1.1 L’objectif de commémoration

On entend par objectif de commémoration d’un lieu historique ce qui doit être spécifiquement commémoré en ce lieu. L’objectif de commémoration d’un lieu est étroitement lié aux particularités qui lui ont permis d’être reconnu d’importance nationale et qui justifient, en somme, sa raison d’être au sein du réseau des lieux historiques nationaux. C’est essentiellement à partir des recommandations de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, approuvées par le ministre, que l’objet de commémoration d’un lieu peut être défini.

La Commission des lieux et monuments historiques du Canada s’est prononcée plusieurs fois sur le manoir Papineau. En 1920, lors d’une annonce de mise en vente du « château », elle émet l’avis que le site n’est que d’importance locale et n’a pas une grande valeur en tant que lieu de commémoration puisqu’il ne fut témoin d’aucun événement historique en soi. Pour bien comprendre les commentaires et les recommandations de la Commission au sujet du manoir, il faut toutefois se référer aux déclarations de la Commission relatives à Louis-Joseph Papineau lui-même.

La Commission a considéré l’importance nationale de Louis-Joseph Papineau à quelques reprises, tantôt en tant qu’homme politique, tantôt en tant que seigneur et « paterfamilias » de la famille Papineau, tantôt, enfin, en association avec ses lieux de résidence (le manoir seigneurial de Montebello et sa maison de la rue Bonsecours, à Montréal).

En 1937, Papineau est inscrit sur une liste « d’importants personnages » de l’histoire du Canada (« outstanding characters in Canadian History »). On recommande l’érection d’une « plaque secondaire » en son honneur à son lieu de naissance, Montréal. L’année suivante, le texte de la plaque est approuvé. Papineau est désigné comme « orateur et chef politique ».

Papineau revient à l’ordre du jour en 1966 dans le cadre de l’évaluation de l’importance nationale de sa maison, rue Bonsecours à Montréal. En 1968, cet édifice est déclaré d’importance nationale « historique et architecturale » et la Commission recommande au ministre de l’acquérir. Dès lors, les déclarations de la Commission au sujet de Papineau seront partagées entre le manoir de Montebello et la maison de la rue Bonsecours.

En 1974, la Commission recommande de commémorer le « personnage » de Louis-Joseph Papineau par le biais d’une plaque apposée sur son manoir, à Montebello. Quant à la maison de la rue Bonsecours, son importance nationale est attribuée plutôt pour des raisons architecturales. La Commission suggère cependant de bien établir le lien entre Papineau et sa maison dans le texte de la plaque. De fait, l’inscription pour la maison montréalaise, telle qu’approuvée en novembre 1982, fait surtout état de ses qualités architecturales tout en signalant son occupation par Papineau, homme politique « chef du parti canadien et l’une des figures marquantes des événements de 1837 ».

La Commission revient sur la question de la commémoration de Papineau et de ses résidences en juin 1986. Elle reconnaît alors que le manoir Papineau est un bon exemple, quoique inhabituel, de domaine rural (« country estate ») au XIXe siècle. Plus particulièrement, la Commission observe que les qualités architecturales du manoir, qui traduisent plusieurs styles, reflètent « les ambitions sociales, les goûts et la personnalité de son propriétaire – Louis-Joseph Papineau – du-rant les dernières années de sa vie ». Elle émet alors l’avis que « le manoir Papineau a une importance architecturale nationale et devrait faire l’objet d’une plaque commémorative, laquelle – sans négliger la famille Papineau – devrait surtout porter sur le reflet que constitue ce bâtiment de la personnalité de Louis-Joseph Papineau ».

À la même réunion de juin 1986, la Commission fait le point sur ses recommandations antérieures relatives à Papineau et à la résidence de la rue Bonsecours (dite « maison Papineau »). Elle recommande alors la pose de deux plaques commémoratives à la maison Papineau : l’une portant sur la valeur architecturale de la maison et l’autre sur l’homme politique, sa vie et son oeuvre, en raison des « rapports étroits qui existent entre cette dernière (maison Papineau) et la période la plus active et la plus importante de la vie de Papineau ».

Enfin, l’inscription d’une plaque commémorative portant sur le manoir Papineau est approuvée en 1989. Tout en évoquant la carrière politique de Papineau, le texte fait surtout état des dernières années de sa vie alors que « voyant dans le régime seigneurial un rem-part contre l’assimilation », il quitte la politique pour se consacrer à sa seigneurie de la Petite-Nation. Le texte établit en outre une association entre l’homme cultivé qui s’inspira de divers styles architecturaux dans la conception du manoir et le penseur qui aménagea ses terres familiales « à l’image qu’il se faisait d’un domaine idéal ».

Il ressort donc de cette nomenclature un voeu bien arrêté de la part de la Commission de commémorer le personnage de Louis-Joseph Papineau et ses lieux de résidence (pour leurs qualités architecturales respectives) à deux endroits : « Monte-Bello »9 et la maison de la rue Bonsecours à Montréal. Les précisions apportées par la Commission en 1986 permettent de mieux comprendre la situation. D’une part, l’importance nationale de la maison montréalaise repose sur le rapport à l’homme politique alors au faîte de sa carrière (avant 1837); d’autre part, « Monte-Bello » est affilié au seigneur, au penseur et à l’homme cultivé suite à sa décision de s’installer sur sa seigneurie (1846).

En fonction de ce qui précède, l’objectif de commémoration du lieu a été défini comme suit :

Le lieu historique national du Canada du Manoir-Papineau commémore principalement Louis-Joseph Papineau et l’importance architecturale de son ma-noir, reflet de ses ambitions sociales, de ses goûts et de sa personnalité.

Le lieu témoigne également de l’homme qui, après avoir quitté l’avantscène politique, se consacre tout entier à l’aménagement d’un domaine idéal et à la gestion de sa seigneurie de la Petite-Nation.

Le lieu rappelle enfin le rôle de la fa-mille Papineau dans la constitution du domaine.


  1. La graphie de « Monte-Bello » a été ainsi voulue par Louis-Joseph Papineau pour désigner à la fois son domaine et son manoir.

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