Matt Webb

Parc national Wapusk

Constitué des basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James, le parc national Wapusk est l’une des plus grandes zones humides en Amérique du Nord. D’une superficie de 11 475 kilomètres carrés, le parc national Wapusk comprend bien plus que les tourbières et les marais qui recouvrent son territoire.

Dans une forêt enneigée, un employé de Parcs Canada portant des vêtements d’hiver sourit à l’appareil photo.
Matt Webb pendant l’échantillonnage du manteau neigeux du parc national Wapusk.

Depuis son arrivée à Parcs Canada en 2016 comme technicien de recherche, et plus tard comme écologiste du parc et coordonnateur de la recherche, Matt Webb est l’une des rares personnes à avoir passé d’innombrables heures dans le parc à faire des travaux sur le terrain et à y recueillir d’importantes données écologiques.

Même si Matt avait déjà visité Wapusk avec un employeur précédent, c’est durant son premier voyage de survol du parc avec Parcs Canada qu’il a pu saisir pleinement le vaste paysage transitionnel.

En juillet, par une belle journée d’été, Matt et son équipe se sont rendus par avion dans le coin sud-ouest du parc pour commencer à prélever des échantillons dans les lacs.

« C’était la première fois que je voyais le parc dans son ensemble, et je me souviens d’avoir tout absorbé et d’avoir vraiment pris conscience du paysage et de la façon dont il a évolué au fil des ans », explique Matt.

Changements graduels

Situé au bord de l’Arctique, entre les estuaires des fleuves Churchill et Nelson, Wapusk ne ressemble en rien aux autres parcs typiques. Doté d’une forêt boréale au sud, d’une toundra arctique au nord, et d’un littoral de 230 kilomètres le long de sa frontière orientale, le parc protège un paysage dit « transitionnel ». L’intérieur du parc est composé de plateaux tourbeux que dominent des polygones de fente de glace et qui sont recouverts de mousses, de lichens et de petits arbustes. Toute la région repose sur un pergélisol continu et discontinu, dans lequel des sols limono-argileux imperméables empêchent l’infiltration de l’eau, créant des milliers de lacs thermokarstiques qui jonchent le paysage.

C’est un paysage tentaculaire où des changements graduels continuent de façonner la terre. Cela se voit dans les crêtes de plage, qui bordaient autrefois la baie, mais qui font maintenant office d’autoroutes pour la faune et que l’on peut trouver jusqu’à 10 km à l’intérieur des terres. Un glacier a jadis enfoncé la région, et quand il s’est retiré, la terre a entamé un processus de remontée appelé « relèvement isostatique ». Ce processus se produit rapidement au début, mais ralentit avec le temps. La remontée se produit maintenant à raison d’un mètre par siècle, éloignant les crêtes de plage de la côte.

« L’évolution est très lente ici. Du ciel, on peut voir l’emplacement d’anciens étangs, qui sont maintenant remplis de végétation, et où des bras morts se sont formés à la suite de la transformation de cours d’eau. On peut voir comment l’écosystème lui-même a changé et continue de changer », explique Matt.

Puits dans le pergélisol

Parallèlement aux changements qui se produisent en surface à Wapusk, c’est ce qu’on trouve sous la terre qui est vital pour l’état du parc. Matt et son équipe s’occupent des puits de surveillance du parc, qui permettent de recueillir des renseignements importants sur le pergélisol sous la surface.

En vue d’étudier les changements du pergélisol, des puits ont été pratiqués entre 2007 et 2008 à partir du littoral et le long de transects vers l’intérieur des terres. Les transects sont des lignes droites qui traversent le paysage et permettent de mesurer et d’enregistrer des données, ce qui en fait des outils importants pour les observations sur le terrain. Les puits dans le pergélisol apportent des réponses aux questions sur le lieu et la raison de la formation de vides sous le sol, et permettent aux chercheurs de surveiller et de comparer les températures de l’air et du sol.

Un employé de Parcs Canada est agenouillé dans l’herbe; il tient dans une main un grand verre d’eau contenant un œuf.
Matt Webb fait flotter des œufs d’oie des neiges dans le parc national Wapusk.

« Tous ces renseignements sont précieux pour évaluer l’évolution de l’environnement, car le paysage entier repose sur le pergélisol. Si le pergélisol fond, cela entraînera des changements et des impacts considérables », déclare Matt.

Dans certaines régions, on a déjà commencé à observer un affaissement le long des berges de certains grands étangs, suscitant l’inquiétude des chercheurs.

« Les tourbières de cette taille ont une grande importance écologique, car elles constituent d’énormes puits de carbone. Elles stockent une grande partie des gaz à effet de serre que nous ne voulons pas libérer dans l’atmosphère », ajoute Matt.

Une fois que le pergélisol commence à dégeler, le processus de dégradation se poursuit rapidement et devient pratiquement impossible à arrêter.

« Nous ne pouvons pas faire grand-chose d’autre que d’essayer de ralentir ou d’inverser les impacts du changement climatique. Malheureusement, c’est un problème d’envergure mondiale », déclare-t-il.

Pour aider à régler des questions de surveillance, l’équipe du ministère de Matt a collaboré avec des partenaires de recherche externes. Plus récemment, elle a travaillé avec un groupe appelé ISAMR (International Student-Led Arctic Monitoring and Research). Dans le cadre du programme, des élèves du secondaire de la région et de l’étranger se joignent chaque année à Parcs Canada sur les sites des puits pour recueillir des données sur la couche active et les parcelles de végétation.

Bons souvenirs

Tout au long de leur travail à Wapusk, Matt et son équipe s’assurent de s’arrêter un moment pour se détendre et profiter des environs. En l’absence d’accès à Internet ou de réseau de téléphonie mobile, on ressent une grande sérénité sur les lieux.

Un employé de Parcs Canada portant des lunettes de soleil regarde l’appareil photo; derrière lui, une zone herbeuse ouverte.
Matt Webb pendant l’échantillonnage hydrologique dans le parc national Wapusk.

« Nous disposons d’appareils de communication d’urgence, mais ce n’est pas comme avoir son cellulaire dans sa poche. Nous nous sentons très détendus lorsque nous sommes dehors en sachant que le téléphone ne risque pas de sonner », raconte Matt.

Il se souvient notamment de l’hiver dernier (2021-2022), pendant un échantillonnage du manteau neigeux, et de l’été dernier, pendant la pose de nouvelles infrastructures. Durant ces deux expéditions, Matt et son équipe ont eu l’occasion d’explorer les environs.

« Après l’échantillonnage du manteau neigeux, nous nous sommes aventurés sur la rivière Broad et nous avons exploré des affluents de la Broad que nous n’avions jamais visités auparavant. La neige était profonde et molle, et il y avait des traces d’animaux sauvages partout sur la rivière. À un moment donné, nous sommes arrivés à un ruisseau pittoresque, où la neige était complètement immaculée sauf pour les traces d’une mère ourse guidant ses petits vers la glace de mer », raconte Matt.

« À l’été, pendant l’installation des tours Motus, nous avons entendu un tumulte. En regardant dans la direction du bruit, nous avons vu un loup qui poursuivait un caribou. Durant ce même voyage, un aigle s’est posé à environ trois mètres de notre camp et nous a observés. De plus, nous avons eu l’occasion d’explorer certaines berges des rivières Owl et Broad adjacentes au camp », ajoute-t-il.

Matt est reconnaissant de toutes les occasions de mener des recherches à Wapusk, car cela lui permet de se détendre, tout en effectuant un travail essentiel.

« Mon objectif est de protéger et de préserver le parc, mais aussi d’acquérir des connaissances sur les processus écosystémiques et les espèces qu’il abrite. Nous sommes heureux de pouvoir partager ces renseignements avec la population canadienne, et surtout avec les communautés qui sont les plus touchées », poursuit-il.

« Il est très important pour nous de pouvoir faire le lien entre les habitants et la terre. En partageant ce que nous apprenons, les connaissances, et dans certains cas, les expériences, j’espère que nous pourrons faire part des beautés du parc à d’autres personnes. »


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