1.2 Les ressources qui symbolisent ou caractérisent l’importance nationale du lieu

De nos jours, ce qu’il est convenu d’appeler le « domaine Papineau » n’est en réalité qu’une toute petite parcelle du domaine seigneurial originel10. Le centre d’accueil touristique de Montebello (bâtiment relocalisé de l’ancienne gare ferroviaire) et la halte routière adjacente voisinent la propriété sur toute sa limite orientale; à l’ouest se retrouvent les terrains ainsi que les équipements hôteliers du Château Montebello.

Le manoir et quelques dépendances occupent le cap Bonsecours, point le plus élevé de la portion habitée du domaine. Les terres avoisinantes, où se situent d’autres dépendances, dont la maison du jardinier et la chapelle funéraire, sont traversées par le ruisseau Papineau et un petit affluent, le ruisseau Pesant. Le lieu historique national est recouvert sur la moitié de sa superficie par une forêt d’une diversité exceptionnelle qui comprend plusieurs éléments originaux et qui faisait partie de la vision de Papineau pour l’aménagement de son domaine.

Les ressources dont il sera ici question ont été reconnues comme symbolisant ou caractérisant l’importance historique nationale du lieu historique national du Canada du Manoir-Papineau. En référence à la Politique sur la gestion des ressources culturelles de Parcs Canada, elles sont considérées de « niveau 1 ».

Certaines des ressources culturelles rattachées à l’objectif de commémoration se retrouvent à l’extérieur de la propriété transférée à Parcs Canada en 1993; ces ressources sont indiquées par un astérisque.

SITE ET PAYSAGES CULTURELS

Sur la portion du domaine seigneurial occupée par le lieu historique national11, le concept d’organisation de l’espace imaginé par Louis-Joseph Papineau et son fils Amédée se lit encore facilement. On y perçoit tout à la fois les goûts et les aspirations sociales du seigneur de la Petite-Nation.

Le cap Bonsecours et ses abords firent l’objet d’un aménagement paysager d’envergure intercalant des espaces ouverts au sein d’un boisé traversé par des sentiers sinueux. À l’évidence, Louis-Joseph Papineau (à travers son fils Amédée, qui était un fervent adepte d’Andrew Jackson Downing) 12, s’est largement inspiré des jardins « à l’anglaise » pour imprimer ce caractère à cette partie du domaine. La recherche de l’effet pittoresque a conduit Papineau à exploiter toutes les possibilités du site. Le manoir surplombe le cap; ce promontoire commande des vues lointaines tant en direction de l’est que vers l’ouest, sans compter le balayage visuel sur la rive droite de l’Outaouais. Les alentours immédiats du manoir ont également conservé trace de massifs floraux hérités de l’époque des Papineau. Le versant sud du cap Bonsecours abrite pour sa part les vestiges de plates bandes en escalier, d’allées et d’aires de repos aménagées au temps des Papineau. Du côté de l’entrée principale du manoir, donc en direction du nord, Papineau avait fait dégager des prairies en contrebas du cap. Symboliquement, le monde agricole allait côtoyer le parc de loisir, de délassement et de rêverie...

Encore de nos jours, le vaste parc boisé avoisinant le cap Bonsecours est traversé par l’ancienne allée seigneuriale, au parcours légèrement ondulé, ainsi que par le ruisseau Papineau et son affluent, le ruisseau Pesant. Les divers sentiers que les Papineau, père et fils, avaient planifiés dans le parc, sur le cap et en contrebas de ce dernier restent en bonne partie perceptibles.

L’entrée au domaine habité est soulignée par un portail* qui marque le début de l’allée seigneuriale. Aménagé par le Seigniory Club, le portail actuel en pierre et en fer forgé est flanqué d’une guérite; il remplace aujourd’hui l’ancienne barrière de l’époque des Papineau. Près du portail, la maison du jardinier*, où résidait le gardien du domaine, est contemporaine du manoir.

L’allée seigneuriale et le pont vers 1915
L’allée seigneuriale et le pont vers 1915
La pittoresque allée seigneuriale serpente dans le parc boisé où coule le ruisseau Papineau, qu’enjambe un pont de bois rond construit dans le goût rustique.

© Parcs Canada / Fonds Jacqueline Papineau-Desbaillets (GA-171; S-80-6) Reproduction Parcs Canada nég. : 206/ic-1G/PR-6/S-80, n° 6

Le réseau des chemins du domaine à l’époque des Papineau était simple et il existe toujours. Il se compose de trois tronçons qui se rejoignent : l’allée seigneuriale, qui relie l’extrémité est du cap Bonsecours au chemin public (aujourd’hui la route 148), le chemin du cap, qui traverse le cap d’est en ouest et s’aboute au chemin vert*, dont la fonction était d’établir la liaison entre la zone des dépendances agricoles, au pied de l’extrémité ouest du cap, et le chemin public. Le chemin vert était clos d’une barrière à sa rencontre avec le chemin public, à l’instar de l’allée seigneuriale, afin d’assurer au seigneur le respect de l’intimité de sa vie familiale. De nos jours, le chemin vert a perdu son gabarit ancien sur la majeure partie de son parcours et a été asphalté.

L’allée seigneuriale, véritable trouée à travers la futaie, mène au manoir. Elle conserve à la fois son tracé et son gabarit ancien et son revêtement est toujours de gravier. L’allée descend d’abord vers un large pont de bois, de construction récente, qui enjambe le ruisseau Papineau; le pont originel était fait de bois rond. Près du pont, le parcours paresseux du ruisseau est animé par une petite cascade créée à l’époque des Papineau. L’allée seigneuriale remonte puis débouche sur une petite clairière; on aperçoit alors la chapelle funéraire* familiale et le cimetière attenant*, ceint d’une clôture de fer forgé*. Gagnant au sud, l’allée gravit le flanc du cap Bonsecours. Le tracé étudié de l’allée met judicieusement à profit la topographie de telle sorte que le manoir se dérobe encore au regard. Ce n’est qu’après avoir parcouru une centaine de mètres qu’on peut enfin apercevoir l’angle nord-est du bâtiment. Sur le cap, l’allée seigneuriale s’aboute au chemin du cap dont la trajectoire longe la façade du manoir et son mur de croupe de l’ouest, avant de se diriger vers le hangar à grains et l’écurie* pour rejoindre le chemin vert. Le chemin du cap a été asphalté et son tracé a été modifié à l’ouest du manoir.

De vastes pelouses entourent le manoir. Celle qui s’étend devant la façade met en valeur un chêne rouge plus que centenaire, contemporain de Papineau. De grands pins forment l’arrière-plan du paysage. Au nord-est de la pelouse, au bout d’un sentier dallé, un kiosque (campanile) en bois rond d’allure rustique se blottit dans un épais bosquet. Au sud du manoir, une autre pelouse ornée de grands peupliers et de thuyas s’étend vers la rivière des Outaouais. Un rideau d’érables, de lilas et de chèvrefeuilles entoure la pelouse à l’est et au sud. Le regard se porte aussi sur un pin blanc géant, jadis entouré d’un belvédère circulaire en bois; Papineau y montait pour voir arriver ou s’éloigner ses proches et ses invités lors de séjours au manoir. Une autre vaste pelouse ponctuée de grands arbres flanque le manoir du côté ouest. En direction de l’est, la pelouse est plus restreinte en raison de l’empiétement du salon hors-œuvre.

Au sud du chemin du cap, une pelouse en pente douce remplace l’ancien potager. Une haie de symphorines ainsi que des plantations de conifères séparent cette zone de la route. Des marches en pierre calcaire, larges et irrégulières, colorées de buissons de pivoines et d’hortensias, relient le chemin au potager.

Au sud du potager s’étendent les terrasses, autrefois nommées « coteau sud », sur lesquelles on fit jadis planter vignes et arbres fruitiers. Ce verger disparu est maintenant peuplé d’une grande variété d’espèces végétales. Les vestiges des murs de pierre, des marches, des aires de repos permettent encore d’en imaginer l’apparence antérieure.

La façade du pavillon de thé est adossée à la rivière. Un treillis de bois accolé au solage en maçonnerie rappelle qu’on y cultivait autrefois la vigne. Du côté ouest, un mur de pierre s’incurve pour rejoindre un escalier de pierre plus ancien qui mène à des terrasses. Le décor d’époque reste encore perceptible à travers une végétation envahissante.

Les prairies* intégrées au domaine par les Papineau étaient au nombre de quatre, bien qu’aucune ne fasse aujourd’hui partie du lieu historique national. Deux d’entre elles sont partiellement oblitérées par des réaménagements modernes : l’ancien pacage des chevaux* est occupé par le centre d’accueil touristique; le Château Montebello et ses dépendances occupent le site de la prairie de l’anse aux Vaches*. En revanche, la prairie de la maison du jardinier* et la prairie de la grange* (aujourd’hui partiellement occupée par des courts de tennis) témoignent encore de l’organisation du domaine au temps des Papineau.

En somme, comme le site le reflète toujours, Louis-Joseph Papineau et son fils ont divisé le vaste terrain de la partie habitée du domaine entre le parc, les pelouses, le jardin et les prairies, créant à leur manière le « paradis environnemental » rêvé par Papineau. Suivant le concept initial, le parc consistait en cette grande partie du terroir où la forêt déjà présente devait être conservée tout en étant, bien sûr, entretenue et ponctuellement enrichie de certaines essences. Le parc comprenait le parcours de l’allée seigneuriale, une petite cascade aménagée sur le ruisseau Papineau et une deuxième route d’accès, le chemin vert, qui, parallèle à l’allée seigneuriale, reliait la zone des bâtiments agricoles au chemin public. Les pelouses étaient de grandes étendues gazonnées qui environnaient la maison seigneuriale. On y trouvait des plates-bandes de fleurs, certains arbres, des arbustes, des meubles d’extérieur. Le jardin était combiné à un potager, en une savante association de fleurs et de légumes; il occupait tout un pan incliné vers le sud du cap Bonsecours. Quant aux prairies, il s’agissait d’espaces réservés à la culture de graminées (prairie de la grange) ou de plantes maraîchères (prairie de la maison du jardinier) ou, encore, dévolus au pâturage (la prairie de l’anse aux Vaches et le pacage des chevaux).

Vue aérienne du domaine de Monte-Bello en 1929
Vue aérienne du domaine de Monte-Bello en 1929
Ce document exceptionnel permet de saisir l’aménagement paysager du cap Bonsecours : l’arrivée de l’allée seigneuriale, le chemin du cap, qui forme une boucle autour du manoir, les sentiers, le jardin potager, le « chemin vert » qui traverse les prairies, celle de la grange (à droite) et la prairie de l’anse aux vaches (à gauche). À l’arrière-plan, s’étend le parc boisé. Le lieu de résidence et de villégiature côtoyait ici l’univers agricole en un raccourci pittoresque.

© Parcs Canada / Magazine The Seigneur, été 1964; photo extraite d’un article de J.J. Willis. Reproduction : Parcs Canada, nég. : 206/ic/PR-6/S-160, n° 6

LE PATRIMOINE BÂTI

Le manoir

Clef de voûte du grandiose projet de domaine idéal imaginé par Louis-Joseph Papineau, le manoir seigneurial est un vaste bâtiment rectangulaire en pierre qui devait être flanqué à l’origine de quatre tours. Deux d’entre elles furent effectivement érigées à la fin de la campagne de construction intensive du manoir, de 1848 à 1850. Au sud-ouest, une autre petite tour logeant les latrines est contemporaine des tours sur l’angle dont elle partage le plan octogonal. Papineau fit ériger une autre tour hors-oeuvre, de plan carré cette fois, pour tenir lieu de bibliothèque; elle date de 1856, mais on lui ajouta un étage en 1880. L’année suivante, soit en 1881, Amédée Papineau, héritier du domaine après le décès de son père, fit construire une allonge au grand salon, qu’on nomma « le salon bleu »; elle est à cinq pans hors-oeuvre. Depuis lors, le manoir n’a pas connu de transformation radicale au dehors, si ce n’est qu’un incendie détruisit le toit octogonal d’une des tours en 1892, lequel laissa place au toit conique que nous lui connaissons aujourd’hui.

L’édifice témoigne du mouvement « pittoresque » par l’éclectisme de sa composition. La façade donnant sur la rivière, de l’aveu même du fils aîné de Papineau, ressemble à « un manoir de Normandie ». Les murs de croupe et la façade principale sont de la famille des grandes maisons de l’époque Regency, avec la longue galerie protégée par un avant-toit en porte-à-faux. Un belvédère d’observation placé au sommet du toit à terrasse faîtière témoigne par ailleurs de l’influence déterminante du mouvement « pittoresque ». Le fenêtrage de la façade principale reste résolument classique, l’étage-noble y étant désigné sans équivoque par la forte dimension des baies à ce niveau.

La porte d’entrée néo-classique s’ouvre sur un intérieur dont le plan à vestibule central est classique. Le niveau du soubassement était réservé aux pièces de service avec sa cuisine, son garde-manger, sa cave à vin et ses chambres de domestiques... Des chambres pour les domestiques se trouvaient également dans les combles, alors que les chambres de la famille occupaient l’étage.

L’un des traits particuliers de cette grande demeure tient sûrement à la présence des tours : l’une d’elles servait exclusivement à loger un escalier tournant à droite en porte-à-faux et assurant la communication à tous les étages. L’autre tour logea, dès les premières années, une serre sur ses deux niveaux inférieurs avant qu’une nouvelle serre ne soit aménagée en 1881 au soubassement du « salon bleu ».

Le rôle de Louis-Joseph Papineau, en tant que concepteur, ressort de différentes façons : le nombre de fenêtres, la présence des tours ou les grands axes du fractionnement de l’espace. Ce rôle se précise davantage lorsqu’on considère son concept initial, car Papineau voulait donner à son manoir l’image d’un « château féodal » flanqué de quatre tours, sorte de nid d’aigle dont le sommet aurait fourni tous azimuts des points de vue exceptionnels. Son projet fut transformé en cours de chantier. Toutefois, quand, en 1856, il en vint à la construction de son édifice fétiche, la bibliothèque, c’est au vocabulaire néo-gothique qu’il fit appel pour couronner sa tour qu’Amédée Papineau se plaisait à nommer « le donjon ». Ce caractère de féodalité fut encore renforcé, côté rivière, par un poulailler-colombier se dressant au haut de l’escarpement, là où s’élève aujourd’hui le pavillon de thé; le colombier avait été, dans la jurisprudence féodale, un attribut du seigneur. La bibliothèque fut conçue pour protéger l’importante collection de livres de Papineau et pour y loger un bureau destiné à la sauvegarde des archives de la seigneurie et à la réception des censitaires.

La personnalité de Louis-Joseph Papineau transparaît encore en ce qu’il créa « Monte-Bello », moins pour lui-même que pour ses descendants. À cet égard, il apparaît ouvert à des suggestions : l’angle du toit du manoir, sa terrasse faîtière, la galerie unique ou le programme iconographique du balcon du mur gouttereau du sud proviennent des remarques décidément capitales de son fils Amédée. Soulignons spécifiquement le recours qu’ont eu les Papineau, père et fils, aux emblèmes nationaux pour en faire des motifs décoratifs, soit le castor et la couronne de feuilles d’érable.

Le manoir vers 1915
Le manoir vers 1915
La photo illustre l’angle sud-ouest de la façade arrière du bâtiment, avec ses deux grandes tours octogonales, sa petite tour des latrines et sa tour carrée logeant la bibliothèque.

© Parcs Canada / Fonds Renée Papineau-Christie (FA-510; S-54-5) Reproduction: Parcs Canada nég. : 206/ic-1F/PR-6/S-54, n° 5

Les dépendances

Outre le manoir, le domaine seigneurial comptait un certain nombre de dépendances dont plusieurs subsistent toujours; toutes érigées au XIXe siècle, elles évoquent, avec beaucoup de caractère, diverses tranches de vie de l’ancien domaine des Papineau.

Construit en 1855, le hangar à grains fut d’abord destiné à servir d’entrepôt pour les grains des censitaires qui payaient leurs redevances en nature. L’édifice est commodément situé sur le domaine, près de la barrière du chemin du cap qui constituait la voie de service du manoir. Il s’agit d’un édifice de briques sur carré de pierre, coiffé d’un toit à deux versants, supporté par des consoles dans le goût néo-gothique. En façade, le toit porte un petit pigeonnier sous une flèche à la pointe de laquelle culmine une girouette.

Façade et mur gouttereau ouest du hangar à grains vers 1920
Façade et mur gouttereau ouest du hangar à grains vers 1920

© Parcs Canada / Fonds Renée Papineau-Christie.
Reproduction : Parcs Canada nég. : 206/ic-1F/PR-6/S-27, n° 10

L’espace intérieur comprend un soubassement accessible uniquement de l’extérieur, un rez-de-chaussée ainsi qu’un espace logeable sous les combles qu’on atteint par un escalier intérieur. Le gendre de Louis-Joseph Papineau, le peintre Napoléon Bourassa, eut son atelier à l’étage du hangar entre 1858 et 1871. Cette pièce est d’un intérêt capital puisque ses murs et son plafond conservent des épures peintes à la fresque.

La façade avant du manoir (avant 1930)
La façade avant du manoir (avant 1930)
À noter, sur la gauche, l’un des pans de l’allonge hors-oeuvre ou « salon bleu » construite en 1881 par Amédée Papineau.

© Parcs Canada / Fonds Clara Barbara Joy (SA/JA-50; S-124-8) Reproduction: Parcs Canada nég. : 206/ic-1S/PR-6/S-124, n° 8

En 1880, à l’instigation d’Amédée Papineau, un bâtiment fut édifié à proximité du manoir pour servir de musée familial. Le volume rectangulaire de l’édifice est d’esprit néo-classique et il portait un toit à deux versants dont la corniche, à chaque mur pignon, se résolvait en un retour interrompu. Composée de fermes portant pannes, la charpente comprend des jambes de force en croix de Saint-André qui permettent de libérer le volume intérieur. À l’exception de la façade qui est en pierre, les trois autres murs du carré sont en brique. La façade intègre deux éléments d’esprit néoroman, soit une baie de porte à arc en plein cintre que surmonte une curieuse baie de fenêtre tripartite ornée de colonnettes.

À compter de 1920 environ, les Papineau vidèrent le musée des souvenirs accumulés, dont témoignent d’éloquentes photographies d’époque. L’ancien musée aurait alors servi de gymnase. En 1935, l’édifice du musée fut affecté au culte religieux anglican et, sous l’appellation de Christ Church, il continue de remplir cette fonction.

Vue de la façade en pierre du mur pignon est du musée de Louis-Joseph-Amédée Papineau (avant 1929)
Vue de la façade en pierre du mur pignon est du musée de Louis-Joseph-Amédée Papineau (avant 1929)

© Parcs Canada / Fonds Jacqueline Papineau-Desbaillets.
Reproduction: Parcs Canada nég. : 206/ic-1G/PR-6/S-65, n° 10
L'intérieur du musée familial vers 1900
L'intérieur du musée familial vers 1900

© Parcs Canada / Fonds Renée Papineau-Christie (Fa-033)
Reproduction: Parcs Canada nég. : 206/ic-1F/PR-6/S-11, n° 1

Le pavillon de thé est associé aux Papineau tant par ses fondations qui remontent à Louis-Joseph Papineau, que par son carré en bois qui date de l’époque d’Amédée. En 1860, Louis-Joseph Papineau fit ériger un poulailler colombier dont la base était un carré maçonné. En 1887, une serre succéda à ce bâtiment, élevée sur les mêmes fondations. Vers 1913, on démolit la partie supérieure de la serre. La partie résiduelle devint le pavillon de thé. Le bâtiment fut maintes fois réparé par la suite. Son carré en bois excède de trois côtés la base maçonnée qui le supporte. Le pavillon, qui évoque la partie haute d’une tour à l’italienne, se présente aujourd’hui de la manière qui suit : un bahut lambrissé supportant un jeu de châssis vitrés logés entre des poteaux de coin et des poteaux intermédiaires – traités en pilastres – et ce, sur les quatre faces; au sommet, il y a un auvent de pour tour qui, jusqu’à une récente dépose, était dominé par une balustrade de couronnement. À l’intérieur, le plafond est fait de planchettes. Le carré maçonné renferme l’émergence d’un rocher. Le pavillon de thé témoigne de toutes les phases marquantes de l’occupation des Papineau et, notamment, celle qui précéda la vente du domaine alors qu’il servait de lieu de détente où on prenait le thé durant la belle saison.

Le pavillon de thé vers 1915
Le pavillon de thé vers 1915

© Parcs Canada / Fonds Jacqueline Papineau-Desbaillets (GA-162; S-79-10)
Reproduction: Parcs Canada nég. : 206/ic-1G/PR-6/S-79, n° 10

Gustave Papineau, l’un des fils de Louis-Joseph, décéda au manoir en décembre 1851 et fut inhumé dans l’église paroissiale. Ce deuil fit germer dans l’esprit de Louis-Joseph et d’Amédée Papineau l’idée d’un mausolée familial, l’actuelle chapelle funéraire*. Celle-ci fut construite en pierre en 1853-1854, dans un style alors qualifié de « gothique rustique ». En témoignent les contreforts d’angle qui flanquent la façade, la baie de porte en arc brisé de même que la conception de la charpente qui intègre soit l’arc brisé, soit la fausse clé pendante, ainsi que la facture du décor plâtré qui est omniprésent (culs-de-lampe, consoles, statuettes, tableaux en relief, colonnes, etc.). Le chantier de construction de la chapelle a été supervisé alternativement par Louis-Joseph Papineau et son fils Amédée, d’après les plans de ce dernier.

La chapelle funéraire en 1993
La chapelle funéraire en 1993

© Parcs Canada / Parcs Canada, Collection Imagerie
Photo: Jean Audet, nég. : 206/00/PR-6/S-33, n° 3

Les membres de six générations de Papineau ont été inhumés soit dans la crypte, soit dans le cimetière extérieur. Les divers travaux d’entretien réalisés au XXe siècle n’ont pas entamé l’intégrité de cette construction exceptionnelle. La chapelle funéraire traduit concrètement une symbiose entre le concept de famille seigneuriale et celui de la seigneurie, une symbiose telle que la dépouille de Joseph Papineau, celui grâce à qui la Petite-Nation avait commencé d’exister, y fut transportée depuis Montréal, là où les Papineau avaient pourtant pris racine, pour soutenir la symbolique de la « famille fondatrice » de la dynastie des seigneurs.

L’édifice a conservé intact tout son mobilier meublant : un autel néo-gothique et ses accessoires, un grand nombre de statues majoritairement en plâtre, des compositions en plâtre en haut-relief et des plaques funéraires. Confiée en 1974 aux soins d’Héritage Canada, la chapelle funéraire a été classée bien culturel l’année suivante. Un organisme du milieu, la Société historique Louis-Joseph-Papineau, a charge de l’édifice et l’ouvre aux visiteurs.

Le kiosque (ancien campanile), dont la structure, la forme et même la fonction proviennent directement des ouvrages d’Andrew Jackson Downing, date de 1880. C’est à l’instigation d’Amédée Papineau qu’il fut d’abord érigé dans le voisinage immédiat du manoir, à l’angle nordest, mais en tant que campanile pour loger la cloche de la première église offerte à la fabrique par Louis-Joseph et Julie Papineau en 1821. Ce campanile et sa cloche scandèrent la vie du manoir jusqu’en 1903 au moins, c’est-à-dire jusqu’à la mort d’Amédée Papineau. Le campanile fut déménagé à l’angle nord-est de la pelouse frontale du manoir en 1929-1930. On lui a adjoint un banc rustique, lui attribuant ainsi une fonction de kiosque.

Près de l’actuel portail d’entrée nord-est qui donne accès au domaine, la maison du jardinier* – cette « chaumière gothique », comme se plaisait à l’appeler le fils aîné de Papineau – fut édifiée en brique, en 1855, pour servir de logis au jardinier qui contrôlait l’accès au domaine. Elle revêt l’allure d’un cottage anglais, tel qu’il était de bon ton d’en construire à l’époque.

La maison du jardinier en 1993
La maison du jardinier en 1993

© Parcs Canada / Parcs Canada, collection Imagerie Photo: Jean Audet,
nég. : 206/00/PR-6/S-31, n° 11

Louis-Joseph Papineau s’était intéressé dès 1852 à sa construction pour en faire peut-être, une maison de location. Il se ravisa pour fournir plutôt un logis au jardinier tout en situant cette demeure à l’entrée du parc pour contrôler l’accès au domaine. À cette époque, il avait déjà arrêté son choix quant au type de fenêtre qu’aurait la maison : des châssis vitrés à résille de petits bois en oblique pour enchâsser des verres en losange, à l’instar de ce qu’il avait vu en Angleterre. Au dehors, le carré de la maison a peu changé. Certains membres de la famille Papineau yont vécu de manière sporadique. À compter de 1930, l’intérieur du bâtiment fut réhabilité par le Seigniory Club pour y loger le directeur général du club privé et sa famille, et une cuisine fut ajoutée en annexe. Cet usage s’est perpétué jusqu’à nos jours, ce qui explique que la maison n’a pas été incluse dans le transfert de propriété intervenu en 1993.

L’écurie* actuelle est une construction postérieure à 1963, dont seul le carré maçonné inférieur remonte au temps des Papineau. Ce niveau inférieur servait d’étable pour les bêtes à cornes. L’écurie actuelle serait la troisième à avoir été édifiée sur le même emplacement.

LES RESSOURCES ARCHÉOLOGIQUES

Les ressources archéologiques du lieu étayent concrètement les temps forts de l’objectif de commémoration. Ainsi, l’évolution architecturale du manoir au temps de Louis-Joseph Papineau est documentée au plan archéologique par des éléments de l’infrastructure du bâtiment, de même que par des contextes stratigraphiques et des artefacts situés à proximité (dépotoir et autres sites).

De nombreux indices archéologiques subsistent encore dans le périmètre du lieu historique national et ses environs, qui attestent la conception que le seigneur Louis-Joseph Papineau se faisait de son domaine. Les vestiges de l’évolution et de l’utilisation du hangar à grains, de la maison du jardinier* et de sa remise*, de la chapelle funéraire* (avec son cimetière*) ou de la construction de bâtiments aujourd’hui disparus, tels la maison du meunier*, un moulin*, la maison de ferme* située près de l’entrée du pacage des chevaux*, une cabane à sucre*, des granges*... témoignent de cet aspect.

La serre construite par Louis-Joseph Papineau sur le mur sud du manoir témoigne pour sa part de l’intérêt qu’il portait à l’horticulture et, par ricochet, de l’importance qu’il accordait à l’aménagement paysager de son domaine.

D’ailleurs, de nombreuses ressources archéologiques relèvent de l’aménagement paysager du site (vestiges de chemins, d’allées, de sentiers, d’escaliers; vestiges de ponts et de ponceaux*, de prairies*, de clôtures* et de portails*; vestiges de jardins, de plates-bandes, d’un jet d’eau, d’une « grotte », de bassins à castors et à poissons, d’une digue et d’une cascade, de systèmes de drainage, etc.).

Enfin, d’autres ressources archéologiques révèlent certains aspects de la vie de la famille Papineau au domaine. Les recherches réalisées à ce jour indiquent que le site a fait l’objet d’un entretien minutieux par la famille Papineau dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cela dénote sans doute le souci de projeter une « image de marque » aux visiteurs tout comme aux habitants de la seigneurie et de la région. On peut donc présumer qu’il existait sur le domaine plusieurs dépotoirs où l’on disposait des déchets et des rebuts. Par ailleurs, plusieurs fosses* réparties dans le boisé au nord-est du manoir pourraient avoir servi de lieux d’enfouissement pour le contenu des latrines qui étaient vidangées régulièrement avant l’installation des toilettes à eau à la fin du XIXe siècle.

Le kiosque - ou campanile rustique - et les vestiges de la glarière sis au nord-est du manoir, en 1929
Le kiosque - ou campanile rustique - et les vestiges de la glarière sis au nord-est du manoir, en 1929

© Parcs Canada / Fonds Anne Bourassa
Reproduction Parcs Canada, Nég. : 206/ic-1D/PR-6/S-01, n° 9

Des vestiges architecturaux et stratigraphiques sont également témoins de certains aspects du mode de vie aisé, antérieur à l’apparition des « commodités » modernes, et de fonctions essentielles à la vie quotidienne. On peut citer en exemple les imposantes ruines de maçonnerie de la glacière située au nord-est du manoir. On doit également penser aux ressources associées à l’utilisation, après la mort de Louis-Joseph Papineau, des bâtiments et des aménagements existants, ainsi qu’aux constructions (musée, pavillon de thé, campanile/kiosque, annexe au manoir) et aménagements (sentiers, plantations, fontaine) qui s’ajoutent alors, notamment sous l’impulsion d’Amédée Papineau. Enfin, les ressources liées au chauffage, à l’éclairage, à l’approvisionnement en eau et aux égouts, tous des services essentiels à la vie au ma-noir, ne doivent pas être négligées.

La collection archéologique comprend pour sa part des matériaux de construction, dont certains, altérés par le feu, témoigneraient de l’incendie de 1892, des pièces de quincaillerie, des objets et matériaux associés à l’alimentation (vaisselle, contenants en terre cuite et en grès, bouteilles...), à l’horticulture (pots, échantillons de terre et de végétaux), à l’hygiène et aux loisirs. Certains éléments de la collection documentent les abords du manoir : la serre adossée à son mur sud, la glacière, le jardin situé au sud du chemin du cap et la zone qui sépare le manoir du hangar à grains.

Le « salon jaune » en 1886
Le « salon jaune » en 1886
Un portrait de Louis-Joseph Papineau, orné d’une guirlande pour souligner le centenaire de sa naissance, trône dans la pièce la plus prestigieuse du bel étage du manoir : le grand salon. Alors que Papineau avait fait acheter le lustre central spécialement pour Monte-Bello, les corniches des fenêtres, en forme d’arc, avaient été apportées de la maison montréalaise des Papineau, située rue Bonsecours.

© Parcs Canada / Fonds Renée Papineau-Christie.
Reproduction : Parcs Canada, nég. : 206/ic-1F/PR-6/S-63, n° 11

LE PATRIMOINE ETHNOLOGIQUE

On a identifié d’importantes collections d’objets et d’archives qui ont marqué la vie au manoir à l’époque de Louis-Joseph Papineau et surtout aux confins des XIXe et XXe siècles. Bon nombre de ces objets, toujours propriété de descendants de la famille Papineau, de collectionneurs et d’antiquaires, ont été offerts à Parcs Canada pour acquisition. Par ailleurs, plusieurs objets provenant du manoir se retrouvent dans des institutions ou des musées et sont disponibles pour des fins d’emprunt ou de reproduction.

Jusqu’à ce jour, plus de 800 objets provenant de ces diverses collections ont été inventoriés. Ces objets permettent de recréer le contexte d’une vie de famille dans un manoir seigneurial. Les artefacts nous aident à comprendre le contexte mobilier de l’ensemble du rez-de-chaussée et d’une partie de l’étage, avec maints détails des accessoires (tableaux, argenterie, verrerie, objets personnels) de cette résidence bourgeoise.

D’autres pièces sont répertoriées à divers endroits dans l’hôtel Château Montebello, notamment deux statues (un « Indien » et une « Diane ») qui ornaient jadis la porte d’entrée du Musée et faisaient partie de l’aménagement paysager du site. On compte également 33 objets qui appartiennent ou sont déposés à la Société historique Louis-Joseph-Papineau à Montebello.

La collection de Parcs Canada est composée, pour sa part, de mobilier, d’accessoires, d’éléments décoratifs et de pièces vestimentaires provenant du lieu. La collection compte en outre certains documents (affiches, cartes, cadastres) qui témoignent, entre autres, de la gestion de la seigneurie. Présentement, la collection compte 74 objets associés à l’objectif de commémoration. Un lot de 482 objets (pièces de mobilier, luminaires, oeuvres picturales, tapis, draperies, miroirs, bibelots, articles reliés à la lecture, l’écriture, les travaux manuels), ne peut être associé, pour le moment, à l’objectif de commémoration et est identifié comme un ensemble de biens ayant appartenu au Seigniory Club. La valeur de cet ensemble reste à déterminer.


  1. Il s’agit de moins de 1 % de la superficie totale du domaine au temps de Louis-Joseph Papineau.
  2. Serré entre la rivière des Outaouais et la route 148 (rue Notre-Dame), au nord, le lieu historique national totalise quelque 15,5 hectares.
  3. Andrew Jackson Downing (1815-1852), paysagiste et architecte étatsunien, s’est fait connaître par ses publications sur les jardins et l’architecture du paysage. Il atteignit une notoriété internationale suite à la publication, en 1841, de son Treatise on the Theory and Practice of Landscape Gardening.

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