Gestion des navires et des baleines dans l’estuaire du Saint-Laurent
Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, Québec
Dans l’estuaire du Saint-Laurent, un porte-conteneurs de près de 300 m de long transporte des biens à destination des principaux marchés situés en amont. Mais il n’est pas le seul géant à naviguer dans ces eaux.
À un demi-kilomètre de distance seulement, un rorqual bleu (une espèce en voie de disparition) de trente mètres de long est en train de plonger : son dos s’arque gracieusement et sa petite nageoire dorsale triangulaire fend les vagues, laissant derrière lui une voie d’eau aussi lisse qu’un miroir — « l’empreinte » des baleines.
L’image de ces deux géants côte à côte représente l’un des plus grands défis du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. Les navires à l’instar des baleines empruntent ce passage maritime. Comment les experts arrivent-ils à empêcher les collisions?
Le parc marin, l’une des premières aires marines protégées du Canada, est situé au confluent du Fjord-du-Saguenay et de l’estuaire du Saint-Laurent. Il est une importante aire d’alimentation pour les baleines et, pour les bélugas en particulier, il est aussi une aire de mise bas.
L’estuaire est également l’une des principales routes maritimes permettant de relier les ports des Grands Lacs au reste du monde. Les navires commerciaux effectuent en moyenne 7 500 allers et retours par an dans cette zone.
Sans compter la navigation liée aux activités touristiques. Selon les estimations, il y aurait 13 000 excursions d’observation de baleines et 9 000 promenades touristiques en bateau par an.
Des règlements sont maintenant en place pour régir la conduite des bateaux de plaisance et d’observation de baleines autour de ces dernières. Toutefois, le trafic maritime a toujours représenté un problème majeur pour les baleines — les petits rorquals, les bélugas, les rorquals bleus, les baleines à bosse et les rorquals communs (les rorquals bleus et les bélugas étant deux espèces en voie de disparition et la situation des rorquals communs étant particulièrement préoccupante).
Savez-vous?
Depuis 1992, Parcs Canada a recensé plus de 45 collisions entre des vaisseaux et des baleines (y compris des blessures à la suite de collisions avec des baleines qui s’exposent) à l’intérieur du parc marin et dans ses eaux limitrophes. Ce chiffre tient compte des collisions impliquant toutes sortes de vaisseaux allant des bateaux de plaisance aux navires commerciaux. De nombreuses collisions n’étant pas déclarées ou passant inaperçues, les scientifiques pensent que le nombre de collisions est en réalité beaucoup plus inquiétant.
Pour les espèces en danger comme le rorqual bleu, la perte ou la blessure même de quelques individus seulement peut gravement nuire à la population. En effet, les collisions constituent une menace pour le rétablissement des espèces en péril chez les mammifères marins du Saint-Laurent.
Une solution commune à un problème commun
En 2011, des experts préoccupés par le sort des baleines ont formé le groupe de travail sur le transport maritime et la protection des mammifères marins. Ce groupe est composé de représentants de groupes de recherche sur les baleines, de l’industrie du transport maritime, de groupes de développement économique, du milieu universitaire et du gouvernement fédéral.
L’Agence Parcs Canada, coprésidente de ce groupe de travail, s’est servie de ses systèmes d’information géographique (SIG) pour étudier les données relatives à la répartition des baleines et à leur habitat. L’Agence Parcs Canada a ensuite collaboré avec l’industrie du transport maritime pour élaborer les différents scénarios de collision possibles et trouver des solutions afin de réduire le risque de collisions avec les baleines.
Le travail de ce groupe a permis l’adoption de mesures volontaires en matière de réduction de la vitesse par les navigateurs du transport maritime. Les navires de transport doivent ainsi réduire leur vitesse dans les aires d’alimentation des baleines et éviter une aire importante de rorquals bleus. Ils doivent également suivre un itinéraire permettant d’éviter un secteur hautement fréquenté par des troupeaux de bélugas composés de femelles et de jeunes.
Plus d’espace pour les baleines
De manière générale, les navigateurs du transport maritime ont respecté les mesures volontaires. Parcs Canada a observé que les bateaux avaient réduit leur vitesse de 2,8 nœuds (soit un peu plus de 5 kilomètres par heure) entre l’année 2013 et 2016. Cette réduction signifiait que la vitesse moyenne des navires dans les aires d’alimentation des baleines s’approchait de la vitesse recommandée de 10 nœuds (18,5 kilomètres par heure).
La réduction de la vitesse a permis de diminuer le risque de collisions de près de 40 %.
Lorsque les bateaux vont à une certaine vitesse, les baleines sont capables de les éviter. Et si une collision a néanmoins lieu à une vitesse plus lente, elle risque moins d’être mortelle.
Mme Ménard souligne que ces mesures sont actuellement provisoires. « Nous cherchons à utiliser les meilleurs moyens techniques disponibles pour établir de manière précise les aires fréquentées par les baleines et revoir les mesures volontaires », déclare Mme Ménard.
La prochaine tâche pour le groupe de travail consistera à étudier l’impact des sons produits par les navires sur les baleines... et de prendre des mesures pour en réduire les effets.
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