Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı

Réserve de parc national Thaıdene Nëné

Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı est le conseil de gestion opérationnelle de l’aire autochtone protégée Thaıdene Nëné. Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı signifie « les personnes qui parlent au nom de Thaıdene Nëné en dëne sųłıné yatıé ».

Les membres du Conseil sont nommés par la Première Nation des Dénés de Łutsël K’é, la Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, Parcs Canada et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Une fois nommés, ils ne représentent plus ces parties, mais uniquement Thaıdene Nëné.

Chaque partie désigne un représentant principal ou des représentants principaux pour assister aux réunions du Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı et appuyer le Conseil.

Chargé d’une vision à long terme pour la terre et les peuples, le Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı donne la meilleure orientation possible en matière de planification, de gestion, d’exploitation, de surveillance et d’évaluation au sein de l’aire protégée.

Le Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı prend ses décisions par consensus, ce qui oriente les parties dans l’exécution des activités menant à la réalisation des objectifs suivants : protéger la terre, protéger les modes de vie autochtones et veiller à ce que les générations futures puissent vivre en relation avec la terre comme leurs ancêtres.

Le Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı tire parti du modèle du Conseil de gestion de l’archipel piloté par le parc national haïda Gwaii Haanas. L’un des éléments qui différencient Thaıdene Nëné de Gwaii Haanas est qu’en plus de partager la gestion et la prise de décisions, les parties ont accepté de partager également l’exploitation. Elles travaillent ensemble pour déterminer par exemple qui construira une promenade de bois ou qui participera à une patrouille de sécurité. Lorsqu’elles reçoivent des directives du Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı, les parties collaborent pour définir la manière dont elles optimiseront leurs ressources pour donner suite aux décisions du Conseil.

Bien que les parties participent à la prise de décisions et aux activités, elles ont différentes responsabilités. Par exemple, c’est Łutsël K’é qui s’occupe des espaces sacrés comme Ts’ąkuı Theda, le cœur spirituel de Thaıdene Nëné.

Addie Jonasson

Présidente
Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı

Addie Jonasson, Adeline Boucher de son nom de jeune fille, est née à l’automne dans une tente à Tędhul Dezé (Snowdrift River). Elle a passé les huit premières années de sa vie sur la terre avec ses parents, Joe Boucher et Judith Rose Laloche, et ses frères Albert, Ernest, Fred, John et Samuel. L’hiver, la famille restait à Snowdrift. L’été, elle se déplaçait autour du lac. « C’est parce que mes parents m’ont transmis leurs traditions », explique Addie, « que j’entretiens des liens profonds avec la terre. Ils m’ont transmis le savoir. »

La langue maternelle d’Addie est le dëne sųłıné yatıé. Ce n’est que lorsqu’elle a été emmenée dans un pensionnat qu’elle a appris l’anglais. On interdisait aux enfants de parler leur langue autochtone dans les pensionnats, mais Addie se souvient qu’elle trouvait moyen de parler dëne sųłıné yatıé avec les autres enfants de Łutsël K’é. « La plupart d’entre nous qui avons été à l’école dans les années 1950 et 1960 ont conservé leur langue », dit-elle.

Addie est restée 12 ans au pensionnat, d’abord à Fort Resolution, puis à Fort Smith, avant de terminer ses études secondaires à Akaitcho Hall à Yellowknife. Elle s’est mariée peu de temps après et a quitté le Nord quand son mari, Jerry, qui était technicien d’entretien d’aéronef, a reçu une offre d’emploi en Ontario. Les Jonasson ont vécu 22 ans en Ontario, au Manitoba et en Alberta. Pendant que Jerry travaillait sur des avions, Addie faisait carrière en travail social. Ils ont élevé ensemble deux enfants : Laurice et Jennifer.

En 1992, un poste de travailleuse des services communautaires et sociaux s’est ouvert à Łutsël K’é. « Je voulais revenir », dit Addie. « Ma terre natale me manquait. Mes racines me manquaient. Je m’ennuyais particulièrement du lac, de l’eau, de l’espace. » Addie, Jerry et leurs enfants ont fait leurs bagages et déménagé dans le Nord.

En plus de travailler dans les services sociaux, Addie a servi sa communauté comme représentante élue. Elle a été chef de la Première Nation des Dénés de Łutsël K’é de 2006 à 2008 et conseillère municipale pendant trois mandats (de 2004 à 2006 et de 2014 à 2020). C’est pendant qu’elle était chef que Łutsël K’é a signé un protocole d’entente avec le gouvernement du Canada pour faire progresser le travail menant à la création d’un parc national sur le bras Est du Tu Nedhé (Grand lac des Esclaves).

Addie a appuyé Thaıdene Nëné d’autres façons. En 2009, elle a répondu à l’appel et est devenue membre du comité consultatif de Thaıdene Nëné. « Le comité a contribué à garantir la protection de la région, de la terre, de l’eau et des animaux. Nous voulions nous assurer que notre mode de vie ne serait pas perturbé afin de pouvoir continuer à vivre comme nous le faisons depuis des temps immémoriaux », explique-t-elle.

Plus récemment, Addie a été nommée au Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı, le conseil de gestion opérationnelle de l’aire protégée autochtone. De concert avec d’autres membres, elle fournit une orientation stratégique aux parties (PNDLK, NMTNO, Parcs Canada et GTNO) qui s’emploient à concrétiser la vision pour Thaidene Nëné. En 2022, Addie a été nommée présidente du Thaidene Nëné Xá Dá Yáłtı.

Addie parle doucement et avec passion du besoin de protéger la terre de ses ancêtres pour veiller à ce que le territoire magnifique, paisible et abondant qui a assuré la subsistance de son peuple pendant des millénaires soit là pour les générations futures. « Quand je parle de la terre, je pense à mes grands-parents qui vivaient sur la terre toute l’année. Je veux que nos petits-enfants et arrière-petits-enfants puissent compter sur quelque chose qui assurera leur subsistance », déclare-t-elle.

Addie a été témoin de ce qui peut se produire sans une telle protection. Au début des années 1970, sa famille vivait à Sioux Narrows. « Un jour, nous conduisions vers Dryden et nous sommes passés à côté de la rivière Wabagoon. Celle-ci était pleine d’eau savonneuse. C’était la pollution des usines de pâte à papier. C’est un souvenir qui m’est resté. Je ne veux pas que quelque chose comme ça se produise dans nos lacs et nos rivières. »

Addie voit Thaıdene Nëné comme une occasion d’investir différemment dans la terre. « Nous n’investissons pas dans une mine », dit-elle. « Nous investissons dans la beauté de la terre. » Elle croit que la création d’une aire protégée autochtone qui attire des gens du territoire, du pays et du monde entier assurera la subsistance de sa communauté et de ses membres d’une manière que les mines ne peuvent pas faire. « Thaıdene Nëné », fait-elle remarquer, « sera ici pour toujours ».

Addie invite les visiteurs à découvrir la beauté vierge de sa terre natale. « Asseyez-vous au bord de l’eau. Regardez la beauté, respirez la tranquillité. Ressentez la paix et le calme. Écoutez les oiseaux, les canards. Observez les bœufs musqués, les orignaux et les ours dans leur habitat naturel. » Faites cela, dit Addie, et vous verrez pourquoi les gens de Łutsël K’é se passionnent tant pour Thaıdene Nëné.

« Nos ancêtres ont choisi le meilleur endroit pour nous. Je les remercie tout le temps. »

Arthur Beck

Président suppléant
Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı

En 2020, Arthur Beck s’est rendu en motoneige à la première réunion du Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı, le conseil de gestion opérationnelle de l’aire protégée autochtone, franchissant les 150 miles entre sa résidence de Fort Resolution et Łutsël K’é en sept heures. « Quand j’ai dit au bureau que je venais en Skidoo, on m’a répondu qu’on n’avait jamais calculé le kilométrage pour ce type de véhicule », dit Arthur en riant. Heureusement, il y a une première pour tout.

Originaire de Rocher River, Arthur connaît bien les longs parcours. Jeune homme, il faisait des voyages comme celui-ci en traîneau à chiens. « J’ai été élevé entouré de chiens », explique-t-il. « Ils ont été mon premier mode de transport ». Ray Beck, le père d’Arthur, était trappeur et meneur de chiens et a gagné le Canadian Championship Dog Derby plus de fois que ne peut se rappeler Arthur. Arthur a suivi les traces de son père. Il a commencé à participer à des courses en 1968, à l’âge de 11 ans, et a cessé en 2003. Arthur est également devenu chasseur et trappeur.

Ayant grandi sur la terre, Arthur a le sentiment qu’il en fait partie : « Je fais de mon mieux pour protéger les animaux, l’eau, les poissons et les plantes parce que personne ne parle en leur nom ». Arthur était donc un choix tout désigné pour Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı, qui signifie « les personnes qui parlent au nom de Thaıdene Nëné en dëne sųłıné yatıé ». Arthur est l’un des trois membres de la Nation métisse des TNO (NMTNO) nommés au Conseil, conformément à leur entente sur les répercussions et les avantages.

Durant les réunions, Arthur passe sans problème du dëne sųłıné yatıé à l’anglais (il a aussi une connaissance pratique du dene zhatıé et du tłı̨chǫ yatıì). Il a appris la langue de sa mère, Doris Smith, qui était aussi de Rocher River, mais qui a de la parenté à Łutsël K’é. Arthur a grandi en écoutant les histoires de sa mère qui parlaient de voyages dans la toundra. « Quand elle était petite fille, ma mère allait au lac Artillery tous les étés. Sa famille chassait le caribou, préparait les peaux et rapportait le tout. C’est ce qui m’a vraiment incité à me rendre dans la lande. »

Arthur connaît bien Thaıdene Nëné, car il se déplace et chasse dans cette région l’été et l’hiver depuis qu’il est petit. L’un de ses voyages mémorables dans ce qui constitue maintenant l’aire protégée remonte à 1992, lorsque Justin Giroux et lui ont guidé deux touristes japonais par bateau de Fort Smith au lac Aylmer en suivant le trajet décrit par Ernest Thompson Seton dans The Arctic Prairies (1911).

Arthur, comme bien des personnes élevées au sud du grand lac, se méfie depuis longtemps des parcs et des aires protégées parce que, historiquement, ils ont empiété sur le mode de vie des peuples autochtones. (Suivant la création du parc national Wood Buffalo en 1982, des familles métisses ont été forcées de partir et on leur a interdit de mener leurs activités habituelles dans les limites du parc.) Arthur a accepté de siéger au Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı, car le cas de Thaıdene Nëné promet d’être différent. « Nous n’allons perdre aucun droit ici », affirme-t-il.

Arthur veut qu’on porte plus d’attention aux récits des Autochtones qui vivent ici depuis des temps immémoriaux plutôt qu’aux exploits d’Euro-Canadiens comme Seton. Il espère aussi qu’un jour, tous les postes dans l’aire protégée, y compris la réserve de parc national, seront occupés par des Autochtones du Nord, « du directeur jusqu’en bas. »

Gloria Enzoe

Gloria Enzoe
Membre du Conseil
Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı

 

 

 

 

 

 

 

 

Earl Evans

Earl Evans
Membre du Conseil
Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı

Quand on lui demande de se présenter, Earl Evans dit : « Je suis de Fort Smith. J’ai vécu toute ma vie dans les Territoires. Je chasse, je piège et je voyage sur la terre depuis que j’étais assez grand pour marcher derrière mon père en traînant des lapins. » C’est une image émouvante d’un jeune métis qui apprend à chasser. Ce n’est pas surprenant qu’Earl aime la terre et adore y passer du temps.

C’est peut-être pour ses efforts visant à protéger le caribou qu’Earl est le plus connu dans le Nord. Il est membre du Beverly and Qamanirjuaq Caribou Management Board depuis 20 ans. Établi en 1982, il s’agit du premier conseil de gestion conjointe du caribou en Amérique du Nord. Earl est président du conseil depuis 10 ans, ce qui l’a amené à travailler de près avec les Dénés, les Cris, les Inuits et les Métis du Manitoba, de la Saskatchewan, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut pour assurer le bien-être des caribous.

L’amour d’Earl pour la terre et sa vaste expérience au conseil ont fait de lui un choix évident pour le Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı, le conseil de gestion opérationnelle de l’aire protégée autochtone Thaıdene Nëné. Sa nomination est toutefois logique pour d’autres raisons.

Earl a de bons contacts, particulièrement avec les chasseurs et les trappeurs de sa région, ainsi qu’avec les Aînés. « J’aime parler aux Aînés et écouter leurs histoires », dit-il. « Ce qui s’est passé il y a longtemps m’intéresse beaucoup. » Earl s’intéresse en partie au passé, car il représente une façon d’être vitale pour la protection de la santé et du bien-être de la terre, des animaux et des personnes pour l’avenir. « Les gens avaient une relation plus profonde avec la terre », explique-t-il, « car ils vivaient là-bas chaque jour. La terre, les oiseaux, les animaux, étaient leur vie. Ils faisaient partie d’eux. »

C’est le sud de Thaıdene Nëné qu’Earl connaît le mieux en raison de ses voyages de chasse. Tent Lake figure parmi ses endroits préférés de l’aire protégée. Il a d’excellents souvenirs de chasse au caribou avec son défunt fils, Trevor, dans les années 1980 et 1990.

Pour Earl, Thaıdene Nëné est « comme la dernière frontière ». « C’est l’une des dernières régions vraiment intactes », affirme-t-il. « L’industrie n’y est pas arrivée. C’est important que nous la préservions pour les générations à venir. » L’expérience et les relations d’Earl faisaient de lui un bon candidat pour le conseil, mais il a accepté la nomination pour veiller à ce que la terre reste « propre et vierge pour les générations futures. »

Earl apprécie le travail qu’ont fait les gens de Łutsël K’é pour protéger Thaıdene Nëné de manière permanente. « Ils ont eu la clairvoyance de voir ce qu’il est advenu de la terre à l’extérieur des parcs et des aires protégées en raison de l’industrie, et celle d’agir rapidement. Les Aînés ont exprimé leurs préoccupations, puis d’autres personnes de la communauté se sont impliquées et ont terminé le travail. »

Earl veut « que des règles et des règlements soient établis dès que possible, particulièrement en rapport avec les nouvelles activités comme la pourvoirie, de sorte que tout se fasse correctement, sans dommage à la terre », mais il est important que de telles règles et de tels règlements respectent les droits et le mode de vie des Dénés et des Métis.

Comme pour d’autres Autochtones du sud des Territoires du Nord-Ouest, le spectre du parc national Wood Buffalo occupe une place importante. « Nous avons vu ce qui s’est produit dans le cas de Wood Buffalo et nous ne voulons pas que cela se répèt », dit Earl en parlant du fait que les Autochtones, mais particulièrement les Métis, n’ont pas eu le droit de mener leurs activités traditionnelles dans le parc national pendant des décennies. « Nous voulons que les gens fassent partie de la terre, de l’aire protégée, et ne soient pas des observateurs extérieurs », poursuit-il. « Nous voulons contrôler notre propre destinée et notre terre afin d’être libres de nous déplacer et de chasser comme nous l’avons toujours fait. »

Paul Harrington

Paul Harrington
Membre du Conseil
Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı

Paul Harrington est né à Hay River, où il vit encore aujourd’hui, mais il a habité à diverses époques à Pine Point et Fort Resolution. Tout comme de nombreuses personnes dans le Nord, Paul est un homme de tous les métiers. Il a commencé à travailler à 15 ans en pompant de l’essence et en réparant des pneus. Depuis, il a été foreur au diamant et mécanicien, travailleur sur le terrain et négociateur de revendications territoriales, opérateur d’équipement lourd, membre d’une équipe d’entretiens des routes et entrepreneur. La constante a été le piégeage. Depuis 40 ans, Paul a un chalet à Big Buffalo River qui lui sert de camp de base.

Son intérêt pour le piégeage vient de ses oncles. « Ils venaient toujours avec de la fourrure », explique-t-il. « J’ai décidé que je voulais piéger. J’ai toujours aimé aller sur la terre » Paul a appris le métier de ses oncles, mais aussi en passant du temps avec des personnes comme Gabe Lafferty à Fort Resolution, où il vivait à la fin des années 1970. Paul continue de piéger et saisit toutes les occasions de transmettre ce qu’il a appris à la famille qu’il a fondée avec Lucille, son épouse depuis 40 ans. En parlant de ses trois enfants et de ses deux petits-enfants, Paul dit : « J’aime passer du temps avec eux, les sortir et leur montrer leur culture ». Comme il sait que tout le monde n’a pas cette chance, il est toujours heureux si leurs amis viennent aussi.

La politique est aussi une constante dans la vie de Paul. Il était membre actif de l’association des chasseurs et des trappeurs quand il vivait à Pine Point. Dans les années 1980, il s’est impliqué au sein de la Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest (NMTNO). Il a ensuite été président de la section de Hay River pendant presque 10 ans et est actuellement vice-président de la NMTNO.

Paul a été nommé au Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı (le conseil de gestion opérationnelle de l’aire protégée autochtone Thaıdene Nëné) en 2020. Il faisait partie des trois personnes de la NMTNO nommées au Conseil. Paul a saisi l’occasion de servir au Conseil, ayant participé au nom de la NMTNO aux négociations relatives à l’aire protégée pendant de nombreuses années. Paul aime le fait qu’on mette l’accent sur la gestion collaborative et la prise de décisions par consensus durant les réunions du Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı.

Thaıdene Nëné, selon Paul, est « l’un des derniers endroits vierges dans le monde », et il aimerait qu’il le reste. « J’aimerais que mes enfants puissent utiliser Thaıdene Nëné comme je le fais », explique-t-il. Ce sont les secteurs de l’aire autochtone protégée qui se trouvent sur la partie principale du grand lac, par exemple Redcliff Island, que Paul connaît le mieux en raison de ses voyages de chasse. Il s’est également rendu l’été avec sa famille à Pikatui, où son beau-frère Donny Morin a un camp. Paul est heureux d’avoir la chance de passer plus de temps sur la terre à Thaidene Nëné grâce à sa participation au Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı.

Paul voit Thaıdene Nëné comme une place forte pour les peuples autochtones. « Il y a toujours eu des Chipewyans dans cette région et, maintenant, il y en aura toujours », fait-il remarquer. Mais plus que cela, Thaıdene Nëné veille à ce que les Autochtones « aient leur mot à dire sur ce qu’il advient des terres et des eaux » et « participent à la gestion de ce territoire ». Selon Paul, « cette terre ne nous appartient pas vraiment. Nous sommes ici pour nous en occuper. Si nous nous occupons d’elle, elle s’occupera de nous. »

Steven Nitah

Steven Nitah
Membre du Conseil
Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı

« Je suis un gars de Łutsël K’é », dit Steven en souriant quand on lui demande de se présenter. C’est vrai, mais il est beaucoup plus que cela. Steven a été membre de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, négociateur communautaire pour Łutsël K’é à la table principale de l’Akaitcho, chef de la Première Nation des Dénés de Łutsël K’ et négociateur en chef de l’aire autochtone protégée Thaıdene Nëné. Steven a également préconisé la conservation dirigée par les Autochtones en tant que membre du Cercle autochtone d’experts de l’initiative En route vers l’objectif numéro 1 du Canada, et était l’un des quatre responsables autochtones dans le cadre du Conservation through Reconciliation Partnership.

À l’heure actuelle, Steven est directeur général de Nature for Justice, une ONG de justice sociale qui appuie les communautés PAND (personnes autochtones, noires et de couleur) sur la ligne de front des changements climatiques en créant une valeur financière sur leurs terres au moyen de solutions fondées sur la nature et des marchés d’échange de crédits de carbone. Son rôle au Canada consiste à soutenir les gouvernements autochtones qui font progresser les aires protégées et de conservation autochtones d’un bout à l'autre du pays.

Steven Nitah est né dans son territoire traditionnel et a été élevé sur la terre par ses grands-parents, Abel et Mary Louise, ainsi que par ses arrière-grands-parents, John et Marie Tassi. Sa famille vivait à Kaché (Fort Reliance) et il connaît donc très bien la région entre Pike’s Portage et Ɂedacho Kúe (lac Artillery) et les rives nord et sud de Tacheé T'łáázı̨́ (baie McLeod). « Il y a une foule d’autres endroits exceptionnels dans Thaıdene Nëné », affirme Steve, « mais c’est dans ce coin-là que j’ai grandi. C’est ma terre natale. »

C’est pendant que sa famille se déplaçait en bateau que Steven a compris ses responsabilités en tant que Déné de Łutsël K’é. « Quand on voyage, on écoute les récits des Aînés », explique-t-il. « On écoute ses grands-parents parler de nos responsabilités envers notre territoire pour que la terre soit là pour les générations futures, mais aussi pour que notre mode de vie puisse se poursuivre longtemps dans l’avenir. »

C’est pendant son travail de négociateur communautaire que Steven a commencé à s’impliquer directement dans l’avenir de Thaıdene Nëné. « Je faisais partie de l’équipe qui a travaillé avec le Canada pour choisir une région d’intérêt en vue d’en faire un parc national », dit-il. « Cela faisait partie du plus vaste Processus des groupes de l’Akaitcho concernant l’inaliénabilité des terres. » Plus tard, en qualité de chef, Steven a joué un rôle de premier plan dans l’établissement de l’accord-cadre pour Thaıdene Nëné, qui porte sa signature et celle du ministre de l’Environnement Jim Prentice. Vers la fin de son mandat de chef, le conseil de la PNDLK a nommé Steven négociateur en chef de l’aire protégée proposée. « Les Aînés ne voulaient plus que je sois le chef », dit-il avec son petit rire bien à lui. « Ils voulaient que je sois à la table des négociations. »

Le processus de création, puis de réalisation de la vision de la communauté pour Thaıdene Nëné a été long et difficile. En dépit des retards et des obstacles, l’équipe des négociations a vu ses efforts couronnés de succès. En août 2019, Łutsël K’é a signé des accords avec le gouvernement du Canada et les Territoires du Nord-Ouest pour créer une réserve de parc national, une aire territoriale protégée et une aire de conservation de la faune dans Thaıdene Nëné, celle-ci ayant été désignée comme une aire autochtone protégée par la PNDLK en 2004.

L’équipe des négociations a clairement reçu ses ordres de la communauté. « Notre mandat, reçu des Aînés », dit Steven, « était de concrétiser l’esprit et l’intention des traités ». À cette fin, l’équipe a ciblé « la responsabilité partagée, l’autorité partagée et la compétence partagée », un objectif répété à maintes reprises aux autres parties. Sa persistance a porté fruit; Łutsël K’é n’est pas conseillère, mais partenaire à parts égales dans la gestion et les activités de Thaıdene Nëné.

Les efforts déployés par Steven pour protéger Thaıdene Nëné étaient orientés par le mandat défini par les Aînés, mais Steven pensait aussi à ses trois enfants : « J’espère que la terre continuera de nous nourrir. J’espère que nous continuerons d’être Dénés. J’espère que nous continuerons à conserver la langue pour pouvoir raconter des récits de la terre en dëne sųłıné yatıé ». Steven espère aussi que les prévisions économiques établies par l’équipe des négociations et ses conseillers se réaliseront. « J’espère que Thaıdene Nëné est synonyme de prospérité pour notre peuple. »

Steven continue de s’employer à protéger Thaıdene Nëné en tant que membre du Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı, le conseil de gestion opérationnelle de l’aire autochtone protégée. Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı signifie « les personnes qui parlent au nom de Thaıdene Nëné en dëne sųłıné yatıé. »

Emelie Saunders

Emelie Saunders
Membre du Conseil
Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı

Emelie Saunders est née à Yellowknife, mais a été élevée par ses grands-parents à Keldelé (Talthelei Narrows). « Comme j’ai grandi dans le bois avec des Aînés, j’ai appris à respecter la terre, à faire attention. Même quand j’étais très petite et que je rampais encore, je me souviens de ma grand-mère qui me disait ce que je pouvais toucher ou non. » De son grand-père, elle a appris l’importance de se taire. « Je voyageais partout avec mon grand-père et il était toujours en train de chasser, alors j’ai appris à être toujours silencieuse et à écouter. »

Une grande partie de l’éducation préscolaire d’Emelie était axée sur les bonnes relations avec la terre, l’eau et les animaux. Elle se souvient qu’un jour, alors que son grand-père était au bord du lac, elle pouvait l’entendre parler, mais elle ne voyait personne aux alentours. « Je lui ai demandé à qui il parlait et il m’a répondu “Vois-tu l’eau, la terre, les arbres, le ciel? Le Créateur nous a donné tout cela pour vivre, pour survivre”. »

La réciprocité et le consentement sont deux valeurs importantes que les grands-parents d’Emelie lui ont transmises. « On m’a appris que tout est sacré, alors si on veut prendre un arbre, on doit demander à l’arbre et lui donner quelque chose en retour. Si on voulait jouer dans l’eau, on devait demander à l’eau si c’était possible. »

À l’âge de trois ou quatre ans, son grand-père a construit une maison en rondins à l’ancienne Łutsël K’é et sa famille s’est réinstallée. Quelques années plus tard, sa grand-mère est décédée et Emelie a été emmenée à Fort Resolution, où elle a retrouvé sa mère biologique. C’est là qu’elle a passé le reste de ses années scolaires, bien que sur l’insistance de son grand-père, elle ait fréquenté l’externat plutôt que le pensionnat.

Après avoir quitté l’école, Emelie a vécu pendant un certain temps à Yellowknife avec sa tante et son oncle. Elle a également séjourné dans un camp de pêche sur les îles Simpson. Elle a ensuite déménagé dans le Sud à Edmonton, où elle a travaillé à l’hôpital Charles Camsell. Elle a rencontré son partenaire et ses enfants sont nés et ont été élevés à McLennan, en Alberta.

Plus tard, après sa séparation, elle est retournée avec ses enfants dans le Nord. Pendant qu’elle travaillait comme cuisinière à Yellowknife, deux femmes l’ont approchée. « Elles m’ont dit : “Tu as beaucoup de potentiel. Tu devrais devenir conseillère en toxicomanie”. » Cela intéressait Emelie, qui avait personnellement connu les effets dévastateurs de la drogue et de l’alcool, mais elle devait d’abord améliorer ses compétences.

En tant que mère seule, Emelie n’avait pas le luxe de se consacrer aux études. Pendant qu’elle terminait sa formation générale à l’école secondaire Sir John Franklin à Yellowknife, elle a travaillé à plein temps pour s’occuper de ses enfants et veiller à ce qu’ils fassent aussi des études. Elle a ensuite obtenu un emploi à Northern Addiction Services, le premier centre de traitement résidentiel dans les Territoires du Nord-Ouest. Emelie a poursuivi ses études. En plus de sa formation en cours d’emploi à Northern Addiction Services, elle a commencé un baccalauréat en travail social.

En 1989, le chef et le conseil de Łutsël K’é’s ont adopté une résolution exigeant que les représentants élus ayant des problèmes de toxicomanie se fassent traiter ou démissionnent. Huit conseillers et le gérant de bande se sont rendus en Alberta pour suivre un programme de traitement de huit semaines au Stoney Medicine Lodge. Cette décision a marqué un tournant pour la Première Nation, ainsi qu’un jalon important dans le cheminement d’Emelie. C’est en effet à cette époque qu’elle a reçu une lettre des dirigeants lui demandant de revenir dans la communauté pour offrir un soutien en matière de toxicomanie. Elle a fini par déménager en 1991.

Bien que contente d’être revenue, Emelie a pris conscience de ce qu’elle avait perdu. « J’ai dû réapprendre ma langue et tous les enseignements de la terre. J’ai dû tout réapprendre. » Aujourd’hui, elle est résolue à transmettre aux jeunes de sa communauté ce qu’elle a appris et réappris au cours de sa vie.

Emelie dit qu’elle est « impliquée dans à peu près tout ». Elle a siégé au conseil pendant six mandats. Elle a été mère de famille d’accueil pour 16 enfants et a ouvert les portes de sa maison aux personnes victimes de violence familiale. Elle a été la coroner de la communauté pendant six ans, un poste qui exige « beaucoup de formation ». Elle a siégé à un certain nombre de conseils, y compris l’Association des femmes autochtones du Canada, l’Administration des services de santé et des services sociaux de Yellowknife et le conseil d’enseignement de la division de South Slave, ainsi que la commission de santé et la commission du logement locales de Łutsël K’é. Elle organise des cours de danse pour les membres de la communauté, mais particulièrement pour les enfants, car elle est convaincue qu’il « faut avoir de la joie dans sa vie ». Elle aime animer des ateliers. Elle a offert une formation prénatale aux jeunes femmes, des ateliers de guérison aux dirigeants et des ateliers de généalogie pour aider les gens à comprendre leur famille. Et comme si cela ne suffisait pas, elle adore faire de la pâtisserie. « On me demande toujours du pain et des petits pains, alors j’essaie d’en faire une quantité supplémentaire. Je suppose que les gens aiment mes petits pains », dit-elle en souriant.

Emelie a commencé à participer aux efforts visant à protéger Thaıdene Nëné au milieu des années 1990. « Les Aînés se réunissaient parce qu’ils s’inquiétaient des mines de diamants et, plus tard, de la production d’électricité et des lignes électriques desservant les mines. J’ai participé au début pour aider à expliquer la situation aux Aînés, pour interpréter ici et là », explique-t-elle. Les Aînés ont fini par lui demander de siéger au conseil consultatif, une responsabilité qu’elle a acceptée avec plaisir. « Je pensais pouvoir offrir une foule de renseignements sur ce que les Aînés avaient vu et voulaient, et sur leur vision de l’aire protégée, parce que j’ai toujours été avec eux, dès le début. »

À l’automne dernier, Emelie a été invitée à se joindre au Thaıdene Nëné Xá Dá Yáłtı, qui signifie « les personnes qui parlent au nom de Thaıdene Nëné en dëne sųłıné yatıé. » Une fois de plus, elle a saisi l’occasion de servir sa communauté et de tirer parti de ses connaissances et de son expérience pour protéger Thaıdene Nëné. « La terre est tellement importante, tout comme notre histoire. Nous apprenons des personnes plus âgées comment établir nos relations avec la terre. Cela veut dire notamment que nous devons redonner à la terre. »

Quand on lui demande de nommer un endroit qui lui est cher à Thaıdene Nëné, Emily répond « le pèlerinage », qui désigne un parcours de 24 kilomètres reliant Desnéthcheé, le lieu de rassemblement spirituel de la communauté à Kaché, à Ts’ąkuı Theda (chutes Parry). Elle a fait cette randonnée peu de temps après être revenue à Łutsël K’é, et c’est une expérience qu’elle n’oubliera jamais. « Le premier jour, je suis tombée sur un rocher et je me suis fait mal au genou parce que j’étais habituée à marcher dans une ville et non pas sur un sentier. J’ai été la dernière dans le groupe de 13 personnes à revenir à Desnéthcheé. L’un des Aînés m’a pratiquement portée. » Mais le défi et l’inconfort en valaient la peine, car elle a eu un sentiment de bien-être et d’attention. « Pour moi, l’endroit exceptionnel est toujours le pèlerinage, sachant qu’on prend soin de nous de manière holistique. »

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