépêchée à une aire de rassemblement située près de la voie de glace. À 11 h 45, le patient a été transporté au bout d’une élingue jusqu’à l’ambulance STARS, puis transféré à l’hôpital Foothills de Calgary. Il avait subi une fracture de quatre vertèbres et avait un gros hématome sur la hanche.
Analyse
Même les alpinistes chevronnés qui possèdent toutes les compétences voulues ne sont pas à l’abri des accidents. Ces deux alpinistes étaient bien préparés. Ils avaient transmis leur itinéraire à des amis, possédaient tout l’équipement approprié et avaient sur eux des dispositifs de communication d’urgence. L’assureur a également fait un excellent travail en administrant les premiers soins.
Le soleil intense des jours précédents pourrait avoir contribué à cet accident, du fait que la surface de glace était moins stable qu’à l’accoutumée. L’alpiniste a été forcé de monter plus haut afin de trouver de la glace de qualité pour sa première broche, et il n’était pas toujours en mesure de placer ses piolets de façon optimale.
Un deuxième facteur pourrait avoir joué un rôle dans cet incident : l’alpiniste avait ce jour-là des piolets différents de ceux qu’il utilise d’habitude. Ainsi, en les plaçant dans la glace, il n’avait pas le degré de certitude que lui procurent généralement ses outils ordinaires.
Il convient également de mentionner un troisième facteur : l’objectif ambitieux que s’était fixé le groupe pour la journée. Les alpinistes se sentaient un peu contraints de progresser rapidement sur la voie de glace. Parfois, il suffit d’un léger sentiment d’urgence pour entraîner une faible diminution de vigilance, même lorsque l’on s’efforce de rester prudent.
Le dernier enseignement tiré de cet incident est le suivant : une fois un dispositif d’urgence activé, il est préférable de le laisser allumé jusqu’à l’arrivée des secours pour éviter tout retard. Il est important de bien connaître son dispositif pour éviter toute confusion quant à la manière de l’utiliser.
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