Interactions : un balado de Parcs Canada
Tous les animaux et toutes les plantes sont protégés dans les parcs nationaux, mais certains ont besoin d’un coup de pouce supplémentaire. Interactions vous fera découvrir des espèces en péril qui sont à risque de disparaître. Du charismatique grizzli au robuste pin à écorce blanche, nous nous pencherons sur les raisons pour lesquelles ces espèces sont menacées et ce que nous risquons de perdre.
Chaque épisode présente un animal ou une plante différente ainsi que les spécialistes de Parcs Canada qui veillent à leur protection. Venez donc découvrir le parc et observer les interactions qui y ont lieu avec nous!
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Notes sur les épisodes, transcriptions et bibliographies
Grizzli
Rejoignez-nous sur le terrain avec l’écologiste David Laskin. Dans cet épisode, il parle des défis que représentent l’étude et la protection des grizzlis, et répond à des questions telles que « Comment pose-t-on un collier sur un ours?!? ». Découvrez ce que fait Parcs Canada pour aider ces symboles emblématiques de la nature sauvage.
En apprendre davantage :
- Herrero, Stephen. Bear Attacks: Their Causes and Avoidance, New York (New York) : Piscataway (New Jersey), Nick Lyons Books/Winchester Press, 1985 (en anglais seulement).
- Le grizzli, espèce en péril du parc national Kootenay
- Évaluation et rapport de situation du COSEPAC sur le grizzli (PDF 1,77 Mo)
Transcription
Voix : Vous écoutez un balado signé Parcs Canada. This podcast is also available in English.
Narratrice : Bienvenue au tout premier épisode d’Interactions, un balado de Parcs Canada. Au cours de notre première saison, nous vous ferons découvrir des espèces en péril : les animaux et les plantes qui sont à risque de disparaître. Nous allons parler de plusieurs espèces intéressantes, dont le pin à écorce blanche, le carcajou, le martinet sombre, la petite chauve-souris brune et la truite fardée versant de l’ouest. Nous vous encourageons à aller écouter ces épisodes aussi, mais, pour l’instant, allons à la découverte des ours.
David Laskin : J’étais avec mon collègue Dillon, et on parcourait une vallée à cheval pour faire du travail.
N : Lui, c’est David Laskin, écologiste de la faune à Parcs Canada. Il joue un rôle important dans la gestion et la protection de la faune dans les parcs nationaux Banff, Yoho et Kootenay. David s’occupe de bien des animaux, mais nous allons porter notre attention sur une espèce en particulier aujourd’hui. Le grizzli.
DL : On a vu un grizzli au loin, au fond de la vallée. Il retournait des pierres et fouinait un peu partout, comme le font normalement les ours, mais il était directement sur notre chemin. Dans la direction qu’on devait prendre. La dernière chose qu’on voulait faire, c’était de déranger un ours en entrant soudainement dans sa bulle.
Mais, en même temps, on avait du travail à faire plus loin dans la vallée. Pendant que je réfléchissais à la meilleure façon de passer discrètement, c’est là que Dillon a parlé à l’ours, « excusez-nous monsieur l’ours, mais on aurait besoin de passer, ça prendra juste une seconde. Désolé de vous déranger. »
Mais, tu sais, il ne disait pas vraiment ça pour plaisanter. C’était tellement sincère et ça a vraiment montré la déférence, la compréhension et le respect qu’on a envers les animaux avec qui on partage le parc. L’ours s’est avancé tranquillement dans la forêt et nous a laissé passer. Je ne vais jamais oublier ce moment-là.
Kelsey : David, qu’est-ce qui t’a d’abord amené à étudier les grizzlis et à travailler avec eux?
DL : Je venais de terminer un cours avec un nouveau professeur qui ne supervisait pas encore des étudiants des cycles supérieurs, et il m’a offert de l’aider à cartographier l’habitat du grizzli en Alberta.
C’était un projet de recherche très intéressant parce qu’il s’inscrivait dans un énorme effort multidisciplinaire pour étudier les ours et pour en faire un recensement, qui a finalement aidé à imposer un moratoire sur la chasse au grizzli en Alberta. C’est ce qui m’a amené à terminer mon doctorat en examinant la saisonnalité et les effets des changements climatiques sur les grizzlis et la façon dont ils utilisent leur habitat.
N : En 2012, le grizzli a été inscrit à la liste des espèces préoccupantes en vertu de la Loi sur les espèces en péril en raison du déclin de la population comme la perte ou la fragmentation de l’habitat, et les décès sur les routes et les voies ferrées. Les grizzlis sont sensibles à l’activité humaine et ne se reproduisent pas très rapidement, il est donc difficile pour leur population de croître lorsque le nombre d’individus est faible. Ces ours ont besoin de notre aide.
DL : Tu sais, c’est vraiment tout un défi. On veut s’assurer que les humains et la faune peuvent profiter en toute sécurité de ces endroits exceptionnels que sont les parcs. Notre personnel joue un rôle d’intermédiaire entre les visiteurs et les ours en s’occupant des aspects sensibilisation du public et sécurité.
C’est un concept qui est parfois difficile à expliquer à quelqu’un qui arrive de l’autre bout du monde dans le seul but de voir un ours. On contribue beaucoup mieux à la sécurité d’un ours en prenant rapidement une photo de lui et en reprenant la route qu’en s’arrêtant longuement pour l’observer dans sa voiture.
Quand on prend un peu de temps pour expliquer aux visiteurs pourquoi c’est important de laisser aux ours leur espace, notre objectif est d’éviter que les grizzlis s’habituent aux gens et aux véhicules. Et il y a souvent ce moment où ils réalisent qu’ils sont en quelque sorte des intendants, et qu’ils jouent un rôle dans la conservation de cette ressource qu’est le parc.
Mais au-delà de nos efforts de sensibilisation, on a recours à des mesures d’atténuation plus vastes pour réduire les conflits. Il y a notamment l’étude de ce micro-habitat. L’habitat des ours. Ils aiment les zones plus ouvertes et récemment perturbées, à l’opposé de la forêt que nous associons aujourd’hui à la vallée de la Bow, une forêt mature d’épinettes et de pins qui n’a pas toujours existé.
Ou du moins qui n’a pas toujours été aussi dense. Les feux n’étaient pas rares dans le secteur, et cette perturbation entraînait la croissance de beaucoup de végétation, un élément clé de l’alimentation des ours. Mais il n’y a plus autant de feux maintenant. C’est pour ça que les ours traînent au bord des routes.
C’est dans ce contexte qu’on a réalisé une étude où on a intentionnellement enlevé des parcelles de forêt. On voulait simuler cette perturbation naturelle et éclaircir des espaces dans des secteurs un peu plus éloignés de la promenade de la Vallée-de-la-Bow. L’idée étant que les ours seraient attirés par ces refuges, loin des secteurs utilisés par les humains.
K : Quand l’équipe crée ces espaces ouverts, est-ce qu’elle travaille avec l’équipe des brûlages dirigés? Ou est-ce qu’elle réalise des activités d’éclaircissage manuel? À quoi ressemblent ses interventions?
DL : À cet endroit particulier, les conditions doivent être optimales pour utiliser le feu. Surtout dans la forêt mature. Ça a donc été un éclaircissage réalisé par nos équipes de gestion du feu et de la végétation. Et elles ont fait un très bon travail.
K : Donc, on a maintenant un habitat qui a été éclairci, mais pour vraiment comprendre et observer comment les ours l’utilisent, est-ce qu’il faut leur mettre un collier émetteur pour les surveiller? À quoi ressemble cet équipement?
DL : Maintenant qu’on dispose de ces parcelles, de petits refuges attrayants dans un habitat de qualité, on veut savoir comment les ours interagissent avec elles. Pour ce faire, on doit poser des colliers GPS sur les ours pour savoir où ils sont à tout moment.
K : Mais, David, comment est-ce qu’on met un collier sur un ours?
DL : Ça prend des personnes très courageuses. En réalité on utilise des pièges de style ponceau. En fait, c’est comme un gros tube en aluminium de la taille d’un ours qu’on place dans un endroit discret où on sait que des ours vont passer. Le long de trajets qu’ils empruntent souvent. On essaie de les piéger au printemps et à l’automne quand ils sont un peu plus audacieux.
Lorsque les ours sortent de leur hibernation ou se préparent à l’hibernation, quand leur désir d’ingérer des calories l’emporte sur leur bon jugement. On profite de ce phénomène en les piégeant pendant ces périodes. Ce sont des animaux intelligents, et pour les attirer dans un piège, on a besoin de toute l’aide possible. On utilise des animaux tués sur la route, ou des parties de ces animaux, comme appât dans le piège. Mais ce n’est pas tout, on ajoute un autre appât pour répandre une odeur délicieuse, un mélange de sang de vache putride mélangé à de la farine de poisson.
K : Ah. C’est un souper presque parfait pour un ours, ça.
DL : Oui. C’est toute une concoction. Mais c’est ce qui crée la plus forte odeur. Le piège est équipé de caméras, et un des membres de notre équipe est immédiatement avisé lorsque la porte se referme pour réduire au minimum le temps qu’un ours passe dans le ponceau. On se rend sur place dès que possible.
Et c’est à ce moment-là qu’on administre un tranquillisant chimique pour immobiliser l’ours. On met le collier en veillant à ce qu’il ne soit pas trop serré. Après ça, il ne reste plus qu’à activer l’émetteur.
K : Est-ce qu’il arrive que les colliers tombent? Ou ils sont plutôt robustes?
DL : Et bien, on a seulement besoin d’une certaine quantité de données. On défait donc le collier à distance en envoyant un signal à ce collier en particulier. Il se détache alors tout seul, et on va le chercher longtemps après que l’ours soit parti.
N : En 2020, il y avait environ 60 à 80 grizzlis dans le parc national Banff, et 25 à 30 dans les parcs nationaux Yoho et Kootenay. Cependant, ces données ne sont que des estimations. David et son équipe veulent avoir une meilleure idée du nombre de grizzlis dans les parcs, et, pour ce faire, ils planifient une étude sur les tendances des populations. En d’autres mots, ils tenteront de faire un recensement de tous les ours.
DL : Si on fait ça à intervalles réguliers, on peut commencer à comparer les recensements d’année en année. On aura alors une meilleure idée des tendances qui touchent la population au fil du temps.
K : Quelle méthode utilise-t-on pour estimer le nombre de grizzlis dans le parc?
DL : On a aménagé des sites de prélèvement de fourrure, aussi appelés des arbres frottoirs, un peu partout dans le parc. On a tous vu des photos d’ours qui se frottent sur des arbres; on y pose donc du fil barbelé pour recueillir des touffes de poils.
À partir de ces échantillons, on peut obtenir de l’ADN et avoir une meilleure idée de la fréquence des visites d’un ours en particulier.
K : OK. Donc, à partir de cet ADN, on peut identifier les ours et faire un suivi de leurs déplacements à travers les divers secteurs et le paysage.
DL : Oui, exactement.
N : Tous les travaux réalisés par Parcs Canada pour protéger, surveiller et rétablir les populations de grizzlis aident non seulement cette espèce, mais apportent aussi de nombreux avantages pour notre environnement. Les grizzlis jouent un rôle important dans l’écosystème en interagissant avec un grand nombre de plantes et d’animaux. On les considère comme une espèce clé de voûte.
DL : Toutes les espèces sont importantes, mais, quand on parle d’espèces clé de voûte, on fait référence à des espèces qui ont une incidence disproportionnée sur l’écosystème. Imaginez une voûte faite en pierres, il y a toujours un bloc en forme de trapèze au milieu qui tient toutes les autres pierres en place, et ça, c’est la clé. Si vous la retirez, tout dégringole.
Le grizzli peut être considéré comme une espèce clé de voûte parce que son domaine vital est immense. Il occupe un vaste territoire. Quand on n’observe pas de grizzlis dans une région, on sait que quelque chose cloche.
K : Si tu avais une seule chose à communiquer à propos des grizzlis, qu’est-ce que ce serait? Est-ce qu’il y a un message en particulier sur lequel on devrait mettre l’accent?
DL : Je pense que les grizzlis méritent notre respect plutôt que notre peur. Beaucoup de personnes s’empêchent de vivre des expériences agréables en plein air parce qu’elles ont trop peur des ours, mais c’est en s’informant mieux sur les grizzlis et leurs comportements qu’on peut surmonter cette crainte et adopter des pratiques sécuritaires en randonnée. Par exemple, le fait de faire du bruit quand on se promène en forêt réduira les chances de faire une rencontre imprévue avec un ours.
Depuis longtemps, il y a cette croyance que les humains et les grizzlis ne peuvent pas coexister dans le même paysage. Mais c’est faux. Et on le sait parce qu’on étudie leur biologie et leurs comportements depuis des années.
K : Penses-tu que les ours risquent de disparaître à l’avenir?
DL : C’est difficile de prédire comment les ours vont s’en tirer dans le territoire. Ce sont des généralistes. Les plantes composent 90 % de leur régime. Les grizzlis des Rocheuses n’ont pas accès à l’océan et ne mangent donc pas de saumon. Ils doivent passer beaucoup de temps à manger différents types de plantes à divers moments de leur cycle de vie. La saison des baies, c’est un peu leur temps des Fêtes. C’est l’événement calorique de l’année.
Les changements climatiques risquent de toucher le taux de croissance des plantes, et on remarque déjà que le printemps arrive de plus en plus tôt chaque année. On peut s’attendre à ce que les grizzlis ne se déplacent plus aux mêmes endroits qu’auparavant, ce qui peut compliquer notre mission de conservation.
N : Un certain nombre de défis nous attendent, mais nous nous préparons à y faire face en réalisant des recherches, en collaborant et en adaptant nos pratiques de gestion en fonction des meilleurs renseignements dont nous disposons. David m’a indiqué qu’on observe de plus en plus d’ours dans la région. J’espère que cette tendance se maintiendra, mais je pense que c’est important de se souvenir de ce qui est en jeu si ce n’est pas le cas.
DL : On pourrait aussi parler de la perte d’un symbole. Une perte énorme pour nous, les humains. Le grizzli est un symbole de l’état sauvage, c’est un animal révéré et respecté, qui représente nos espaces naturels. Sa perte aurait un impact sur beaucoup plus que nos écosystèmes.
Truite fardée versant de l’ouest
Lacez vos bottes et partez en randonnée dans l’arrière-pays du parc national Banff. Nous explorons des lacs alpins avec Brad Stitt et Shelly Humphries, responsables du projet de conservation À la rescousse de la truite. Découvrez ce qu’il faut pour corriger les erreurs du passé et réintroduire la truite fardée versant de l’ouest dans son habitat d’origine.
En apprendre davantage :
- Randonnée guidée de conservation au lac Hidden
- Remise en état des lacs Helen et Katherine
- La truite fardée versant de l’ouest, espèce en péril du parc national Kootenay
- Évaluation et rapport de situation du COSEPAC sur la truite fardée versant de l’ouest (PDF 1,91 Mo)
Transcription
Voix : Vous écoutez un balado signé Parcs Canada. This podcast is also available in English.
Brad Stitt : Elle a une grande ligne rouge sous la mâchoire qui ressemble à une coupure. C’est une espèce de truite. Elle a de jolies couleurs, comme un rose ou un pourpre argenté près du dos. Elle a des taches noires sur le corps. Pas d’auréoles autour de ces taches. Ouais, c’est pas mal ce qui les distingue des autres.
Narratrice : Si vous vous y connaissez en poissons, vous avez probablement deviné de quoi nous parlons : la truite fardée versant de l’ouest. L’épisode d’aujourd’hui est consacré à cette bestiole colorée qui vit en eau froide. Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue à Interactions, un balado de Parcs Canada; au programme cette fois, des lacs de montagne, une écloserie mobile et les efforts incessants pour ramener la truite fardée versant de l’ouest dans nos parcs.
Pour en savoir plus, je discute avec deux spécialistes des poissons de Parcs Canada.
BS : Je m’appelle Brad Stitt. Je suis le gestionnaire du projet appelé « À la rescousse de la truite », un projet de conservation et de rétablissement.
Shelley Humphries : Je m’appelle Shelly Humphries et je suis spécialiste des milieux aquatiques.
N : Brad et Shelley sont tous les deux passionnés par leur domaine de travail, une passion qu’ils cultivent depuis qu’ils sont tout petits.
BS : Ma famille a un camp dans le Nord de l’Ontario, et il faut absolument prendre un bateau pour s’y rendre. J’ai des souvenirs de moi tout petit, couché sur le ventre, sur le quai, des échardes dans le ventre, en train d’attraper des crapets-soleils et des crapets noirs avec mon frère et mon père.
SH : Quand j’étais petite, j’habitais dans le Nord de l’Alberta et mon père aimait pêcher. Ça me fait rire parce que je me souviens encore de lui qui m’emmenait à la pêche sur la glace sur la rivière Athabasca quand j’avais trois ans. J’avais ma petite tuque, et j’étais assise là, sans dire un mot, parce qu’encore une fois je n’avais pas pu bien tenir ma ligne à cause de mes mitaines et je l’avais échappée dans le trou. Je ne voulais pas lui dire que j’avais encore perdu ma ligne.
N : Après une enfance passée près de l’eau, Brad et Shelley jouent aujourd’hui un rôle important dans la gestion des écosystèmes aquatiques des parcs nationaux Banff, Yoho et Kootenay. Ils participent à de nombreux projets, mais ce qu’ils veulent avant tout c’est le rétablissement de la truite fardée versant de l’ouest. La population albertaine de ce poisson est inscrite à la liste des espèces menacées de la Loi sur les espèces en péril. Quelques-unes des raisons pour lesquelles la truite fardée versant de l’ouest est en danger pourraient vous surprendre.
SH : Il y en avait vraiment beaucoup avant dans les rivières de l’Ouest. Mais de nos jours, elle est en danger. C’est vraiment triste parce que ça ne devrait pas être le cas. On a encore d’excellents habitats de grande qualité pour la truite des parcs Banff, Yoho et Kootenay.
En fait, c’est un problème que Parcs Canada a créé dans les premières années du parc, parce que les premiers gestionnaires de parc sont arrivés ici, ils ont vu qu’il n’y avait rien dans les lacs et ils ont commencé à les ensemencer.
Dans l’habitat de la truite fardée, on a introduit des poissons qui sont devenus ses prédateurs directs, et on a ajouté des espèces qui l’ont supplantée.
Ce qui est probablement le plus désolant, c’est que les plans d’eau ont été ensemencés avec des espèces étroitement apparentées qui ont pu s’hybrider avec la truite fardée. Les hybrides sont en fait moins vigoureux. Quand on met tout ça ensemble — les espèces concurrentes, les bêtes qui les mangent, la capacité d’être concurrentielles parce que ce sont des hybrides — ça fait vraiment un paquet de problèmes à l’intérieur du parc.
Kelsey : Qu’en est-il de la truite fardée versant de l’ouest et de ses interactions avec l’écosystème et d’autres organismes... Quel déséquilibre verrait-on si on perdait la truite fardée du versant de l’ouest et qu’elle était remplacée par une espèce non indigène?
SH : Excellente question. À moins d’être passionnés de pêche à la ligne, les gens ne peuvent souvent pas faire la distinction entre les espèces de poissons et ils ne comprennent pas non plus que ces espèces interagissent de façon complètement différente avec l’écosystème et qu’elles ne sont pas interchangeables.
Une des grosses différences connues concerne les endroits où la truite fardée versant de l’ouest est encore présente en abondance dans le paysage. Elle a un rôle très évident dans le réseau trophique des ours, et d’oiseaux de proie comme les balbuzards et les aigles, parce qu’elle se reproduit au printemps; elle vient dans les déversoirs des lacs et les cours d’eau peu profonds pour frayer. Elle est très visible à ce moment important de l’année, quand les ours sont à la recherche des premières sources de nourriture et que les oiseaux de proie sont revenus de leurs lieux d’hivernage.
Dans les parcs Banff, Yoho et Kootenay, le poisson le plus commun de nos jours, c’est l’omble de fontaine, qu’on appelle aussi truite mouchetée. Ce poisson n’est pas indigène dans l’Ouest du Canada. L’omble de fontaine vient de l’Est. Et joue un rôle complètement différent dans l’écosystème.
L’omble de fontaine se reproduit à la fin de l’automne, et il ne fraye pas à un moment de l’année où il y a une pénurie d’aliments et la fraie se passe souvent dans des sections profondes des lacs. Il n’est donc pas aussi facile d’accès pour les ours qui se promènent sur le rivage. Et beaucoup des oiseaux migrateurs qui mangent du poisson sont partis. Ils ont déjà commencé leur migration. Donc l’interaction qu’est le transfert d’énergie du système aquatique au système terrestre est interrompue, et ça a une incidence sur l’ensemble du réseau trophique.
N : La truite fardée versant de l’ouest représente bien pourquoi il est important de protéger les espèces en péril. Ce n’est pas qu’une espèce qu’on risque de perdre; ce sont toutes les interactions que cette espèce a avec d’autres composantes de l’écosystème. Et il y a souvent plus d’interactions qu’on peut le penser, parce que les écosystèmes sont incroyablement complexes. Dans le cas de la truite fardée versant de l’ouest, Parcs Canada s’efforce de protéger non seulement cette espèce, mais aussi les importantes interactions entre le milieu aquatique et le milieu terrestre qu’elle crée.
SH : On a entrepris plusieurs projets de rétablissement dans le paysage. Pour la plupart, il s’agit d’aller là où la truite fardée versant de l’ouest n’est pas présente, mais où, d’après les données fiables qu’on a, elle l’était historiquement. On y trouve des hybrides ou on constate qu’elle a été supplantée par une espèce de poisson non indigène. On essaye d’abord d’éliminer les poissons non indigènes.
Et pour faire tout ça, on a recours à différentes méthodes. On a obtenu de bons résultats en utilisant des méthodes manuelles. Comme la pêche au filet à grande intensité, la pêche électrique et la pêche à la ligne. Mais on s’est rendu compte que ces méthodes demandent beaucoup de travail et de temps, et qu’elles ne fonctionnent pas toujours. C’est pour ça qu’on a décidé dernièrement d’utiliser un composé chimique appelé roténone. C’est une substance toxique pour les poissons. On peut maintenant faire en une journée ce qui nous prenait parfois 5 à 7 ans à faire à la pêche au filet. On peut retirer tous les poissons d’un écosystème. Le réseau trophique se rétablit grâce au zooplancton, au phytoplancton et aux invertébrés benthiques. Ensuite, on peut réintroduire le poisson dans l’écosystème, qui, dans notre cas, est la truite fardée versant de l’ouest.
N : En 2018, l’équipe des milieux aquatiques a utilisé la roténone pour la première fois en vue d’éliminer des poissons du lac Hidden, dans l’arrière-pays du parc national Banff.
BS : On fait beaucoup de surveillance à l’avance. On est sur le terrain. On étudie l’écoulement de l’eau, on fait une estimation des populations, un relevé des invertébrés du cours d’eau.
Et habituellement, on fait ça quelques années avant l’application prévue de la roténone.
K: Brad, peux-tu me dire à quoi ressemble une journée typique sur le terrain pour toi et ton équipe?
BS : Et bien, quand on est rendu à appliquer la substance toxique pour les poissons dans un lac, on se lève probablement vers 5 h 30 ou 6 h. On déjeune et prend notre café sur le pouce. Puis, se rencontre et on revoit les mesures de sécurité et les opérations de la journée. Tout le monde s’en va où il doit aller, et on donne le O.K. pour commencer.
Pendant le traitement et l’application de la toxine, on met en place une zone de neutralisation. On fait ça pour que les effets de la roténone s’arrêtent là où on veut qu’ils s’arrêtent. La roténone est une substance naturelle. Elle vient des légumineuses, comme les haricots. La roténone même se décompose super facilement dans l’environnement, par les rayons du soleil et par hydrolyse.
K : D’accord. Donc, elle ne reste pas dans l’eau longtemps?
BS : Non, elle n’arrête pas de se décomposer. Mais quand même, on ne veut pas qu’il y ait d’effets résiduels sur les populations de poissons ou d’invertébrés en aval. On la neutralise donc à partir d’un endroit précis.
N : Après deux traitements à la roténone au lac Hidden, l’équipe des milieux aquatiques a réussi à éliminer tous les poissons et a confirmé que la base du réseau trophique, c’est-à-dire les petits organismes comme le phytoplancton, le zooplancton et les insectes, était vivante et en santé. Il nous reste plus qu’à réintroduire la truite fardée versant de l’ouest!
BS : Ce qu’il y a de plus merveilleux dans ces projets, c’est de pouvoir participer à la réintroduction de ce poisson. Et on le fait de manières que je considère comme novatrices au Canada. On va sur le terrain et on prélève des gamètes. C’est-à-dire des œufs et de la laitance de truite fardée versant de l’ouest pure. On les féconde sur place, puis on incube le tout.
Après ça, on prend les œufs et on les place dans des unités d’incubation en dérivation. Ces unités, qui semblent assez sophistiquées, sont en fait seulement un système fait de plusieurs seaux de cinq gallons et de tuyaux en PVC. Dans le fond, ce type d’incubation nous permet de mettre les œufs dans le cours d’eau et, là, le poisson peut émerger, éclore et avoir l’empreinte natale du cours d’eau au lieu de celle ces écloseries.
Récemment, on s’est équipé d’une remorque d’incubation. C’est une remorque qui contient une foule de piles d’œufs, on peut donc incuber des œufs n’importe où tant qu’on peut se brancher à l’électricité et en eau. Comme les œufs sont moins souvent déplacés, il y a moins de risque qu’on perde les œufs que l’on a mis tant d’effort à ramasser.
K: Nous avons donc notre propre mini-écloserie sur roues, et on dirait que ça change pas mal la donne.
BS : Tout à fait! Dans la nature, le taux de survie des truites, de la fertilisation des œufs jusqu’au stade d’alevins, est probablement de 10 à 15 %. Grâce aux incubateurs en dérive et à la remorque d’incubation, on obtient un taux de survie de 90 %, et même plus.
K : C’est incroyable!
BS : Oui, c’est vraiment extraordinaire! On a la possibilité de relâcher dans le paysage beaucoup plus de poissons qui n’auraient autrement pas eu la chance de survivre, même dans la nature.
N : La réintroduction de la truite fardée versant de l’ouest dans le lac Hidden se fera pendant plusieurs années pour établir une nouvelle population de poissons de différents groupes d’âge. Et en ce moment, le public peut découvrir les coulisses de ce travail extraordinaire.
SH : Une chose plutôt intéressante dans ce projet, et ce ne sera pas offert éternellement, c’est qu’on a un interprète extraordinaire qui anime une randonnée guidée. Une fois qu’on sort les œufs de la remorque d’incubation et qu’on les met dans les seaux dans le cours d’eau, ils restent là pendant 10 à 15 jours. On est là tous les jours, pour essayer d’ajuster le niveau d’eau. Vous pouvez ouvrir les seaux. Vous pouvez voir les œufs. Et c’est une des choses que les visiteurs qui participent à la randonnée guidée pourront voir.
N : Si c’est une randonnée qui vous intéresse, cherchez dans Google « randonnée guidée de conservation au lac Hidden » et cliquez sur le premier lien qui vous mènera à la page Web de Parcs Canada. Vous y trouverez toute l’information dont vous avez besoin.
Alors, même si nous n’avons parlé que du lac Hidden, il y a d’autres endroits où l’on tente de rétablir la truite fardée versant de l’ouest.
SH : Les lacs Helen et Katherine sont situés au cœur du parc national Banff, mais ils sont à l’écart de la route. Il faut faire de 6 à 8 kilomètres à pieds pour s’y rendre en moyenne. La vallée reçoit des coups des deux côtés. Du côté gauche, du côté du lac Helen, on trouve l’omble de fontaine. Et du côté droit de la vallée, c’est la truite fardée de Yellowstone, du côté du lac Katherine. On savait qu’il fallait éliminer les poissons des deux côtés.
K : Comment on se sent d’être à la tête d’un projet comme celui-là, où il faut faire beaucoup d’efforts pour arriver au site? Disons que ce n’est pas comme si tu n’avais qu’à stationner ton auto sur le bord de la route pour arriver sur place.
BS : Je pense que si tu le demandais à des personnes qui participent au projet, elles te brosseraient un tableau peu reluisant de l’effort qu’il faut pour transporter tout notre matériel en montagne. Et c’est vrai. Il faut qu’on apporte une tonne d’équipement sur place. Sur le plan de la logistique, il faut avoir de l’équipement en double, au cas où il y aurait un problème.
Aux lacs Helen et Katherine, on campe en milieu alpin. À cause de la géographie de l’endroit, on a l’impression d’être dans un entonnoir de vent. La veille de l’application du traitement, il y a comme eu une tempête de vent. Et en plein milieu de la nuit, vers une heure, je me suis fait réveiller par ma tente qui claquait au vent et me frappait le visage.
Je me suis dit, « il faut que je sorte. Il faut que j’aille faire le tour et m’assurer que tout est correct. » Mais j’aurais probablement juste dû y rester et continuer à dormir. Parce qu’aussitôt que je suis sorti, notre tente murale s’est envolée. Il y avait plein de choses qui volaient partout autour de nous.
J’ai commencé à réveiller les autres pour aider, et on a réussi à tout ramasser. Le lendemain matin, c’était le début du traitement. Heureusement, quelqu’un avait eu la présence d’esprit d’enfouir le café. Le café était même préparé et prêt à boire. Je pense que pas grand monde a dormi cette nuit-là. En tout cas, moi je n’ai pas dormi.
N : La planification, l’équipement en double, une réserve de café adroitement enfouie… Toutes ces choses contribuent à mener à bien un projet malgré des moments difficiles. Mais il y a un autre élément essentiel :
SH : Ce qu’on a appris, c’est qu’aucun organisme à lui seul ne dispose d’assez d’employés pour réaliser seul ces projets. Il faut collaborer. Nous sommes très chanceux. Il y a d’autres parcs nationaux à proximité qui ont des spécialistes de la pêche. Il y a aussi nos partenaires régionaux.
K : Shelley, y a-t-il des choses que le public peut faire pour aider la truite fardée versant de l’ouest?
SH : Certaines maladies qui peuvent être transmises aux poissons nous inquiètent beaucoup. Et les espèces aquatiques envahissantes. Les gens doivent vraiment bien nettoyer leur équipement quand ils se déplacent d’un endroit à l’autre. Parce qu’on ne veut pas qu’ils propagent des moules envahissantes ou le tournis des truites par exemple.
C’est pour ça qu’on demande aux gens de nettoyer, de vider et de sécher leur équipement. Qu’on leur demande de s’arrêter, de faire inspecter leur bateau et d’obtenir une sorte de certificat.
K : À quoi pourrait ressembler l’avenir à court terme pour la truite fardée versant de l’ouest dans nos parcs?
SH : Je suis tellement contente que tu me poses cette question. Pour moi, le pronostic est excellent. Surtout dans les parcs nationaux des montagnes. La cause de leurs problèmes ce n’est pas un mystère pour nous. On sait quels sont les facteurs de stress. Les outils et les techniques utilisés pour travailler à l’échelle du paysage du poisson sont vraiment bien connus. Les poissons ont une grande faculté d’adaptation. Ils sont vraiment faciles à déplacer et à manipuler. On peut sauver nos poissons.
K: Est-ce que tu es fier du travail que tu fais? En quoi sera-t-il utile pour la prochaine génération et de quoi héritera-t-elle dans les parcs?
BS : Totalement! C’est sûr que j’emmène ma famille et mon fils à ces endroits. Ne serait-ce que pour apprendre. Apprendre ce qu’on a fait pour, je le souhaite, venir en aide à la truite fardée versant de l’ouest.
Martinet sombre
Sortez vos jumelles et rejoignez-nous sur le terrain pour découvrir la vie secrète du martinet sombre. Ces oiseaux acrobatiques sont difficiles à trouver si l’on ne sait pas où et quand regarder. Candace Jung, agente de gestion des ressources, explique ce qu’est l’étude des martinets sombres, pourquoi ils sont menacés et comment vous pouvez les aider.
En apprendre davantage :
- Le martinet sombre, espèce en péril du parc national Kootenay
- Profil du martinet sombre sur eBird (en anglais seulement)
- Évaluation et rapport de situation du COSEPAC sur le martinet sombre (PDF 840 Ko)
Transcription
Voix : Vous écoutez un balado signé Parcs Canada. This podcast is also available in English.
Narratrice : Ce que vous entendez, c’est le son de la rivière Kootenay qui coule entre les parois rocheuses presque verticales du canyon Marble. Cet endroit abrite un oiseau très spécial, qui est en voie de disparition. Le martinet sombre. Je ne me suis pas levée assez tôt pour voir les oiseaux quitter les nids, qui sont blottis dans les fissures et les crevasses des murs du canyon, mais j’espère pouvoir les observer pendant qu’ils volent au-dessus de ma tête. Très haut dans le ciel. J’ai apporté mes jumelles.
Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue à Interactions, un balado de Parcs Canada. L’épisode d’aujourd’hui porte sur le martinet sombre, un mystérieux petit acrobate aérien. Installez-vous confortablement et nous vous dirons où le trouver, ce qu’il faut pour l’étudier, pourquoi il est en danger et bien plus encore.
Candace Jung : Je m’appelle Candace Jung, et je suis agente de gestion des ressources au sein de l’équipe de la gestion de la faune. En ce qui concerne le martinet sombre : je suis charger en partit de coordonner tout le travail effectué sur le terrain en été dans le cadre du projet.
Kelsey : Je ne sais vraiment pas grand-chose sur le martinet sombre, et je n’en avais pas beaucoup entendu parler avant aujourd’hui. Est-ce que c’était la même chose pour toi avant que tu commences à travailler avec cette espèce?
CJ : Tu sais, je savais vraiment peu de choses à propos de cet oiseau. J’ignorais qu’il existait une colonie dans le canyon Marble. C’était vraiment intéressant de me familiariser avec cette espèce dont je n’avais jamais entendu parler. Et ensuite d’avoir la chance de m’impliquer autant dans sa protection.
L’occasion s’est présentée en 2019, l’année où le martinet sombre a été inscrit comme espèce en voie de disparition en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada. C’est comme ça que je suis partie pour une excursion de plusieurs jours dans la vallée de Yoho, dans l’arrière-pays du parc national Yoho, avec quelques collègues chevronner d’un autre parc. On a fait un recensement aux deux chutes de ce secteur, les chutes Twin et Laughing. Je n’ai jamais quitter le projet depuis cet an.
K : C’est une très belle façon de présenter le sujet. Peux-tu nous parler un peu de cette expérience?
CJ : La vallée de la Yoho est absolument splendide. On est traverse par un très bon réseau de sentier qui donne accès à plusieurs chutes magnifiques. Pendant notre randonnée sur ce circuit, on s’est arrêtés à chaque chute pour faire un relevé de la qualité de l’habitat. On a aussi fait un relevé matinal aux chutes Laughing. On s’est levés à 3 h du matin, et on a fait 5 km à pied dans l’obscurité pour se rendre à notre destination. Pour faire un relevé à l’aube, il faut s’asseoir et observer la chute. Ce serait assez relaxant s’il ne fallait pas regarder les alentours très attentivement dans l’espoir de voir un oiseau qui vole à toute vitesse qui est peut-être là, et peut-être pas. Et s’il y est, il faut surtout essayer de ne pas le manquer.
K : Ce qui m’a vraiment frappée quand j’ai accompagné votre équipe un matin, c’était de voir à quel point cet oiseau vole vite. Essentiellement, il suffit de cligner des yeux pour le manquer.
CJ : Exactement! À certains endroits où on sait que des martinets sombres ont déjà niché, il y a un peu moins d’incertitude. Mais, quand on fait un relevé dans un nouveau secteur et qu’on ne sait pas vraiment ce qu’on va trouver, on reste toujours dans le doute. Si on n’a pas détecté d’oiseaux, on se demande : Est-ce que c’est ma faute? Est-ce que je prenais des notes ou est-ce que je m’étirais pendant la fraction de seconde qu’il fallait pour voir un oiseau quitter son nid?
N : En recherche, une façon de gérer ce genre d’incertitude et de doute, c’est d’établir un protocole normalisé, que tout le monde doit suivre pour faire les choses de la même façon. Si je recueille des données en suivant un protocole normalisé et qu’une autre personne fait la même chose en suivant le même protocole, on peut facilement comparer les résultats. Il suffit ensuite de multiplier tout ça par le nombre de personnes qui font des recherches sur le martinet sombre au Canada pour que, tout à coup, on obtienne un vaste jeu de données rempli d’information.
CJ : On collabore avec nos collègues de tous les parcs des montagnes : les parcs nationaux Jasper, Banff, Yoho et Kootenay et les parcs nationaux des Lacs-Waterton, du Mont-Revelstoke et des Glaciers. Dans chacun de ces parcs, il y a quelqu’un qui fait le même travail de recherche sur les martinets sombres. On s’assure que nos méthodes sont les mêmes et on échange des connaissances, des outils technologiques, des trucs et des astuces.
N : Pour recueillir d’autres renseignements sur le martinet sombre, il faut souvent commencer par déterminer où se rendre et quoi chercher. Même s’il représente la plus grosse espèce de martinet au Canada, le martinet sombre n’est pas facile à repérer. Il passe la majeure partie de son temps à voler à haute altitude et à attraper des insectes délicieux.
CJ : Je dirais que ce qui le distingue le plus des autres, c’est la forme de ses ailes quand il est en vol. Elles ont à peu près la même forme d’une faux, et elles sont assez faciles à repérer quand on sait quoi chercher.
N : Avant de commencer à scruter le ciel avec vos jumelles, il faut se rendre au bon endroit au bon moment. Près d’une chute au mois de juillet, par exemple. Le martinet sombre vit dans des endroits bien précis et il passe seulement une partie de son temps dans les Rocheuses canadiennes. Cette situation engendre des défis pour ceux et celles qui cherchent à le protéger. J’ai demandé à Candace de nous fournir plus de détails.
CJ : Avec les espèces en péril, surtout celles qui passent seulement une partie de leur vie ici, on peut seulement agir dans les limites de nos parcs. Les deux plus grandes menaces qui ont été mentionnées lorsque l’oiseau a été inscrit sont les changements climatiques et les polluants atmosphériques qui ont des effets sur ses sources de nourriture. Le martinet sombre se nourrit exclusivement d’insectes volants. Et, sans cette source de nourriture, il ne peut pas survivre.
Et il y a aussi les changements climatiques. Si le débit des cours d’eau est réduit parce que les glaciers reculent et qu’il neige moins pendant l’hiver, ça pourrait avoir des répercussions importantes sur le nombre de lieux de nidification possibles. On est tous touché par les enjeux à grande échelle comme les changements climatiques, mais l’ampleur du problème est difficile à accepter lorsqu’on réalise que quelque chose de si gros peut avoir un impact sur quelque chose d’aussi petit que le microclimat d’une seule espèce d’oiseau.
N : Je pense que c’est un sentiment qui habite un grand nombre de scientifiques. Et peut-être partagez-vous ce même sentiment! Les changements climatiques ont des effets très étendus. Mais il n’est pas trop tard pour prendre toute sorte de mesures pour protéger les espèces en péril.
CJ : Il est protégé par la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Alors, quand il se trouve à l’intérieur de nos parcs, il est protégé. On va sur le terrain et on travaille activement à identifier son habitat essentiel, autrement dit les endroits où le martinet sombre niche dans nos parcs. On surveille aussi la population et sa répartition, et les tendances qui se dessinent.
K : Logique. Et depuis combien de temps est-ce que l’équipe fait ce travail?
CJ : Dans les parcs nationaux Yoho et Kootenay, on recueille les données depuis 2019.
N : Les recherches sur le martinet sombres en sont encore à leurs débuts dans la région. Il y a encore beaucoup de choses que nous ignorons, mais nous en apprenons un peu plus chaque année.
CJ : Nos recherches ont révélé que ses lieux de nidification doivent respecter des critères très précis. Ils doivent être à l’ombre, près d’un cours d’eau et à une certaine hauteur, il ne doit pas y avoir d’obstacle dans la trajectoire de vol, et ils doivent être à l’abri des prédateurs. Ici, dans les Rocheuses, ça veut généralement dire qu’il niche sur des falaises près des chutes ou dans des canyons. Il occupe donc une niche écologique très précise. Je trouve ça vraiment génial. Pour moi, c’est comme si on décrivait la Forteresse de la Solitude d’un certain superhéros.
J’imagine ces forteresses des films d’espionnage quand la chute se sépare en deux et qu’on voit un hangar où se trouve un avion de combat. C’est vraiment génial de penser à tout le mystère qui entoure cet oiseau et à quel point il a évolué de façon à pouvoir occuper cette minuscule portion d’habitat.
Heureusement, dans les parcs nationaux Yoho et Kootenay, il existe beaucoup d’endroits qui peuvent servir d’habitat au martinet sombre, comme le canyon Marble et la vallée de la Yoho, et qui sont facilement accessibles par des routes et des sentiers. Mais il y a aussi probablement beaucoup d’endroits propices qui sont très isolés et qu’on ne connaît pas encore.
On a aussi recours à des outils de science citoyenne comme eBird. On recense les mentions enregistrées dans cette base de données, et si quelqu’un indique avoir vu un martinet sombre dans les limites de nos parcs, on fait un suivi et on essaie de déterminer dans quel secteur l’oiseau a été observé. On se sert aussi de la base de données mondiales sur les chutes. Et, oui, c’est quelque chose qui existe vraiment. Ce sont là quelques moyens qui nous permettent de réduire le nombre d’endroits où chercher avant de partir en excursion et de faire des vérifications sur le terrain.
K : Est-ce que ton équipe a adopté des approches particulières pour explorer ces parcelles d’habitat difficiles d’accès? Je sais par exemple que vous utilisez des drones dans le cadre du programme du martinet sombre. Comment est-ce que vous vous en servez?
CJ : Puis après on fait des relevés avec des drones. On le fait seulement en hiver parce que les drones sont assez dérangeants pour la faune. Mais, en hiver, quand le martinet sombre est parti dans le sud, c’est un très bon moyen non invasif d’aller voir de plus près dans des endroits difficiles d’accès. Des endroits comme le canyon Marble, où on peut marcher sur le rebord, mais sans vraiment pouvoir voir les parois rocheuses et où on ne peut pas marcher sans danger dans le fond du canyon. Notre opérateur de drone fait voler son appareil dans le canyon et, grâce à la caméra, on peut voir en temps réel les images filmées par le drone. C’est vraiment un bon moyen d’aller voir les nids de plus près.
N : À quelques exceptions près, l’usage d’un drone dans un parc national est illégal. C’est seulement dans des circonstances particulières, avec le bon permis et des mesures d’atténuation des risques liés à l’environnement et à la sécurité, que ces petits aéronefs peuvent être utilisés.
K : Candace, je sais que les nids sont souvent cachés dans des fissures. Pour les membres du public, est-ce qu’il y a des signes, des motifs ou des choses sur la roche qui leur indiquerait : « Oh, il y a un nid là-bas! Il faut que je m’éloigne un peu. »
CJ : Oui! Si vous avez la chance d’être là à l’aube ou à la tombée de la nuit, vous verrez peut-être un oiseau qui quitte son nid ou qui y revient. Mais si vous cherchez un très bon indicateur, ce serait la présence de fiente d’oiseau et d’algues sous une saillie ou une cavité. Ça provient de l’oiseau qui se repose dans le nid et qui fait ses besoins. Vous verrez les traces blanches sur la paroi. Des algues poussent aussi à ces endroits parce qu’on y trouve beaucoup de nutriments. Si vous voyez quelque chose qui pourrait être un nid ou qui pourrait être utilisé par un oiseau, c’est très important de garder ses distances.
K : As-tu déjà pu observer un bébé martinet sombre encore au nid?
CJ : En fait, j’ai déjà vu un oisillon en vrai. On regardait quelque chose sur une paroi rocheuse et on se disait que ça ressemblait bien à un nid. On ne pouvait pas le confirmer, parce que la lumière n’était pas optimale. Il y avait de l’ombre à l’intérieur de la cavité. Alors, on a sorti nos caméra infrarouge à balayage frontal, et on a regardé le même endroit et on a pu voir la signature thermique de l’oisillon par rapport à la roche qui l’entourait. On ne voulait pas trop nous approcher, mais on a pu faire un zoom avec nos appareils photo et voir la silhouette de l’oisillon. Il été tout simplement tranquille dans son nid!
K : Te souviens-tu d’une journée ou d’une expérience particulièrement mémorable pendant ton étude du martinet sombre?
CJ : Oui! Mon moment le plus mémorable du projet, c’est probablement lorsque j’ai fait un relevé au canyon Marble pour la première fois. Le canyon Marble abrite le plus grand nombre connu de nids occupés de martinets sombres parmi tous les parcs. Et on en est assez fiers! Mais bref, la première fois que j’ai fait un relevé au canyon Marble, j’étais déjà sortie quelques fois à l’aube pour vérifier la présence de martinets. Et je n’avais pas vu grand-chose. Je commençais à penser que je ne verrais jamais un martinet sombre à l’état sauvage. Cette journée-là, je me suis réveillée à 3 h du matin, j’ai conduit jusqu’au canyon et j’ai marché jusqu’au site de relevé. J’étais encore à moitié endormie, j’avais un peu froid, et, tout à coup, j’ai entendu un bruit juste au-dessus de ma tête, et c’était un martinet sombre! Il y en a eu un, deux, trois… Ils filaient à toute vitesse au-dessus de nos têtes dans le canyon. On pouvait même les entendre gazouiller ensemble, ce qui est très rare lorsqu’on fait une excursion d’observation normale. On ne les entend pas gazouiller à moins qu’ils soient en grand groupe. C’était vraiment magique. J’ai senti que je tissais un lien avec ces oiseaux; j’ai compris qu’ils sont là, qu’ils sont importants… C’était génial.
N : Vous pouvez entendre le martinet sombre au canyon Marble, dans le parc national Kootenay. Il faut seulement vous lever très tôt, vous habiller chaudement et vous armer d’un gros thermos rempli de votre boisson chaude préférée. Je l’ai fait moi-même, une seule fois, et je confirme que ça en vaut absolument la peine. Voici un petit aperçu de ce que vous pourriez entendre :
Carcajou
Comment étudier un animal qu’on ne voit jamais!?! Anne Forshner, écologiste de la faune, nous parle des défis que pose l’étude des carcajous ainsi que des solutions à ces problèmes. Ces animaux rares évitent les humains et ont besoin de vastes zones de nature sauvage pour survivre. Voyagez avec nous dans la nature et découvrez comment vous pouvez contribuer à la recherche sur le carcajou.
En apprendre davantage :
- Barrueto, M., Forshner, A., Whittington, J. et coll. Protection status, human disturbance, snow cover and trapping drive density of a declining wolverine population in the Canadian Rocky Mountains. (Le statut de protection, les perturbations humaines, la couverture neigeuse et le piégeage déterminent la densité d’une population de carcajous en déclin dans les Rocheuses canadiennes.) Sci Rep 12, 17412 (2022). (en anglais seulement)
- Le carcajou, espèce en péril du parc national Kootenay
- Évaluation et rapport de situation du COSEPAC sur le Carcajou (PDF 2,25 Mo)
Transcription
Voix : Vous écoutez un balado signé Parcs Canada. This podcast is also available in English.
Anne Forshner : J’ai toujours adoré la faune et j’aime particulièrement le travail dans les parcs nationaux des montagnes, où on trouve tellement d’espèces indigènes et d’écosystèmes fonctionnels. Mais j’aime aussi beaucoup résoudre des casse-têtes et comprendre les relations de cause à effet. C’est mon côté scientifique.
Narratrice : On vient d’entendre Anne Forshner, écologiste de la faune à Parcs Canada, parler de ce qui lui a inspiré sa carrière. Anne étudie toute sorte d’animaux, mais un d’entre eux est si rare et si insaisissable qu’elle ne l’a jamais vu en liberté : il s’agit du carcajou, qu’on appelle aussi glouton. L’épisode d’aujourd’hui porte sur ce mammifère légendaire. Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue à Interactions, un balado de Parcs Canada. Cette fois-ci, on discutera d’excursions dans l’arrière-pays, de pièges à appât au puissant parfum, d’appareils photo de télésurveillance et de tous les autres éléments requis pour étudier le carcajou dans les Rocheuses canadiennes.
AF : Je m’appelle Anne Forshner, et je suis écologiste de la faune spécialisée dans l’étude des espèces en péril dans les parcs nationaux Banff, Yoho et Kootenay.
Kelsey : Pourquoi le carcajou? Qu’est-ce qui t’a amenée à étudier cette espèce en particulier?
AF : Le carcajou a été inscrit à la liste des espèces préoccupantes en vertu de la Loi sur les espèces en péril, et ça, ça veut dire qu’on a besoin de plus d’information pour veiller à ce qu’il ne devienne pas une espèce en péril ou menacée. C’est ce qui m’a poussée à commencer ce travail, et à plonger dans les recherches faites par d’autres personnes et par moi-même. Le carcajou a été inscrit à la liste des espèces préoccupantes parce qu’on sait que sa population diminue à l’extrémité sud de son aire de répartition. En Alberta et en Colombie-Britannique, on sait aussi qu’une partie de son habitat a été fragmenté, particulièrement au sud.
Son taux de reproduction est faible, ce qui veut dire qu’il n’a pas beaucoup de petits et ne se reproduit pas très souvent. Elle est aussi très sensible aux perturbations liées aux activités humaines. Le carcajou évite les secteurs où il y a beaucoup de monde. Il lui faut aussi de vastes zones sûres pour maintenir des populations viables. Ces cinq facteurs sont les raisons pour lesquelles le carcajou a été inscrit sur la liste des espèces préoccupantes.
N : C’est assez commun qu’une espèce en péril soit aux prises avec diverses menaces et présente certaines caractéristiques, comme un faible taux de reproduction, qui compliquent le rétablissement de sa population. La nature insaisissable du carcajou soulève aussi une question importante : Comment étudier un animal qu’on ne voit jamais?
AF : Je n’ai moi-même jamais croisé un carcajou en liberté, ce qui rend son étude encore plus intéressante. Il y a tellement de techniques qu’on peut utiliser ces jours-ci pour étudier les animaux de façon non invasive, qu’on n’a pas besoin de les voir en personne. On peut en apprendre beaucoup à son sujet en utilisant des appareils photo de télésurveillance et en recueillant de l’ADN des poils qui tombent un peu partout.
Une de nos stratégies est de recueillir des données sur l’emplacement des habitats importants d’un carcajou. On a ce qu’on appelle des sites de recherche non invasifs, qui sont répartis un peu partout dans notre aire d’étude de façon à ce qu’il y ait environ un site par domaine vital. On visite ces sites de recherche une fois par mois de janvier à mai.
N : L’année dernière, j’ai accompagné Anne à l’un de ces sites de recherche. Ce qui m’a vraiment frappée, c’est la structure qui sert à recueillir des échantillons de poils et qui fait prendre la pose aux carcajous pour une photo. Voici David Laskin, un autre écologiste de la faune à Parcs Canada, qui décrit la structure :
David Laskin : C’est un simple cadre fait de 2 par 4 qu’on fixe à un arbre, mais pas sur l’arbre. Au-dessus du cadre, il y a un câble auquel on accroche un appât. Ce qu’on veut, c’est que le carcajou suive le chemin qu’on a conçu spécialement pour lui, pour se rendre sur le cadre. Et au bout, il y a des pinces crocodile ouvertes. Lorsqu’un carcajou les frôle, les pinces se referment et attrapent de petites touffes de fourrure. Après toute cette gymnastique, le carcajou se retrouve dans une bonne position pour une photo. Un appareil photo installé sur un arbre directement en face prend alors une très belle photo de la tache sur sa poitrine.
N : Les données recueillies aux sites de recherche ne nous indiquent pas seulement qu’un carcajou est passé par là. Elles nous permettent de savoir lequel. On envoie les échantillons de fourrure attrapés par les pinces crocodile à un laboratoire, où on fait extraire de l’ADN pour identifier des individus. On analyse aussi les photos des carcajous pour étudier la forme et la couleur de la tache sur leur poitrine. Chaque tache est unique, elle est un peu comme l’empreinte digitale du carcajou. Mais pour recueillir des touffes de poils et prendre des photos, il faut avant tout convaincre les carcajous de venir visiter les sites.
K : Anne, qu’est-ce que l’équipe utilise comme appât?
AF : Ça peut être une variété de choses. On utilise des animaux tués sur la route ou la voie ferrée, ou des portions de ces animaux, comme les os des pattes.
On utilise aussi un appât liquide. Ça produit une odeur très puissante. Si vous avez le malheur d’échapper une seule goutte sur votre manteau, vous allez devoir vivre avec cette odeur pendant une semaine ou deux jusqu’à ce que vous puissiez enfin vous en débarrasser.
K : Oh non. À quoi est-ce que tu pourrais comparer l’odeur?
AF : Certaines personnes la détestent, mais d’autres y sont très attirées. Pour moi, l’odeur ressemble à celle de la moufette ou de la marijuana. Le produit s’appelle Gusto, et en anglais, gusto, ça peut vouloir dire aussi délices. C’est sûr que, pour le carcajou, c’est un vrai régal!
N : Cette odeur tant recherchée rend les sites de recherche beaucoup plus attrayants qu’à la normale. Pour le carcajou, ces secteurs deviennent des destinations de choix et entrent dans leur palmarès des meilleurs endroits à visiter. En échange de ces délicieux appâts, Parcs Canada apprend énormément de choses à propos de cette espèce. On essaye de répondre à des questions comme : « Quelle est la grandeur du territoire du carcajou?? » et « Est-ce que les routes nuisent à leurs déplacements? ».
AF : Selon nos recherches précédentes, les mâles seraient capables de traverser la Transcanadienne, mais les femelles ne semblent pas le faire autant.
J’aimerais vraiment faire un suivi sur cette constatation pour voir si on a d’autres preuves que des femelles traversent la Transcanadienne dans les secteurs qui constituent un habitat de choix. Est-ce que le carcajou est capable d’utiliser de nouveaux passages pour animaux dans ce secteur pour traverser la route? On aimerait aussi savoir si la connectivité du carcajou se maintient entre les parcs nationaux Banff, Yoho et Kootenay, mais aussi aux alentours des parcs puisque le domaine vital du carcajou est si vaste.
K : Peux-tu nous parler un peu de la taille de ces domaines vitaux?
AF : Ils sont immenses. C’est semblable à ceux des loups. Leur territoire peut couvrir une superficie de 500 à 1500 km2.
N : Pour vous donner une idée, une des plus grandes stations de ski de l’Amérique du Nord, Whistler Blackcomb, couvre une superficie d’environ 33 km2. Un petit domaine vital de carcajou de 500 km2 couvre donc la même superficie qu’environ 15 stations de ski. Ces animaux ont besoin de beaucoup d’espace pour vivre.
AF : Certains sites de recherche se trouvent à 500 m d’une route ou d’un sentier, mais d’autres nécessitent une excursion allant jusqu’à 25 km. Dans certains cas, on a fait des excursions dans l’arrière-pays en voyageant d’un chalet de travail à un autre pour aménager des sites de recherche.
Ça peut être très facile de faire un kilomètre à pied lorsqu’il y a seulement quelques centimètres de neige au sol. Mais d’autres fois, on peut s’enfoncer dans la neige jusqu’aux genoux. La température peut varier de -35 à +5 degrés. Les conditions changent tout le temps l’hiver.
N : La rareté du carcajou apporte son propre lot de défis lorsqu’on essaye d’étudier l’animal. Par exemple, Anne a contribué à des relevés sur le carcajou en 2011 qui ont révélé que les parcs nationaux Banff, Yoho et Kootenay comptaient environ 34 carcajous. Cette estimation représente une densité de population de 3,6 carcajous par 1000 km2. Pour mettre ces données en contexte, la densité de la population de la ville de Calgary est de plus de 290 000 personnes par 1000 km2. Ces animaux sont donc extrêmement rares, et, en 2020, ce nombre estimé a chuté de 34 à 20 carcajous. Donc, seulement treize femelles qui peuvent se reproduire. Pour en savoir plus sur cette recherche, consultez les notes du balado, qui comprennent un lien vers un article scientifique publié dans la revue Nature – Scientific Reports. L’article a été rédigé en anglais seulement.
AF : Pour dresser un bon portrait de la situation du carcajou, il faut compter sur la collaboration d’un grand nombre de personnes pour recueillir des données dans d’immenses secteurs. Ces données nous permettent de répondre à des questions comme : Est-ce que les territoires du carcajou se recoupent dans cette vallée? Est-ce que le carcajou utilise ces habitats importants?
Je coordonne des projets et collabore surtout avec d’autres personnes qui font des travaux de recherche pour fournir des données évaluées par les pairs qui peuvent orienter le processus décisionnel. Ça peut varier d’une université à l’autre en fonction des étudiants des cycles supérieurs qui participent aux projets.
N : Un grand merci en particulier à Mirjam Barrueto et à l’Université de Calgary, qui collaborent avec Parcs Canada depuis de nombreuses années maintenant sur des projets de recherche sur le carcajou.
AF : Ces derniers temps, je travaille avec un groupe dont les travaux portent sur le carcajou et sont coordonnés par l’initiative de conservation De Yellowstone au Yukon. Beaucoup de chercheurs et de professionnels de la gestion se retrouvent au printemps et à l’automne pour discuter de ce que l’on sait sur le carcajou, de ce que les nouvelles études ont révélé et des besoins en matière de recherche qui nous attendent.
K : Pour ce qui est des contributions possibles du public, est-ce qu’il y a des façons concrètes dont la population peut aider le carcajou et contribuer à sa conservation?
AF : Une des principales façons d’aider, c’est de signaler ses observations de carcajous. Surtout si les gens trouvent ce qui pourrait être une tanière de carcajou. On ne sait pas où un bon nombre de ces tanières se trouvent.
J’apprends encore moi-même comment les identifier, car j’ai n’en encore jamais vu une tanière de carcajou sur le terrain. Il y a de bonnes photos sur l’Internet qui montrent les trous que les gens découvrent dans la neige. Vous trouverez aussi des traces aux alentours qui risquent d’être fraîches.
K : Je vais faire une recherche sur Google.
AF : Absolument. Chaque fois que vous signalez la présence d’un carcajou, et en particulier la présence d’une tanière de carcajou, vous contribuez à dresser un portrait de tous les habitats importants de l’espèce. Tous ces renseignements nous aident dans nos efforts de protection et de rétablissement.
N : Si vous avez la chance d’observer un carcajou ou une tanière dans les parcs, n’oubliez pas de le signaler. Vous pouvez le faire facilement en parlant à un membre du personnel dans un des centres d’accueil de Parcs Canada. C’est toujours excitant pour nous d’être informés de la présence possible de carcajous, et les membres de l’équipe comme Anne sont reconnaissants de votre aide.
K : Est-ce qu’il y a une chose en particulier que les gens devraient savoir ou comprendre à propos du carcajou?
AF : Le carcajou est très sensible aux perturbations liées aux activités humaines. Parmi tous les carnivores que j’étudie, c’est l’espèce la plus sensible aux perturbations. On va devoir faire preuve d’initiative et déployer des efforts pour cohabiter avec ces animaux parce qu’ils ont besoin de vastes superficies d’habitat sûr pour pouvoir survivre.
Pin à écorce blanche
Placez-vous à côté d’un pin à écorce blanche et profitez de la vue. Ces arbres robustes poussent au sommet des montagnes et soutiennent les autres plantes et animaux de façons surprenantes. Vont-ils pouvoir poursuivre cette longue histoire ou être tués par une maladie fongique répandue? Participez à la conversation avec Allison Fisher et Charlie McLellan, spécialistes du pin à écorce blanche.
En apprendre davantage :
- Le pin à écorce blanche, espèce en péril du parc national Kootenay
- Profil du pin à écorce blanche sur iNaturalist (en anglais seulement)
- Sauvegarder le pin à écorce blanche et le pin flexible
- Évaluation et rapport de situation du COSEPAC sur le pin à écorce blanche (PDF 511 Ko)
Transcription
Voix : Vous écoutez un balado signé Parcs Canada. This podcast is also available in English.
Narratrice: Imaginez que vous remontiez le temps, jusqu’à l’an 1022. Vous êtes sur le sommet froid et venteux d’une montagne et vous contemplez la nature sauvage qui s’étend à perte de vue. Vous continuez d’enfoncer vos racines profondément dans le sol et tendez vos aiguilles vers le soleil. Et oui, vous êtes un arbre. Un jeune pin à écorce blanche qui s’installe confortablement pour voir défiler les 1000 prochaines années.
Il est difficile d’imaginer vivre aussi longtemps et d’être témoin d’autant de changements, mais certains pins à écorce blanche des Rocheuses canadiennes ont plus de 1000 ans.
Ces arbres incroyables sont la vedette de l’épisode d’aujourd’hui. Bienvenue à Interactions, un balado de Parcs Canada. Préparez-vous à découvrir le pin à écorce blanche, des graines de superaliments, un champignon de la même couleur que le Kraft Dinner, et bien plus encore!
Allison Fisher : Je crois que c’est leur capacité à prospérer et à survivre dans des régions rocailleuses et noueuses. Le fait qu’ils peuvent pousser sur ces crêtes, sur ce terrain accidenté, c’est l’une des choses que je préfère de ces pins.
N : On vient d’entendre Allison Fisher, agente de gestion des ressources à Parcs Canada. Elle participe au rétablissement des populations de pins à écorce blanche dans les parcs nationaux Banff, Yoho et Kootenay.
Kelsey : Allison, qu’est-ce qui vous a donné envie d’axer votre travail sur le pin à écorce blanche et de l’étudier?
AF : Je peux donc dire que je cultivé une relation solide avec la terre, et je veux contribuer à sa protection. J’ai souvent eu l’occasion de participer à des activités gratifiantes, notamment à des travaux liés aux espèces en péril comme le pin à écorce blanche. On mène des activités de restauration active pour veiller à ce que ces espèces puissent continuer à faire partie de notre écosystème.
N : Nous tenons à ce que le pin à écorce blanche survive, parce qu’il s’agit de ce l’on appelle une espèce clé de voûte. En fait, « clé de voûte » est un terme ancien désignant la pierre placée au centre d’une voûte qui maintient les autres pierres en place. Ainsi, les espèces clé de voûte maintiennent la cohésion des écosystèmes. Les liens qu’elles ont avec de nombreuses espèces végétales et animales sont particulièrement importants.
AF : Le pin à écorce blanche joue réellement de nombreux rôles dans l’écosystème. Ses graines fournissent des nutriments à des animaux tels que les oiseaux et les écureuils, mais aussi les ours.
De plus, ce pin contribue à la stabilité du sol. Il limite et régule la fonte du manteau neigeux. Comme il fournit beaucoup d’ombre, la neige ne fond pas d’un seul coup et n’entraîne pas d’inondations dans la vallée. Il fournit un habitat à certains animaux et à certains oiseaux.
N : Comme Allison l’a mentionné, le pin à écorce blanche soutient d’autres organismes notamment en produisant de grosses graines savoureuses, pleines de protéines et de graisses. Celles-ci sont une source de nourriture essentielle pour le cassenoix d’Amérique. Mais cet oiseau intelligent ne se contente pas de manger les graines. Il rend aussi un grand service au pin à écorce blanche.
AF : Les cassenoix récoltent ces graines à la fin août ou au début septembre. Et ce qui est vraiment particulier, c’est qu’ils recueillent beaucoup de graines à la fois. Ils vont de cône en cône et d’arbre en arbre en un seul voyage. Ils ouvrent les écailles et prennent les graines, qu’ils stockent ensuite dans leur poche sublinguale, qui est une poche en expansion située sous leur bec. Une fois la poche remplie, ils s’envolent et cachent les graines à un autre endroit. Et ils cachent les graines dans le sol, à quelques centimètres de profondeur.
Ils feront plus tard des allers-retours jusqu’à leurs caches pour manger des graines. Les graines qu’ils ne mangent pas peuvent finir par germer, ce qui fait qu’en l’espace d’un an ou deux, on peut commencer à voir des semis germer. Vous pourrez donc parfois voir une dizaine de semis qui sortent du sol en même temps. Et ça, ça fait partie de la réponse à la question « Comment est-ce que tous ces plants sont retrouvés là? ». C’est grâce à un oiseau.
Je vous recommande vraiment, si jamais vous trouvez dans un habitat de pins à écorce blanche à la fin dumois août ou au début du mois septembre et que vous entendez le cri du cassenoix d’Amérique, de vous asseoir confortablement quelque part et d’observer cet oiseau. C’est vraiment intéressant parce qu’on peut réellement voir la poche grossir. Ensuite, il s’envole pour aller cacher ces graines et revient.
N : J’ai suivi les conseils d’Allison et je suis tout à fait d’accord. Il est très amusant d’observer le travail d’un cassenoix d’Amérique. Si vous pensez que cette relation entre les oiseaux et les arbres est surprenante, imaginez si on y ajoutait des ours. Voici une histoire de Charlie McLellan, spécialiste du feu et de la végétation à Parcs Canada :
Charlie McLellan : Je faisais une randonnée avec mon père au sud du parc Kootenay, on a vu un grizzly et on l’a observé avec des jumelles. On pouvait voir la mère au sommet d’un pin à écorce blanche qui jetait des cônes à ses oursons. Ils se bagarraient pour avoir les cônes, et à un moment donné, même les oursons ont grimpé dans l’arbre et mangeaient des cônes.
C’était vraiment cool de voir ça. Je me demande si le pin à écorce blanche, même ici dans l’Est de la Colombie-Britannique, n’est pas plus important pour les grizzlys que certaines recherches antérieures le supposaient.
N : Il y a tellement d’interactions intéressantes entre le pin à écorce blanche et d’autres composantes de l’écosystème. Mais on risque aussi de les perdre. En 2012, le pin à écorce blanche a été inscrit sur la liste des espèces en voie de disparition de la Loi sur les espèces en péril. C’est le seul arbre en voie de disparition dans l’Ouest de l’Amérique du Nord.
CM : Il est important de connaître les principales menaces, qui ont provoqué le déclin du pin à écorce blanche. Il s’agit avant tout de la rouille vésiculeuse du pin blanc, un champignon pathogène introduit d’Asie au début du XXe siècle.
Un autre facteur important est la suppression des incendies au fil du temps. Un troisième est le dendroctone du pin ponderosa. En fin, les changements climatiques sont le quatrième facteur.
K : Alors, que fait Parcs Canada pour aider le pin à écorce blanche en ce moment?
CM : Bon nombre de nos mesures de gestion tiennent compte de ces quatre principales menaces. L’une de ces mesures consiste à planter des semis de pin à écorce blanche qui présentent une résistance à la rouille vésiculeuse. Et ça, en soi, n’est pas une mince affaire.
AF : En général, c’est un processus qui dure au moins deux ans. Tout d’abord, on fait un relevé des peuplements. On se rend au secteur puis on inspecte au moins 100 arbres dans le peuplement pour avoir une idée de sa santé.
N : Allison et son équipe sont toujours à la recherche des signes d’une infection par la rouille vésiculeuse du pin blanc. Il y en a plusieurs qui indiquent qu’un arbre est atteint.
AF : Un signe facile à reconnaître est le rougissement. C’est lorsqu’une branche entière de l’arbre est couverte d’aiguilles rouges et mortes. Un autre indicateur est le dépérissement terminal. Ça signifie que la cime d’un pin à écorce blanche est morte. Et c’est dans la cime que les cônes sont produits.
La cicatrice de la rouille vésiculeuse en un autre signe. Vers la fin juin et le début juillet, on voit apparaître cette rouille vésiculeuse orange, une couleur qui rappelle celle du Kraft Dinner. C’est vraiment dégoûtant.
La rouille est sucrée et on peut voir les rongeurs la manger. Il y aura une grande cicatrice sur l’arbre. Donc, si le taux d’infection par la rouille vésiculeuse est élevé dans un peuplement, peut-être 80 arbres sur 100, on inspecte les 20 arbres en santé pour déterminer s’ils conviennent à la collecte de cônes. Puis, si c’est le cas, on met une cage autour des cônes.
N : Les cages sont faites de grillage et je trouve que lorsqu’elles sont attachées aux branches, elles ressemblent un peu à des mitaines bizarres pour les arbres. Mais surtout, ces cages empêchent les animaux de manger les cônes. Des fois, il est possible d’installer les cages à partir du sol, mais il faut souvent grimper dans les arbres.
AF : En fait, on a été formé par des arboriculteurs. Quand on arrive sur place, on commence par déterminer s’il est possible de grimper dans l’arbre en toute sécurité. On vérifie s’il y a des dangers autour de l’arbre, et à quelle hauteur il faudra grimper dans l’arbre pour accéder aux cônes. On doit grimper une fois au début de la saison, puis une autre fois vers la fin mois septembre, ou début mois d’octobre pour ramasser les cônes.
K : Et quel serait un bon rendement pour un arbre, en cônes et en graines?
AF : Certaines années, on récoltait de 60 à 100 cônes sur un seul arbre. Chaque cône contenait de 40 à 60 graines. Donc ça fait beaucoup de graines en un an.
K : Comment réussissez-vous à sortir les graines, et est-ce un travail vraiment collant?
AF : C’est tellement collant. Le vrai truc, c’est de laisser les cônes reposer et sécher pendant plusieurs semaines. On peut les ouvrir avec les mains lorsqu’ils sont secs.
N : Les graines extraites sont ensuite envoyées à différents endroits, comme des banques de semences ou des pépinières. En pépinière, il faut environ deux ans pour que les graines deviennent un semis. Certains des semis feront l’objet de tests afin de déterminer leur résistance au champignon de la rouille vésiculeuse, tandis que d’autres retournent dans les parcs nationaux pour commencer une nouvelle vie.
K : Allison, quel effet cela fait-il d’avoir ces semis en main?
AF : C’est super. Je dirais que c’est encore mieux quand la journée est terminée, que tous les semis sont en terre. On peut relaxer et respirer un bon coup. C’est un sentiment incroyable. Et c’est plutôt cool d’avoir entre les mains un semis qui provient de graines qu’on a récoltées deux ans plus tôt.
N : Les brûlis récents sont des endroits propices à la plantation des semis. Les conditions du sol sont idéales et le pin à écorce blanche pousse vraiment bien dans les lieux ouverts et ensoleillés. Ce type d’habitat était courant autrefois dans les parcs nationaux, mais la suppression des incendies a changé la donne.
CM : Auparavant, à haute altitude dans les Rocheuses, il y avait un régime des feux dans lequel il y avait ce qu’on appelle une intensité mixte. Certaines zones brûlaient très fort, d’autres ne brûlaient pas du tout. Ça crée une véritable mosaïque de parcelles, et le pin à écorce blanche a évolué pour l’occuper. Et c’est lié à son association avec le cassenoix d’Amérique.
Ainsi, le cassenoix d’Amérique vole d’un endroit à l’autre et dépose les graines dans le sol en vue de les déterrer plus tard. Dans un milieu où il y a eu un feu, cet oiseau peut en fait voir la mosaïque d’arbres au sol, ce qui lui donnait des repères visuels sur l’endroit où il a déposé ses graines.
Et en l’absence de feux, ce qui se passe, c’est que le pin à écorce blanche est supplanté par des espèces qui tolèrent l’ombre. On parle principalement du sapin subalpin et de l’épinette d’Engelmann. Et c’est ce que l’on voit beaucoup aujourd’hui dans les secteurs où il n’y a pas eu de feux depuis longtemps, que ce sont ces espèces qui s’installent. Les changements climatiques contribuent aussi sûrement à la situation.
K : Charlie, est-ce qu’il y a des sites particuliers où on a vraiment concentré les activités de plantation après des feux de forêt ou des brûlages dirigés?
CM : Je pense qu’il y a environ sept brûlis différents où on se planté des semis. Des brûlages dirigés et des feux de forêt. Justement là où il y a eu le plus de feux dans le parc national Kootenay. Mais on a aussi planté des arbres dans des brûlis anciens, comme au parc Yoho. Un secteur a brûlé dans les années soixante-dix, et je pense qu’il y a des endroits où les possibilités de plantation sont encore bonnes.
N : Les parcs nationaux Kootenay et Yoho ne sont pas les seuls endroits où l’on plante des semis de pin à écorce blanche. En fait, tout le travail accompli par Allison et Charlie s’inscrit dans le cadre d’un effort beaucoup plus vaste visant à sauver le pin à écorce blanche.
AF : C’est une belle grande équipe. Il s’agit du parc national des Lacs-Waterton, du parc national Banff, du parc national Yoho, du parc national Kootenay, du parc national Jasper, du parc national du Mont-Revelstoke et du parc national des Glaciers. Il y a un habitat de pin à écorce blanche dans chacun de nos parcs, et on prend des mesures similaires pour contribuer au rétablissement de cette espèce.
Entre autres, on ramasse des cônes, on plante des semis dans le parc. On protège les arbres avec des sachets de phéromones pour éloigner le dendroctone du pin ponderosa. On restaure l’habitat, ce qui comprend les brûlages dirigés et l’éclaircissement mécanique des espèces d’arbres concurrentes dans les habitats du pin à écorce blanche.
K : Est-ce qu’il y a des moyens vrais et authentiques pour le public d’aider cette espèce?
AF : Oh, mais bien sûr. Tout d’abord, se familiariser avec l’espèce, se rendre dans les habitats pertinents et prendre le temps de l’observer est une excellente façon de commencer.
Les observations enregistrées par des applications comme iNaturalist sont très utiles pour obtenir des rapports sur les endroits où se trouvent les pins à écorce blanche. Et si vous pouvez prendre des photos de tout problème de santé que pourrait avoir l’arbre, comme des signes de la présence du dendroctone du pin ponderosa ou de la rouille vésiculeuse, ou même des cônes, ça nous est aussi très utile.
Il y a aussi la possibilité de planter des arbres. Le parc national des Lacs-Waterton organise une vaste opération de plantation par des bénévoles. Et la Whitebark Pine Ecosystem Foundation pourrait offrir d’autres possibilités de science citoyenne.
N : Un grand nombre de personnes travaillant ensemble, indépendamment des organismes, des frontières et des groupes, c’est souvent ce qu’il faut pour aider les espèces en péril.
AF : Le groupe qui s’occupe du rétablissement du pin à écorce blanche dans l’ensemble des aires de répartition au Canada, depuis 2009, nous avons planté 250 000 semis de pins à cinq aiguilles dans les aires de répartition au Canada. Et je dirais que, de ce nombre, près de 80 % étaient des pins à écorce blanche.
K : C’est incroyable.
AF : On assiste à un véritable élan, et de plus en plus de personnes s’intéressent à ce qu’on fait et s’impliquent. Et on fait aussi plus de sensibilisation du public et d’éducation. J’ai bon espoir que ces espèces perdureront dans les siècles à venir grâce à tous les efforts que nous déployons pour leur rétablissement.
Petite chauve-souris brune
Réglez vos oreilles à une fréquence ultrasonique! Anne Forshner, écologiste de la faune, nous fait découvrir le monde de la petite chauve-souris brune. Découvrez comment Parcs Canada en apprend davantage sur la vie de ces mammifères volants, y compris sur les endroits où elles aiment s’abriter. Ces connaissances nous aideront à lutter contre une menace mortelle et imminente : le syndrome du museau blanc.
En apprendre davantage :
- Micalizzi, E. W., Forshner, S. A., Low, E. B., Johnston, B., Skarsgard, S. A. et Barclay, R. M. R. 2023. Female Little Brown Bats Require Both Building and Natural Roosts in a Mountainous Environment with Short Summers. (Les petites chauves-souris brunes femelles ont besoin de bâtiments et de gîtes naturels dans un environnement montagneux avec des étés courts.) Ecosphere 14(12) : e4731. (en anglais seulement)
- La petite chauve-souris brune, espèce en péril du parc national Kootenay
- The B.C. Community Bat Program (en anglais seulement)
- The Alberta Community Bat Program (en anglais seulement)
- Évaluation et rapport de situation du COSEPAC sur la petite chauve-souris brune (PDF 2,32 Mo)
Transcription
Voix : Vous écoutez un balado signé Parcs Canada. This podcast is also available in English.
Narratrice : L’oreille humaine peut détecter des sons dont la fréquence va de 20 hertz (une tonalité très basse) à 20 000 hertz (une tonalité très élevée). On parle d’ultrasons lorsque la fréquence est supérieure à 20 000 hertz. Si vous pouviez entendre des ultrasons et que, après avoir monté votre tente au parc national Yoho, vous alliez vous promener à la tombée de la nuit, peut-être entendriez-vous quelque chose comme ça :
Vous venez d’entendre la petite chauve-souris brune. Dans cet extrait, elle utilise l’écholocalisation — autrement dit, elle utilise les ondes sonores pour s’orienter la nuit et attraper des insectes. Ces ondes sonores ultrasoniques ont été enregistrées à l’aide d’un appareil spécial, et la fréquence du son a été abaissée pour que nos humbles oreilles humaines puissent l’entendre.
L’écholocalisation n’est qu’une seule des caractéristiques fascinantes de la chauve-souris. L’épisode d’aujourd’hui vous en révélera beaucoup plus sur le seul véritable mammifère volant au monde. Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue à Interactions, un balado de Parcs Canada. Dans cet épisode, nous parlerons de la petite chauve-souris brune, d’un dangereux champignon blanc qui se propage en Amérique du Nord et des mesures prises par Parcs Canada pour se préparer.
Pour pouvoir vraiment discuter en profondeur de la petite chauve-souris brune, j’ai décidé de faire appel à Anne Forshner, une des écologistes de la faune de Parcs Canada.
Anne Forshner : La petite chauve-souris brune, aussi appelée le vespertilion brun. C’est vraiment un tout petit animal. Elle est couverte d’un poil court et elle a des très belles ailes. Chaque nuit, elle peut manger l’équivalent de son poids en insectes. C’est plutôt remarquable pour un petit animal!
Kelsey : Dirais-tu que leur corps est de la taille d’un dollar? Plus grand que ça?
AF : Si j’en tenais une dans ma main, ce serait comme tenir un rouleau de pièces de monnaie. Les petites chauves-souris brunes sont longues et minces. Certaines de nos petites chauves-souris pèsent seulement six grammes.
K : C’est une bête très petite.
AF : Oui. Surtout quand on la compare à la chauve-souris cendrée, qui est très, très grosse. Je ne savais pas jusqu’à quel point il pouvait y en avoir la nuit et qu’il pouvait avoir une telle variété de tailles, de formes, de couleurs, de personnalités, de cris et encore plus.
N : Malgré toute cette diversité, une menace commune et mortelle pèse sur les chauves-souris, et c’est ce qui a poussé Anne à les étudier.
AF : J’ai commencé à étudier la petite chauve-souris brune lorsqu’elle a été inscrite sur la liste des espèces en voie de disparition dans la Loi sur les espèces en péril du Canada. Elle y a été inscrite parce que les populations le long de la côte Est du Canada étaient en déclin rapide en raison d’une maladie appelée le syndrome du museau blanc.
K : Peux-tu nous décrire comme la façon dont il se manifeste chez la chauve-souris, les choses qu’on observe sur le terrain, la manière dont il se propage?
AF : Le syndrome du museau blanc est causé par un champignon. Il n’est pas originaire de l’Amérique du Nord. On pense que des spores du champignon ont contaminé les vêtements d’une personne en Europe et que ces spores ont ensuite été transporté ou introduites quand la personne est arrivée sur la côte Est. Le syndrome du museau blanc, il ne l’est toujours pas dans les parcs nationaux Banff, Yoho ou Kootenay.
Le champignon se propage d’une chauve-souris à l’autre pendant qu’elles hibernent. Quand une chauve-souris est infectée, une substance blanche et duveteuse, presque poudreuse, apparaît sur son museau, ses ailes et ses oreilles. Le champignon dérange la chauve-souris pendant qu’elle hiberne. Quand elles commencent à bouger, à s’agiter, elles n’ont pas de réserve d’énergie elles ne peuvent pas aller se nourrir parce que c’est encore l’hiver.
N : Puisque la menace du syndrome du museau blanc se profile à l’horizon, les équipes de Parcs Canada font ce qu’elles peuvent pour se préparer. Elles mettent un accent particulier sur la collecte de données, ou ce qu’Anne appelle un répertoire de référence.
AF : C’est ce qui nous amène à la prochaine phase, comprendre quelles espèces de chauves-souris on abrite, où elles sont et où certains de leurs principaux habitats se trouvent. On surveille certains de ces endroits. Comme ça, si on ne voit plus de chauves-souris à ces endroits, on saura que le syndrome du museau blanc a frappé là.
K : Et quels sont certains des principaux sites de surveillance?
AF : Certains des sites qu’on surveille en ce moment s’appelle des colonies de maternité. Ce sont des endroits où les femelles se rassemblent durant l’été pour donner naissance à leurs petits. Certains des perchoirs comme on les appelle ou des habitats de la petite chauve-souris brune se trouvent dans des bâtiments. On essaye d’en trouver un par parc, dans un bâtiment qu’on surveille à long terme.
Certains des perchoirs qu’on trouve sont des anciens abris-cuisine équipés d’une cheminée faite de blocs de béton. Les chauves-souris se suspendent entre l’ancienne cheminée et le mur. Il y a un espace d’un pouce qui est parfait pour elles. On pense que ces structures absorbent un peu de chaleur pendant la journée, et il y a juste assez d’espace pour qu’un groupe puisse s’y réfugier et profiter de la chaleur.
K : Alors on ne surveille aucune grotte naturelle dans les parcs?
AF : En fait, oui. On en surveille une, mais on en cherche quand même d’autres. Les grottes sont des hibernacles, donc des endroits où les chauves-souris passent l’hiver.
N : En plus de surveiller les emplacements où l’on sait qu’il y a des chauves-souris, Anne utilise d’autres méthodes et outils pour déterminer quelles espèces vivent dans le parc et où elles aiment passer leur temps. Cela veut donc habituellement dire se rapprocher physiquement des chauves-souris.
AF : Donc on commence à chercher des endroits où poser un filet japonais, c’est un filet très fin qui ne blesse pas les chauves-souris. Une fois qu’on attrape une chauve-souris, on passe aux choses sérieuses : il faut la libérer du filet, puis faire ce qui est nécessaire pour les prochaines étapes de la recherche.
Évidemment, tout notre travail se fait la nuit. Dans notre cas, on a posé des radio-émetteurs sur les petites chauves-souris brunes parce qu’on veut savoir où se trouvent ses habitats les plus importants. On savait que des chauves-souris se trouvaient dans des bâtiments, mais on ne savait pas grand-chose sur leur environnement naturel. Le seul moyen pour nous de recueillir ces renseignements était de poser des émetteurs.
Je ne manipule jamais un animal sauvage à moins que ça soit absolument nécessaire pour répondre à une question de recherche. Dans ce cas-ci, étant donné que le syndrome du museau blanc se propage à travers le pays, on sait que pour protéger et rétablir cette espèce on a besoin de comprendre où se trouvent certains de ses habitats et perchoirs importants.
K : Je pense qu’il y a encore beaucoup d’espoir quand même. J’entends souvent parler d’exemples où on intervient de façon réactive aux menaces qui touchent les espèces en péril. Mais, dans ce cas-ci, on dirait qu’on a une longueur d’avance. On sera beaucoup mieux préparés au moment de faire face à la grande menace dans les parcs.
AF : Oui, exactement. On fait de notre mieux. Il y a aussi des gens qui étudient des traitements contre le syndrome du museau blanc qui pourraient être utilisés dans les perchoirs de maternité. Si on sait où les chauves-souris se trouvent et qu’on a un traitement, on pourra étudier la possibilité de l’appliquer à ces endroits.
N : Un grand merci en particulier à Cory Olson, un chercheur sur les chauves-souris de l’Alberta, qui a grandement aidé Parcs Canada à trouver les endroits fréquentés par les chauves-souris, ainsi qu’Emma Micalizzi, une étudiante des cycles supérieurs de l’Université de Calgary, qui a trouvé l’emplacement de nombreux perchoirs de maternité dans les parcs. Mais la collaboration ne s’arrête pas là. Par exemple, Anne travaille avec diverses équipes et personnes à Parcs Canada.
AF : Je travaille aussi avec des organismes d’application de la loi, parce que c’est illégal de blesser ou de déranger des animaux sauvages, leurs abris ou leurs habitats essentiels. On collabore étroitement pour sensibiliser la population à propos des bons comportements à adopter.
On explique aux gens comment gérer les chauves-souris qui s’abritent dans des bâtiments, ce qu’ils doivent faire s’ils en voient une, et les services importants que ces espèces rendent à l’écosystème. Elles mangent une énorme quantité d’insectes.
Les chauves-souris sont très importantes pour la foresterie et l’agriculture parce qu’elles offrent un moyen de lutter contre les parasites sans utiliser de produits chimiques. Elles sont tellement utiles aux humains en plus de jouer un rôle merveilleux et exceptionnel pour la biodiversité.
N : Les chauves-souris sont des chasseuses d’insectes remarquables. Elles jouent un rôle clé dans l’écosystème et nous offrent de nombreux avantages. Mais elles ont besoin d’un coup de main en retour.
K : Est-ce qu’il y a des mesures particulières que les gens peuvent prendre pour aider à les protéger et prévenir la propagation du syndrome du museau blanc? As-tu des conseils à offrir au public?
AF : Oui, il y a quelques mesures que le public peut prendre. Avant de visiter un parc national, c’est toujours une bonne idée de vous assurer qu’il n’y a pas de petits passagers clandestins dans votre tente ou votre roulotte, parce que les chauves-souris peuvent se cacher à des endroits surprenants. Par exemple, elles peuvent se blottir dans les parasols. Donc si vous décidiez de transporter le parasol dans votre voiture et qu’une chauve-souris s’y trouvait, vous venez soudainement de la déplacer à un nouvel endroit. On aimerait éviter ce genre de situation. On veut éviter que des chauves-souris infectées soient transportées d’un endroit à l’autre.
C’est aussi important de se renseigner sur la façon dont on peut cohabiter avec les chauves-souris en toute sécurité. Il y a deux organismes, que je recommande particulièrement. Un des deux s’appelle l’Alberta Community Bat Program, ou Programme communautaire des chauves-souris de l’Alberta. Et l’autre s’appelle le B.C. Community Bat Program, ou Programme communautaire des chauves-souris de la Colombie-Britannique. Cherchez ces deux excellents organismes sur Internet pour savoir ce que vous pouvez faire pour nous aider.
N : Je regarde la page d’accueil du B.C. Community Bat Program, qui est disponible en anglais seulement, et je peux confirmer qu’on y trouve beaucoup de belles ressources, comme des conseils sur quoi faire si vous trouvez des chauves-souris sur votre propriété, des instructions pour construire un dortoir à chauves-souris et des idées sur comment contribuer aux efforts de protection. On vous encourage à aller consulter ces ressources la prochaine fois que vous êtes en ligne. Prenez le temps de vous renseigner et impressionnez vos amis en leur parlant de faits intéressants sur les chauves-souris!
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