Renaître de ses cendres : le renouvellement écologique au parc national des Lacs-Waterton

Parc national des Lacs-Waterton

Tous les processus naturels intenses tels que les feux de forêt laissent dans leur sillage des récits de pertes, de sacrifice, de renouveau… et d’obstination.

En septembre 2017, le feu de forêt Kenow a balayé le parc national des Lacs-Waterton, en Alberta.

Avant que le feu n’atteigne les limites du parc, une équipe de spécialistes des bisons venue du parc national des Prairies, en Saskatchewan, a fait le déplacement pour aider à rassembler le troupeau de bisons de Waterton.

Mais un des mâles a refusé de partir.

L’incendie a fini par ravager complètement l’enclos du troupeau, mais le bison a survécu, probablement en trouvant refuge dans l’un des grands plans d’eau.

Ce bison résilient — aux yeux rougis et le corps recouvert de cendres, certes, mais toujours vivant — pourrait être le meilleur emblème du parc.

Un changement écologique extrême s’est produit dans cette extraordinaire mosaïque de prairies, de forêts, de lacs, d’étang et de rivières. Mais déjà, la nature se renouvelle, et recrée la mosaïque, peut-être même en y ajoutant des motifs nouveaux, et inattendus.

vue aérienne d’une forêt en bord de lac en train de brûler
Le feu de forêt de Kenow brûlant près de l’aire de fréquentation diurne du lac Cameron, dans le parc national des Lacs-Waterton

Rien ne reste, tout se transforme

Tous les paysages subissent un cycle naturel de perturbations (incendies, inondations, sécheresses, insectes et maladies) et de renouvellement.

Pour les visiteurs, les scientifiques et le personnel du parc, la vie après le feu de Kenow offre une chance unique d’observer la manière dont un parc national se régénère à la suite d’un violent incendie de forêt.

« Le renouvellement écologique peut prendre un peu de temps, déclare Kimberly Pearson, une des scientifiques spécialistes des écosystèmes de Waterton, et le résultat pourrait bien être différent de ce à quoi nous sommes habitués. »

Mais le renouvellement écologique est déjà en marche. Il a commencé quasiment dès que le sol a refroidi.

Dans les semaines qui ont suivi l’incendie, le xérophyle (un lys des montagnes, et l’une des plantes les plus faciles à identifier du parc) a refait son apparition à des altitudes plus élevées. Ce phénomène s’est produit dans les zones fortement touchées par l’incendie, où l’intensité du feu a détruit toute la végétation organique ainsi que le sol.

Le chemin du renouvellement

Le renouvellement écologique après un incendie dépend en partie de la gravité de l’incendie, c’est-à-dire des changements qu’il a provoqués dans la végétation et dans le sol. Dans le cas du feu de forêt de Kenow, 44 pour cent des zones de végétation du parc ont été sévèrement ou très sévèrement brûlées.

Dans une forêt, un incendie de forte intensité détruit environ soixante-dix pour cent de la canopée. Le sol devient en surface principalement de la cendre ou un sol minéral (c’est-à-dire un sol constitué de roches et de minéraux, sans la partie « terre » organique).

Lors d’un incendie de très forte intensité, toute la canopée est détruite, et la forêt est remplacée par des troncs d’arbres noircis. Le stock grainier du sol peut être en grande partie détruit.

une forêt d’arbres noircis avec une canopée quasiment inexistante
Feu de forte intensité
une forêt de troncs d’arbres noircis sans canopée
De très forte intensité

Mais le paysage de Waterton a évolué avec le feu de forêt, et la nature sait réparer à la perfection ce type de perturbations. Les forêts qui peuvent sembler détruites ou mortes sont en réalité débordantes de vie et fournissent la toile qui servira de base au renouvellement.

Les semences d’arbres peuvent venir s’y déposer, apportées par le vent depuis des canopées encore intactes à proximité, ou même depuis de lointaines forêts. La plupart des semences d’arbres qui vont prendre racine à Waterton, déclare Mme Pearson, seront probablement apportées par des agents de dispersion longue distance provenant de la Colombie-Britannique ou du Montana.

Les semences d’arbres peuvent aussi être abandonnées par les écureuils roux qui les auront récupérées dans la terre avant l’incendie et, avec l’arrivée du printemps, les auront redéposées sur le tapis forestier pour s’en nourrir.

Les prairies, une composante essentielle de l’écosystème de Waterton, ont été façonnées, historiquement parlant, par les incendies. Les feux de forêt périodiques, et ceux qui ont été stratégiquement employés par les Premières Nations, ont empêché la pousse des arbustes et des trembles, et ont favorisé le renouvellement des herbes et des fleurs sauvages.

Le suivi et le contrôle des plantes invasives revêtent une importance toute particulière étant donné l’importante superficie de terrain perturbée par le feu de Kenow. Les plantes invasives non indigènes s’épanouissent dans les secteurs affectés par des perturbations telles que des incendies. Le parc a mis en place un programme de gestion des plantes invasives novateur, qui dispose des ressources requises pour minimiser les incidences de ces plantes sur la diversité naturelle.

L’eau et la faune

orignal derrière des troncs d’arbres noircis
Un orignal femelle se promène dans la forêt incendiée de la route Akamina, dans le parc national des Lacs-Waterton

Une modification du paysage signifie que les cours d’eau, les rivières, les étangs et les lacs aussi seront modifiés. En raison de la grande quantité de végétation et de terre ayant brûlé, les sédiments se déverseront en plus grand nombre dans les cours d’eau et les rivières.

Ces sédiments transporteront avec eux du phosphore, qui favorise la croissance des plantes aquatiques. Dans de nombreux ruisseaux, les roches colorées qui sont caractéristiques de cette région vont se couvrir de petites algues foncées.

Un incendie va également induire un changement dans les habitudes de recherche de nourriture de la faune. Un ours, par exemple, aura perdu une grande partie des végétaux sur lesquels poussent ses baies préférées. Les animaux vont se concentrer dans les zones dans lesquelles ils peuvent encore trouver des baies et d’autres sources de nourriture. Les ours s’alimentant avec ce qu’ils trouvent, ils vont rester à l’affût d’autres sources de nourriture. Il est donc d’autant plus important que les visiteurs conservent leur nourriture et leurs déchets dans des contenants à l’épreuve des ours.

Bien que le parc ait à déplorer la perte d’au moins 40 gros mammifères dans l’incendie, et notamment des cerfs, des wapitis, des orignaux et des ours noirs, les populations fauniques de la région demeurent en bonne santé.

On s’attend également à ce que certains animaux peu communs s’établissent dans la zone. Les forêts incendiées attirent les insectes, lesquels attirent à leur tour des oiseaux qui ont l’habitude de se nourrir dans les zones incendiées, comme les pics tridactyles et les pics à dos noir. Ces oiseaux étaient rares dans le parc dans les années qui ont précédé le feu de forêt de Kenow.

C’est formidable de pouvoir faire partie de ce paysage en ce moment précis, déclare Mme Pearson. Certains aspects du renouvellement écologique peuvent perdurer au-delà de notre espérance de vie, mais d’autres changements sont déjà en train de se produire.

Et qu’est donc devenu le troupeau de bisons que l’on a dû déplacer en raison du feu? Les animaux devraient revenir - un jour. Parcs Canada prévoit les réintégrer au parc une fois que les prairies qui constituent leur habitat naturel se seront renouvelées.

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