1. L’intégrité commémorative du lieu

À titre d’organisme du gouvernement fédéral responsable de préserver et de mettre en valeur le patrimoine historique et culturel du pays, Parcs Canada a notamment pour mission :

  • de favoriser la connaissance et l’appréciation de l’histoire du Canada grâce à un programme national de commémoration;
  • d’assurer l’intégrité commémorative8 des lieux historiques nationaux qu’il administre et, à cette fin, de les protéger et de les mettre en valeur pour le bénéfice, l’éducation et la jouissance des générations actuelles et futures, avec tous les égards que mérite l’héritage précieux et irremplaçable que représentent ces lieux et leurs ressources;
  • d’encourager et d’appuyer les initiatives qui visent à assurer la protection et la mise en valeur des lieux d’importance historique ou architecturale nationale non administrés par Parcs Canada.

Par ailleurs, afin de concrétiser son mandat, Parcs Canada a adopté une série d’objectifs stratégiques qui orienteront ses activités au cours des cinq à dix prochaines années. Parmi ces objectifs stratégiques, on note les suivants :

  • assurer l’intégrité commémorative des lieux historiques nationaux;
  • renseigner les Canadiens et les visiteurs internationaux sur le patrimoine canadien, expliquer l’intégrité commémorative et amener les Canadiens à apprécier davantage les réseaux des lieux historiques (incluant les canaux historiques), des parcs nationaux et des aires marines de conservation;
  • fournir aux visiteurs des services appropriés afin qu’ils profitent des aires patrimoniales protégées et les apprécient, et veiller à minimiser les impacts négatifs.

Le respect de l’intégrité commémorative des lieux reconnus d’importance historique nationale figure donc parmi les objectifs fondamentaux de Parcs Canada. L’énoncé d’intégrité commémorative sert de guide pour la planification et la gestion de ces lieux. L’énoncé précise l’objectif de commémoration du lieu, décrit les ressources culturelles en présence, leur attribue une valeur et identifie les messages rattachés à l’importance historique nationale du lieu qui doivent être communiqués au public. L’énoncé d’intégrité commémorative fixe également des objectifs à atteindre en matière de protection des ressources culturelles et de communication des messages associés à l’importance historique nationale du lieu. En somme, l’énoncé d’intégrité commémorative constitue un cadre de référence qui établit l’état désiré pour le lieu; l’écart constaté entre cet état souhaité et la situation existante permet de définir des mesures de gestion spécifiques pour la conservation et la mise en valeur du lieu.

LOUIS-JOSEPH PAPINEAU, SEIGNEUR DE LA PETITE-NATION (1817-1871)

Fils d’un notaire montréalais, homme politique et aussi seigneur, Louis-Joseph Papineau marcha sur les traces de son père. Avocat et homme politique, il partagea, au point même de les incarner, les aspirations de toute une classe de la société canadienne-française d’alors, celle des membres des professions libérales.

Dès 1815, Papineau accède au poste d’Orateur de la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada puis il préside simultanément aux destinées du Parti canadien, qui deviendra le Parti patriote en 1826. C’est comme chef de ce parti que Papineau fera sa marque dans l’histoire politiquecanadienne. À ce titre, il orchestre les stratégies susceptibles de procurer à la classe à laquelle il s’identifie le leadership social de la nation canadienne-française. Entre 1827 et 1837, Papineau devient la figure de proue de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada et le leader national des Canadiens français dont il incarne le désir d’émancipation politique. Le refus des autorités coloniales et métropolitaines de satisfaire aux demandes de réformes revendiquées par les Patriotes conduira aux troubles de 1837-1838 dont l’issue entraînera l’exil de Papineau auxÉtats-Unis puis en France jusqu’en 1845.

Louis-Joseph Papineau présentant les « Quatre-vingt-douze Résolutions » de 1834
Louis-Joseph Papineau présentant les « Quatre-vingt-douze Résolutions » de 1834
Statuette en plâtre moulé réalisée en 1885 par Louis-Philippe Hébert

© Parks Canada / Photographie Musée du Québec
Patrick Altman, n° accession 69.389

La pensée politique de Louis-Joseph Papineau, nourrie par une grande curiosité intellectuelle, subit l’influence des philosophes du Siècle des Lumières et souscrit, au plan politique, au libéralisme. Au plan économique et social, en revanche, l’ambivalence de son discours laisse croire qu’il était plutôt conservateur.

Comme « chef national », Papineau diffusera une conception idéalisée de la tenure seigneuriale. D’une part, il considère cette institution comme étant plus propre que le capitalisme à assurer une répartition égale de la propriété foncière entre les individus. Partant, il est porté à exagérer le rôle de son principal agent, le seigneur, en faisant de ce dernier le gardien de l’égalité sociale. D’autre part, Papineau ne peut dissocier le « seigneurialisme » du nationalisme canadien-français. Les deux idéologies lui apparaissent à ce point indissociables qu’il lui faut rationaliser les contradictions qu’elles engendrent, notamment au plan des réformes sociales. Aussi ne pourra-t-il envisager, avec réalisme, l’abolition de cette institution sans y voir une sérieuse menace à l’existence même de la nation canadienne-française dont il incarne alors les aspirations.

En 1817, Louis-Joseph Papineau achète de son père la seigneurie de la Petite-Nation dont il demeurera propriétaire jusqu’à sa mort, en 1871. D’abord trop accaparé par sa carrière politique, il ne peut assurer lui-même la gestion de sa seigneurie et, comme son père, il la confie à son frère, Denis-Benjamin. En 1845, cependant, au retour de son exil européen, Louis-Joseph Papineau écrit « qu’il est de son devoir, comme grand propriétaire, de vivre au milieu des colons ». Dès octobre, lors d’une visite de reconnaissance pour déterminer le futur emplacement de son manoir, il choisit le cap Bonsecours, un site central sur le front de sa seigneurie, à partir duquel il planifie l’aménagement du domaine seigneurial qu’il nomme « Monte-Bello ». En 1848, Papineau entreprend la construction d’un superbe manoir dans lequel il emménage avec sa famille à la fin de l’année 1850.

Papineau consacra les quelque vingt dernières années de sa vie à sa famille, à la lecture, à l’administration de sa seigneurie ainsi qu’à l’aménagement de son domaine. Après sa mort, ses descendants vécurent au manoir jusqu’en 1929.


  1. L’expression « intégrité commémorative » désigne l’état ou le caractère global d’un lieu historique national. On dit d’un lieu historique national qu’il possède une intégrité commémorative lorsque les ressources qui symbolisent ou caractérisent son importance ne sont ni détériorées ni menacées, lorsque les motifs invoqués pour justifier son importance historique nationale sont clairement expliqués au public et lorsque ses valeurs patrimoniales sont respectées par tous ceux qui, par leurs actions ou leurs décisions, exercent une influence sur le lieu de commémoration.

Page précédente | Index | Page suivante
 

Date de modification :