L'impact des femmes sur le développement économique
Lieu historique national du Canal-de-Lachine
Les femmes ont eu un impact majeur sur le développement économique et social dans les quartiers avoisinant le canal de Lachine. Le manque de main-d’œuvre, la pauvreté des ménages et la contribution à l’effort de guerre ont notamment permis aux femmes de faire leur entrée sur le marché du travail.
Même si elles étaient mises à pied lors du retour à la paix, ou lorsque l’économie stagnait, on aura désormais pris conscience de l’importance de leur travail. Saluons aujourd’hui l’effort de ces pionnières qui ont grandement contribué à l’émancipation des femmes au 20e siècle!
Les femmes et la production de guerre
Avec le début de la première guerre mondiale en 1914, le Canada a non seulement du former une armée, mais aussi assurer l’approvisionnement en munitions, en nourriture, en vêtement et en matériel de toute sorte aux troupes. Par leur importance et leur diversité, les usines du canal de Lachine ont rapidement joué un rôle de premier plan dans l’ouverture du front industriel. Dans les années qui suivent le déclenchement de la guerre, les manufacturiers du canal mobilisent toutes leurs ressources, accroissent leur capacité de production et construisent de nouvelles usines. Pour ce faire, ils engagent des milliers de nouveaux travailleurs, dont un grand nombre de femmes.
L’entrée des femmes dans les milieux traditionnellement masculins
En réponse à la conscription de 1917, les usines sidérurgiques et de matériel de transport, où la main-d’œuvre féminine est traditionnellement absente, confient des postes jusqu’ici considérés comme trop exigeants physiquement ou techniquement aux femmes.
Certaines usines de munitions, comme la Montréal Ammunition, engagent un grand nombre de femmes. Des centaines d’entre elles sont également engagées par la Dominion Bridge, la Canadian Car and Foundry et les Ateliers du Grand Tronc.
La Dominion Bridge n’hésitera pas à recourir à leurs services pour des travaux de précision et même à les payer selon le principe du salaire égal pour un travail égal. Sur ce point cependant, le constructeur de structures métalliques fait plutôt bande à part. Règle générale, les manufacturiers du canal allouent un salaire moins élevé aux femmes qu’aux hommes. Avec le retour de la paix en 1918, la majeure partie des ouvrières se verront indiquer la porte de sortie par les manufacturiers.
La volonté des entreprises a un prix
Le salaire des femmes et leur participation au marché du travail demeurèrent tributaires des conjonctures économiques.Au début du 20e siècle, les femmes se concentrent dans l’industrie de la confection, du textile, du cuir et du tabac, quoiqu'elles investissent aussi de nouveaux lieux, comme la typographie, les produits chimiques et les appareils électriques.
Malheureusement, une vague de licenciements massifs survient après le krach de 1929. Les femmes en seront les premières victimes puisque les patrons congédieront d’abord les salariés qui ne sont pas des soutiens de famille alors que le salaire des femmes est considéré comme un revenu d’appoint. De plus, certaines industries à forte main-d’œuvre féminine, comme les filatures de coton, profiteront de la crise pour justifier le remplacement d’une femme payée au salaire minimum par de jeunes garçons qu’ils paieront encore moins ! Cette technique fut utilisée pour contourner la loi du salaire minimum.
Face à cette manœuvre, la Commission du salaire minimum des femmes demande au gouvernement du Québec d’agir dès 1932. Mais celui-ci interdit formellement cette pratique qu’en 1934, alors que les premiers signes de reprise économique s’annoncent. On pourrait multiplier les exemples de la porosité de cette loi, mais l’essentiel est dit : le salaire des femmes demeure tributaire des aléas du marché. En période de croissance, les patrons sont prêts à payer un salaire décent, mais en situation de crise, les vieilles habitudes reprennent vite le dessus. La preuve : en 1934, l’embauche de femmes reprend timidement, tandis que leur salaire hebdomadaire de base effectue une remontée. Bref, le marché de l’emploi s’améliore.
Cinq ans plus tard, en 1939, le pays entre de nouveau en guerre et les industries ont besoin de main d’œuvre. Les Montréalaises, mariées ou non, répondent à l’appel, et, sans elles, le front industriel se serait écroulé. Au retour de la paix, on les pressera de retourner à leur cuisine, mais on aura désormais pris conscience de leur importance.
Portrait des femmes ouvrières de la première moitié du 20e siècle
Durant l’entre-deux-guerres, l’ouvrière montréalaise type est une jeune femme célibataire. Du lundi au samedi, elle peine, durant de longues heures, à suivre le rythme cadencé d’une machine de filature de coton ou de confection. Qui plus est, comme les promotions lui sont rarement proposées, son horizon se limite souvent à cette même machine, année après année. Le plus souvent célibataire, elle demeure chez ses parents. Payée à la pièce ou touchant un salaire, cette femme gagne peu. Souvent, elle donne son maigre pécule à sa famille afin de l’aider à se nourrir. Voudrait-elle quitter ses parents qu’elle se retrouverait devant tout un problème, celui de trouver un logement à la mesure de ses moyens financiers. Certes, elle peut résider dans une pension, mais pour cela, il faut qu’elle accepte de rogner sur des choses aussi essentielles que l’alimentation ou l’habillement.
Pour sortir de la maison ou de sa misère, plusieurs choisissent alors d’épouser un homme dont le salaire est souvent deux fois plus élevé que le leur. Quoiqu’un certain nombre de femmes mariées soient contraintes par la pauvreté ou la maladie d’occuper un emploi, ce mariage signifie le plus souvent son éviction du marché du travail.
Mouvements de grève et révoltes
Or, il serait faux de croire que les femmes acceptent de telles situations sans agir. De 1919 à 1939, de nombreux mouvements syndicaux s’organisent dans la région. Les femmes se retrouvent au cœur de près de la moitié des conflits de travail à Montréal.
Le mouvement le plus marquant est sans contredit la grève des midinettes de 1937 organisée par l’Union internationale des ouvriers du vêtement pour les dames. Ce mouvement fut mené par des femmes importantes du militantisme syndical telles que Léa Roback et Rose Pesotta. Cette grève de trois semaines, qui dura du 15 avril au 3 mai 1937, permet à tous les employés du milieu du textile d’améliorer considérablement leurs conditions de travail.
- Date de modification :