Dr Robert Rockwell

Parc national Wapusk

Le parc national Wapusk attire des chercheurs enthousiastes de partout dans le monde, et l’un d’entre eux, qui a passé des dizaines d’années dans le parc, est originaire des monts Ozark, dans le Missouri.

Robert « Rocky » Rockwell cultive un intérêt de longue date pour le Nord. Alors que la guerre du Vietnam fait rage, M. Rockwell traverse la frontière pour étudier l’écologie à l’Université Queen’s de Kingston, en Ontario, où il obtient un doctorat.

C’est à Queen’s qu’il s’initie aux oies des neiges.

Après avoir accepté deux postes, M. Rockwell retourne aux États-Unis : un de ces postes est professeur d’écologie à la City University de New York et, l’autre, associé de recherche à l’American Museum of Natural History.

Un homme de profil regarde vers la droite; il exprime une certaine inquiétude.
Robert Rockwell observe un ours polaire qui s’approche dans le parc national de Wapusk.

© Robert Rockwell

Cependant, l’appel de la nature est toujours présent et en 1969, il décide de poursuivre ses travaux de recherche tout en souhaitant ardemment étudier les oies des neiges dans une situation gérable.

« Les oies des neiges, mâles et femelles, ont une certaine noblesse », déclare-t-il.

Après un long périple à bord de divers modes de transport, M. Rockwell et ses élèves arrivent à la baie La Pérouse, près de Churchill. Étant donné que leur équipe avait besoin d’une expertise locale, il font appel à Danny, un Déné de la région, et à quelques-uns de ses amis, qui possèdent une vaste connaissance de ces étendues sauvages.

Le jour suivant, la petite équipe sécurise l’équipement sur les qamuitiiiks et, en file indienne, les motoneiges filent sur la blanche couverture uniforme. Des arbres apparaissent et disparaissent à l’horizon.

À l’arrivée au camp, le grand-père de Danny accueille l’équipe. En tant qu’étranger, M. Rockwell lui demande : « Quel conseil me donneriez-vous?»  Le grand-père de Danny répond : « Le conseil est simple. Les hommes blancs pensent qu’ils savent tout; mais ils ne savent rien. Il faut s’asseoir sur un rocher et apprendre de la nature. »

Cette philosophie a été la marque distinctive des recherches de M. Rockwell. Il avoue s’être assis sur beaucoup de rochers et avoir observé ce qui se présentait à lui.

« Nous sommes trop nombreux à nous lancer dans la biologie de terrain en pensant déjà connaître les réponses, alors que ce n’est pas le cas. Seuls les animaux et l’environnement connaissent les réponses. »

Premières observations 

L’un des aspects les plus intrigants de l’oie des neiges est que c’est la femelle qui s’assoit sur les œufs, et contrairement aux canards et à de nombreux autres oiseaux, le mâle ne la quitte pas après l’insémination. Il reste pour là pour les protéger, elle et le nid.

« J’ai vu des oies des neiges mâles chasser des renards arctiques, des caribous et même un loup. Un mâle était si audacieux qu’il s’est envolé et a commencé à frapper sur la tête un ours polaire qui essayait de manger les œufs », raconte M. Rockwell.

La mère reste assise sur le nid pendant 24 jours. Dès l’éclosion, les oies quittent la zone de nidification pour se rendre sur une aire d’alimentation, par exemple une plaine où l’on trouve plusieurs minuscules graminoïdes, ou des herbes. La mère oie perd beaucoup de poids en 24 jours, elle doit donc reconstituer ses forces.
 
Les mâles ont un rôle actif. Le mâle tourne autour de sa famille tout en scrutant le ciel à la recherche de prédateurs aériens. Si l’un d’eux s’approche, le mâle fait du bruit pour alerter la colonie, et les autres mâles font du bruit pour tenter d’éloigner le prédateur. Ce cycle se répète jusqu’à ce que tous les oisillons obtiennent leurs premières plumes de vol et qu’ils puissent voler tous ensemble vers le sud.

Les mâles sont 20 % plus grands que les femelles et peuvent être méchants. Armés d’un bec dentelé, ils vous pincent et vous tordent la peau pour se défendre.
 
« J’ai des cicatrices permanentes sur mes bras à cause de certains d’entre eux », fait remarquer M. Rockwell.

Modifications dans le parc

M. Rockwell se souvient de son premier voyage au parc national Wapusk en 1969, 27 ans avant qu’il ait été constitué en parc national en 1996 : « Nous avons dû nous débrouiller avec le peu que nous avions », dit-il.

L’équipe a dormi dans des tentes avec des fusils à leur côté, car il n’y avait pas de barrière entre elle et les animaux sauvages.

« C’était réellement effrayant. On entendait toutes sortes de bruits : certains provenaient d’animaux, d’autres du ronflement des membres de l’équipe! » Il s’en souvient encore aujourd’hui. « En gros, on ne dormait pas très bien. Les gens faisaient des siestes pendant la journée quand d’autres étaient éveillés et pouvaient faire le guet. »

La première clôture électrique a été installée en 1974. Elle a évolué au fil des ans. En raison des changements climatiques, les installations de recherche permanentes ont dû être modifiées.

« La glace commence à se briser et de l’eau des marées pénètre dans la baie d’Hudson. Par conséquent, de l’eau commence à s’infiltrer dans les bâtiments. Ainsi, tous les bâtiments sont maintenant élevés à quatre pieds (1,2 mètre) du sol », déclare M. Rockwell.

Outre les changements climatiques, il y a eu des changements au niveau de la faune et de la flore, comme en témoignent les grizzlis qui se sont frayés un chemin dans le parc national Wapusk. Chaque fois qu’une nouvelle espèce est introduite, elle affecte l’écosystème.

Il y a cinq ans, il y avait 75 000 couples d’oies des neiges qui nichaient dans la région. Aujourd’hui, il n’y en a plus que 1 500 environ, en partie à cause des changements dans le climat et l’habitat, mais surtout à cause des grizzlis et des ours noirs qui mangent les œufs.

Actuellement, les oiseaux volent plus au nord, dans des régions que l’équipe de terrain de M. Rockwell n’a pas encore explorées.

Rencontres mémorables

Lorsqu’on travaille sur des terrains aussi austères et dans des conditions aussi extrêmes, les rencontres avec des animaux sauvages peuvent être à la fois fascinantes et alarmantes. M. Rockwell a raconté une rencontre avec un grizzli dont il se souviendra toute sa vie.

M. Rockwell a grandi dans une ferme laitière où il a côtoyé quotidiennement divers types d’animaux. 

M. Rockwell se souvient d’une fois où, peu après la désignation de Wapusk en tant que parc national, lui et son élève étaient couchés dans l’herbe et prenaient des photos d’une oie dans un nid à 25 pieds (7,6 mètres) de là. Hyperconcentré sur la prise de photos du nid, M. Rockwell a senti son élève lui donner un coup à l’épaule.

Un grizzly fait face à la caméra. La photo a été prise d’un angle tout juste au-dessus de l’ours.
Un grizzly charge l’hélicoptère de Robert Rockwell dans le parc national de Wapusk.

© Robert Rockwell

« Regardez ce qui arrive », lui a dit Andrew, son élève.  

C’était un grizzli mâle. Après avoir jeté le nid par terre, le grizzli a commencé à manger les œufs.

Le cœur battant la chamade, l’étudiant a demandé s’ils devaient s’enfuir, mais M. Rockwell a insisté pour garder leur position et utiliser leurs fusils au besoin en tirant en l’air au cas où ils devraient faire fuir le grizzli.

Le grizzli s’est levé, les a regardés, s’est retourné, puis s’est éloigné en se dandinant.

« Quand il s’est retourné, j’ai su que tout allait bien. Il était à la chasse aux œufs. »

Lorsque les grizzlis ont envie de ces œufs pendant la période d’incubation, ils se déplacent de nid en nid pour satisfaire leurs fringales.

Bien que M. Rockwell ait officiellement pris sa retraite en mai 2022, il poursuit toujours son programme de recherche.

« Les gens me demandent pourquoi je fais encore cela après 50 ans; c’est simple, c’est parce que je vis des expériences incroyables comme celle-ci chaque année », conclut-il.

 

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